RÉPERTOIRE DES RAPPORTS DE L’ORGANE D’APPEL

Traitement national

N.1.1 Article III:1 du GATT de 1994 — principe général     haut de page

N.1.1.1 Japon — Boissons alcooliques II, page 19
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

L’objectif fondamental de l’article III est d’éviter le protectionnisme lorsque des taxes et des mesures de réglementation intérieures sont appliquées. Plus précisément, l’objet de l’article III “est de veiller à ce que les mesures intérieures ne soient pas appliquées aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale”. Pour ce faire, il oblige les Membres de l’OMC à garantir l’égalité des conditions de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux. … l’argument selon lequel “les effets sur le commerce” de l’écart entre la taxe perçue sur les produits importés et celle qui frappe les produits nationaux sont, d’après le volume des importations, négligeables ou même inexistants, est dénué de pertinence; l’article III ne vise pas à protéger les anticipations concernant un volume d’échanges donné, mais plutôt les anticipations relatives à l’égalité du rapport compétitif entre les produits importés et les produits nationaux. …

… L’obligation de traitement national énoncée à l’article III interdit de manière générale de recourir aux impositions et autres mesures de réglementation intérieures pour protéger la production nationale. De toute évidence, cette obligation vaut également pour les produits n’ayant pas fait l’objet d’une consolidation au titre de l’article II. …

N.1.1.2 Japon — Boissons alcooliques II, page 21
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… L’article III:1 énonce un principe général selon lequel des mesures intérieures ne devront pas être appliquées de manière à protéger la production nationale. Ce principe général commande le reste de l’article III. L’article III:1 a pour but de faire de ce principe un guide pour comprendre et interpréter les obligations spécifiques énoncées à l’article III:2 et aux autres paragraphes de l’article III tout en respectant, et non en affaiblissant de quelque manière, le sens des mots effectivement utilisés dans le texte de ces autres paragraphes. En bref, l’article III:1 constitue une partie du contexte de l’article III:2, de même qu’il constitue une partie du contexte de chacun des autres paragraphes de l’article III. Toute autre lecture de l’article III aurait pour effet de vider de leur sens les termes de l’article III:1, en violation du principe fondamental de l’effet utile de l’interprétation d’un traité. Compte tenu de ce principe et des différences dans le libellé de ces deux phrases, nous estimons que l’article III:1 éclaire de façon différente la première et la seconde phrase de l’article III:2.

N.1.1.3 Japon — Boissons alcooliques II, page 21
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… La première phrase de l’article III:2 ne fait pas expressément référence à l’article III:1. Il n’y est pas fait expressément état du principe général énoncé à l’article III:1 qui exhorte les Membres de l’OMC à ne pas appliquer de mesures “de manière à protéger”. Cette absence de référence a certainement un sens. Nous croyons qu’elle veut dire simplement que l’existence d’une application protectrice n’a pas besoin d’être établie séparément des prescriptions spécifiques comprises dans la première phrase pour démontrer qu’une mesure fiscale est incompatible avec le principe général énoncé dans la première phrase. Toutefois, ceci ne signifie pas que ce principe général de l’article III:1 ne s’applique pas à cette phrase. Au contraire, nous croyons que la première phrase de l’article III:2 constitue en fait une application de ce principe. …

N.1.1.4 CE — Amiante, paragraphe 93
(WT/DS135/AB/R)

… Néanmoins, ces deux paragraphes de l’article III expriment de manière spécifique le “principe général” prédominant qui est énoncé à l’article III:1 du GATT de 1994. Comme nous l’avons déjà dit, le “principe général” énoncé à l’article III:1 “commande” le reste de l’article III et constitue un “guide pour comprendre et interpréter les obligations spécifiques énoncées” dans les autres paragraphes de l’article III, y compris le paragraphe 4. Ainsi, à notre sens, l’article III:1 revêt une importance contextuelle particulière pour interpréter l’article III:4, puisqu’il énonce le “principe général” poursuivi par cette disposition. En conséquence, pour interpréter l’expression “produits similaires” figurant à l’article III:4, nous devons en premier lieu examiner le “principe général” énoncé à l’article III:1 et non l’expression “produits similaires” qui figure à l’article III:2.


N.1.2 Article III:2 du GATT de 1994 — discrimination fiscale     haut de page

N.1.2.1 Canada — Périodiques, page 21
(WT/DS31/AB/R)

Dans la première phrase de l’article III:2, l’expression “directement ou indirectement” est utilisée dans deux contextes différents: d’une part en relation avec l’application d’une taxe aux produits importés et d’autre part en relation avec l’application d’une taxe aux produits nationaux similaires. Toute mesure qui affecte indirectement les conditions de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux similaires relèverait des dispositions de la première phrase de l’article III:2 ou, implicitement, des dispositions de la deuxième phrase dont le champ d’application est plus vaste.

N.1.2.2 Canada — Périodiques, page 25
(WT/DS31/AB/R)

… il faut répondre à deux questions pour déterminer s’il y a violation de l’article III:2 du GATT de 1994: a) est-ce que les produits importés et les produits nationaux sont des produits similaires; et b) est-ce que les produits importés sont frappés d’une taxe supérieure à celle qui frappe les produits nationaux? Si les réponses à ces deux questions sont affirmatives, il y a violation des dispositions de la première phrase de l’article III:2. Si la réponse à l’une d’elles est négative, il faut pousser l’examen plus loin afin de déterminer si la mesure est compatible avec les dispositions de la deuxième phrase de l’article III:2.


N.1.3 Article III:2 du GATT de 1994, première phrase — “produits similaires”     haut de page

N.1.3.1 Champ d’application du terme “produits similaires”

N.1.3.1.1 Japon — Boissons alcooliques II, pages 22-23
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

Étant donné que la deuxième phrase de l’article III:2 prévoit un examen séparé et cas par cas du caractère protecteur d’une mesure pour en examiner l’application à une plus large catégorie de produits qui ne sont pas des “produits similaires” comme l’envisage la première phrase, nous estimons avec le Groupe spécial que la première phrase de l’article III:2 ne doit pas être interprétée de façon étroite afin de ne pas condamner des mesures que son strict libellé n’est pas censé condamner. …

Étroite jusqu’à quel point, c’est là une question à régler séparément pour chaque mesure fiscale dans chaque cas. Nous souscrivons à la pratique suivie dans le cadre du GATT de 1947 pour déterminer cas par cas si des produits importés et des produits nationaux sont “similaires”. …

N.1.3.1.2 Japon — Boissons alcooliques II, page 24
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

Aucune approche unique pour exercer un jugement ne sera appropriée pour tous les cas. Les critères définis dans le rapport sur les ajustements fiscaux à la frontière devraient être examinés, mais il ne peut pas exister de définition précise et absolue de ce qui est “similaire”. Le concept de la “similarité” a un caractère relatif qui évoque l’image d’un accordéon. L’accordéon de la “similarité” s’étire et se resserre en des points différents au gré des différentes dispositions de l’Accord sur l’OMC qui sont appliquées. L’étirement de l’accordéon en l’un quelconque de ces points doit être déterminé par la disposition particulière dans laquelle le terme “similaire” se trouve, ainsi que par le contexte et les circonstances propres à un cas donné auquel cette disposition peut être applicable. …

N.1.3.1.3 Canada — Périodiques, page 31
(WT/DS31/AB/R)

… Un cas de substituabilité parfaite relèverait des dispositions de la première phrase de l’article III:2, alors que nous examinons l’interdiction de portée plus générale énoncée dans la deuxième phrase. …

N.1.3.1.4 CE — Amiante, paragraphes 94-95
(WT/DS135/AB/R)

… nous relevons que, bien que les obligations énoncées à l’article III:2 et III:4 s’appliquent toutes les deux aux “produits similaires”, le libellé de l’article III:2 diffère sur un point important de celui de l’article III:4. L’article III:2 comprend deux phrases distinctes, imposant chacune des obligations différentes: la première énonce des obligations concernant les “produits similaires”, tandis que la seconde énonce des obligations relatives aux produits “directement concurrents ou directement substituables”. L’article III:4, en revanche, ne s’applique qu’aux “produits similaires” et ne comprend pas de disposition équivalente à celles de la deuxième phrase de l’article III:2. …

