OMC: NOUVELLES 2005

1 novembre 2005
SERVICES

Redéfinir ce que signifie ‘consensus’ à l'OMC ?

Lettre ouverte au Directeur général de l'OMC — Pascal Lamy

Cher M. Lamy,

Les organisations de la société civile soussignées sont indignées par la méthode profondément anti-démocratique utilisée pour élaborer le projet de déclaration ministérielle sur les services, qui ne tient pas compte des inquiétudes de la majorité. Cette façon de procéder donne une nouvelle définition du mode de décision par “consensus” qui suscite un consensus avant d'inclure un point dans le texte de négociations ; il apparaît désormais qu'au moins dans le cas du Conseil pour le Commerce des Services, le Président peut inclure des points présentés par des membres qu'il soutient, même s'il n'y a pas d'accord, et que ces points ne peuvent être retirés que s'il y a un consensus total parmi les 148 états membres.

Le 13 octobre, le Président du Conseil pour le Commerce des Services, l'ambassadeur mexicain Fernando de Mateo, a fait circuler une première “Note du Président” sur des “éléments possibles d'un projet de déclaration ministérielle sur les services” (JOB(05)/234. A la rubrique Objectifs des négociations, M. l'Ambassadeur Mateo reprend les points suivants

  • Objectifs modaux ou autres objectifs multilatéeraux spécifiques

  • Objectifs sectoriels et modaux tels qu'exprimés par des membres de façon individuelle

ou sous “Approches”

  • Approches plurilatérales, sectorielles – et/ou propres à un mode

  • Approches multilatérales (par exemple liée à une décision particulière)

  • Indicateurs et objectifs chiffrés.

Or ces éléments ne jouissent pas du soutien de l'ensemble des membres. Ainsi les normes minimales, les approches spécifiques au mode ou les objectifs chiffrés visant tous à accélérer les négociations sur l'AGCS ont été vigoureusement rejetés par un grand nombre de PVD dont des PMA. Les nombreuses déclarations qui émaillent els réunions de ce Conseil le prouvent à suffisance. Plusieurs délégations avaient demandé que ces questions soient retirées ou mises entre parenthèses vu l'absence de consensus. Elles font également remarquer le manque de cohérence qui fait que la section sur les “Règles” renvoyant aux négociations sur les mécanismes de sauvegarde d'urgence (emergency safeguard mechanism, ESM) a, elle, bel et bien été mise entre parenthèses alors qu'il avait été convenu de la négocier. De même, elles ont répété qu'il faudrait renforcer l'architecture actuelle de l'AGCS par l'ajout d'un paragraphe dans les Principes.

En dépit de ces objections, les nouvelles propositions sur de nouvelles approches ont réapparu (toujours pas entre parenthèses) dans le second projet de l'Ambassadeur Mateo, du 20 octobre (JOB(05)/234/Rev.1), et se trouvent développées dans le projet de déclaration ministérielle sur les services communiqué le 26 octobre (JOB(05)/262). Un deuxième projet sera communiqué le 3 novembre – ce sera le texte que le Président entend amener à Hong Kong. Alors que le Président inclut dans le texte des éléments qui ne jouissent pas du consensus, selon lui, pour en retirer le moindre élément, il faudrait un consensus de tous les membres ! Dans le même temps, ce qui est déjà acquis comme objet de négociations, les mesures de sauvegarde, une promesse déjà formulée dans le cycle de l'Uruguay comme on peut le voir à l'Article X.1 de l'AGCS, mais qui ne suscite pas l'enthousiasme des pays développés, n'a pas été repris par le Président dans son projet de texte. Ce projet ne comprend pas de proposition visant à renforcer l'architecture actuelle de l'AGCS non plus.

Nous nous trouvons ici devant deux questions préoccupantes :

Tout d'abord, l'introduction d'approches multilatérales comme des indicateurs et objectifs chiffrés – qui obligent les pays à ouvrir un certain nombre de secteurs – entrave la flexibilité qui avait été maintenue dans l'AGCS et met en péril les objectifs de développement des PVD. Même des approches plurilatérales sont problématiques puisque les négociations seront dominées par les pays jouissant de la plus grande capacité exportatrice. Ceux qui prennent part aux négociations joueront un rôle déterminant dans des questions critiques comme les classifications au sein d'un secteur en même temps qu'ils fixeront les critères de ce qui est acceptable dans ces accords plurilatéraux. Ces normes respecteront les intérêts des grandes entreprises. A en juger par ce qui s'est passé dans les accords du secteur financier et des télécoms, nous n'avons aucune garantie que certains membres ne seront pas soumis à une pression intense afin qu'ils souscrivent à ces accords plurilatéraux. Ceux qui voudraient s'y rallier plus tard s'apercevront que les règles du secteur sont déjà fixées et favorisent les intérêts des multinationales.

Notre autre source de préoccupation est la méthode utilisée. De même que nous avions mis en cause la façon dont le Président du Conseil général avait préparé le projet de déclaration ministérielle “sous sa propre responsabilité” et sans accord des membres pour la conférence ministérielle de Cancun, nous mettons en cause une manière d'agir similaire deux ans plus tard. Manifestement, c'est une méthode qui n'est ni ouverte à tous ni transparente. Nous devons vous demander, M. Lamy, si l'approche de l'Ambassadeur Mateo représente une nouvelle façon de définir le consensus à l'OMC ? Le Président est-il libre de mettre sur la table des éléments qui ne recueille pas le consensus puis d'exiger le consensus pour tout amendement à son texte ?

