RÉPERTOIRE DES RAPPORTS DE L’ORGANE D’APPEL

Accords commerciaux régionaux

R.1.1 Article XXIV:4 — Objectif de l’intégration commerciale     haut de page

R.1.1.1 Turquie — Textiles, paragraphe 57
(WT/DS34/AB/R)

D’après le paragraphe 4, le but d’une union douanière est de “faciliter le commerce” entre les membres constitutifs et “non d’opposer des obstacles au commerce” avec les pays tiers. Cet objectif exige qu’un équilibre soit institué par les membres constitutifs d’une union douanière. Une union douanière doit faciliter le commerce à l’intérieur de l’union mais elle ne doit pas le faire de telle façon que des obstacles sont opposés au commerce avec les pays tiers. Nous notons que le Mémorandum d’accord concernant l’article XXIV réaffirme expressément ce but d’une union douanière et précise que dans l’établissement ou l’élargissement d’une telle union, les membres constitutifs doivent “dans toute la mesure du possible éviter que des effets défavorables n’en résultent pour le commerce d’autres Membres”. Le paragraphe 4 est libellé en termes téléologiques et non impératifs. Il n’énonce pas une obligation distincte proprement dite mais le but premier et omniprésent de l’article XXIV, qui s’exprime par les termes impératifs utilisés pour stipuler les obligations spécifiques qui figurent dans d’autres parties du même article. Ainsi, le but énoncé au paragraphe 4 éclaire les autres paragraphes pertinents de l’article XXIV, y compris le texte introductif du paragraphe 5. Pour cette raison, le texte introductif du paragraphe 5, et les conditions qui y sont énoncées pour la possibilité de recourir à un moyen de défense fondé sur l’article XXIV, doivent être interprétés à la lumière du but des unions douanières indiqué au paragraphe 4. Il n’est pas possible d’interpréter correctement le texte introductif sans se référer constamment à ce but.


R.1.2 Article XXIV:5 — Texte introductif     haut de page

R.1.2.1 Turquie — Textiles, paragraphe 45
(WT/DS34/AB/R)

Premièrement, lorsque nous examinons le libellé du texte introductif pour en établir le sens ordinaire, nous notons qu’il y est indiqué que les dispositions du GATT de 1994 “ne feront pas obstacle” à l’établissement d’une union douanière. Selon notre interprétation, cela signifie que les dispositions du GATT de 1994 ne rendront pas impossible l’établissement d’une union douanière. Le texte introductif indique donc clairement que l’article XXIV peut, sous certaines conditions, justifier l’adoption d’une mesure qui est incompatible avec certaines autres dispositions du GATT, et qu’il peut être invoqué comme “moyen de défense” possible contre une constatation d’incompatibilité.

R.1.2.2 Turquie — Textiles, paragraphe 58
(WT/DS34/AB/R)

… dans une affaire impliquant l’établissement d’une union douanière, ce “moyen de défense” ne peut être utilisé que si deux conditions sont remplies. Premièrement, la partie qui prétend se prévaloir de ce moyen de défense doit démontrer que la mesure en cause est adoptée au moment de l’établissement d’une union douanière qui satisfait pleinement aux prescriptions des paragraphes 8 a) et 5 a) de l’article XXIV. Deuxièmement, cette partie doit démontrer qu’il serait fait obstacle à l’établissement de ladite union douanière si elle n’était pas autorisée à adopter la mesure en cause. Là encore, il faut satisfaire à l’une et à l’autre de ces deux conditions pour se prévaloir du moyen de défense au titre de l’article XXIV.


R.1.3 Article XXIV:5 a) — “Les droits de douane … ne seront pas, dans leur ensemble, en ce qui concerne le commerce avec les parties contractantes qui ne sont pas parties à [une union douanière ou un accord provisoire], d’une incidence générale plus élevée, ni les autres réglementations commerciales plus rigoureuses que ne l’étaient les droits et réglementations commerciales … avant l’établissement de l’union douanière ou la conclusion de l’accord …”     haut de page

R.1.3.1 Turquie — Textiles, paragraphes 53-55
(WT/DS34/AB/R)

En ce qui concerne les “droits de douane”, l’article XXIV:5 a) dispose que les droits appliqués par les membres constitutifs de l’union douanière après l’établissement de l’union “ne seront pas, dans leur ensemble, … d’une incidence générale plus élevée” que ne l’étaient les droits appliqués par chacun des membres constitutifs avant l’établissement de l’union douanière. Le paragraphe 2 du Mémorandum d’accord concernant l’article XXIV prévoit que l’évaluation au titre de l’article XXIV:5 a) de l’incidence générale des droits de douane appliqués avant et après l’établissement d’une union douanière “se fera … sur la base d’une évaluation globale des taux de droits moyens pondérés et des droits de douane perçus”. Avant l’adoption de ce Mémorandum d’accord, il y avait divergence de vues entre les parties contractantes du GATT sur la question de savoir s’il fallait prendre en compte, pour appliquer le critère prévu à l’article XXIV:5 a), les taux de droits consolidés ou les taux de droits appliqués. Cette question a été résolue au paragraphe 2 du Mémorandum d’accord concernant l’article XXIV, qui indique clairement que ce sont les taux de droits appliqués qui doivent être utilisés.

