OMC: NOUVELLES 2009

 

Déclaration de Pascal Lamy, Directeur général de l’OMC

Monsieur le Président,

Je vous remercie vivement de cette possibilité qui m'est offerte d'exposer mes vues et de cette occasion de dialogue avec l'ensemble des Membres au sujet des quatre prochaines années. J'espère que ce processus nous permettra d'oublier, ne serait-ce que brièvement, nos préoccupations quotidiennes, et de nous placer dans une perspective plus large.

Comme le disait le poète Carl Sandburg: “un politicien devrait avoir trois casquettes, ou plutôt trois chapeaux. Le premier qu'il pourrait jeter sur le ring, le deuxième qui lui servirait à parler de tout et de rien, et le troisième dont il ferait surgir un lapin s'il est élu”. La bonne nouvelle est que j'ai le chapeau; la mauvaise, c'est que nous n'avons pas encore le lapin!

Trêve de plaisanterie, j'aborde cet exercice dans un esprit très proche de celui qui était le mien en 2005: je souhaite rester au service de tous les Membres de l'OMC et contribuer au renforcement de cette Organisation.

Permettez-moi tout d'abord de réaffirmer mon profond attachement à l'objectif premier de l'OMC qui est d'ouvrir les échanges dans l'intérêt de tous. Nos valeurs politiques fondamentales demeurent la poursuite de l'ouverture, la garantie du principe de la nation la plus favorisée et d'un traitement non discriminatoire entre les Membres, ainsi que la ferme volonté d'assurer la transparence dans la conduite des activités de cette Organisation.

Je reste convaincu que l'ouverture progressive des marchés intérieurs au commerce international, avec des exceptions justifiables ou des flexibilités adéquates, permet de réaliser l'objectif du développement durable, de relever le niveau de vie des populations, de réduire la pauvreté et de favoriser la paix et la stabilité.

Mais cela ne signifie pas que les avantages d'une ouverture des échanges fondée sur des règles reviennent automatiquement à tout le monde. D'où la notion d'un “consensus de Genève” que j'avais évoquée dans cette même salle en 2005. En d'autres termes, une ouverture des échanges, mais aussi des politiques nationales et internationales appropriées qui aident à traduire cette plus grande ouverture des échanges en avantages réels, accrus et perceptibles pour nos citoyens.

Nous traversons une période de crise. Son impact social ne s'est hélas pas encore fait sentir en totalité et il en découlera inévitablement des pressions politiques. Et c'est précisément maintenant, alors que se multiplient les tentations protectionnistes, que la valeur du système commercial multilatéral nous apparaît le plus clairement. Le système GATT-OMC de règles commerciales mondiales patiemment édifié au cours des 60 dernières années est avant tout un gage de confiance pour les opérateurs économiques. Et comme la crise l'a montré, c'est la confiance qui fait aujourd'hui défaut pour remettre le monde sur la voie de la croissance.

C'est pourquoi notre principal objectif pour les années à venir est, à mon avis, de renforcer le rôle de l'OMC en tant qu'organisation globale chef de file du commerce mondial. Cela signifie qu'il faut que l'OMC soit plus axée sur le développement, plus conviviale, de manière que les avantages qu'elle apporte soient perçus par tous, grands et petits, riches et pauvres, forts et faibles.

Notre tâche centrale est d'ouvrir les marchés et d'élaborer des règles commerciales. C'est et ce sera notre mission. Notre travail est loin d'être achevé.

Si nous sommes tous d'accord sur cet objectif global, et je pense que c'est le cas, comment accroître nos chances de le réaliser?

D'après l'expérience acquise ces quatre dernières années et les consultations que j'ai eues avec nombre d'entre vous ces dernières semaines, il y a quatre domaines que nous devrions, à mon sens, nous employer à améliorer. Ces quatre domaines sont: les négociations; la mise en œuvre; la cohérence; et la communication.