… cette différence de libellé entre les paragraphes 2 et 4 de l’article III a une importance considérable pour le sens de l’expression “produits similaires” qui figure dans les deux dispositions. Dans l’affaire Japon — Boissons alcooliques, nous avons conclu, en interprétant l’article III:2, que les deux obligations distinctes énoncées dans les deux phrases de l’article III:2 devaient être interprétées d’une manière harmonieuse qui fasse sens pour chacune des phrases de cette disposition. Nous avons alors fait observer que l’interprétation de l’une des phrases affectait nécessairement l’interprétation de l’autre. Ainsi, la portée de l’expression “produits similaires” figurant dans la première phrase de l’article III:2 affecte la portée de l’expression produits “directement concurrents ou directement substituables” contenue dans la deuxième phrase de cette disposition et est affectée par elle. …

N.1.3.2 Critères. Voir aussi Traitement national, article III:4 du GATT de 1994 — discrimination réglementaire — relation avec l’article III:2 (N.1.9.3); Accord sur les textiles et les vêtements, article 6:2 — “produits similaires” (T.7.5)

N.1.3.2.1 Japon — Boissons alcooliques II, page 24
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… Pour appliquer les critères définis dans le rapport sur les ajustements fiscaux à la frontière aux faits d’un cas particulier, et pour prendre en compte les autres critères qui peuvent aussi être à retenir dans certains cas, les groupes spéciaux ne peuvent qu’agir au mieux de leur jugement pour déterminer si, en fait, des produits sont “similaires”, ce qui impliquera toujours inévitablement un élément de jugement personnel, discrétionnaire…il faut prendre une décision discrétionnaire pour examiner les diverses caractéristiques des produits dans chaque cas.

N.1.3.2.2 Japon — Boissons alcooliques II, pages 25-26
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

Suivant la pratique du GATT de 1947, il était admis que la classification uniforme dans des nomenclatures tarifaires s’appuyant sur le Système harmonisé (le “SH”) était un critère utile pour confirmer la “similarité” de produits. Cependant, il existe une différence de taille entre la nomenclature d’une classification tarifaire et les consolidations ou les concessions tarifaires faites par les Membres de l’OMC conformément à l’article II du GATT de 1994. …

… les consolidations tarifaires qui portent sur un large éventail de produits ne sont pas un critère valable pour apprécier ou confirmer la “similarité” de produits au regard de l’article III:2.

N.1.3.2.3 Canada — Périodiques, page 23
(WT/DS31/AB/R)

… Comme le Groupe l’a reconnu, le critère approprié est qu’une détermination de l’existence de “produits similaires” aux fins des dispositions de la première phrase de l’article III:2 doit être établie de façon étroite, au cas par cas, en examinant notamment les éléments pertinents suivants:

i) les utilisations finales du produit sur un marché donné;
 

ii) les goûts et habitudes des consommateurs; et
 

iii) les propriétés, la nature et la qualité du produit.


N.1.4 Article III:2 du GATT de 1994, première phrase — “supérieures à celles”     haut de page

N.1.4.1 Japon — Boissons alcooliques II, pages 21-22
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… Lus dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but généraux de l’Accord de l’OMC, les termes de la première requièrent que soit examinée la conformité d’une mesure fiscale intérieure avec l’article III en déterminant, premièrement, si les produits importés et les produits nationaux imposés sont “des produits similaires” et, deuxièmement, si les impositions appliquées aux produits importés sont “supérieures à” celles appliquées aux produits nationaux similaires. Si les produits importés et les produits nationaux sont des “produits similaires” et si les impositions appliquées aux produits importés sont “supérieures à” celles appliquées aux produits nationaux similaires, alors la mesure est incompatible avec la première phrase de l’article III:2.

N.1.4.2 Japon — Boissons alcooliques II, page 26
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… Même le plus petit dépassement est de trop. “L’interdiction des taxes discriminatoires énoncée à la première phrase de l’article III:2 n’[est] pas subordonnée à l’existence d’effets sur le commerce, pas plus qu’elle n’[est] justifiée par une clause relative à des quantités minimes.” …


N.1.5 Article III:2 du GATT de 1994 — notion de produit “similaire” et “directement concurrent ou … qui peut lui être directement substitué”     haut de page

N.1.5.1 Japon — Boissons alcooliques II, pages 28-29
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… Tout comme pour les “produits similaires” mentionnés à la première phrase, la gamme voulue de “produits directement concurrents ou directement substituables” dont il est question dans la deuxième phrase ne peut être établie qu’au cas par cas.

En l’espèce, le Groupe spécial a souligné la nécessité d’examiner non seulement des questions comme les caractéristiques physiques, les utilisations finales communes et la classification tarifaire, mais aussi le “marché”. Cela semble judicieux. … Il paraît utile de considérer la concurrence sur les marchés concernés comme l’un des moyens de définir la catégorie plus large des produits qui peuvent être qualifiés de “produits directement concurrents ou directement substituables”.

Il paraît utile également de considérer l’élasticité de substitution comme l’un des moyens d’examiner ces marchés.

N.1.5.2 Canada — Périodiques, page 21
(WT/DS31/AB/R)

… Toute mesure qui affecte indirectement les conditions de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux similaires relèverait des dispositions de la première phrase de l’article III:2 ou, implicitement, des dispositions de la deuxième phrase dont le champ d’application est plus vaste.

N.1.5.3 Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 118
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

… Les produits “similaires” sont un sous-ensemble des produits directement concurrents ou directement substituables: tous sont par définition directement concurrents ou directement substituables alors que les produits directement concurrents ou directement substituables ne sont pas tous “similaires”. Il faut donner un sens étroit à la notion de produits similaires mais la catégorie des produits directement concurrents ou directement substituables est plus vaste. Alors que les produits parfaitement substituables relèvent de la première phrase de l’article III.2, des produits imparfaitement substituables peuvent faire l’objet d’une évaluation au titre de la deuxième phrase de l’article III:2.


N.1.6 Article III:2 du GATT de 1994, deuxième phrase — produits “directement concurrent[s] ou … qui p[euvent] [leur] être directement substitué[s]”.
Voir aussi Produits directement concurrents ou qui peuvent leur être directement substitués (D.1); Accord sur les textiles et les vêtements, article 6:2 — “produits … directement concurrents” (T.7.4)     haut de page

N.1.6.1 Corée — Boissons alcooliques, paragraphes 114-115
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

L’expression “directement concurrents ou directement substituables” décrit un type de rapport particulier entre deux produits, l’un importé l’autre national. Il est évident d’après le libellé de l’expression que l’essence de ce rapport est que les produits sont en concurrence. Cela découle clairement tant du mot “concurrent” qui signifie “caractérisé par la concurrence” que du mot “substituable” qui signifie “pouvant être substitué”. Le contexte du rapport de concurrence est nécessairement le marché puisque c’est l’endroit où les consommateurs choisissent entre différents produits. La concurrence sur le marché est un processus dynamique, évolutif. En conséquence, le libellé de l’expression “directement concurrents ou directement substituables” signifie que le rapport de concurrence entre les produits ne doit pas être analysé exclusivement par référence aux préférences actuelles des consommateurs. À notre avis, le mot “substituables” indique que le rapport requis peut exister entre des produits qui ne sont pas à un moment donné considérés par les consommateurs comme des substituts mais qui n’en sont pas moins susceptibles d’être substitués l’un à l’autre.

Ainsi, d’après le sens ordinaire de l’expression, les produits sont concurrents ou substituables lorsqu’ils sont interchangeables ou, comme le Groupe spécial l’a noté, s’ils offrent “des moyens interchangeables de satisfaire un besoin ou un goût particulier”. Surtout sur un marché où il existe des obstacles réglementaires au commerce ou à la concurrence, il peut fort bien y avoir une demande latente.

N.1.6.2 Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 120
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

Compte tenu des objectifs consistant à éviter le protectionnisme, à garantir l’égalité des conditions de concurrence et à protéger les anticipations relatives à l’égalité des rapports de concurrence, nous ne voulons pas considérer de manière statique l’expression “directement concurrents ou directement substituables”. L’objet et le but de l’article III confirment que la portée de l’expression “directement concurrents ou directement substituables” ne peut pas être limitée aux situations dans lesquelles les consommateurs considèrent déjà les produits comme des produits de remplacement. S’il n’était possible de se fonder que sur les cas de substitution actuels, l’objet et le but de l’article III:2 pourraient être compromis par la taxation protectrice que cette disposition vise à interdire. …

N.1.6.3 Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 124
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

… l’expression “directement concurrents ou directement substituables” n’empêche pas un groupe spécial de prendre en compte des éléments de preuve concernant la demande latente des consommateurs en tant qu’un facteur parmi d’autres à examiner dans le cadre de l’évaluation du rapport de concurrence entre des produits importés et des produits nationaux au titre de la deuxième phrase de l’article III:2 du GATT de 1994. …

N.1.6.4 Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 127
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

… l’article III a pour objet et pour but de maintenir l’égalité des conditions de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux. Il est donc non seulement légitime, mais encore nécessaire, de tenir compte de ce but dans l’interprétation de l’expression “produit directement concurrent ou directement substituable”.