Quant aux “autres réglementations commerciales”, l’article XXIV:5 a) dispose que les réglementations appliquées par les membres constitutifs après l’établissement de l’union douanière “ne seront pas, dans leur ensemble, … plus rigoureuses”, quant à leur incidence générale, que ne l’étaient les réglementations commerciales appliquées par chacun des membres constitutifs avant l’établissement de l’union douanière. Au paragraphe 2 du Mémorandum d’accord concernant l’article XXIV, il est expressément reconnu qu’il peut être difficile de quantifier et d’agréger les réglementations commerciales autres que les droits de douane et il y est donc indiqué “qu’aux fins de l’évaluation globale de l’incidence des autres réglementations commerciales qu’il est difficile de quantifier et d’agréger, l’examen de chaque mesure, réglementation, produit visé et flux commercial affecté pourra être nécessaire”.

Nous convenons avec le Groupe spécial que les termes de l’article XXIV:5 a), tels qu’ils ont été développés et clarifiés par le paragraphe 2 du Mémorandum d’accord concernant l’article XXIV, disposent:

… que les mesures et politiques commerciales résultant du nouvel accord régional n’auront pas d’effets globalement plus restrictifs sur le commerce que ne l’étaient ceux des politiques commerciales antérieures des pays constitutifs. …


R.1.4 Article XXIV:8 a) i) — Élimination des droits de douane et des autres réglementations commerciales restrictives pour “l’essentiel” des échanges commerciaux intérieurs     haut de page

R.1.4.1 Turquie — Textiles, paragraphe 48
(WT/DS34/AB/R)

Le paragraphe 8 a) i) de l’article XXIV établit le critère relatif au commerce interne entre les membres constitutifs qui régit la conformité avec la définition d’une “union douanière”. Il dispose que les membres constitutifs d’une union douanière doivent éliminer “les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives” pour “l’essentiel des échanges commerciaux” entre eux. Ni les PARTIES CONTRACTANTES du GATT ni les Membres de l’OMC ne sont jamais entendus sur l’interprétation du terme “essentiel” qui figure dans cette disposition. Il est cependant évident que “l’essentiel des échanges commerciaux” n’est pas la même chose que la totalité des échanges commerciaux, et que “l’essentiel des échanges commerciaux” est quelque chose de beaucoup plus important que simplement une certaine partie des échanges. Nous notons aussi qu’aux termes du paragraphe 8 a) i), les membres d’une union douanière peuvent maintenir, au besoin, dans leur commerce interne, certaines réglementations commerciales restrictives qui sont par ailleurs autorisées en vertu des articles XI à XV et de l’article XX du GATT de 1994. Nous convenons donc avec le Groupe spécial que les termes du paragraphe 8 a) i) offrent “une certaine souplesse” aux membres constitutifs d’une union douanière dans la libéralisation de leur commerce interne conformément à ce paragraphe. Nous rappelons toutefois que le degré de “souplesse” ménagé par le paragraphe 8 a) i) est limité par la prescription selon laquelle “les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives” doivent être “éliminés pour l’essentiel” du commerce interne.


R.1.5 Article XXIV:8 a) ii) — Droits de douane et autres réglementations “identiques en substance” sur les échanges commerciaux extérieurs     haut de page

R.1.5.1 Turquie — Textiles, paragraphe 49
(WT/DS34/AB/R)

Le paragraphe 8 a) ii) établit le critère relatif au commerce des membres constitutifs avec les pays tiers qui régit la conformité avec la définition d’une “union douanière”. Il dispose que les membres constitutifs d’une union douanière doivent appliquer au commerce extérieur avec les pays tiers des droits de douane et autres réglementations commerciales “identiques en substance”. Les membres constitutifs d’une union douanière sont donc tenus d’appliquer un régime commun de commerce extérieur, en ce qui concerne aussi bien les droits de douane que les autres réglementations commerciales. Cependant, le paragraphe 8 a) ii) n’exige pas que chaque membre constitutif d’une union douanière applique des droits de douane et autres réglementations commerciales identiques à ceux des autres membres constitutifs pour ce qui est du commerce avec les pays tiers; il exige en fait que des droits de douane et autres réglementations commerciales identiques en substance soient appliqués. Nous convenons avec le Groupe spécial que:

[l]e sens ordinaire des mots “en substance” dans le contexte du paragraphe 8 a) semble comporter à la fois des éléments qualitatifs et des éléments quantitatifs. Le membre de phrase “les droits de douane et les autres réglementations appliqués par chacun des membres de l’union [douanière] au commerce … sont identiques en substance” semblerait comporter à la fois des éléments quantitatifs et des éléments qualitatifs, l’aspect quantitatif étant davantage mis en relief en ce qui concerne les droits de douane.

