NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY


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> Allocutions: Pascal Lamy

  

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mme Francis,
Mesdames et Messieurs,

2011 restera gravée dans les mémoires comme une année de turbulence et d’instabilité.  Au moment où nous pensions être sortis de la crise économique de 2009, les perspectives de l’économie mondiale se sont nettement détériorées.  La forte volatilité des marchés financiers et les problèmes de dette souveraine ont entamé la confiance des entreprises et des consommateurs.  La croissance mondiale marque le pas partout dans le monde, provoquant un ralentissement des échanges.  Le chômage reste à des niveaux élevés inacceptables.  Les gains de développement acquis ces dernières années sont en train de fondre.  Au milieu de cette tourmente, des citoyens du monde entier descendent dans la rue pour demander stabilité, équité et responsabilité.  Ils réclament des solutions aux problèmes qui secouent notre monde interconnecté.

Face à la contraction des échanges, le système commercial multilatéral a servi de point d’ancrage aux politiques commerciales nationales.  Il a permis de les arrimer à nos valeurs d’ouverture, de non-discrimination, de transparence et de règle de droit.  Mais les fortes vagues amenées par la tempête menacent ce point d’ancrage et risquent maintenant de le faire céder.  Cela serait très dommageable.  Le coût d’un protectionnisme de forte intensité pour l’économie mondiale serait de l’ordre de 800 milliards de dollars, valeur estimée de la marge ou de la “dilution” dans les engagements contractés auprès de l’OMC aujourd’hui.

En améliorant la crédibilité de l’OMC, en faisant en sorte qu’elle continue d’aller de l’avant, vous pouvez contribuer à restaurer la stabilité et la prévisibilité au niveau mondial.  La solution passe par un système commercial plus libre, plus juste et plus favorable au développement.  Il sera plus facile de sortir de la crise dans un esprit de coopération mondiale.  Faire cavalier seul rendra l’entreprise plus longue et douloureuse.

Comme je l’ai indiqué dans la lettre que je vous ai adressée récemment, les travaux et les réalisations que vous avez menés à bien ces deux dernières années ont fait progresser le programme de travail de l’OMC.

Pas plus tard que ce matin, les 42 parties à l’Accord sur les marchés publics sont parvenues à un consensus sur un ensemble de mesures visant à ouvrir et à moderniser leur politique de passation des marchés publics.

Cette semaine marquera l’arrivée de quatre nouveaux Membres au sein de la famille de l’OMC (qui en comptera ainsi 157):  la Russie, le Monténégro et deux îles du Pacifique, le Vanuatu et le Samoa, qui sont des PMA.  Cela montre que l’adhésion au multilatéralisme et à ses valeurs reste forte.  Ces accessions feront aussi de l’OMC une organisation quasi universelle.

Vos travaux sur l’Aide pour le commerce ont solidement imposé le renforcement des capacités commerciales comme un complément nécessaire à l’ouverture du commerce mondial.  Suite au troisième Examen global de l’Aide pour le commerce, en juillet dernier nous avons maintenant un programme pour les travaux futurs qui vise à maintenir le financement et à montrer des résultats concrets.

Vous êtes aussi convenus d’améliorer les fonctions de surveillance de l’OMC, ce qui sera facilité par le Portail intégré d’information commerciale que nous lançons aujourd’hui.

Un grand nombre de différends extrêmement complexes ont été résolus pacifiquement, sans recours à des mesures de rétorsion incontrôlées, ce qui témoigne de la singularité et de la valeur du système de règlement des différends de l’OMC. 

Mais jusqu’ici, vous avez échoué lorsque vous avez tenté de modifier l’ensemble des règles de l’OMC en vue de rendre le commerce mondial plus juste et plus ouvert.  Le Cycle du développement de Doha est dans l’impasse.  En même temps, le nombre d’accords commerciaux bilatéraux et plurilatéraux ne cesse d’augmenter, ce qui montre que les avantages de l’ouverture des échanges ne sont pas remis en question.  Alors comment expliquer ce paradoxe?