N.1.6.5 Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 134
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

En critiquant l’utilisation de l’expression “nature de la concurrence”, la Corée conteste de fait l’attitude sceptique du Groupe spécial quant à la quantification du rapport de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux. Pour les raisons exposées ci-dessus, nous pensons comme le Groupe spécial qu’il n’y a pas lieu de faire fond indûment sur des analyses quantitatives du rapport de concurrence. À notre avis, une approche qui est ciblée exclusivement sur le chevauchement concurrentiel quantitatif ferait en substance de l’élasticité-prix croisée le critère décisif pour déterminer si des produits sont “directement concurrents ou directement substituables”. …

N.1.6.6 Corée — Boissons alcooliques, paragraphe 137
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

Il est vrai bien sûr que le rapport de concurrence ou de substituabilité directe doit être présent sur le marché en question … . Il est vrai également que la réaction des consommateurs devant les divers produits peut varier d’un pays à l’autre. Cela n’empêche toutefois pas d’examiner le comportement des consommateurs dans un autre pays que celui qui est visé. Il nous semble que des éléments de preuve provenant d’autres marchés peuvent être pertinents pour l’examen du marché en question, en particulier lorsque la demande sur ce marché a été influencée par des obstacles réglementaires au commerce ou à la concurrence. Évidemment, les autres marchés ne présenteront pas tous un intérêt pour le marché en question. Mais si un autre marché a des caractéristiques semblables à celles du marché en question, des éléments de preuve concernant la demande des consommateurs sur cet autre marché peuvent présenter un certain intérêt pour le marché en question. Cela ne peut toutefois être déterminé que cas par cas, compte tenu de tous les faits pertinents.

N.1.6.7 Corée — Boissons alcooliques, paragraphes 142-143
(WT/DS75/AB/R, WT/DS84/AB/R)

… Un certain regroupement est presque toujours nécessaire dans les affaires examinées au titre de la deuxième phrase de l’article III:2, car les catégories génériques incluent couramment des produits dont la composition, la qualité, la fonction et le prix varient dans une certaine mesure et donnent donc couramment lieu à des sous-catégories. D’un point de vue légèrement différent, nous notons que le “regroupement” des produits suppose que celui qui interprète un traité doit tout au moins à titre préliminaire déterminer que certains produits sont suffisamment semblables pour ce qui est par exemple de la composition, de la qualité, de la fonction et du prix, pour qu’il soit justifié de les traiter comme un groupe afin de faciliter l’analyse. Mais l’utilisation de ces “outils analytiques” ne relève pas un groupe spécial de son obligation d’évaluer objectivement si les éléments d’un groupe de produits importés sont directement concurrents ou directement substituables par rapport aux produits nationaux. …

La question de savoir si, et dans quelle mesure, les produits peuvent être regroupés, doit être tranchée cas par cas. …


N.1.7 Article III:2 du GATT de 1994, deuxième phrase — “qui n’est pas frappé d’une taxe semblable”     haut de page

N.1.7.1 Japon — Boissons alcooliques II, pages 30-31
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

Interpréter de la même manière l’expression “supérieures à” et le membre de phrase “n’est pas frappé d’une taxe semblable” aurait pour effet de nier l’existence d’une quelconque distinction entre la première et la deuxième phrase de l’article III:2. Ainsi, on peut fort bien imaginer que dans une affaire donnée le montant de la taxe prélevée sur les produits importés soit “supérieur à” la taxe qui frappe les “produits nationaux similaires” sans que cela soit suffisant pour en arriver à la conclusion que les produits importés et les produits nationaux “directement concurrents ou directement substituables ne sont pas frappés d’une taxe semblable” aux fins de la Note relative à l’interprétation de l’article III:2, deuxième phrase. Autrement dit, il se peut que le montant de la taxe en sus pèse plus lourdement sur les produits importés que sur les produits nationaux “directement concurrents ou directement substituables” sans pour autant que cela soit suffisant pour en arriver à la conclusion que ces produits “ne sont pas frappés d’une taxe semblable” aux fins de l’application de la deuxième phrase de l’article III:2. …

N.1.7.2 Japon — Boissons alcooliques II, page 31
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… Nous nous accordons à penser avec le Groupe spécial que l’écart de taxation ne doit pas être négligeable pour que l’on puisse présumer que les produits “ne sont pas frappés d’une taxe semblable” dans un cas donné. Et, tout comme le Groupe spécial, nous estimons nous aussi qu’il faut répondre au cas par cas à la question de savoir si l’écart de taxation est négligeable ou non. Ainsi, pour que les produits “ne soient pas frappés d’une taxe semblable”, la charge fiscale pesant sur les produits importés doit être plus lourde que celle pesant sur les produits nationaux “directement concurrents ou directement substituables” et, de toute manière, cette charge doit être plus que de minimis.

N.1.7.3 Canada — Périodiques, pages 32-33
(WT/DS31/AB/R)

… nous constatons que le taux d’imposition est supérieur au niveau de minimis requis par l’Organe d’appel dans son rapport sur l’affaire Japon-Boissons alcooliques. Le montant de la taxe est suffisant pour empêcher la production et la vente de périodiques à tirage dédoublé au Canada.

N.1.7.4 Canada — Périodiques, page 35
(WT/DS31/AB/R)

Nous concluons en conséquence, sur la base des raisons indiquées ci-dessus, notamment l’ampleur de la différence de taxation, les divers exposés des objectifs stratégiques expressément visés par le gouvernement canadien lorsqu’il a adopté la mesure et l’effet réel et démontré de la mesure en matière de protection, que la conception et la structure de la partie V.1 de la Loi sur la taxe d’accise sont manifestement destinées à protéger la production des périodiques canadiens.

N.1.7.5 Chili — Boissons alcooliques, paragraphe 49
(WT/DS87/AB/R, WT/DS110/AB/R)

… Il nous faut donc évaluer la charge fiscale relative pesant sur les produits nationaux et sur les produits importés qui sont directement concurrents ou directement substituables.

N.1.7.6 Chili — Boissons alcooliques, paragraphes 52-53
(WT/DS87/AB/R, WT/DS110/AB/R)

… L’examen entrepris au titre de la deuxième question doit donc prendre en compte le fait que le groupe de produits nationaux et de produits importés directement concurrents ou directement substituables dont il est question en l’espèce ne se limite pas aux seules boissons ayant une teneur en alcool spécifique et s’inscrivant dans une catégorie fiscale particulière, mais qu’il comprend toutes les boissons alcooliques distillées figurant dans toutes les catégories fiscales que comporte le nouveau système chilien.

Un examen exhaustif de cette nature, qui cerne tous les produits nationaux et les produits importés directement concurrents ou directement substituables, montre que la charge fiscale pesant sur les produits importés, dont la plupart seront assujettis à un taux de taxation de 47 pour cent, sera plus lourde que la charge fiscale imposée aux produits nationaux, dont la plupart seront assujettis à un taux de 27 pour cent. …


N.1.8 Article III:2 du GATT de 1994, deuxième phrase — “de manière à protéger”     haut de page

N.1.8.1 Japon — Boissons alcooliques II, pages 31-32
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

Ce troisième examen au titre de l’articleIII:2, deuxième phrase, doit permettre de déterminer si “des produits directement concurrents ou directement substituables” ne sont pas “frappé[s] d’une taxe semblable” d’une manière qui confère une protection. Il ne s’agit pas d’une question d’intention. Il n’est pas nécessaire qu’un groupe spécial recense les nombreuses raisons qui conduisent souvent les législateurs et les autorités réglementaires à faire ce qu’ils font, et évalue l’importance relative de ces raisons pour déterminer leur intention. Si la mesure est appliquée aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale, peu importe alors qu’il n’y ait peut-être pas eu dans l’esprit des législateurs ou des autorités réglementaires qui ont imposé la mesure une volonté de protectionnisme. Il est sans intérêt de faire valoir que le protectionnisme n’était pas un objectif voulu si la mesure fiscale particulière en question est néanmoins, pour reprendre les termes de l’articleIII:1, “appliqué[e] aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale”. Ce qui est en cause, c’est la manière dont la mesure en question est appliquée.