Mener à bien les négociations

Contrairement à l'opinion courante, l'OMC ne se réduit pas à ses négociations. Mais l'exécution du mandat de négociation du Cycle de Doha reste l'épreuve qui décidera de notre capacité collective à renforcer le système commercial mondial. C'est pourquoi j'estime que la conclusion du Cycle du développement de Doha est et devrait rester notre priorité numéro un.

Au-delà des compromis nécessaires pour conclure le Cycle de Doha, et au-delà aussi de l'accès aux marchés qui en résultera, il y a sa valeur systémique extrêmement importante. L'aspect le plus précieux du Cycle de Doha est la certitude, la prévisibilité et la stabilité qu'il apportera au commerce mondial. C'est dans une période de crise telle que celle que nous traversons aujourd'hui que la valeur de cette police d'assurance augmente.

Le fait indéniable est qu'il est difficile de conclure le Cycle de Doha précisément parce que ses résultats seront substantiels: ce cycle représente deux ou trois fois plus que les précédents en termes de réductions des obstacles au commerce ou de disciplines nouvelles. C'est également un cycle axé sur les avantages pour les pays en développement — c'est un véritable Cycle du développement. En termes de réduction de droits et de subventions, les deux tiers bénéficieront aux exportations des pays en développement.

Ce qu'il nous faut faire à présent, c'est relancer le processus au niveau politique, en repartant de là où nous l'avons laissé l'an dernier.

Nous cheminons sur la voie du Cycle de Doha depuis sept ans et nous avons accompli 80 pour cent du trajet. Nous l'avons fait ensemble, grâce à un processus ascendant et inclusif. Les réalisations sont nombreuses: considérez d'où nous sommes partis: vous verrez que la liste des questions sur lesquelles les vues convergent est relativement longue. Je pense que le moment est venu de passer à la phase finale des négociations, c'est-à-dire de courir les derniers mètres.

Au-delà de Doha, de nombreuses idées circulent sur les domaines nouveaux qui pourraient faire partie des travaux futurs. Beaucoup d'entre elles ont été évoquées dans mes consultations avec vous. Prenez le changement climatique, à propos duquel je suis convaincu que la première chose à faire serait de conclure un accord multilatéral regroupant tous les gros pollueurs, accord que nous espérons tous voir se concrétiser à Copenhague. Des questions relatives à la sécurité alimentaire, à l'énergie, au travail, à la concurrence, à l'investissement ou au protectionnisme financier, quelle qu'en soit la définition, ont également été évoquées.

J'ai le sentiment que notre capacité à nous projeter dans l'avenir dépend de notre capacité à concrétiser le présent. Ces questions ne font pas partie de l'ordre du jour actuel. Évidemment, rien ne nous empêche de réfléchir à l'avenir, mais je pense que des travaux sérieux sur n'importe quel sujet futur ne devraient commencer que lorsque la ligne d'arrivée du Cycle de Doha sera bien en vue.

Permettez-moi de mentionner deux domaines qui sont inscrits dans notre mandat actuel et qui, selon moi, méritent une plus grande attention de notre part: les accords commerciaux régionaux et les règles d'origine.

Au sujet des ACR, il est difficile de voir pourquoi des concessions et des engagements aussi profonds sont souscrits aujourd'hui dans le cadre des accords préférentiels sans aucune conséquence dans le contexte multilatéral. Nous savons tous qu'il s'agit d'un sujet complexe et qu'il y a des différences entre les ACR qui visent une forte intégration régionale et les autres accords de libre échange. Mais, si nous croyons vraiment à la prévalence du principe de la nation la plus favorisée, nous devrions réfléchir collectivement pour trouver un moyen de “multilatéraliser” progressivement les concessions faites dans les accords de libre-échange. Du grain à moudre pour les négociateurs de l'article XXIV.

Au sujet des règles d'origine, il faut, à mon avis, s'attaquer de front à la prolifération de régimes différents — régionaux, bilatéraux ou même unilatéraux —, afin de simplifier la vie des exportateurs, des importateurs et plus généralement, des agents économiques.

