ENVIRONNEMENT: DIFFÉRENDS 9

Communautés européennes — Amiante

Dans cette affaire, le Groupe spécial et l'Organe d'appel ont tous deux rejeté la plainte déposée par le Canada contre l'interdiction décrétée par la France d'importer de l'amiante et des produits en contenant, ce qui a renforcé l'idée que les Accords de l'OMC aident les Membres à protéger la santé et la sécurité des individus au niveau qu'ils jugent approprié.

L'amiante chrysotile est généralement considéré comme une substance extrêmement toxique qui, lorsqu'on y est exposé, menace gravement la santé (asbestose, cancer du poumon et mésothéliome). Cependant, en raison de leurs caractéristiques (notamment la résistance à des températures très élevées), les fibres d'amiante ont été largement utilisées dans divers secteurs industriels. Afin de limiter les risques sanitaires associés à l'amiante, le gouvernement français, qui auparavant importait de l'amiante chrysotile en grandes quantités, a imposé une interdiction à l'importation de cette substance, ainsi que des produits en contenant.

Les Communautés européennes ont justifié cette prohibition par la nécessité de protéger la santé des personnes, faisant valoir que l'amiante était dangereux non seulement pour la santé des ouvriers du bâtiment soumis à de longues expositions, mais aussi pour la population soumise à des expositions occasionnelles. Le Canada, deuxième producteur d'amiante au monde, a contesté cette prohibition devant l'OMC. Sans remettre en question les dangers liés à l'amiante, il a fait valoir qu'une distinction devait être établie entre les fibres de chrysotile et le chrysotile enfermé dans une matrice de ciment. Ce dernier procédé, affirmait il, empêchait le rejet de fibres et ne constituait pas un danger pour la santé. Le Canada a également fait valoir que les substances utilisées par la France pour remplacer l'amiante n'avaient pas fait l'objet d'une étude approfondie et pouvaient elles-mêmes avoir des effets nocifs sur la santé.

Le Canada a allégué que le Décret violait les articles III:4 et XI du GATT, ainsi que l'article 2.1, 2.2, 2.4 et 2.8 de l'Accord OTC, et qu'il annulait ou compromettait des avantages au titre de l'article XXIII:1 b) du GATT. Les CE ont fait valoir que le Décret n'était pas couvert par l'Accord OTC. S'agissant du GATT de 1994, elles ont demandé au Groupe spécial de confirmer que le Décret était soit compatible avec les dispositions de l'article III:4, soit nécessaire à la protection de la santé des personnes, au sens de l'article XX b).

Bien qu'il ait constaté une violation de l'article III, le Groupe spécial a tranché en faveur des Communautés européennes. Il a constaté que l'interdiction des Communautés européennes constituait une violation de l'article III (qui dispose que les pays doivent accorder un traitement équivalent aux produits similaires) étant donné que l'amiante et les produits de substitution devaient être considérés comme des “produits similaires” au sens de cet article. Il a fait valoir que les risques sanitaires liés à l'amiante n'étaient pas un facteur pertinent dans l'examen du caractère similaire des produits. Toutefois, il a constaté que l'interdiction appliquée par la France pouvait être justifiée au titre de l'article XX b). En d'autres termes, la mesure pouvait être considérée comme étant “nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux”. Elle remplissait également les conditions énoncées dans le paragraphe introductif de l'article XX. Le Groupe spécial a donc tranché en faveur des Communautés européennes.

En appel, l'Organe d'appel de l'OMC a confirmé la décision du Groupe spécial en faveur des CE, tout en modifiant son raisonnement sur un certain nombre de points. Par exemple, il a infirmé la constatation du Groupe spécial selon laquelle il n'était pas approprié de prendre en considération les risques sanitaires associés aux fibres d'amiante chrysotile lorsqu'il s'agissait d'examiner le caractère “similaire” des produits au titre de l'article III:4 du GATT. L'Organe d'appel a également fait valoir que l'affaire aurait dû être examinée au regard de l'Accord OTC, plutôt qu'au regard du GATT, mais il n'a pas lui même effectué d'analyse au titre de l'Accord OTC étant donné qu'il a seulement pour mandat d'examiner des points de droit dans le cadre du règlement d'un différend (et ne peut lui-même procéder à de nouvelles analyses).
 

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