Certains disent que les arrangements bilatéraux sont un moyen plus rapide de parvenir à l’ouverture du commerce car ils permettent aux participants de faire abstraction des questions les plus délicates sur le plan politique, comme l’agriculture et les subventions à la pêche, les règles antidumping ou les crêtes tarifaires.  Certains font valoir qu’il est plus facile de conclure des accords lorsque vous pouvez choisir vos partenaires.  Pour d’autres, cette multiplication tient davantage à des considérations géopolitiques qu’à des facteurs économiques.

Quoi qu’il en soit, il est temps que les Membres de l’OMC affrontent la réalité de cette contradiction toujours plus marquée.  Nous ne pouvons plus nous voiler la face.  Nous devons comprendre les causes profondes de notre incapacité à faire progresser l’ouverture du commerce multilatéral et un programme relatif à la réglementation, ainsi qu’à formuler une réponse collective.  Il ne sert à rien de rejeter la faute sur les autres.

Vous devrez régler le problème fondamental qui est à l’origine de l’impasse actuelle:  les divergences de vues sur ce qu’est un juste équilibre des droits et obligations dans le système commercial, entre des Membres ayant des niveaux de développement différents.  Quelle est la juste part des économies avancées et des marchés émergents dans les contributions et les aspirations.  Quelle est la juste combinaison de réciprocité entre des partenaires commerciaux ayant des niveaux de développement similaires et de flexibilité qui donnerait aux Membres plus faibles une marge leur permettant de s’ajuster à une plus forte concurrence.  Il est clair que, comme dans le cas des négociations sur le changement climatique, pour progresser dans les négociations commerciales multilatérales, il faudra apporter une réponse politique à cette question politique.

Vous estimez tous qu’il faudrait procéder pas à pas, en faisant progressivement avancer les volets du Cycle de Doha qui sont prêts, et en repensant ceux dans lesquels les divergences restent plus marquées.  Mais pour être crédible, il faut inscrire ce projet, et le plus tôt sera le mieux, dans un plan de travail opérationnel.

Toutefois, à mon avis, cela ne suffit pas.  Nous devons aussi examiner quels sont les véritables moteurs du commerce mondial pour aujourd’hui et pour demain, quels sont les obstacles au commerce pour aujourd’hui et pour demain, quelles sont les tendances du commerce pour aujourd’hui et pour demain, et comment le commerce peut continuer de générer développement, croissance et emplois, tout en faisant reculer la pauvreté.  Autrement dit, nous devons équiper l’OMC d’un logiciel du XXIe siècle.

Pour faciliter cette discussion, je réunirai en 2012 un “groupe composé de diverses parties prenantes de l’OMC” qui sera chargé d’examiner tous ces éléments et de faire rapport à tous les Membres pour la fin de l’année.  Je pense que cela peut nourrir utilement vos réflexions sur ce qu’est, et devrait rester, une organisation pilotée par ses Membres.

M. le Président, Mesdames et Messieurs,

Le système commercial multilatéral est à la croisée des chemins.  Dans une économie mondiale interconnectée en constante mutation, il est condamné à évoluer.  Soit il avance dans l’esprit de valeurs partagées et de coopération accrue, soit nous assisterons à un repli du multilatéralisme, à nos risques et périls.  Attendre des jours meilleurs est tout simplement impossible.  S’entendre pour ne rien faire reviendrait tout simplement à faire le choix du pire.

J’appelle aujourd’hui chacun d’entre vous à défendre les valeurs du multilatéralisme.  J’appelle les principaux acteurs à faire preuve de leadership et de courage politique pour agir ensemble en faveur de la poursuite de l’ouverture et des réformes commerciales.  J’appelle à accorder une place centrale aux intérêts et aux besoins des pays en développement et en particulier des pays les plus pauvres.  Et à commencer à réfléchir sérieusement aux graves conséquences de l’inaction alors que la crise s’aggrave.  Je vous appelle à agir maintenant pour que le système commercial multilatéral soit plus fort demain. 

Je vous remercie de votre attention.

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