Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 5

L’objet possible d’une plainte: compétence des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel

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5.5 Possibilité de contester des législations “en tant que telles”

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Les plaintes portées devant l’OMC sont souvent dirigées contre des mesures administratives spécifiques prises par les autorités d’un Membre conformément à sa législation intérieure, par exemple des droits antidumping imposés par une autorité antidumping à la suite d’une enquête visant certaines importations. Or, la législation sous-jacente elle-même peut également violer une obligation juridique dans le cadre de l’OMC ou annuler ou compromettre d’autres façons des avantages résultant des accords visés. L’article XVI:4 de l’Accord sur l’OMC établit clairement que les Membres doivent assurer la conformité de leurs lois, réglementations et procédures administratives avec leurs obligations au titre de l’Accord sur l’OMC, y compris ses annexes. En conséquence, les Membres invoquent fréquemment le système de règlement des différends contre une législation en tant que telle, indépendamment de son application ou sans attendre qu’elle soit appliquée. Par exemple, les allégations qui concernent des taxes établissant une discrimination à l’encontre des importations et enfreignant l’article III:2 du GATT de 1994 visent généralement la législation fiscale et non la taxe imposée sur une cargaison de marchandises spécifique à un moment précis d’un passé récent. Il est avantageux de contester avec succès une législation en tant que telle car l’action du défendeur au titre de la mise en ouvre, de préférence le retrait ou la modification de la mesure incompatible (article 3:7 du Mémorandum d’accord), visera également la législation en tant que telle et ne sera pas limitée à un cas isolé d’application de cette dernière.

 

Législation dispositive et législation impérative haut de page

Le droit de l’OMC établit une distinction importante entre la contestation d’une législation en tant que telle et la contestation de l’application de cette législation. Dans le cadre du GATT de 1947, les groupes spéciaux avaient déjà élaboré le principe selon lequel, lorsqu’une législation en tant que telle faisait l’objet d’une plainte, il convenait de faire une distinction entre législation impérative et législation dispositive. L’Organe d’appel a entériné cette distinction.1 Seule une législation qui impose une violation des obligations contractées dans le cadre de l’OMC peut être jugée en tant que telle incompatible avec ces obligations. En revanche, une législation qui donne seulement à l’exécutif d’un Membre le pouvoir discrétionnaire d’agir de façon incompatible avec l’Accord sur l’OMC ne peut pas être contestée en tant que telle. Dans ce cas, seule l’application effective de cette législation de façon incompatible avec l’Accord sur l’OMC est susceptible d’être contestée. Ainsi, lorsqu’un pouvoir discrétionnaire est conféré à l’exécutif d’un Membre de l’OMC, on ne peut pas présenter que le Membre de l’OMC va manquer de bonne foi à ses obligations au regard de l’Accord sur l’OMC.2 Suivant cette approche, le critère consiste à savoir si la législation en cause autorise ou non les autorités administratives à se conformer aux obligations contractées par ce Membre dans le cadre de l’OMC.

Toutefois, un groupe spécial a contesté que cette distinction soit en principe applicable à toutes les obligations dans le cadre de l’OMC. Il a insisté sur le fait que cela dépendait de la disposition précise de l’Accord sur l’OMC en cause et de la mesure dans laquelle cette disposition prohibait uniquement les lois impératives ou également les lois dispositives.3 L’Organe d’appel a récemment indiqué qu’il n’excluait pas “la possibilité qu’un Membre puisse manquer à ses obligations dans le cadre de l’OMC en promulguant une législation qui accorde à ses autorités le pouvoir discrétionnaire d’agir en violation de ses obligations dans le cadre de l’OMC”.4

 

Législation qui n’est pas encore en vigueur haut de page

Il peut arriver qu’une loi intérieure ait déjà été adoptée, mais ne soit pas encore entrée en vigueur. Autrement dit, la loi a déjà été adoptée sous sa forme finale mais il est prévu qu’elle ne prendra effet qu’à compter d’une date future. Les lois de ce type peuvent-elles être contestées dans le cadre du système de règlement des différends de l’OMC avant leur entrée en vigueur, étant entendu que les autorités législatives ont achevé leur travail de rédaction et que l’entrée en vigueur interviendra tôt ou tard et donc automatiquement? Ou est-il prématuré de contester une telle loi, étant donné qu’elle n’a pas d’effet juridique jusqu’à sa date d’entrée en vigueur, ce qui exclut toute violation du droit de l’OMC et peut également empêcher provisoirement l’annulation ou la réduction d’un quelconque avantage?

Plusieurs groupes spéciaux chargés du règlement des différends ont examiné ce type de question et ont constaté que la contestation n’était pas prématurée dans ces cas particuliers car l’entrée en vigueur interviendrait automatiquement à une date future et ne serait pas subordonnée à une action législative supplémentaire. Même si cette mesure n’avait d’effet juridique que dans l’avenir, elle avait déjà avant son entrée en vigueur une incidence sur les entités participant au commerce international dans la mesure où lesdites entités planifiaient généralement leurs transactions à l’avance.5

 

Notes:

1. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Loi de 1916, paragraphe 88, qui fait référence à des rapports de groupes spéciaux du GATT. retour au texte

2. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 259. retour au texte

3. Rapport du Groupe spécial États-Unis — Article 301, Loi sur le commerce extérieur, paragraphes 7.53 et 7.55. retour au texte

4. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis — Mesures compensatoires sur certains produits en provenance des CE, note de bas de page 334 relative au paragraphe 159. retour au texte

5. Par exemple, le groupe spécial chargé de l’affaire États-Unis — Fonds spécial pour l’environnement a insisté sur le fait que les articles III et XI du GATT de 1947 visaient aussi à créer les conditions de prévisibilité nécessaires pour planifier les échanges futurs. Il a noté qu’avant l’entrée en vigueur de la taxe en cause au début de la deuxième année suivant l’année du différend, des décisions en matière de commerce et d’investissement seraient prises, sur lesquelles la taxe pourrait influer. Voir le rapport du Groupe spécial États-Unis — Fonds spécial pour l’environnement, paragraphe 5.2.2. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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