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DOHA WTO MINISTERIAL 2001: NOTES D'INFORMATION

COMMERCE ET NORMES DU TRAVAIL 

Une question difficile pour bien des gouvernements Membres de l'OMC

Aucune question ne suscite des débats plus intenses entre les gouvernements Membres de l'Organisation mondiale du commerce que celle du commerce et des normes fondamentales du travail.

À l'heure actuelle, les normes du travail ne font l'objet d'aucune règle ou discipline de l'OMC, et bien que la question revête toujours une importance majeure pour les gouvernements de certains pays développés, il est peu probable que la Conférence ministérielle de Doha en soit saisie officiellement d'une manière ou d'une autre.

Ceux qui préconisent d'inclure les normes du travail dans le futur programme de travail de l'OMC affirment que des droits tels que la liberté de négocier collectivement, la liberté d'association, l'élimination de la discrimination et des pratiques abusives sur le lieu de travail (y compris le travail forcé et certains types de travail des enfants) devraient faire l'objet d'un examen dans le cadre de l'OMC. Dans le passé, des gouvernements Membres ont proposé la création d'un groupe de travail de l'OMC chargé d'étudier le lien entre le commerce et les normes fondamentales du travail. D'autres gouvernements Membres ont suggéré qu'un groupe de travail, auquel participeraient un certain nombre d'organisations internationales, soit établi pour examiner les questions sociales sur lesquelles la mondialisation avait des répercussions.

Mais les pays en développement sont d'un avis différent. Les gouvernements Membres appartenant au monde en développement estiment que les efforts faits pour introduire cette question dans le domaine de compétence de l'OMC constituent une forme de protectionnisme à peine voilé visant à affaiblir l'avantage comparatif des pays en développement à bas salaires. De hauts fonctionnaires de ces pays affirment que les conditions de travail s'amélioreront grâce à la croissance économique et au développement et que cette évolution risque d'être entravée si les pays riches appliquent des sanctions commerciales à leurs exportations pour des motifs liés aux normes du travail. Pour eux, l'application de telles sanctions conduirait à pérenniser la pauvreté et à retarder les efforts de développement, notamment ceux qui sont destinés à améliorer les conditions de travail.

La question du commerce et des normes du travail a été soulevée devant l'OMC depuis sa création. En avril 1994 lorsque les Ministres du commerce se sont réunis à Marrakech pour signer le traité instituant l'OMC, presque tous ont émis une opinion sur cette question. Le Président de ladite conférence a conclu qu'il ne s'était dégagé, à l'époque, aucun consensus entre les gouvernements Membres et qu'il n'y avait donc aucune base d'accord sur la question. L'Accord de Marrakech lui-même indique, dans son préambule, que les “rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie (et) la réalisation du plein emploi …”. De plus, l'article XX de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 dispose que les gouvernements peuvent restreindre les importations “se rapportant aux articles fabriqués dans les prisons”.

À la première Conférence ministérielle de l'OMC qui a eu lieu à Singapour en décembre 1996, la question a été abordée et traitée dans la Déclaration ministérielle. Les Ministres ont déclaré ce qui suit:

“Nous renouvelons notre engagement d'observer les normes fondamentales du travail internationalement reconnues. L'Organisation internationale du travail (OIT) est l'organe compétent pour établir ces normes et s'en occuper, et nous affirmons soutenir les activités qu'elle mène pour les promouvoir. Nous estimons que la croissance économique et le développement favorisés par une augmentation des échanges commerciaux et une libéralisation plus poussée du commerce contribuent à la promotion de ces normes. Nous rejetons l'usage des normes du travail à des fins protectionnistes et convenons que l'avantage comparatif des pays, en particulier des pays en développement à bas salaires, ne doit en aucune façon être remis en question. À cet égard, nous notons que les Secrétariats de l'OMC et de l'OIT continueront de collaborer comme ils le font actuellement.”

La collaboration qui s'est établie entre les Secrétariats de l'OMC et de l'OIT prévoit la participation de l'OMC aux réunions d'organes du BIT, l'échange de documentation et une coopération informelle entre ces deux Secrétariats. Le Directeur général de l'OMC, M. Mike Moore, rencontre régulièrement le Directeur général du BIT, M. Juan Somavia.

À la troisième Conférence ministérielle qui s'est tenue à Seattle en décembre 1999, la question des normes fondamentales du travail a sans doute été le point le plus conflictuel de l'ordre du jour. Pendant la période qui a précédé la réunion, les États-Unis comme l'Union européenne avaient présenté des propositions tendant à examiner la question des normes du travail à l'OMC. Bien que de hauts fonctionnaires des États-Unis et de l'Union européenne aient affirmé qu'ils n'envisageaient pas le recours à des sanctions commerciales dans le contexte de la question des normes du travail, les gouvernements des pays en développement se sont farouchement opposés à ces deux propositions.