N.1.8.2 Japon — Boissons alcooliques II, page 33
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

Bien qu’il soit exact que l’objectif d’une mesure puisse ne pas être facile à identifier, l’application de cette mesure à des fins de protection peut néanmoins être déterminée, le plus souvent, d’après sa conception, ses principes de base et sa structure révélatrice. …

N.1.8.3 Japon — Boissons alcooliques II, page 33
(WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R)

… L’ampleur même de la différence de taxation dans un cas d’espèce peut être un élément de preuve d’une telle application à des fins de protection, ainsi qu’en a conclu à juste titre le Groupe spécial dans la présente affaire. Très souvent, d’autres facteurs doivent également être examinés. Lorsqu’ils procèdent à ce type d’examen, les groupes spéciaux devraient étudier de manière approfondie tous les faits et toutes les circonstances pertinents dans chaque cas d’espèce.


N.1.9 Article III:4 du GATT de 1994 — discrimination réglementaire     haut de page

N.1.9.1 “produits similaires”

N.1.9.1.1 CE — Amiante, paragraphe 89
(WT/DS135/AB/R)

… le sens attribué à l’expression “produits similaires” dans d’autres dispositions du GATT de 1994, ou dans d’autres accords visés, peut être un contexte pertinent pour interpréter l’article III:4 du GATT de 1994, mais que l’interprétation de cette expression telle qu’elle figure à l’article III:4 n’est pas forcément à tous les égards identique à ces autres sens.

N.1.9.1.2 CE — Amiante, paragraphes 91-92
(WT/DS135/AB/R)

Cette définition semble indiquer que des produits “similaires” sont des produits qui présentent un certain nombre de caractéristiques ou de qualités identiques ou semblables. L’adjectif anglais “similar” (semblable) qui est donné comme synonyme de “like” (similaire) rappelle également les termes employés dans la version française de l’article III:4, “produits similaires”, et dans la version espagnole, “productos similares”, ces deux textes et la version anglaise faisant également foi.

Néanmoins, comme nous l’avons déjà fait observer, “les sens donnés par les dictionnaires laissent la place à de nombreuses questions d’interprétation”. En particulier, cette définition ne résout pas trois questions d’interprétation. Premièrement, elle n’indique pas quelles caractéristiques ou qualités sont importantes pour évaluer la “similarité” des produits au titre de l’article III:4. Par exemple, la plupart des produits ont de nombreuses qualités et caractéristiques, qui vont des propriétés physiques comme la composition, la taille, la forme, la texture et éventuellement le goût et l’odeur aux utilisations finales et applications du produit. Deuxièmement, cette définition ne donne aucune indication sur le point de savoir dans quelle proportion ou mesure des produits doivent avoir des qualités ou des caractéristiques communes pour être des “produits similaires” au sens de l’article III:4. Des produits peuvent avoir très peu, ou au contraire beaucoup, de caractéristiques ou de qualités communes. Ainsi, en théorie, le terme “similaire” peut s’appliquer à un grand nombre de degrés de “similarité” ou “similitude” différents. Troisièmement, cette définition de “similaire” n’indique pas selon quel point de vue la “similarité” devrait être appréciée. Par exemple, les consommateurs finals peuvent avoir un avis très différent de celui des inventeurs ou des producteurs sur la “similarité” de deux produits.

N.1.9.2 Relation avec le principe général de l’article III:1

N.1.9.2.1 CE — Amiante, paragraphe 93
(WT/DS135/AB/R)

… Néanmoins, ces deux paragraphes de l’article III expriment de manière spécifique le “principe général” prédominant qui est énoncé à l’article III:1 du GATT de 1994. Comme nous l’avons déjà dit, le “principe général” énoncé à l’article III:1 “commande” le reste de l’article III et constitue un “guide pour comprendre et interpréter les obligations spécifiques énoncées” dans les autres paragraphes de l’article III, y compris le paragraphe 4. Ainsi, à notre sens, l’article III:1 revêt une importance contextuelle particulière pour interpréter l’article III:4, puisqu’il énonce le “principe général” poursuivi par cette disposition. En conséquence, pour interpréter l’expression “produits similaires” figurant à l’article III:4, nous devons en premier lieu examiner le “principe général” énoncé à l’article III:1 et non l’expression “produits similaires” qui figure à l’article III:2.

N.1.9.2.2 CE — Amiante, paragraphe 96
(WT/DS135/AB/R)

S’agissant de l’article III:4, les éléments d’interprétation ne sont pas les mêmes parce que le “principe général” énoncé à l’article III:1 est exprimé à l’article III:4, non par le biais de deux obligations distinctes, comme dans les deux phrases de l’article III:2, mais au moyen d’une seule obligation qui s’applique uniquement aux “produits similaires”. En conséquence, l’harmonie que nous avons attribuée aux deux phrases de l’article III:2 n’a pas besoin d’être et, de fait, ne peut pas être rendue dans l’interprétation de l’article III:4. Nous concluons donc que, compte tenu de la différence de libellé entre l’article III:2 et III:4, l’“accordéon” de la “similarité” s’étire d’une manière différente dans l’article III:4.

N.1.9.2.3 CE — Amiante, paragraphe 98
(WT/DS135/AB/R)

Comme nous l’avons dit, même si ce “principe général” n’est pas explicitement invoqué à l’article III:4, il “commande” cette disposition. En conséquence, l’expression “produits similaires” figurant à l’article III:4 doit être interprétée de manière à donner une portée et un sens corrects à ce principe. En résumé, il doit y avoir concordance entre l’objectif visé par l’article III, tel qu’il est énoncé dans le “principe général” formulé à l’article III:1, et l’interprétation de la manière dont ce principe est spécifiquement exprimé dans le libellé de l’article III:4. Cette interprétation doit donc traduire le fait que, en tentant d’assurer “l’égalité des conditions de concurrence”, le “principe général” énoncé à l’article III vise à éviter que les Membres n’appliquent des taxes et des réglementations intérieures d’une façon qui fausse le rapport de concurrence, sur le marché, entre les produits nationaux et les produits importés considérés, “de manière à protéger la production nationale”

N.1.9.3 Relation avec l’article III:2

N.1.9.3.1 CE — Amiante, paragraphes 94-95
(WT/DS135/AB/R)

… nous relevons que, bien que les obligations énoncées à l’article III:2 et III:4 s’appliquent toutes les deux aux “produits similaires”, le libellé de l’article III:2 diffère sur un point important de celui de l’article III:4. L’article III:2 comprend deux phrases distinctes, imposant chacune des obligations différentes: la première énonce des obligations concernant les “produits similaires”, tandis que la seconde énonce des obligations relatives aux produits “directement concurrents ou directement substituables”. L’article III:4, en revanche, ne s’applique qu’aux “produits similaires” et ne comprend pas de disposition équivalente à celles de la deuxième phrase de l’article III:2. …

… cette différence de libellé entre les paragraphes 2 et 4 de l’article III a une importance considérable pour le sens de l’expression “produits similaires” qui figure dans les deux dispositions. …

N.1.9.3.2 CE — Amiante, paragraphe 99
(WT/DS135/AB/R)

