Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 11

Les pays en développement et le règlement des différends à l’OMC

Les chapitres précédents ont traité, du moins en partie, des cas où le Mémorandum d’accord se réfère spécifiquement aux pays en développement Membres et prévoit des règles spéciales applicables aux différends impliquant un pays en développement Membre. Ces règles prévoyant un traitement spécial et différencié vont malgré tout faire maintenant l’objet d’un chapitre distinct qui permettra d’examiner le sujet plus en détail. Ce chapitre abordera également d’autres aspects du rôle des pays en développement dans le système de règlement des différends.

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11.1 Les pays en développement Membres et le règlement des différends: théorie et pratique

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Il est généralement admis que l’existence même d’un système de règlement des différends multilatéral obligatoire est en soi particulièrement avantageux pour les pays en développement et les petites économies Membres. Un tel système, auquel les Membres ont également accès et dans lequel les décisions sont prises sur la base de règles plutôt que sur celle de la puissance économique, renforce la position des pays en développement et des petites économies en permettant aux “faibles” de lutter à armes plus égales contre les “forts”. En ce sens, tout système judiciaire d’exécution des lois profite plus aux faibles qu’aux forts puisqu’en l’absence d’un tel système, ces derniers auraient toujours d’autres moyens de défendre et d’imposer leurs intérêts.

Ce point de vue a parfois été contesté comme étant trop formel et théorique. Cependant, il importe de faire observer qu’en pratique, le système de règlement des différends de l’OMC a d’ores et déjà permis à maints pays en développement Membres d’avoir gain de cause dans le règlement d’un différend les opposant à de grandes nations commerciales, y compris en obtenant le retrait des mesures incompatibles avec les règles de l’OMC qu’ils avaient contestées.

En même temps, il est clair que les pays en développement Membres souhaitant bénéficier des avantages offerts par le système de règlement des différends se heurtent à des obstacles considérables. Il est fréquent, par exemple, que ces pays, et en particulier les plus petits d’entre eux, ne disposent pas d’un nombre suffisant de spécialistes de la substance du droit de l’OMC ou de la procédure de règlement des différends, qui sont très complexes. La jurisprudence de plus en plus abondante développée par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel fait que les responsables commerciaux du monde entier ont de plus en plus de mal à maîtriser à la fois la substance et les aspects procéduraux du droit de l’OMC, et d’en suivre l’évolution. En outre, il est souvent difficile pour une petite administration du commerce de pouvoir charger du suivi d’un différend l’un de ses rares fonctionnaires — lesquels sont déjà confrontés au défi de se tenir au courant de l’évolution de toutes les questions relevant de l’OMC. Un seul différend pourrait parfaitement maintenir un fonctionnaire occupé pendant une longue période — jusqu’à deux ans. Il pourrait aussi s’avérer difficile pour un pays en développement Membre de supporter pendant toute la durée de la procédure de règlement du différend le préjudice économique causé par un obstacle au commerce maintenu par un autre Membre. Si un tel obstacle au commerce amoindrit les possibilités d’exportation du pays en développement et qu’il est jugé incompatible avec les règles de l’OMC, il se peut que sa suppression n’intervienne que deux ou trois ans après le dépôt de la plainte à l’OMC.

Malgré ces difficultés, les pays en développement Membres ont participé activement au système de règlement des différends au cours des huit dernières années. Depuis 1995, ils ont participé en tant que plaignants à plus d’un tiers, et en tant que défendeurs à environ deux cinquièmes, de tous les différends.1 Ils engagent des procédures de règlement des différends contre des pays développés Membres comme contre d’autres pays en développement Membres. Pendant l’année 2001, 75 pour cent de l’ensemble des plaintes ont été déposées par des pays en développement Membres. À ce jour, les pays les moins avancés Membres n’ont participé ni en tant que plaignants ni en tant que défendeurs des différends soumis à l’OMC. La participation des pays en développement Membres en qualité de tierce partie est très fréquente et apporte une expérience précieuse aux Membres qui ne sont pas régulièrement impliqués dans des procédures de règlement des différends.

D’un autre côté, il est vrai que dans la majorité des différends portés devant l’OMC à ce jour, le plaignant était un pays développé Membre, et il en va de même en ce qui concerne les défendeurs. Compte tenu du fait que la majorité des Membres de l’OMC sont des pays en développement, on pourrait en déduire que les pays développés font un usage disproportionné du système de règlement des différends. Tirer hâtivement cette conclusion, cependant, serait méconnaître le fait que ces Membres, qui sont plaignants ou défendeurs dans la majorité des différends soumis à l’OMC, représentent l’essentiel des échanges commerciaux au niveau mondial. Leurs relations commerciales sont très diversifiées (dans tous les secteurs des biens et des services) et très importantes (en termes de volume ou de valeur), et accroissent considérablement la probabilité que des frictions se produisent à cause de l’existence d’obstacles au commerce que les Membres exportateurs voudront peut-être contester dans le cadre des procédures de règlement des différends.

On voit alors que, dans les faits, les pays en développement Membres sont confrontés à un problème. En effet, il se pourrait que le volume modéré des échanges visés par un obstacle au commerce, éventuellement incompatible avec les règles de l’OMC, maintenu par un autre Membre ne justifie pas toujours l’investissement considérable en temps et en argent requis pour porter un différend devant l’OMC. Il ne fait donc aucun doute que les pays en développement Membres se trouvent dans une situation spéciale que, dans une certaine mesure, le système actuel de règlement des différends prend également en compte. Il est aussi incontestable que la capacité des pays en développement Membres à user efficacement du système de règlement des différends est essentielle pour que ces pays soient en mesure de tirer pleinement parti des avantages auxquels l’Accord sur l’OMC leur donne droit. Les outils qui permettent de prendre en compte la situation particulière des pays en développement Membres sont les règles relatives au traitement spécial et différencié2 et l’aide juridique, qui sont exposées en détail dans les sections ci-après.

 

Notes:

1. Toute affaire dans laquelle un Membre présente une demande formelle de consultations à un autre Membre (voir la section sur le fondement juridique et les prescriptions concernant une demande de consultations) est considérée comme un “différend” au sens du Mémorandum d’accord. retour au texte

2. L’expression “traitement spécial et différencié” est une expression technique utilisée dans tout l’Accord sur l’OMC pour désigner les dispositions qui ne s’appliquent qu’aux pays en développement Membres. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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