Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION AU SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: CHAPITRE 6

Le processus — Étapes d’une affaire type de règlement des différends

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6.3 La procédure de groupe spécial

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Composition du groupe spécial

Une fois qu’un groupe spécial a été établi par l’ORD, il faut encore en déterminer la composition car il n’existe pas à l’OMC de groupes spéciaux permanents ni de personnes appelées à faire partie de groupes spéciaux à titre permanent. Au lieu de cela, la composition du groupe spécial doit être déterminé ponctuellement pour chaque différend, par sélection de trois ou cinq Membres, conformément aux procédures énoncées dans le Mémorandum d’accord (article 8 du Mémorandum d’accord).

Les groupes spéciaux sont composés de trois personnes à moins que les parties au différend ne conviennent, dans un délai de dix jours à compter de l’établissement du groupe spécial, que celui-ci sera composé de cinq personnes (article 8:5 du Mémorandum d’accord). Le Secrétariat propose aux parties au différend des personnes désignées comme membres du groupe spécial (article 8:6 du Mémorandum d’accord). Les candidats potentiels doivent remplir certaines conditions en matière d’expertise et d’indépendance (article 8:1 et 8:2 du Mémorandum d’accord). Les membres des groupes spéciaux sont choisis parmi des personnes ayant ou non des attaches avec des administrations nationales, désignées par les Membres de l'OMC et figurant sur une liste indicative, bien que d'autres noms puissent aussi être pris en considération. La liste est tenue par le Secrétariat  de l'OMC (article 8:4 du Mémorandum d'accord) et revue périodiquement en fonction des modifications ou des ajouts présentés par les Membres de l'OMC. Comme il a été indiqué, il n’est pas nécessaire de figurer sur la liste indicative pour être proposé comme membre potentiel d’un groupe spécial appelé à connaître d’un différend donné. Les ressortissants d’un Membre partie ou une tierce partie à un différend ne peuvent pas siéger à un groupe spécial sans l’accord des parties (article 8:3 du Mémorandum d’accord). Lorsqu’un différend oppose un pays en développement Membre et un pays développé Membre, le groupe spécial doit, à la demande du pays en développement Membre, comprendre au moins un ressortissant d’un pays en développement Membre (article 8:10 du Mémorandum d’accord). Il est d’usage que les membres des groupes spéciaux soient des représentants des Membres de l’OMC chargés des questions commerciales ou des fonctionnaires responsables de ces questions en poste dans les capitales, mais d’anciens fonctionnaires du Secrétariat, des fonctionnaires gouvernementaux en retraite et des universitaires siègent aussi régulièrement à des groupes spéciaux. Ces personnes remplissent les fonctions de membres d’un groupe spécial à temps partiel en sus de leur activité professionnelle habituelle.

Lorsque le Secrétariat propose des personnes qualifiées comme membres du groupe spécial, les parties ne doivent pas s’opposer à ces désignations sauf pour des raisons contraignantes (article 8:6 du Mémorandum d’accord). Dans la pratique, de nombreux Membres invoquent très largement cette clause et s’opposent très souvent aux désignations. Dans ces cas, on n’examine pas si les raisons données sont réellement contraignantes et le Secrétariat propose d’autres noms. Si, selon cette méthode, les parties ne se mettent pas d’accord sur la composition du groupe spécial dans les 20 jours suivant la date de son établissement par l’ORD, l’une ou l’autre d’entre elles peut demander au Directeur général de l’OMC de déterminer cette composition. Dans les dix jours suivant l’envoi d’une telle demande au Président de l’ORD, le Directeur général désigne les membres du groupe spécial en consultation avec le Président de l’ORD et le Président du Conseil ou du Comité compétent, et après avoir consulté les parties (article 8:7 du Mémorandum d’accord). 1 L’existence de cette procédure est importante parce qu’elle empêche un défendeur de bloquer toute la procédure de groupe spécial en retardant (à jamais) la composition du groupe spécial, ce qui peut arriver parfois dans d’autres systèmes internationaux de règlement des différends. Bien entendu, les parties sont toujours libres de passer plus de 20 jours à essayer de se mettre d’accord sur la composition du groupe spécial du moment qu’aucune d’entre elles ne demande au Directeur général d’intervenir.