Lors de la conférence proprement dite, les États-Unis, l'Union européenne et les gouvernements d'autres pays développés se sont battus pour que la question soit traitée au sein d'un groupe de travail et ont eu gain de cause. Les débats qui se sont déroulés dans ce groupe ont été intenses et un désaccord profond s'est manifesté entre ses membres. En se rendant à la conférence, l'ancien Président des États-Unis, M. Bill Clinton, a déclaré à un journal de Seattle que, selon lui, des sanctions commerciales pourraient un jour être utilisées en guise de rétorsion en cas de violations des normes du travail. Le lendemain, la parution de cette interview a eu un impact considérable sur la conférence. Les représentants des pays en développement ont encore durci leur position et, malgré un débat sérieux sur la façon dont la question pourrait être examinée dans un cadre international, les participants n'ont pu parvenir à un consensus au sujet du rôle qui pourrait être dévolu à l'OMC en la matière.

Depuis la Conférence ministérielle de Seattle, des gouvernements du monde entier se sont tournés vers l'OIT, considérant qu'elle était l'organisation compétente pour traiter de cette question. Au cours de la réunion tenue en juin 2001 par le Conseil d'administration du BIT, plusieurs accords se sont dégagés au sein du Groupe de travail sur la dimension sociale de la mondialisation, sur la manière dont le groupe devait conduire ses travaux. Il a été convenu de façon informelle qu'il fallait améliorer les capacités techniques du Groupe de travail et déterminer à l'avance les questions dont l'examen devait être poursuivi. Il y a eu une large convergence de vues sur le fait que le Groupe devait se saisir de questions telles que la libéralisation du commerce, l'emploi et les investissements, en mettant tout particulièrement l'accent sur l'atténuation de la pauvreté.

La nécessité d'établir un forum permanent d'échange de vues a aussi été généralement reconnue. Des réunions de haut niveau pourraient être organisées en fonction des besoins. Les Membres sont aussi généralement convenus que la contribution de l'OIT au cadre international concernant la mondialisation devrait être renforcée et qu'il conviendrait de rédiger un rapport sur la dimension sociale de la mondialisation. Les opinions différaient à propos des questions qui pourraient être traitées dans ce rapport.

L'idée a en outre été avancée de créer, à l'échelle mondiale, une commission composée d'éminentes personnalités que serait chargée d'examiner la dimension sociale de la mondialisation, mais aucun accord n'a pu se faire sur ce point, bien qu'un consensus se soit dégagé sur le fait que cette idée méritait d'être approfondie à l'avenir.

À ce propos, le débat a notamment porté sur la suggestion de faire rédiger le rapport sur la mondialisation par cette commission, qui pourrait être mise en place sous l'égide du Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan. Il a en outre été question que le service de cette commission soit assuré par un secrétariat organisé par le BIT qui pourrait comprendre des représentants des secrétariats des autres organisations intéressées. L'ensemble de ces points sera définitivement arrêté par le Conseil d'administration du BIT lors de sa réunion de novembre 2001.

Les mesures prises en juin 2001 s'inscrivent dans la ligne de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée par l'OIT en 1998. Il est indiqué dans cette déclaration que les gouvernements Membres de l'OIT acceptent certains principes de base énoncés dans les conventions fondamentales de l'OIT. (Ces conventions portent sur les droits fondamentaux sur le lieu de travail, à savoir: liberté d'association et reconnaissance du droit de négociation collective; élimination de toute forme de travail forcé; abolition effective du travail des enfants et élimination de la discrimination dans les pratiques de recrutement et d'emploi.)

Les Membres de l'OIT sont convenus de respecter et de promouvoir ces conventions fondamentales même s'ils ne les ont pas toutes ratifiées. L'OIT publie des rapports annuels dans lesquels ses fonctionnaires donnent des renseignements fournis par les gouvernements qui n'ont pas ratifié toutes les conventions au sujet de tous changements qui pourraient être intervenus dans les lois et règlements adoptés au plan national et avoir des répercussions sur ces droits fondamentaux des travailleurs.

En 1999, les gouvernements Membres de l'OIT sont également convenus d'interdire et d'éliminer les pires formes de travail des enfants. Ils ont défini ces pratiques comme étant toutes les formes d'esclavage, la prostitution enfantine et la pornographie, l'utilisation des enfants dans le trafic de stupéfiants et les travaux susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité des enfants. Les gouvernements Membres de l'OIT ont dit qu'ils reconnaissaient que le travail des enfants était lié pour une large part à la pauvreté et que la solution à long terme pour éliminer l'exploitation et le travail dangereux des enfants passait par une croissance économique soutenue.