NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY

“De nouvelles étapes dans la mesure du commerce en valeur ajoutée”

> Journée des données


POUR EN SAVOIR PLUS:
> Allocutions: Pascal Lamy

Brochure:
> Le commerce en valeur ajoutée  

M. le Secrétaire général,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais remercier les équipes de nos deux Organisations pour leur travail acharné et leur étroite coopération sur cette question.  L’OCDE a été un partenaire de confiance dans le cadre de notre effort collectif pour élaborer de nouveaux outils permettant de mesurer le commerce aujourd’hui.  Je suis impressionné par les résultats obtenus en quatre ans seulement, qui méritent de figurer au livre Guinness des records si l’on pense qu’il s’agit d’une initiative visant à renouveler un domaine aussi traditionnel et mature que les statistiques du commerce.

Outre l’OMC et l’OCDE, de nombreux autres organismes contribuent à notre objectif commun qui est d’améliorer nos connaissances statistiques sur le commerce au XXIe siècle, tels que l’IDE-JETRO et la Commission du commerce international des États-Unis.  La liste est longue et je ne pourrais pas les nommer tous.

Ce que nous dévoilons aujourd’hui résulte aussi de la convergence d’un certain nombre d’initiatives nationales et internationales, et je profite de la présence de Karel de Gucht aujourd’hui pour souligner le rôle pionnier qu’a joué le projet de base de données mondiale des entrées-sorties, qui a été soutenu par la Commission européenne.  Ce projet fait aussi partie des projets que le G-20 a identifiés comme méritant d’être davantage développés.

Quel intérêt pour l’OMC?

Je crois que c’est Mark Twain qui a dit:  “il existe trois types de mensonges:  les mensonges, les gros mensonges et les statistiques”.  Si je devais résumer l’intérêt que présente cette question pour l’OMC, je dirais qu’il s’agit de faire en sorte que les statistiques du commerce ne mentent pas ou, peut-être, plus modestement, de faire en sorte qu’elles mentent le moins possible!

L’OMC est une organisation qui est surtout connue pour son administration des règles commerciales multilatérales, pour les négociations commerciales multilatérales qu’elle mène, et pour le règlement des différends commerciaux.

Toutefois, au cours de la dernière décennie, on a de plus en plus fréquemment observé que la structure du commerce mondial avait changé et que l’objet des politiques commerciales des pays avait aussi fait l’objet d’un ajustement.  Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’expliquer le commerce mondial en se basant sur les théories commerciales traditionnelles ou de comprendre les gains de bien-être et leur répartition à l’ère de la mondialisation.

Les statistiques traditionnelles ne parviennent pas à bien rendre compte de la façon dont s’opèrent les échanges de produits manufacturés aujourd’hui.  Elles ne permettent pas non plus de saisir pleinement le rôle considérable que les services jouent dans l’industrie manufacturière.  Mais, ce qui est plus important, elles n’ont pas été suffisamment performantes pour faire en sorte que la politique commerciale prenne en considération ce qui compte le plus pour les gens:  l’emploi.  C’est un fait que, au cours des deux dernières décennies, les chaînes de valeur mondiale ont modifié la façon d’organiser la spécialisation internationale et de comprendre les avantages comparatifs.

C’est pourquoi, en 2007, j’ai demandé aux statisticiens de l’OMC de trouver un moyen de combler ce vide statistique.  Depuis, la crise mondiale de 2008-2009 et le “grand effondrement du commerce” collatéral ont attiré l’attention des analystes sur l’importance des questions considérées.  Comme je l’ai mentionné, en dehors de l’OCDE et de l’OMC, une vaste coalition d’organisations, d’instituts de recherche et d’offices de la statistique ont uni leurs efforts pour combler ce vide statistique.  La publication aujourd’hui de ces premières séries de données devrait être considérée comme un tournant dans cette coopération à long terme et dans cette entreprise impliquant de nombreux acteurs et parties prenantes.

Permettez-moi de mentionner trois résultats spécifiques qui montrent en quoi la mesure du commerce en valeur ajoutée modifie la façon dont nous devrions désormais comprendre le commerce et, partant, la politique commerciale.

Premièrement, le rôle des services.  Alors que les services représentent environ 20% du commerce total, leur part double lorsque nous examinons leur contribution à la valeur ajoutée qui est échangée à l’échelle internationale.  Les services incorporés dans la valeur des marchandises incluent la plupart des nouvelles fonctions économiques qui ont rendu possible la mise en place des chaînes de valeur elles-mêmes, telles que la recherche-développement et la logistique moderne.

Le fait de comprendre le rôle crucial que jouent les services à forte valeur ajoutée dans la réussite des chaînes de valeur revêt une importance particulière pour les pays industrialisés, car cela montre où peuvent résider les avantages comparatifs de ces pays et où le commerce a créé des emplois pour eux.  Par ailleurs, cette compréhension est également vitale pour les pays en développement, car elle montre l’importance de la facilitation des échanges et des services de transport de marchandises et des services de logistique pour rendre possible le commerce en valeur ajoutée.

Le deuxième résultat est l’importance que revêtent les importations de biens intermédiaires pour l’amélioration de la compétitivité des exportations.  Aujourd’hui, pour être un exportateur qui réussit, il est nécessaire d’être un importateur actif.  Pour dire les choses plus simplement:  “Les importations créent les exportations.”

Cela a d’importantes implications en ce qui concerne la façon dont nous devrions comprendre la politique commerciale d’aujourd’hui.  Le fait de réaliser que les importations d’un pays sont une bonne chose pour ses exportations modifie ce que les négociateurs commerciaux appellent “les intérêts défensifs”, ainsi que la façon dont ils évaluent l’équilibre coût/avantage lié à l’adoption de mesures commerciales correctives.  En outre, cela peut modifier la pertinence du bon vieux principe de réciprocité.

Le troisième et dernier point concerne la redéfinition des équilibres commerciaux bilatéraux, lorsque les importations et les exportations sont mesurées en fonction de leur véritable teneur en éléments nationaux.  Comme bon nombre d’entre vous le savent déjà, des déséquilibres pertinents sur le plan politique, tels que le déficit de la balance commerciale des États-Unis avec la Chine, diminuent de plus de 30% lorsque le commerce est mesuré, comme il devrait l’être, en valeur ajoutée et non en valeur commerciale brute.  Là encore, de bonnes statistiques commerciales peuvent fournir une base solide pour de bonnes politiques commerciales et macroéconomiques, pour de bons débats publics sous-tendant nécessairement les choix politiques, et elles peuvent aider à placer les négociations commerciales multilatérales dans le bon contexte.  Les politiques individualistes, que les politologues nomment les politiques du “chacun pour soi” ont nécessairement de graves conséquences négatives, non seulement pour les voisins, mais aussi pour le pays adoptant les mesures lui-même.

Grâce à la nouvelle série de données publiée aujourd’hui, j’espère que les analystes et les décideurs auront une meilleure perception de ces interdépendances.  Ce n’est que la première étape d’un long processus.  Les données sont préliminaires mais je crois que nous sommes sur la bonne voie, que nous sommes plus proches de la réalité du monde d’aujourd’hui.  Je suis convaincu que, grâce à nos efforts conjoints, l’amélioration des statistiques d’aujourd’hui contribuera à l’amélioration des politiques de demain.  En bref, il faut transformer les chiffres du commerce en information commerciale.

Je vous remercie de votre attention.

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