Les personnes appelées à faire partie d’un groupe spécial doivent s’acquitter de leurs fonctions en toute indépendance et non pas en qualité de représentants d’un gouvernement ou d’une autre organisation pour laquelle ils pourraient éventuellement travailler. Il est interdit aux Membres de donner aux membres des groupes spéciaux des instructions ou de chercher à les influencer en ce qui concerne les questions dont le groupe spécial est saisi (article 8:9 du Mémorandum d’accord).

 

Règles spéciales régissant la composition  haut de page

La Décision ministérielle sur certaines procédures de règlement des différents établies aux fins de l’Accord général sur le commerce des services, adoptée à Marrakech le 15 avril 1994, et le paragraphe 4 de l’Annexe sur les services financiers de l’AGCS contiennent des dispositions expresses régissant le choix des membres des groupes spéciaux, qui visent à garantir que ceux-ci possèdent les connaissances spécifiques nécessaires se rapportant au secteur faisant l’objet du différend.

 

Pluralité des plaignants  haut de page

Étant donné que les mesures de réglementation du commerce prises par les gouvernements affectent souvent les échanges réalisés avec de nombreux Membres de l’OMC, il est fréquent que plus d’un Membre mette en cause une mesure en alléguant qu’elle enfreint le droit de l’OMC ou compromet des avantages découlant des Accords de l’OMC. La pratique antérieure montre que les Membres ont utilisé les diverses stratégies prévues par les règles relatives au règlement des différends pour protéger leurs intérêts commerciaux:

  • La stratégie la plus passive consiste pour un Membre à ne rien faire en espérant qu’un autre Membre soulève la question, mène à bien tout le processus de règlement des différends et obtienne finalement le retrait de la mesure s’il est établi qu’elle est incompatible avec l’OMC. De la sorte, tous les Membres de l’OMC bénéficient du retrait.2 Quant à savoir si le Membre qui a recouru au système de règlement des différends tire davantage profit de ce retrait que le(s) Membre(s) passif(s), cela dépend pour une large part de leurs courants d’échanges respectifs de produits ou de services concernés.
     
  • Une stratégie plus active consiste pour un Membre à participer en tant que tierce partie à un différend opposant deux autres Membres au sujet d’une mesure qui l’intéresse. En comparaison avec la stratégie passive, le fait d’être tierce partie offre l’avantage de recevoir des renseignements sur le différend, notamment les communications initiales, et d’être entendu par le groupe spécial et les parties. Toutefois, le rapport du groupe spécial ne contient pas de conclusions ni de recommandations concernant les tierces parties. Néanmoins, une tierce partie peut toujours opter pour un rôle plus actif à un stade ultérieur et engager une procédure de règlement des différends en son nom propre (article 10:4 du Mémorandum d’accord).
     
  • La stratégie la plus active qui existe consiste pour un Membre à devenir lui-même plaignant, en demandant l’ouverture de consultations et l’établissement d’un groupe spécial soit parallèlement à d’autres plaignants soit conjointement avec d’autres (co-)plaignants. Ces deux variantes existent dans la pratique.

 

Établissement et composition en cas de pluralité de plaignants  haut de page

En cas de pluralité de plaignants, c’est-à-dire lorsque plus d’un Membre demande l’établissement d’un groupe spécial en relation avec la même question, l’article 9:1 du Mémorandum d’accord est d’application; il prescrit à l’ORD d’établir, chaque fois que possible, un groupe spécial unique pour examiner ces plaintes en tenant compte des droits de tous les Membres concernés.3 Par exemple, dans l’affaire États-Unis — Crevettes, l’ORD a décidé d’établir un groupe spécial unique, bien que l’Inde ait présenté une demande séparée après l’établissement du groupe spécial demandé conjointement par la Malaisie et la Thaïlande et que le Pakistan ait lui aussi fait une demande séparée.4 La “possibilité” d’établir un groupe spécial unique dépend évidemment de facteurs comme la concordance des dates auxquelles les divers différends sont soumis à l’OMC. S’il s’écoule un laps de temps important entre les différentes demandes d’établissement d’un groupe spécial, il peut ne pas être possible d’établir un groupe spécial unique, notamment, si le groupe spécial qui a été établi en premier a déjà tenu ses réunions de fond. Lorsque le décalage entre les deux différends est moindre, on peut établir un groupe spécial unique si les parties, par exemple, conviennent d’une période de temps plus courte pour les consultations.