Étant donné que des produits entre lesquels un rapport de concurrence existe sur le marché pourraient être affectés par un traitement “moins favorable” pour les importations que pour les produits nationaux, il convient d’interpréter le terme “similaires” figurant à l’article III:4 comme s’appliquant aux produits entre lesquels existe un tel rapport de concurrence. Ainsi, une détermination relative au concept de “similarité” énoncé à l’article III:4 est essentiellement une détermination sur la nature et l’importance d’un rapport de concurrence entre et parmi les produits. Cela dit, nous sommes conscients qu’il y a une échelle des niveaux de “compétitivité” ou de “substituabilité” des produits sur le marché et qu’il est difficile, voire impossible, d’indiquer dans l’abstrait, d’une manière précise, où se situe sur cette échelle le terme “similaires” figurant à l’article III:4 du GATT de 1994. Nous ne disons pas que tous les produits entre lesquels existe un certain rapport de concurrence sont des “produits similaires” au sens de l’article III:4. Pour statuer sur la mesure en cause, nous n’essayons en outre pas de définir la portée précise du terme “similaires” figurant à l’article III:4. Nous ne souhaitons pas non plus nous prononcer sur le point de savoir si la portée de l’expression “produits similaires” figurant à l’article III:4 est la même que la portée du terme “similaires” combinée à celle de l’expression produits “directement concurrents ou directement substituables” à l’article III:2. Nous reconnaissons toutefois que le lien entre ces deux dispositions est important, parce que la distinction n’est pas nette entre la réglementation fiscale visée par l’article III:2 et la réglementation non fiscale visée par l’article III:4. Ces deux types de réglementation peuvent souvent être utilisés pour parvenir au même résultat. Il serait incongru que, à cause d’une différence importante entre les produits visés par ces deux dispositions, les Membres ne puissent pas recourir à une forme de réglementation — par exemple la réglementation fiscale — pour protéger la production nationale de certains produits, mais soient en mesure d’utiliser une autre forme de réglementation — comme la réglementation non fiscale — pour parvenir au même résultat. Cela irait à l’encontre d’une application cohérente du “principe général” énoncé à l’article III:1. Pour ces raisons, nous concluons que la portée du terme “similaires” figurant à l’article III:4 est plus vaste que celle du même terme utilisé dans la première phrase de l’article III:2. Néanmoins, nous notons, une fois de plus, que l’article III:2 vise non seulement les “produits similaires”, mais également les produits “directement concurrents ou directement substituables”, et que l’article III:4 ne vise que les “produits similaires”. Compte tenu de cette différence de libellé, et bien que nous ne devions pas statuer, et que nous ne statuions pas, sur le champ précis des produits visés par l’article III:4, nous concluons que le champ des produits visés par l’article III:4, tout en étant plus vaste que le champ couvert par la première phrase de l’article III:2, n’est certainement pas plus vaste que le champ combiné des produits visés par les deux phrases de l’article III:2 du GATT de 1994.

N.1.9.4 Critères de similarité

N.1.9.4.1 CE — Amiante, paragraphes 101-102
(WT/DS135/AB/R)

… Dans le rapport Ajustements fiscaux à la frontière, le Groupe de travail a indiqué pour analyser la “similarité” une approche qui a ensuite été suivie et développée par plusieurs groupes spéciaux et par l’Organe d’appel. …

Ces critères généraux, ou ensembles de caractéristiques pouvant être communes, servent de cadre à l’analyse de la “similarité” de produits particuliers au cas par cas. Il convient de se rappeler que ces critères ne sont que des outils permettant de répertorier et d’examiner les éléments de preuve pertinents. Il ne s’agit pas d’une liste de critères énoncée dans un accord ni d’une liste définitive qui déterminera la qualification juridique des produits. Surtout, l’adoption d’un cadre particulier pour faciliter l’examen des éléments de preuve n’élimine pas le devoir ni la nécessité d’examiner, dans chaque cas, tous les éléments de preuve pertinents. En outre, même si chaque critère se rapporte en principe à un aspect différent des produits considérés, qui devrait être examiné séparément, les différents critères sont interdépendants. Par exemple, les propriétés physiques des produits conditionnent et limitent les utilisations finales que ces produits peuvent avoir. Les perceptions des consommateurs peuvent de même influencer — modifier ou même rendre obsolètes — les utilisations traditionnelles des produits. Le classement tarifaire correspond clairement aux propriétés physiques d’un produit.

N.1.9.4.2 CE — Amiante, paragraphe 111
(WT/DS135/AB/R)

Nous estimons que les propriétés physiques méritent un examen distinct qui ne devrait pas être confondu avec l’examen des utilisations finales. Bien qu’elle ne soit pas déterminante, la mesure dans laquelle des produits partagent les mêmes propriétés physiques peut être un indicateur utile de la “similarité”. En outre, les propriétés physiques d’un produit peuvent aussi influer sur la manière dont il peut être utilisé, sur les attitudes des consommateurs à son égard et sur son classement tarifaire. Il est donc important qu’un groupe spécial examine entièrement le caractère physique d’un produit. …

N.1.9.4.3 CE — Amiante, paragraphe 114
(WT/DS135/AB/R)

Les groupes spéciaux doivent examiner en détail les propriétés physiques des produits. Ils doivent en particulier examiner les propriétés physiques des produits qui sont de nature à influencer le rapport de concurrence entre les produits sur le marché. …

N.1.9.4.4 CE — Amiante, paragraphes 117-118
(WT/DS135/AB/R)

Avant d’examiner les constatations formulées par le Groupe spécial au titre des deuxième et troisième critères, nous observons que ces deux critères comportent certains des éléments essentiels relatifs au rapport de concurrence entre produits: premièrement, la mesure dans laquelle des produits peuvent remplir des fonctions (utilisations finales) identiques ou semblables et, deuxièmement, la mesure dans laquelle les consommateurs sont disposés à utiliser les produits pour remplir ces fonctions (goûts et habitudes des consommateurs). Les éléments de preuve de ce type revêtent une importance particulière au titre de l’article III du GATT de 1994, précisément parce que cette disposition concerne les rapports de concurrence sur le marché. S’il n’y a pas — ou ne peut pas y avoir — de rapport de concurrence entre les produits, un Membre ne peut intervenir, au moyen d’impositions ou d’une réglementation intérieures, pour protéger la production nationale. Par conséquent, les éléments de preuve relatifs à la mesure dans laquelle des produits peuvent avoir les mêmes utilisations finales et à la mesure dans laquelle les consommateurs sont — ou seraient — disposés à choisir un produit plutôt qu’un autre pour opérer ces utilisations finales sont des éléments de preuve très pertinents pour évaluer la “similarité” de ces produits au sens de l’article III:4 du GATT de 1994.

Nous considérons qu’il en est particulièrement ainsi dans les cas où les éléments de preuve relatifs aux propriétés établissent que les produits en cause sont très différents du point de vue physique. En pareil cas, pour surmonter cette indication selon laquelle les produits ne sont pas “similaires”, les Membres plaignants ont la charge plus lourde d’établir que, malgré des différences physiques marquées, il y a entre les produits un rapport de concurrence tel que tous les éléments de preuve, pris ensemble, démontrent que les produits sont “similaires” au sens de l’article III:4 du GATT de 1994. En l’espèce, puisqu’il est clair que les fibres ont des propriétés très différentes, du fait notamment que le chrysotile a un caractère cancérogène avéré, le Canada a la charge très lourde de montrer, au titre des deuxième et troisième critères, que les fibres d’amiante chrysotile et les fibres d’ACV entretiennent un tel rapport de concurrence.

N.1.9.4.5 CE — Amiante, paragraphe 119
(WT/DS135/AB/R)

… Il a indiqué ce qui suit: “Il suffit que, dans une utilisation donnée, les propriétés soient les mêmes au point qu’un produit puisse remplacer l’autre.” (pas d’italique dans l’original). Même si nous convenons qu’il est assurément pertinent que des produits aient des utilisations finales semblables pour une “faible partie [des] applications”, voire pour une “utilisation donnée”, nous pensons qu’un groupe spécial doit aussi examiner les autres utilisations finales différentes des produits. C’est seulement en se faisant une idée complète des diverses utilisations finales d’un produit qu’un groupe spécial peut évaluer l’importance du fait que des produits partagent un nombre limité d’utilisations finales. En l’espèce, le Groupe spécial n’a pas donné une telle idée complète des diverses utilisations finales des différentes fibres. Il n’a fourni ni explication ni précision d’aucune sorte concernant la “faible partie [des] applications” pour lesquelles les diverses fibres ont des utilisations finales semblables. Il n’a pas non plus examiné les utilisations finales de ces produits qui n’étaient pas semblables. …

N.1.9.4.6 CE — Amiante, paragraphe 120
(WT/DS135/AB/R)

… Il y a peu de situations où les éléments de preuve relatifs à la “similarité” des produits conduiraient à des “résultats clairs”. Dans bien des cas, les éléments de preuve donneraient des indications contradictoires, peut-être même dans le cadre de chacun des quatre critères. Par exemple, il peut y avoir quelques éléments de preuve indiquant des propriétés physiques semblables et quelques éléments de preuve indiquant des propriétés physiques différentes. Ou bien, les propriétés physiques peuvent différer complètement et il peut quand même y avoir de solides éléments de preuve indiquant des utilisations finales semblables et un degré élevé de substituabilité des produits du point de vue du consommateur. Un groupe spécial ne peut se refuser à enquêter sur des éléments de preuve pertinents pour la simple raison qu’il soupçonne que des éléments de preuve ne seront pas “clairs” ou, en l’occurrence, parce que les parties s’accordent à penser que certains éléments de preuve ne sont pas pertinents. …

N.1.9.4.7 CE — Amiante, paragraphe 121
(WT/DS135/AB/R)

En outre, dans un cas comme celui-ci, où les fibres sont physiquement très différentes, un groupe spécial ne peut conclure qu’il s’agit de “produits similaires” s’il n’examine pas les éléments de preuve relatifs aux goûts et habitudes des consommateurs. Dans une telle situation, s’il n’y a pas d’enquête sur cet aspect de la nature et de l’étendue du rapport de concurrence entre les produits, il n’y a pas de fondement permettant de surmonter la déduction selon laquelle les produits ne sont pas “similaires”, tirée du fait qu’ils ont des propriétés physiques différentes.