Ces deux exemples — les ACR et les règles d'origine — montrent que le programme actuel de l'OMC est tout sauf dépassé. Une grande partie de ce que nous faisons aujourd'hui figurait déjà au programme du Cycle d'Uruguay, et même du Tokyo Round pour être plus précis! Mais le fait est que ces questions restent tout aussi pertinentes, sinon plus, pour les agents économiques aujourd'hui.

Il y a aussi un certain nombre d'idées qui circulent au sujet des processus de négociation. Beaucoup ont été explorées dans le rapport Sutherland ainsi que dans le rapport de la Commission Warwick.

Notre action est actuellement soumise à trois contraintes: la prise de décisions par consensus, l'intégration de tous les thèmes de négociation dans un engagement unique et un processus de négociation ascendant.

Je ne pense pas qu'il faille remettre en cause le “consensus au sujet du consensus”. La prise de décisions par consensus renforce la légitimité des accords obtenus dans une enceinte internationale, ce qui est nécessaire et souhaitable, car le degré de légitimité diminue à mesure que l'on s'éloigne des processus politiques internes.

La question est donc de savoir comment forger un consensus. La méthode bien connue des cercles concentriques est probablement la seule méthode efficace dont nous disposons. Mais elle exige un engagement rigoureux de tous en matière de transparence: chacun doit assumer sa part. Nous devons reconnaître qu'il n'y a pas encore assez de transparence dans la façon dont nous travaillons aujourd'hui — il y a donc matière à amélioration.

Nous devons aussi trouver les moyens d'avancer plus vite vers le centre de gravité sur chaque thème de négociation, d'accroître notre efficacité. Sur ce point, il y a à mon avis des enseignements à tirer des processus de négociation des autres enceintes internationales.

Les accords sectoriels et plurilatéraux ou des notions telles que la “masse critique” ont déjà été expérimentés. Mais là encore, je pense que cela ne devrait pas être l'objet principal de nos travaux à ce stade.

Améliorer la mise en œuvre

Le deuxième domaine auquel il faudra s'attacher à l'avenir devrait être l'amélioration de la mise en œuvre des Accords existants. Si l'on considère les fonctions de l'OMC, on observe un contraste frappant entre la sophistication des négociations, la solidité du mécanisme de règlement des différends et la fragilité de la surveillance et de la transparence, qui constitue néanmoins l'un des piliers du système commercial multilatéral.

Les mandats pour les notifications et les examens collectifs existent bien, mais selon moi leur mise en œuvre n'a pas reçu l'attention et les ressources voulues. Un certain manque de vision globale et de capacité d'analyse entrave la fonction de surveillance de l'OMC.

Il y a cependant quelques points positifs. Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne la transparence des accords commerciaux régionaux, par exemple. Et avec la surveillance des mesures prises en réponse à la crise, nous avons montré que nous pouvons collectivement utiliser ces mécanismes de façon plus musclée. Mais dans de nombreux comités, les notifications sont insuffisantes et — chose plus importante — leur qualité et leur examen laissent à désirer. Comme l'un de vous me l'a dit l'autre jour, nous avons collectivement fait preuve d'une certaine paresse dans ce domaine.

Il s'agit de savoir comment remédier à cette situation. Nous pourrions faire un meilleur usage de l'assistance technique, mettre davantage l'accent sur la capacité des Membres à se conformer à leurs obligations en matière de notification et mieux les préparer en vue d'examens collectifs plus efficaces. Nous pourrions rendre plus opérationnels les examens des politiques commerciales. Nous pourrions aussi établir de nouveaux modèles de présentation pour les notifications de manière qu'ils remplissent plusieurs fonctions. Une amélioration du processus de surveillance permettrait certainement d'accroître la confiance dans le système et d'éviter de surcharger le mécanisme de règlement des différends grâce à un système d'“alerte rapide”.

Quant au règlement des différends, j'ai le sentiment que globalement il fonctionne bien. Outre ce qui est négocié dans le cadre du processus d'examen du Mémorandum d'accord, certains domaines sont susceptibles d'améliorations; on pourrait par exemple réduire les coûts administratifs pour le Secrétariat — la longueur des communications et des annexes à traduire est un problème à résoudre — et mieux traiter des pics d'activité.