R.1.5.2 Turquie — Textiles, paragraphe 50
(WT/DS34/AB/R)

Nous estimons aussi que le Groupe spécial a eu raison de dire que le paragraphe 8 a) ii) et, en particulier, l’expression “identiques en substance” offraient un certain degré de “souplesse” aux membres constitutifs d’une union douanière dans “l’élaboration d’une politique commerciale commune”. Là encore, nous rappellerions que cette “souplesse” est limitée. Il ne faut pas oublier que les mots “en substance” qualifient le terme “identiques”. En conséquence, à notre avis, l’article XXIV:8 a) ii) exige qu’il y ait quelque chose qui soit très voisin de l’“identité”. Nous ne partageons pas l’avis du Groupe spécial selon lequel:

… en règle générale, une situation dans laquelle les membres constitutifs ont adopté des réglementations commerciales “comparables” ayant des effets semblables en ce qui concerne le commerce avec les pays tiers serait dans l’ensemble conforme à l’aspect qualitatif des prescriptions énoncées au paragraphe 8 a) ii).

Le paragraphe 8) a) ii) dispose que les membres constitutifs d’une union douanière doivent adopter des réglementations commerciales “identiques en substance”. À notre avis, des “réglementations commerciales comparables ayant des effets semblables” ne répondent pas à ce critère. Un degré d’“identité” plus élevé est exigé aux termes du paragraphe 8 a) ii).


R.1.6 Relation entre l’article XXIV du GATT de 1994 et l’Accord sur les sauvegardes. Voir aussi Accord sur les sauvegardes, article 2 — parallélisme (S.1.13)     haut de page

R.1.6.1 Argentine — Chaussures (CE), paragraphe 109
(WT/DS121/AB/R)

… nous ne sommes par ailleurs pas persuadés qu’une analyse de l’article XXIV du GATT de 1994 était pertinente pour l’examen de la question spécifique dont était saisi le Groupe spécial. Cette question, comme le Groupe spécial lui-même l’a fait observer, consistait à savoir si l’Argentine, après avoir inclus les importations de toutes provenances dans son enquête sur les “importations accrues” de produits de l’industrie de la chaussure sur son territoire et les effets de ces importations sur son industrie nationale de la chaussure, avait eu raison d’exclure les autres États membres du MERCOSUR de l’application des mesures de sauvegarde. Dans notre rapport sur l’affaire Turquie — Restrictions à l’importation de produits textiles et de vêtements, nous avons déclaré que, dans certaines conditions, “l’article XXIV peut justifier une mesure qui est incompatible avec certaines autres dispositions du GATT”. Nous avons indiqué toutefois que ce moyen de défense ne peut être utilisé que lorsqu’il est démontré par le Membre imposant la mesure que “la mesure en cause est adoptée au moment de l’établissement d’une union douanière qui satisfait pleinement aux prescriptions des paragraphes 8 a) et 5 a) de l’article XXIV” et “qu’il serait fait obstacle à l’établissement de ladite union douanière si elle n’était pas autorisée à adopter la mesure en cause.”

R.1.6.2 États-Unis — Tuyaux de canalisation, paragraphe 198
(WT/DS202/AB/R)

… nous ne préjugeons pas de la question de savoir si l’article 2:2 de l’Accord sur les sauvegardes permet à un Membre d’exclure du champ d’application d’une mesure de sauvegarde les importations originaires des États membres d’une zone de libre-échange. Il n’est pas nécessaire que nous nous prononcions et, par conséquent, nous ne nous prononçons pas sur la question de savoir si l’article XXIV du GATT de 1994 permet de soustraire à une mesure des importations originaires d’un partenaire d’une zone de libre-échange, en dérogation à l’article 2:2 de l’Accord sur les sauvegardes. La question de savoir si l’article XXIV du GATT de 1994 sert d’exception à l’article 2:2 de l’Accord sur les sauvegardes ne peut se poser que dans deux seules circonstances. L’une de ces circonstances est lorsque, au cours de l’enquête menée par les autorités compétentes d’un Membre de l’OMC, les importations qui sont exemptées de la mesure de sauvegarde ne sont pas prises en considération aux fins de la détermination de l’existence d’un dommage grave. L’autre est lorsque, dans le cadre de ce genre d’enquête, les importations qui sont exemptées de la mesure de sauvegarde sont prises en considération aux fins de la détermination de l’existence d’un dommage grave et que, par ailleurs, les autorités compétentes établissent explicitement, en fournissant une explication motivée et adéquate, que les importations en provenance de sources extérieures à la zone de libre-échange répondent, à elles seules, aux conditions requises pour appliquer une mesure de sauvegarde, telles qu’elles sont énoncées à l’article 2:1 et précisées à l’article 4:2. …

 


Les textes reproduits ici n’ont pas le statut juridique des documents originaux conservés par le Secrétariat de l’OMC à Genève.