N.1.9.4.8 CE — Amiante, paragraphe 138
(WT/DS135/AB/R)

… Quand des produits ont des utilisations finales très diverses dont quelques-unes seulement se recoupent, nous ne jugeons pas suffisant de s’en remettre uniquement aux éléments de preuve relatifs aux utilisations finales qui se recoupent, sans examiner aussi les éléments de preuve indiquant la nature et l’importance de ces utilisations finales par rapport à toutes les autres utilisations finales possibles des produits. En l’absence de tels éléments de preuve, nous ne pouvons déterminer l’importance du fait que les fibres d’amiante chrysotile et d’ACV ont en commun un petit nombre d’utilisations finales semblables.

N.1.9.5 éléments de preuve

N.1.9.5.1 CE — Amiante, paragraphe 103
(WT/DS135/AB/R)

Le type d’éléments de preuve devant être examiné pour évaluer la “similarité” des produits dépendra nécessairement des produits visés et de la disposition juridique considérée. Une fois que tous les éléments de preuve pertinents ont été examinés, les groupes spéciaux doivent déterminer si ces éléments de preuve, ensemble, indiquent que les produits en question sont “similaires” au regard de la disposition juridique considérée. Nous avons noté que, dans le cadre de l’article III:4 du GATT de 1994, l’expression “produits similaires” se rapporte aux rapports de concurrence entre et parmi les produits. En conséquence, que le cadre appliqué dans l’affaire Ajustements fiscaux à la frontière soit ou non adopté, il est important au titre de l’article III:4 de prendre en compte les éléments de preuve qui indiquent s’il y a — ou pourrait y avoir — un rapport de concurrence sur le marché entre les produits considérés, et dans quelle mesure.

N.1.9.5.2 CE — Amiante, paragraphe 113
(WT/DS135/AB/R)

… En examinant cette constatation établie par le Groupe spécial, nous faisons observer que ni le texte de l’article III:4, ni la pratique des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ne donnent à penser qu’un élément de preuve quelconque devrait être exclu a priori de l’examen de la “similarité” effectué par un groupe spécial. En outre, comme nous l’avons dit, en examinant la “similarité” de produits, les groupes spéciaux doivent évaluer tous les éléments de preuve pertinents. Nous sommes très nettement d’avis que les éléments de preuve relatifs aux risques qu’un produit présente pour la santé peuvent être pertinents dans un examen de la “similarité” au titre de l’article III:4 du GATT de 1994. Nous ne considérons cependant pas que les éléments de preuve relatifs aux risques que les fibres d’amiante chrysotile présentent pour la santé doivent être examinés au titre d’un critère séparé, car nous estimons que cet élément de preuve peut être évalué au titre des critères existants relatifs aux propriétés physiques, et aux goûts et habitudes des consommateurs, que nous aborderons ci-après.


N.1.10 Article III:4 du GATT de 1994 — “affectant”     haut de page

N.1.10.1 CE — Bananes III, paragraphe 211
(WT/DS27/AB/R)

La question faisant l’objet du présent appel n’est pas de savoir si toute prescription en matière de licences d’importation, en tant que telle, relève de l’article III:4, mais si les procédures et prescriptions des CE concernant la répartition des certificats d’importation pour les bananes entre les opérateurs satisfaisant aux conditions requises dans les Communautés européennes relèvent de cette disposition. … Ces règles vont bien au-delà des simples prescriptions en matière de certificats d’importation nécessaires pour administrer le contingent tarifaire concernant les bananes pays tiers et les bananes non traditionnelles ACP ou des prescriptions de la Convention de Lomé relatives à l’importation des bananes. Ces règles sont destinées, entre autres, à assurer un subventionnement croisé des distributeurs de bananes communautaires (et ACP) et à faire en sorte que les mûrisseurs de bananes communautaires obtiennent une part des rentes contingentaires. Entant que telles, ces règles affectent “la vente, la mise en vente, l’achat … sur le marché interior …”, au sens de l’article III:4, et relevant donc de cette disposition. …

N.1.10.2 États-Unis — FSC (article 21:5 — CE), paragraphes 208-210
(WT/DS108/AB/RW)

… le mot “affectant” aide à définir les types de mesures qui doivent être conformes à l’obligation de ne pas soumettre les produits importés similaires à un “traitement moins favorable”, qui est énoncée dans l’article III:4.

L’expression “qui affectent” a une fonction semblable à l’article I:1 de l’Accord général sur le commerce des services (l’“AGCS”), où elle définit aussi les types de mesures qui sont soumis aux disciplines énoncées ailleurs dans l’AGCS mais n’impose pas, en elle-même, une obligation. …

Vu la fonction semblable du mot identique, “affectant”, à l’article III:4 du GATT de 1994, nous interprétons aussi ce mot, dans cette disposition, comme ayant un “vaste champ d’application”.


N.1.11 Article III:4 du GATT de 1994 — “traitement moins favorable”     haut de page

N.1.11.1 CE — Bananes III, paragraphes 213-214
(WT/DS27/AB/R)

… la pratique consistant à délivrer des certificats “tempête” constitue une incitation pour les producteurs à commercialiser des bananes communautaires à l’exclusion des bananes pays tiers et des bananes non traditionnelles ACP. Cette pratique affecte donc les conditions de concurrence sur le marché au profit des bananes communautaires. …

… nous pensons comme le Groupe spécial que la pratique des CE consistant à délivrer des certificats “tempête” est incompatible avec l’article III:4 du GATT de 1994.

N.1.11.2 CE — Bananes III, paragraphe 216
(WT/DS27/AB/R)

… “L’article III:1 énonce un principe général” qui “commande le reste de l’article III”. Toutefois, nous avons également dit dans ce rapport ce qui suit: “l’article III:1 éclaire de façon différente la première et la seconde phrase de l’article III:2.” S’agissant de la première phrase de l’article III:2, nous avons noté qu’elle ne faisait pas expressément référence à l’article III:1. … L’article III:4 ne renvoie pas expressément à l’article III:1. En conséquence, pour déterminer s’il y a eu violation de l’article III:4 il n’est pas nécessaire d’examiner séparément si une mesure “[protège] la production nationale”.

N.1.11.3 Corée — Diverses mesures affectant la viande de boeuf, paragraphe 137
(WT/DS161/AB/R, WT/DS169/AB/R)

Une différence formelle de traitement entre les produits importés et les produits nationaux similaires n’est donc ni nécessaire, ni suffisante pour démontrer qu’il y a violation de l’article III:4. La question de savoir si les produits importés sont soumis ou non à un traitement “moins favorable” que les produits nationaux similaires devrait plutôt être appréciée en se demandant si une mesure modifie les conditions de concurrence au détriment des produits importés sur le marché en question.

N.1.11.4 Corée — Diverses mesures affectant la viande de boeuf, paragraphe 144
(WT/DS161/AB/R, WT/DS169/AB/R)

… la mesure coréenne sépare formellement la vente de viande de bœuf importée de la vente de viande de bœuf coréenne. Cependant, cette séparation formelle, en tant que telle, n’appelle pas nécessairement la conclusion que le traitement ainsi accordé à la viande de bœuf importée est moins favorable que celui accordé à la viande de bœuf coréenne. Pour déterminer si le traitement accordé à la viande de bœuf importée est moins favorable que celui qui est accordé à la viande de bœuf coréenne, nous devons, comme nous l’avons indiqué plus haut, nous demander si le double système de vente au détail mis en place par la Corée pour la viande de bœuf modifie les conditions de concurrence sur le marché coréen de la viande de bœuf au détriment du produit importé.