Le respect des décisions en matière de règlement des différends est également un domaine dont il faut s'occuper. Tout comme la participation des pays en développement au système de règlement des différends, pour laquelle je pense qu'il serait certainement bon de renforcer le Centre consultatif sur la législation de l'OMC. Et on pourrait aussi voir comment mieux recourir, et plus fréquemment, aux bons offices, à la médiation et à l'arbitrage, procédures qui sont prévues par les règles existantes.

Renforcer la cohérence

Il y a un troisième domaine sur lequel je voudrais aussi appeler votre attention: comment assurer davantage de cohérence aux plans aussi bien interne qu'externe.

Je commencerai par le Secrétariat: j'estime que, en dépit des progrès déjà accomplis, il reste encore à décompartimenter les divisions, à améliorer la communication interne, à accroître la mobilité du personnel, à utiliser les équipes spéciales — comme celle qui est chargée de suivre la crise — ou mieux partager nos compétences pour des activités telles que les examens des politiques commerciales, l'assistance technique et les accessions. Nous devrions également avoir davantage de sessions informelles et de séminaires avec les Membres, pour passer en revue l'ensemble des domaines d'activité de l'OMC.

Au plan externe, l'OMC est l'une des planètes de la galaxie de la gouvernance mondiale et son savoir-faire peut être mieux exploité pour relever les défis qui y sont associés. Les principaux composants de la gouvernance mondiale sont l'efficacité et la légitimité. Pour combiner ces deux éléments, la clé est la cohérence.

Nous avons utilisé notre capacité d'action collective pour assurer une approche plus cohérente des différentes questions touchant au commerce international et à l'économie. Ces quatre dernières années, nous avons renforcé le fonctionnement du mandat explicite concernant la cohérence qui lie l'OMC à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. Mais nous avons aussi œuvré pour accroître la cohérence entre les activités de l'OMC et celles d'autres organisations internationales et régionales. J'ai l'intention de poursuivre dans cette voie.

L'Aide pour le commerce et le Cadre intégré renforcé sont de bons exemples à cet égard. La surveillance des mesures prises dans le contexte de la crise actuelle en est un autre. Le financement du commerce extérieur et les récentes initiatives en vue de réunir les parties prenantes dans le cadre de l'OMC pour traiter cette question d'une manière globale sont aussi des exemples de notre capacité de promouvoir une approche cohérente des problèmes mondiaux. Il en va de même du Fonds pour l'application des normes et le développement du commerce (FANDC). Nous devrions faire fond sur tout cela à l'avenir, et nous intéresser davantage au niveau régional, qui prend de plus en plus d'importance, y compris pour notre assistance technique liée au commerce.

Nous menons des recherches communes avec d'autres organisations internationales, comme la CNUCED, l'OCDE, l'OIT et les banques régionales de développement. Une étude sur le commerce et le changement climatique réalisée conjointement par l'OMC et le PNUE va être publiée prochainement.

Sur un plan plus général, la création de passerelles avec le système des Nations Unies, dans la mesure où le commerce fait partie des objectifs du Millénaire pour le développement et où je participe moi même aux réunions du Conseil des chefs de secrétariat, devrait aussi aider à améliorer la cohérence entre nos activités et celles de la famille des Nations Unies.

Intensifier la communication

C'est un domaine où, malgré nos efforts, beaucoup reste à faire. Il y a toujours une disproportion entre les activités que nous menons entre nous — plus de 7 000 réunions ont lieu au Centre William Rappard chaque année — et l'intensité de l'interaction avec notre environnement et le public.

Commençons par nous-mêmes: l'interaction avec les petites délégations sans représentation à Genève doit encore être améliorée. Il faudrait examiner la proportion des ressources en matière de formation offertes à ces Membres, pour nous assurer que leurs besoins sont bien pris en compte.