En tant que Président du Comité des négociations commerciales, vous avez laissé entendre que vers la mi-novembre vous pourriez mettre sur la table un projet de déclaration ministérielle reposant sur les projets reçus des présidents des différents comités de négociations. Le texte que vous présenterez reprendra-t-il ce qui est proposé par des comités qui ont travaillé de façon aussi douteuse que ce que nous venons d'exposer le Conseil pour le Commerce des Services ?

Nous attendons avec impatience vos éclaircissements sur ce sujet et espérons qu'à l'avenir comme par le passé le projet de déclaration ministérielle sera présenté aux Ministres des Etats membres de l'OMC comprendra entre parenthèses les positions de tous les Membres sur les questions où il n'y a pas de consensus. Les organisations de la société civile dans les états membres de l'OMC considèrent qu'il est de votre responsabilité de faire en sorte que le projet de déclaration ministérielle qui sera remis aux Ministres avant Hong Kong reflète les intérêts et les positions des Membres de l'OMC et tout particulièrement, dans le cadre de ce cycle de Doha pour le développement, des pays en voie de développement. Si ce n'est le cas, le système de commerce “multilatéral” et “réglementé” apparaîtra comme une sinistre comédie.

 

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Groupes signataires

1. 11.11.11 - Coalition of the Flemish North-South Movement, Belgium
2. ActionAid International
3. Africa Faith and Justice Network, U.S.
4. Alliance for Democracy, U.S.
5. Arab NGO Network for Development (ANND)
6. Asóciacion Nacional de Empresas Comercializadoras, Mexico
7. ATALC-FoE, Latin America & Caribbean
8. ATTAC France
9. ATTAC Japan
10. ATTAC Norway
11. Australian Fair Trade and Investment Network (AFTINET), Australia
12. Bangladesh Krishok Federation, Bangladesh
13. Begegnungszentrum fuer aktive Gewaltlosigkeit (Center for Encounter and active Non-Violence), Austria
14. Berne Declaration, Switzerland
15. Both ENDS, The Netherlands
16. BUND - Friends of the Earth, Germany
17. California Coalition for Fair Trade and Human Rights, U.S.
18. Campaign for the Welfare State, Norway
19. Center of Concern, U.S.
20. Centre for International Environment Law (CIEL), U.S.
21. Centro de Investigación y Documentación Chile-América Latina (FDCL),
22. Christian Aid, U.K.
23. Citizens Trade Campaign, U.S.
24. Confederacion Campesina Del Peru
25. Congress of South African Trade Unions (COSATU), South Africa
26. Convergencia de los Pueblos de la Amèricas-COMPA, Repùblica Dominicana
27. Ecumenical Coalition on Tourism, Hong Kong
28. Emergence of Projects, Austria
29. Equipo Pueblo, Mexico
30. FAIR, Italy
31. Focus on the Global South (FOCUS)
32. Foodfirst International Action Network (FIAN), Mexico
33. Friends of the Earth, U.S.
34. Fundacion Neno Zanchetta Lucca, Italy
35. Global Exchange, U.S.
36. Haiti Survie, Haiti
37. Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP), U.S.
38. Instituto de Estudos Sócioeconômicos (INESC), Brazil
39. International Gender and Trade Network (IGTN)
40. International Jesuit Network for Development
41. International Metalworkers Federation (IMF)
42. International Union of Food, Agriculture, Hotel, Restaurant, Catering, Tobacco and Allied Workers Associations (IUF)
43. LOKOJ Institute, Bangladesh
44. Maryknoll Office for Global Concerns, U.S.
45. NOAH-Friends of the Earth Denmark
46. Oxfam International
47. Polaris Institute, Canada
48. Public Citizen, U.S.
49. Public Services International (PSI)
50. REDES-FoE, Uruguay
51. Research Foundation for Science, Technology and Ecology, India
52. ROBA dell'Altro Mondo, Italy
53. Service Centre for Development Cooperation (KEPA), Finland
54. Southern Africa Contact, Denmark
55. Southern and Eastern African Trade and Information Negotiations Institute (SEATINI)
56. The Asia Project
57. The Centre for Research on Multinational Corporations (SOMO), The Netherlands
58. The Council of Canadians, Canada
59. The Mexican Action Network on Free Trade (Red Mexicana de Acción frente al Libre Comercio-RMALC), Mexico
60. The Oakland Institute, Canada
61. Third World Network (TWN)
62. Tierra Vida (Miembro de Accion internacional CONADES), Peru
63. Tradewatch, Italy
64. U.S. Columban Justice, Peace and Integrity of Creation Office, U.S.
65. United Church of Christ, Justice and Witness Ministries
66. War on Want, U.K.
67. World Economy, Ecology & Development (WEED), Germany
68. Women in Development Europe (WIDE)
69. World Development Movement (WDM), U.K.
70. World Forun of Fish Harvesters and Fishworkers
71. WTO Watch Group, Pakistan