N.1.11.5 Corée — Diverses mesures affectant la viande de boeuf, paragraphe 149
(WT/DS161/AB/R, WT/DS169/AB/R)

… Nous ne statuons pas qu’un double système de distribution ou qu’un système de distribution parallèle — qui n’est pas imposé directement ou indirectement par voie législative ou réglementaire, mais qui est plutôt uniquement le fait d’entrepreneurs privés agissant suivant leurs propres calculs des coûts et avantages comparatifs de systèmes de distribution différents — est illégitime au regard de l’article III:4 du GATT de 1994. …

N.1.11.6 Corée — Diverses mesures affectant la viande de boeuf, paragraphes 150-151
(WT/DS161/AB/R, WT/DS169/AB/R)

… la Corée exige que la viande de bœuf importée soit vendue dans un magasin arborant une enseigne avec la mention “Magasin spécialisé dans la viande de bœuf importée”.

En l’absence d’un système de magasins spécialisés dans la viande de bœuf importée, l’obligation d’arborer une enseigne n’aurait aucun sens et celle-ci n’aurait pas été imposée. Prise indépendamment du double système de vente au détail, l’obligation d’arborer une enseigne pourrait être juridiquement qualifiée de compatible ou non avec l’article III:4 du GATT de 1994. …

N.1.11.7 CE — Amiante, paragraphe 100
(WT/DS135/AB/R)

Nous reconnaissons que, en interprétant de cette façon l’expression “produits similaires” telle qu’elle figure à l’article III:4, nous attribuons à cette disposition un champ des produits visés relativement vaste — mais pas plus vaste que celui de l’article III:2. Ce faisant, nous notons que l’existence d’un deuxième élément doit être établie avant qu’une mesure puisse être considérée comme incompatible avec l’article III:4. Ainsi, une mesure n’est pas nécessairement incompatible avec l’article III:4 même si deux produits sont “similaires”. Le Membre plaignant doit encore établir que la mesure accorde au groupe des produits importés “similaires” “un traitement moins favorable” que celui qu’elle accorde au groupe des produits nationaux “similaires”. L’expression “traitement moins favorable” exprime le principe général, énoncé à l’article III:1, selon lequel les réglementations intérieures “ne devront pas être appliquées … de manière à protéger la production nationale”. Si un “traitement moins favorable” est accordé au groupe des produits importés “similaires”, une “protection” est à l’inverse accordée au groupe des produits nationaux “similaires”. Un Membre peut toutefois établir des distinctions entre des produits qui ont été jugés “similaires”, sans accorder, pour cela, au groupe des produits importés “similaires” un “traitement moins favorable” que celui qui est accordé au groupe des produits nationaux “similaires”. En l’espèce, nous n’approfondirons pas l’examen de l’interprétation de l’expression “traitement [non] moins favorable” figurant à l’article III:4, parce que les constatations du groupe spécial sur ce point n’ont pas fait l’objet d’un appel ni, de fait, n’ont été contestées devant nous.

N.1.11.8 États-Unis — FSC (article 21:5 — CE), paragraphe 215
(WT/DS108/AB/RW)

L’examen du point de savoir si une mesure entraîne un “traitement moins favorable” des produits importés au sens de l’article III:4 du GATT de 1994 doit être fondé sur une étude approfondie de “l’idée maîtresse et l’effet essentiel de la mesure en tant que telle”. Cet examen ne peut pas reposer sur une simple affirmation, mais doit être fondé sur une analyse détaillée de la mesure contestée et de ses conséquences sur le marché. Dans le même temps, cependant, l’examen n’a pas besoin d’être fondé sur les effets réels de la mesure contestée sur le marché.

N.1.11.9 États-Unis — FSC (article 21:5 — CE), paragraphe 221
(WT/DS108/AB/RW)

À notre avis, la conclusion ci-dessus n’est pas rendue nulle par le fait que la règle de la valeur loyale et marchande ne donnera pas lieu à un traitement moins favorable pour les produits importés similaires dans absolument tous les cas. …

N.1.11.10 République dominicaine — Importation et vente de cigarettes, paragraphe 96
(WT/DS302/AB/R)

Nous n’acceptons pas non plus l’argument du Honduras selon lequel la prescription relative à la caution accorde un “traitement moins favorable” aux cigarettes importées parce que, comme les ventes de cigarettes nationales sont plus importantes que celles de cigarettes importées sur le marché de la République dominicaine, le coût unitaire de la prescription relative à la caution pour les cigarettes importées est plus élevé que pour les produits nationaux. L’Organe d’appel a indiqué dans l’affaire Corée — Diverses mesures affectant la viande de bœuf que les produits importés étaient traités moins favorablement que les produits similaires si une mesure modifiait les conditions de concurrence sur le marché pertinent au détriment des produits importés. Toutefois, l’existence d’un effet défavorable sur un produit importé donné résultant d’une mesure n’implique pas nécessairement que cette mesure accorde un traitement moins favorable aux importations si l’effet défavorable s’explique par des facteurs ou des circonstances sans rapport avec l’origine étrangère du produit, tels que la part de marché de l’importateur en l’espèce. Dans le cas d’espèce, la simple démonstration que le coût unitaire de la prescription relative à la caution pour les cigarettes importées était plus élevé que le coût unitaire pour certaines cigarettes nationales durant une période particulière n’est pas, à notre avis, suffisante pour établir qu’il y a “traitement moins favorable” au sens de l’article III:4 du GATT de 1994. En effet, la différence entre les coûts unitaires de la prescription relative à la caution alléguée par le Honduras s’explique par le fait que l’importateur de cigarettes honduriennes a une part de marché plus faible que deux producteurs nationaux (le coût unitaire de la prescription relative à la caution étant le résultat de la division du coût de la caution par le nombre de cigarettes vendues sur le marché de la République dominicaine). En l’espèce, la différence entre les coûts unitaires de la prescription relative à la caution alléguée par le Honduras ne dépend pas de l’origine étrangère des cigarettes importées. En conséquence, à notre avis, le Groupe spécial a eu raison de rejeter l’argument selon lequel la prescription relative à la caution accordait un traitement moins favorable aux cigarettes importées parce que le coût unitaire de la caution était plus élevé pour l’importateur de cigarettes honduriennes que pour deux producteurs nationaux.


N.1.12 Relation entre l’article III et l’article XX     haut de page

N.1.12.1 CE — Amiante, paragraphe 115
(WT/DS135/AB/R)

Nous ne sommes pas d’accord avec le Groupe spécial pour dire que l’examen, au titre de l’article III:4, des éléments de preuve relatifs aux risques qu’un produit présente pour la santé vide de son utilité l’article XX b) du GATT de 1994. L’article XX b) permet à un Membre d’“adopter et d’appliquer” une mesure, entre autres, nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes, même si cette mesure est incompatible avec une autre disposition du GATT de 1994. L’article III:4 et l’article XX b) sont des dispositions distinctes et indépendantes du GATT de 1994, qui doivent chacune être interprétées de façon autonome. La portée et le sens de l’article III:4 n’ont pas à être élargis ni restreints au-delà de ce qu’exigent les règles normales du droit international coutumier relatives à l’interprétation des traités du simple fait que l’article XX b) existe et peut être invoqué pour justifier des mesures incompatibles avec l’article III:4. Le fait qu’une interprétation de l’article III:4 en vertu de ces règles implique un recours moins fréquent à l’article XX b) ne prive pas de son effet utile l’exception prévue à l’article XX b). L’article XX b) serait privé de son effet utile seulement si cette disposition ne pouvait pas servir à permettre à un Membre d’“adopter et d’appliquer” des mesures “nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes”. Le fait d’évaluer les éléments de preuve relatifs aux risques que présentent pour la santé les propriétés physiques d’un produit n’empêche pas une mesure incompatible avec l’article III:4 d’être justifiée au regard de l’article XX b). Nous observons, à cet égard, que des enquêtes différentes ont lieu au titre de ces deux articles très différents. Au titre de l’article III:4, les éléments de preuve relatifs aux risques pour la santé peuvent être pertinents pour évaluer le rapport de concurrence sur le marché entre des produits prétendument “similaires”. Les mêmes éléments de preuve, ou des éléments de preuve semblables, ont un objectif différent au titre de l’article XX b), à savoir évaluer si un Membre a un fondement suffisant pour “adopter et appliquer”, afin de protéger la santé des personnes, une mesure incompatible avec les règles de l’OMC.