Pour ce qui est de la communication avec les non-Membres, il y a la question des accessions, domaine sur lequel, comme beaucoup d'entre vous l'ont relevé, il faudra mettre l'accent ces prochaines années. Il y a un certain malaise parmi les Membres accédants, qui estiment que, pour l'accession, la barre semble toujours être placée plus haut. Les PMA ont exprimé des préoccupations spécifiques quant à l'utilisation des lignes directrices pour leur accession à l'OMC. L'accession est un processus complexe, nécessitant à la fois adhésion et capacité sur le plan intérieur, ce qui exige un travail considérable dans beaucoup de Membres accédants. Je pense cependant qu'il peut être utile que la question de l'accession, en particulier celle des PMA, soit l'objet d'efforts plus ciblés ainsi que d'une attention politique plus soutenue. Pour ma part, j'ai aussi l'intention de m'y impliquer quand cela sera nécessaire.

S'agissant de nos parties prenantes à l'extérieur — ONG, parlements, professionnels, universitaires, entreprises —, il est aussi nécessaire de renforcer le réseautage et d'accroître la transparence.

Ces quatre dernières années, nous nous sommes efforcés d'intensifier nos relations avec la société civile. Nous avons lancé un projet pilote d'accréditation des ONG locales pour faciliter leur accès aux locaux de l'OMC pendant les conférences ministérielles et les réunions du Comité des négociations commerciales et du Conseil général. Nous avons associé plus étroitement la société civile à l' organisation du Forum public de l'OMC, en lui permettant d'en définir elle-même la forme. J'ai moi-même été régulièrement en relation avec des ONG à Genève et pendant mes voyages, reconnaissant leur contribution à nos travaux.

Nous avons fait un meilleur usage de notre site Web et des moyens de diffusion électronique par le Web. Nous avons renforcé notre communication avec les universitaires, en particulier ceux des pays en développement. Cette semaine encore, nous avons lancé le concours pour le Prix du meilleur article décerné par l'OMC à de jeunes économistes.

Mais il y a plus à faire. Au cours des consultations que j'ai tenues avec la société civile avant cette réunion, plusieurs idées ont été exprimées. Par exemple, ouvrir davantage les examens des politiques commerciales ou associer plus étroitement la société civile sur le terrain lors des missions d'assistance technique de l'OMC. Ces idées méritent que nous les examinions ensemble.

Il faudrait, à mon avis, accorder une importance particulière aux parlementaires et à leurs collaborateurs qui jouent un rôle clé, en définitive, dans la conclusion d'accords et l'adoption de législations qui soient compatibles avec les règles de l'OMC.

La communication avec le grand public demeure cependant notre plus gros problème sur ce plan. L'OMC a une très grande notoriété, mais une faible popularité, même si les choses sont en train de changer, en particulier dans les pays en développement. L'OMC est trop complexe pour être conviviale. Communiquer au sujet de l'OMC c'est comme dire aux gens que Lord Jones est mort alors qu'ils ne savaient même pas que Lord Jones était vivant! La complexité de l'Organisation est un handicap — c'est un point qui mérite une réflexion approfondie. Nous devons réfléchir à une manière de communiquer qui soit plus proche des gens.

Nous avons amélioré le site Web de l'OMC, qui est très bien noté par les internautes, mais nous pouvons faire plus, en utilisant les trois langues.

En résumé, nous devons passer à la vitesse supérieure. L'asymétrie classique du jeu politique en matière commerciale — le grand nombre de ceux qui en profitent se taisent et le petit nombre de ceux qui en pâtissent donnent de la voix — signifie que la charge de la preuve nous incombe. Il nous appartient de démontrer le bien fondé de l'ouverture des marchés et d'une meilleure réglementation. Nous avons besoin d'une meilleure image radar de l'OMC dans les médias. Notre perception de l'opinion est toujours trop lacunaire, surtout dans le monde non anglophone. Il faut intensifier les contacts avec les médias nationaux et régionaux. Cela, le Secrétariat de l'OMC ne peut pas le faire seul; nous devons y travailler ensemble.

