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DOHA WTO MINISTERIAL 2001: NOTES D'INFORMATION

LETTRE DE M. MIKE MOORE AUX JOURNALISTES

Les ministres vont façonner l'avenir à Doha


Chers amis,

Bienvenue à Doha.

Au cours de cette Conférence ministérielle, 142 gouvernements façonneront l'avenir du système commercial mondial du XXIe siècle. Je n'exagère pas en disant que ce que les Ministres décideront ici ces prochains jours déterminera si l'Organisation mondiale du commerce restera au centre des débats sur les politiques commerciales au cours des prochaines années.

Il a été dit que si l'OMC ne réussissait pas à lancer un ambitieux programme de travail ici, à Doha, elle entrerait en hibernation ou perdrait sa raison d'être.

Je ne le crois pas. Nous resterons le plus important arbitre mondial des différends commerciaux entre les nations, nous continuerons à fournir une assistance technique et une formation aux gouvernements désireux de participer plus activement au système commercial mondial et nous continuerons à effectuer les importants examens des politiques commerciales.

Cependant, je crois qu'il est vrai que Genève ne sera plus le pôle d'intérêt en matière commerciale pour beaucoup de pays si nous échouons à Doha. Je l'ai dit maintes fois parce que j'en suis convaincu: des négociations en vue d'une libéralisation des échanges commerciaux auront lieu l'année prochaine, la seule question est de savoir si elles seront bilatérales, régionales ou multilatérales.

Les accords commerciaux régionaux peuvent apporter une contribution importante à l'économie mondiale, mais ils ne remplacent pas un système multilatéral de règles commerciales non discriminatoires. À un moment où la coopération mondiale est plus importante que jamais, il serait non seulement regrettable mais encore dangereux de ne pas améliorer l'un des éléments essentiels de l'édifice international.

Hormis la nécessité de renforcer le système et l'Organisation, il faut, de toute évidence, envoyer des signaux de confiance à un monde dans lequel toutes les plus grandes économies doivent faire face au spectre de la récession. La dernière fois que les États-Unis, le Japon et l'Union européenne sont simultanément entrés en récession, c'était en 1975. La vitalité économique de ces trois Membres revêt une grande importance et pas seulement pour ceux qui y vivent. Un ralentissement de l'activité dans les grandes économies entraîne une diminution des exportations des pays en développement et une réduction des investissements directs dans les pays pauvres. Il en résultera un recul de l'emploi dans les pays en développement et des perspectives plus limitées pour l'élévation du niveau de vie.

Convenir de lancer un ambitieux programme de travail à Doha n'aura pas de conséquences immédiates pour l'économie mondiale, mais cela enverra un signal très fort en montrant que les gouvernements Membres de l'OMC sont conscients de la nécessité d'agir sur des questions d'une grande importance pour nos citoyens.

Tous les gouvernements Membres ne sont pas favorables à un ambitieux programme de travail et j'ai été critiqué pour avoir exhorté les Membres à amorcer un programme de travail de large portée à Doha. J'admets que l'on puisse penser différemment sur ce sujet, mais il importe de ne pas perdre de vue le fait que, pour les questions d'une réelle importance, le seul moyen de changer les règles et le fonctionnement de l'OMC est de procéder par voie de négociations. Après tout, nous sommes ici dans un lieu de négociation.

Lorsque les pays en développement disent qu'ils n'ont pas encore reçu tous les avantages qu'ils escomptaient du Cycle d'Uruguay et que l'OMC devrait faire davantage pour eux, je partage cet avis. Mais quelqu'un croit-il sérieusement que nous obtiendrons des modifications, sur le fond, de nos règles concernant l'agriculture, les textiles ou les mesures correctives commerciales autrement que par le biais de négociations?

Nous devons reconnaître qu'il y a dans notre Organisation des choses qui pourraient mieux fonctionner. Ceux qui nous critiquent n'ont pas tous tort. Cette Organisation doit faire davantage pour aider les pays pauvres grâce à l'accès aux marchés et à une assistance technique accrue. Nous devons faire mieux pour convaincre nos populations que les règles de l'OMC ne menacent pas la préservation de l'environnement. Nous devons travailler à réduire les déséquilibres dans un système agricole mondial qui voit les pays riches dépenser environ 1 milliard de dollars EU par jour en subventions qui sont souvent ruineuses et faussent les échanges. La réduction de ces subventions et le démantèlement des obstacles aux importations en provenance des pays en développement apporteraient à ces pays des avantages équivalant au triple du montant de l'aide publique au développement accordée par les pays riches.

En outre, nous devons examiner la manière dont l'Organisation est gérée. Malgré toutes ses grandes qualités, le système de règlement des différends pose quelques problèmes auxquels il faut remédier. Le différend concernant les bananes a mis en évidence la nécessité de régler la question de savoir comment et quand un gouvernement Membre peut prendre des mesures de rétorsion à l'encontre d'un autre, lorsque ce dernier n'a pas mis en œuvre une décision de l'Organe de règlement des différends. Nous devons examiner les moyens de permettre aux pays en développement de tirer davantage parti du système.

Nous devons également mieux servir les gouvernements Membres grâce à un système d'assistance technique disposant d'un financement suffisant. Notre budget actuel ne couvre qu'une partie des coûts de notre assistance technique et le reste doit être financé par les contributions aux fonds d'affectation spéciale. J'apprécie la générosité des Membres qui ont contribué à ces fonds d'affectation spéciale. Cependant, sans des ressources suffisantes dans le budget primaire, nous ne pouvons pas planifier correctement nos activités d'assistance technique au-delà de l'année en cours. Nous devons trouver les moyens de remédier au déficit de développement par le biais de cours et de programmes améliorés qui permettent une meilleure participation des gouvernements n'ayant pas les moyens d'avoir des bureaux à Genève.

Tant que tous les Membres ne seront pas pleinement engagés dans le processus de négociation, avec l'assurance de comprendre toutes les questions, nous courrons le risque de créer de nouveaux problèmes de mise en œuvre à l'avenir. Aucune négociation entamée à Doha ne pourra aboutir si certains Membres se sentent exclus du processus, et le moyen de remédier à ce problème est de fournir une assistance technique accrue et mieux ciblée.

Je ne me fais aucune illusion quant au défi qui nous attend. Il ne sera pas aisé de trouver un compromis satisfaisant sur des questions comme la mise en œuvre, la brevetabilité de médicaments essentiels, l'agriculture, l'environnement, l'investissement et la concurrence. Mais nous devons le trouver, car le prix de l'échec est bien trop élevé.
 
 
Mike Moore
WTO Director-General