S’il n’est pas possible d’établir un groupe spécial unique et que plusieurs groupes spéciaux sont établis, les mêmes personnes devraient, dans toute la mesure du possible, faire partie de chacun de ces groupes et le calendrier de leurs travaux devrait être harmonisé (article 9:3 du Mémorandum d’accord). Dans l’affaire CE — Hormones par exemple, la plainte du Canada (WT/DS48) et celle des États-Unis (WT/DS26) ont été examinées par deux groupes spéciaux distincts composés des mêmes personnes.

Ces deux solutions servent à assurer la cohérence de l’approche juridique suivie pour ces différentes plaintes. S’il y avait plusieurs groupes spéciaux composés de différents membres, travaillant séparément et ignorant chacun les raisonnements suivis et les décisions prises par les autres (les procédures des groupes spéciaux sont confidentielles jusqu’à la distribution du rapport), les différents rapports de ces groupes spéciaux risqueraient de s’écarter les uns des autres, voire de se contredire.5

 

Procédure du groupe spécial  haut de page

Une fois établi et composé, le groupe spécial existe désormais en tant qu’organe collégial et peut commencer ses travaux. L’une de ses premières tâches est d’établir un calendrier pour ses travaux (article 12:3 du Mémorandum d’accord). La procédure est principalement établie à l’article 12 et à l’Appendice 3 du Mémorandum d’accord, mais offre un certain degré de flexibilité. Le groupe spécial peut suivre des procédures différentes après avoir consulté les parties (article 12:1 du Mémorandum d’accord, paragraphe 11 de l’Appendice 3). Dans la pratique, les groupes spéciaux suivent généralement les procédures de travail énoncées à l’Appendice 3 du Mémorandum d’accord, mais adoptent souvent des règles additionnelles chaque fois qu’un différend particulier l’exige. Cela se fait habituellement en consultations ou en accord avec les parties pendant la réunion “d’organisation” du groupe spécial avec les parties. Si ce n’est pas possible, le groupe spécial décide du calendrier des travaux et en avise les parties. Le calendrier des travaux ainsi adopté sur la base du calendrier proposé à l’Appendice 3 du Mémorandum d’accord fixe des dates et des délais pour les principales étapes de la procédure du groupe spécial (à savoir les dates auxquelles les communications doivent être déposées, les audiences (dites “première” ou “deuxième réunion de fond”) doivent se tenir, les rapports intérimaire et final du groupe spécial doivent être remis, etc.).

 

Notes:

1. Cette procédure est applicable, que le désaccord porte sur un ou deux membres du groupe spécial ou sur les trois. retour au texte

2. Dans le cas où des avantages sont annulés ou compromis en situation de non-violation, cette stratégie peut ne pas opérer aussi bien parce qu’il n’y a pas obligation de retirer la mesure (article 26:1 b) du Mémorandum d’accord). L’ajustement mutuellement satisfaisant convenu par les parties dans la phase de mise en œuvre peut notamment prévoir que le défendeur accorde au plaignant un avantage qui lui est particulièrement favorable, ou que le plaignant supprime un avantage réciproque. Le Membre passif dont l’avantage a également été annulé ou compromis (et continue de l’être) ne profiterait pas de ces ajustements dans la même mesure. retour au texte

3. Conformément à l’article 10:4 du Mémorandum d’accord, ce principe s’applique aussi si une tierce partie dépose sa propre plainte au sujet d’une mesure qui fait déjà l’objet d’une procédure de groupe spécial. retour au texte

4. Note du Secrétariat, États-Unis — Crevettes, WT/DS58/9, 17 avril 1997. retour au texte

5. Bien que l’Organe d’appel puisse rectifier ces incohérences, le fait que des groupes spéciaux prennent des décisions divergentes ne renforcerait pas la crédibilité desdites décisions et ne contribuerait pas à assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral, ce qui est l’un des objectifs du système de règlement des différends (article 3:2 du Mémorandum d’accord). S’il n’y a pas d’examen en appel pour rectifier les incohérences, les conclusions et recommandations divergentes des groupes spéciaux pourraient même être mutuellement incompatibles et poser des problèmes insurmontables dans le processus de mise en œuvre. retour au texte

  

  

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Avertissement
Ce module de formation interactif est basé sur le “Guide sur le système de règlement des différends à l'OMC” publié en 2004. La deuxième édition de ce guide, publiée en 2017, est disponible ici.

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