Un Secrétariat au service des Membres

Je vais maintenant parler du Secrétariat. Il est petit mais beau. De taille relativement petite, et donc capable de s'adapter rapidement aux changements dans les priorités, dans la charge de travail et dans les tâches. Beau parce qu'il regorge de personnes d'une intelligence remarquable, de professionnels efficaces et de personnels d'appui qui travaillent à votre service avec dévouement.

Mon objectif général, en tant que chef du Secrétariat, est de renforcer sa capacité d'appui aux Membres. Pour cela, il faut continuer à moderniser le Secrétariat, tout en lui gardant sa frugalité. Les modifications de la Version.3 ont accru la productivité — et continueront de le faire.

Quant au recrutement, je continuerai d'appliquer les principes de la compétence technique, du mérite et de la diversité. Ces quatre dernières années et même si globalement le renouvellement du personnel a été très limité, nous avons accru le nombre de nationalités représentées: nous avons ajouté huit nouvelles nationalités de pays en développement et de PMA. Soixante pour cent des professionnels recrutés au grade de départ sont venus de pays en développement et de PMA. La moitié ont suivi l'un de nos programmes de stages. Les deux tiers de nos stages ont été offerts à des jeunes professionnels venant de pays en développement et de PMA.

Mais nous devons faire plus pour améliorer la diversité, y compris en ce qui concerne la proportion hommes femmes, ainsi que pour améliorer nos stages destinés aux jeunes professionnels, comme certains l'ont suggéré, en particulier ceux de pays en développement et de PMA. Je continuerai dans cette voie.

Nous avons travaillé pour faire de l'OMC une organisation plus écologique en élaborant un plan de réduction des émissions. À cet égard, je pense que nous pourrions travailler ensemble pour utiliser davantage les moyens technologiques et réduire le flux de documents destinés aux délégations. En ce qui concerne le Secrétariat, j'ai l'intention de poursuivre l'objectif visant à avoir d'ici à 2012 un Secrétariat travaillant sans support papier.

S'agissant du bâtiment, notre but est de maintenir les coûts de rénovation dans les limites du montant qui a été convenu par les Membres. Les travaux de rénovation ont déjà commencé dans l'aide Sud, l'ensemble des travaux devant être terminé à l'automne 2012. D'ici là, nous aurons rénové le Centre William Rappard et construit son extension sur l'actuel parking Sud — pour autant que les spécificités politiques locales le permettent, naturellement. Je compte sur votre soutien et sur votre capacité de persuasion bien connue pour mener cette importante campagne au plan local!

Il y aura inévitablement au cours des travaux des désagréments que nous essaierons de limiter au minimum. Il y aura aussi des difficultés de stationnement, même si le Secrétariat a libéré la quasi totalité des places existant sur le site pour que vous puissiez les utiliser. Je compte sur votre compréhension face à tous les désagréments qui surviendront au cours de la période de rénovation et de construction.

Toujours à propos du Secrétariat, j'estime que nous devons accroître ses services, son appui et sa capacité d'analyse. La question recoupe tous les domaines d'amélioration que j'ai identifiés.

Nous ne pouvons pas travailler mieux sans accroître sérieusement notre capacité de recherche, d'analyse et de diffusion. Nous devons travailler encore pour améliorer nos bases de données, du point de vue de l'accessibilité et de l'interopérabilité. Mais produire et publier des données ne suffisent pas. Nous devons être capables de mieux les analyser et les diffuser. L'OMC doit s'imposer davantage comme organisme de référence pour les connaissances commerciales, c'est à dire pour l'analyse des données et statistiques mondiales concernant la politique commerciale. Nous devons passer de la production à l'interprétation, des chiffres bruts à leur compréhension. Et là encore, c'est une clé dans tous les domaines: négociations, surveillance, règlement des différends, coopération technique, et communication.