N.1.13 Article XVII de l’AGCS.
Voir aussi Traitement NPF, article II de l’AGCS (M.2.2)     haut de page

N.1.13.1 CE — Bananes III, paragraphe 241
(WT/DS27/AB/R)

Nous ne voyons, ni dans l’article II ni dans l’articleXVII de l’AGCS, rien qui permette expressément d’affirmer que les “buts et effets” d’une mesure soient pertinents, de quelque manière que ce soit, lorsqu’il s’agit de déterminer si cette mesure est incompatible avec lesdites dispositions. Dans le contexte du GATT, la théorie des “buts et effets” tire son origine du principe énoncé à l’article III:1 selon lequel les taxes ou impositions ou autres réglementations intérieures “ne devront pas être appliquées aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale”. Il n’y a pas de disposition comparable dans l’AGCS. De plus, dans le rapport consacré à l’affaire Japon —Boissons alcooliques, l’Organe d’appel a rejeté la théorie des “buts et effets” s’agissant de l’article III:2 du GATT de1994. Les Communautés européennes invoquent, à l’appui de leur thèse, un rapport de groupe spécial non adopté traitant de l’article III du GATT de1947, Etats-Unis —Taxes sur les automobiles, malgré notre récente decision.


N.1.14 Article 3:1 de l’Accord sur les ADPIC     haut de page

N.1.14.1 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphes 242-243
(WT/DS176/AB/R)

Selon nous, l’obligation de traitement national est un principe fondamental qui sous-tend l’Accord sur les ADPIC, tout comme il sous-tend ce qui est maintenant le GATT de 1994. Le Groupe spécial a conclu à juste titre que, comme le libellé de l’article 3:1 de l’Accord sur les ADPIC, en particulier, est analogue à celui de l’article III:4 du GATT de 1994, la jurisprudence relative à l’article III:4 du GATT de 1994 peut être utile pour interpréter l’obligation de traitement national énoncée dans l’Accord sur les ADPIC.

Le principe du traitement national, tel qu’il est énoncé à l’article 3:1 de l’Accord sur les ADPIC, fait obligation à chaque Membre de l’OMC d’accorder aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la “protection” des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. La note de bas de page relative à cet article précise que cette “protection” s’étend aux “questions concernant l’existence, l’acquisition, la portée, le maintien des droits de propriété intellectuelle et les moyens de les faire respecter [ainsi qu’aux] questions concernant l’exercice des droits de propriété intellectuelle dont […] traite expressément” l’Accord sur les ADPIC. …

N.1.14.2 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphes 261-265
(WT/DS176/AB/R)

…du rapport du Groupe spécial États-Unis — Article 337. Ce Groupe spécial a estimé que “le simple fait que les produits importés sont soumis au titre de l’article 337 à des dispositions différentes de celles qui s’appliquent aux produits d’origine nationale ne suffit pas en soi à établir de façon concluante l’incompatibilité avec l’article III:4.”

Ce Groupe spécial a déclaré en outre ce qui suit:

[S]i l’on suivait ce raisonnement, tous éléments défavorables du traitement des produits importés pourraient être compensés par des éléments plus favorables de ce traitement, dès lors que les résultats, à en juger d’après les différends passés, n’ont pas été moins favorables. […] [L]es éléments moins favorables et les éléments plus favorables du traitement ne pourraient donc se compenser que pour autant qu’ils se présenteraient dans la même affaire et auraient ainsi nécessairement une influence compensatrice les uns sur les autres. (pas d’italique dans l’original) [BISD 36S/386, paragraphe 5.12]

Enfin, ce Groupe spécial est arrivé à la conclusion, importante aux fins de notre analyse, que:

si les chances d’avoir à défendre des produits importés dans deux instances sont faibles, il demeure que cette éventualité est en soi moins favorable que d’avoir à se défendre devant une seule de ces instances. (pas d’italique dans l’original) [BISD 36S/386, paragraphe 5.19]

…Il n’est pas contesté non plus que l’article 211 a) 2) ne s’applique qu’aux ayants cause qui ne sont pas des ressortissants américains. De même, il n’est pas contesté qu’en vertu de l’article 211 a) 2), dans chaque cas particulier où un ayant cause non américain tente de faire valoir ses droits sans le consentement exprès du titulaire initial ou de son ayant cause de bonne foi, les tribunaux américains sont tenus de ne pas reconnaître une revendication de droits, donner effet à une telle revendication ou l’entériner d’une autre manière. Nous soulignons que cette situation existe au regard de la loi telle qu’elle est libellée, et que, par conséquent, à la différence de la situation liée à la délivrance par l’OFAC d’une licence spéciale à des ayants cause américains, elle ne suppose aucune action de l’OFAC ni d’un autre organisme du gouvernement des États-Unis.

Les États-Unis ont peut-être raison de dire, en reprenant ce qu’a dit le Groupe spécial États-Unis — Article 337, que les chances d’avoir à surmonter les obstacles liés à la fois à l’article 515.201 du Titre 31 du CFR et à l’article 211 a) 2) étaient faibles. Mais, en reprenant encore les propos de ce Groupe spécial, même l’éventualité que des ayants cause non américains soient confrontés aux deux obstacles est en soi moins favorable que le fait incontesté que les ayants cause américains sont confrontés à un seul obstacle.

N.1.14.3 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 267
(WT/DS176/AB/R)

Les États-Unis n’ont pas démontré, comme il est exigé en vertu de l’obligation de traitement national, que, dans chaque cas particulier, les tribunaux américains ne valideraient pas la revendication de droits d’un ayant cause américain. De surcroît, même s’il y a des chances, comme l’affirment les États-Unis, que les tribunaux américains ne donnent pas effet aux droits revendiqués par un ayant cause américain, il n’en reste pas moins que la mesure, telle qu’elle est libellée, place les ayants cause non américains dans une situation en soi moins favorable que celle des ayants cause américains. Et, même si nous acceptions l’argument des États-Unis relatif au principe de la non-reconnaissance des confiscations étrangères, il y a lieu de penser que ce principe s’appliquerait aux ressortissants non américains de la même façon qu’aux ressortissants américains. L’application de ce principe ne compenserait donc pas la discrimination établie par l’article 211 a) 2) car elle constituerait encore un autre obstacle tant pour les ressortissants américains que pour les ressortissants étrangers. Elle ne compenserait donc pas l’effet de l’article 211 a) 2), qui ne s’applique qu’aux ayants cause qui ne sont pas des ressortissants américains.

N.1.14.4 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 286
(WT/DS176/AB/R)

… pour que l’obligation de traitement national soit remplie, un traitement moins favorable doit être compensé et, par là même, éliminé dans chaque situation particulière existant au titre d’une mesure. Par conséquent, pour être valable, l’argument des États-Unis doit être vrai pour tous les titulaires initiaux cubains de marques américaines et pas seulement pour certains d’entre eux.

N.1.14.5 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 289
(WT/DS176/AB/R)

…l’existence même de cet “obstacle” additionnel résultant de l’obligation de présenter une demande à l’OFAC est en soi moins favorable. L’article 211 a) 2) et l’article 211 b) ne s’appliquent pas aux titulaires initiaux américains qui n’ont aucune demande à présenter à l’OFAC. En revanche, les titulaires initiaux cubains résidant sur le “territoire commercial autorisé” doivent présenter une demande à l’OFAC. Ils doivent donc se conformer à une prescription administrative qui ne s’applique pas aux titulaires initiaux américains. …

N.1.14.6 États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, paragraphe 294
(WT/DS176/AB/R)

… Nous ne sommes donc pas convaincus que l’article 515.201 compenserait dans tous les cas le traitement moins favorable en soi établi par l’article 211 a) 2) et l’article 211 b). Et, comme les États-Unis n’ont pas démontré qu’il en serait ainsi dans tous les cas, on ne peut pas dire que le traitement moins favorable découlant de la mesure est compensé et, partant, éliminé.

 


Les textes reproduits ici n’ont pas le statut juridique des documents originaux conservés par le Secrétariat de l’OMC à Genève.