Nous devons aussi continuer à fonctionner comme un radar frontal pour les questions relatives au commerce, mais de manière plus systématique. Nous devons être pleinement informés des changements à venir et examiner les obstacles auxquels le commerce pourrait se trouver confronté dans le futur, pour être à la pointe de la connaissance des facteurs qui façonnent le commerce mondial, de manière à continuer à mieux vous servir. Cela exige un réseautage efficace — et donc une base plus solide à l'OMC, pour pouvoir fournir aux Membres simulations, quantifications, scénarios et options.

Les changements mis en place au Secrétariat à ce jour ont accru notre efficacité, mais nous travaillons quasiment au maximum de notre capacité. Pour pouvoir améliorer encore les services que nous vous offrons, pour pouvoir répondre aux demandes de travaux analytiques, nous devrons accroître nos ressources. Il faudra apporter des renforts au personnel en engageant davantage d'économistes, de juristes et de spécialistes de la communication. Il y a des possibilités de réaffectation que je continuerai d'exploiter, mais mon sentiment est que ça ne suffira pas.

En ce qui concerne le budget, j'ai adopté une approche simple: le budget est une prévision, ce n'est pas une autorisation de dépenser. S'il reste de l'argent, nous le rendons — et nous l'avons fait. Avec l'adoption d'un budget par activité nous vous rendrons des comptes plus précis. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de notre examen du prochain budget biennal. J'espère pouvoir compter sur votre soutien en la matière.

La situation actuelle du Régime de retraite du personnel de l'OMC est particulièrement préoccupante. Comme vous le savez, ce régime est placé sous la responsabilité collective du personnel et des Membres de l'OMC. Outre qu'il souffre de la crise, le plan accuse un déficit actuariel dont il faudrait s'occuper d'urgence. Je ne doute pas que les Membres s'attacheront à résoudre ce problème dans un avenir proche.

S'agissant des questions budgétaires, je suis préoccupé par les arriérés, en particulier ceux de nos Membres les plus pauvres. Il faudrait réfléchir à la manière d'effacer l'ardoise. L'accroissement des fonds d'affectation spéciale, et des tâches administratives onéreuses qu'ils supposent, est un autre sujet de préoccupation. Nous devrions sérieusement nous demander s'il est possible d'intégrer au moins une partie des activités actuelles financées par des fonds d'affectation spéciale dans le budget ordinaire.

Je voudrais, pour finir, aborder la question des réunions ministérielles de l'OMC, que vous avez été nombreux à soulever pendant nos consultations. Nous devrions dédramatiser les réunions ministérielles, en faire un exercice plus ordinaire au cours duquel les activités de l'OMC seraient examinées dans tous les domaines, en vue d'évaluer le niveau de satisfaction des Membres quant à la gestion de ces activités et de répondre aux priorités au niveau politique. Nous n'avons pas eu de réunion ministérielle depuis 2005 et, à mon sens, nous ne devrions pas laisser l'année 2009 s'achever sans en tenir une. L'organisation d'une réunion ministérielle ordinaire est une chose; la participation des Ministres aux négociations en est une autre. Nous ne devrions pas les confondre.

En conclusion, Monsieur le Président, je ne pense pas que l'OMC ait besoin d'un traitement de choc. Une refonte du système n'est pas nécessaire. En revanche, il faut établir une longue liste de tâches à accomplir pour renforcer le système commercial mondial. Je suis prêt à faire ma part et à aider les Membres à atteindre les objectifs de cette Organisation. L'OMC, en tant qu'organisme vivant, devrait continuer d'accroître sa capacité de réagir rapidement aux problèmes mondiaux, comme ceux qui se posent dans le contexte de la crise actuelle, et de contribuer à trouver des solutions à ces problèmes.

Le renforcement du système commercial multilatéral, en particulier grâce à la conclusion du Cycle de Doha, devrait être la lumière qui nous guide. Dans la constellation de la gouvernance mondiale, œuvrons ensemble pour que l'étoile OMC brille davantage.

Je vous remercie Monsieur le Président.

 

> Des problèmes pour visualiser cette page?
Veuillez écrire à [email protected] en indiquant le système d’exploitation et le navigateur que vous utilisez.