Règles de l'OMC et politiques environmentales: les exceptions du GATT
Note: La présente page Web est établie par le Secrétariat sous sa propre responsabilité et vise uniquement à donner une explication générale du sujet traité. Elle n'a nullement pour objectif d'offrir des indications juridiques sur les dispositions de tel ou tel accord de l'OMC ni d'en donner une interprétation juridique faisant autorité. D'autre part, aucun élément de la présente note n'affecte ni n'est censé affecter les droits et obligations des Membres de quelque façon que ce soit.
> Pour plus de détails sur les différends relatifs à l'environnement,
voir
Différends relatifs à
l'environnement.
>
Note d'information du Secrétariat sur l'application de l'article XX
du GATT dans les décisions en matière de règlement des différends
rendues par l'OMC.
>
Index analytique de l'OMC, article XX du GATT
>
Index analytique de l'OMC, article XIV de l'AGCS
L'article XX relatif aux exceptions générales prévoit un certain nombre
de cas particuliers dans lesquels les Membres de l'OMC peuvent être
exemptés des règles du GATT. Deux exceptions concernent en particulier
la protection de l'environnement: les paragraphes b) et g) de l'article
XX. En vertu de ces deux paragraphes, les Membres de l'OMC peuvent
adopter des mesures incompatibles avec les disciplines du GATT mais
nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et
des animaux ou à la préservation des végétaux (paragraphe b)), ou se
rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables
(paragraphe g)).
L'article XX du GATT relatif aux exceptions générales comprend deux
prescriptions cumulatives. Pour qu'une mesure environnementale
incompatible avec le GATT soit justifiée au regard de l'article XX, un
Membre doit procéder à une double analyse prouvant:
que sa mesure relève au moins de l'une des exceptions (par exemple, les paragraphes b) ou g), qui représentent deux des dix exceptions prévues à l'article XX)
qu'elle satisfait aux prescriptions du paragraphe introductif (le texte introductif de l'article XX), à savoir qu'elle n'est pas appliquée de façon à constituer “un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent” et qu'elle n'est pas “une restriction déguisée au commerce international”.
Politiques environmentales visées par l'article XX
L'autonomie des Membres
de l'OMC pour déterminer leurs propres objectifs
environnementaux a été réaffirmée à plusieurs occasions (par
exemple, dans les affaires
États-Unis —
Essence,
Brésil — Pneumatiques rechapés). Dans l'affaire
États-Unis —
Crevettes, l'Organe d'appel a également noté que le fait
de subordonner l'accès au marché d'un Membre au respect par
les Membres exportateurs d'une politique prescrite
unilatéralement par le Membre importateur était un élément
commun aux mesures relevant de l'une ou l'autre des exceptions
prévues à l'article XX.
Dans des affaires antérieures, il a été constaté que plusieurs
politiques relevaient de ces deux exceptions:
-
les politiques visant à réduire la consommation de cigarettes, à protéger les dauphins, à limiter les risques pour la santé humaine posés par l'amiante, à réduire les risques découlant, pour la santé ou la vie des personnes ou la préservation des végétaux, de l'accumulation de pneumatiques de rebut (au titre de l'article XX b)); et
-
les politiques qui ont pour objet la conservation des stocks de thon, de saumon et de hareng, la conservation des dauphins et des tortues, et celle de l'air pur (au titre de l'article XX g)).
Il est intéressant de
noter que l'expression “ressources naturelles épuisables”
utilisée à l'article XX g) a été interprétée d'une manière
large pour englober non seulement les ressources “minérales”
ou “non biologiques” mais aussi les espèces vivantes qui
peuvent se raréfier, comme les tortues marines. À l'appui de
cette interprétation, dans l'affaire
États-Unis—
Crevettes, l'Organe d'appel a noté que les conventions et
déclarations internationales modernes font souvent référence
aux ressources naturelles comme étant à la fois des ressources
biologiques et non biologiques. De plus, pour démontrer le
caractère “épuisable” de l'espèce des tortues marines,
l'Organe d'appel a fait observer qu'elle était incluse dans
l'Annexe 1 de la Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction
(la CITES), relative aux espèces menacées d'extinction.
Dans l'affaire États-Unis — Crevettes, l'Organe d'appel a
également admis qu'une politique s'appliquant aux tortues qui
vivent dans les eaux des États-Unis, mais aussi à celles qui
vivent au-delà de leurs frontières, relevait de l'article XX
g). Il a estimé qu'il existait un lien suffisant entre les
populations marines migratrices et menacées d'extinction
considérées et les États-Unis aux fins de l'article XX g).
Degré de lien entre l'objectif en matière de politique environnementale et les moyens de cette politique
Pour qu'une mesure environnementale liée au commerce puisse faire l'objet d'une exception au titre des paragraphes b) et g) de l'article XX, un Membre doit établir un lien entre son objectif déclaré en matière de politique environnementale et la mesure en cause. Cette mesure doit:
-
être nécessaire à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux (paragraphe b)) ou
-
se rapporter à la conservation des ressources naturelles épuisables (paragraphe g)).
Pour déterminer si une mesure est “nécessaire” à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux au sens de l'article XX b), l'Organe d'appel a eu recours à un processus de soupesage et de mise en balance d'une série de facteurs, y compris la contribution de la mesure environnementale à la réalisation de l'objectif général, l'importance des intérêts ou valeurs communs que la mesure protège et l'incidence de la mesure sur le commerce international. Si cette analyse aboutit à une conclusion préliminaire établissant que la mesure est nécessaire, ce résultat doit être confirmé par une comparaison entre la mesure et les solutions de rechange possibles, qui peuvent être moins restrictives pour le commerce tout en apportant une contribution équivalente à la réalisation de l'objectif poursuivi.
Par exemple, dans l'affaire
Brésil —
Pneumatiques rechapés, l'Organe d'appel a constaté que
l'interdiction d'importer des pneumatiques rechapés était “à même
d'apporter une contribution importante à la réalisation de son objectif”
à savoir, la réduction des volumes de pneumatiques de rebut. L'Organe
d'appel a également constaté que les solutions de rechange proposées,
qui avaient un caractère essentiellement correctif (mesures de gestion
et d'élimination des déchets), n'étaient pas de véritables substituts de
l'interdiction d'importer, laquelle pouvait empêcher l'accumulation de
pneumatiques.
Dans l'affaire
Brésil —
Pneumatiques rechapés, l'Organe d'appel a également reconnu que
certains problèmes complexes liés à l'environnement peuvent être traités
uniquement au moyen d'une politique globale comprenant de multiples
mesures interdépendantes. Il a souligné que les résultats obtenus grâce
à certaines actions — par exemple des mesures adoptées en vue de lutter
contre le réchauffement de la planète et le changement du climat —
peuvent uniquement être évalués avec le recul.
Dans l'affaire CE —
Amiante, l'Organe d'appel a également constaté, après avoir soupesé
et mis en balance une série de facteurs, qu'il n'existait pas de
solution raisonnablement disponible autre que la prohibition des
échanges. Cela visait manifestement à atteindre le niveau de protection
de la santé voulu par la France, et la valeur poursuivie par la mesure a
été considérée comme “à la fois vitale et importante au plus haut
point”. L'Organe d'appel a fait valoir que plus l'intérêt commun ou les
valeurs poursuivis étaient vitaux ou importants, plus il était facile
d'admettre la nécessité de mesures conçues pour atteindre ces objectifs.
Pour qu'une mesure “se rapporte”
à la conservation des ressources naturelles épuisables, il faut établir
l'existence d'une relation substantielle entre la mesure et la
conservation de ces ressources. Selon les termes de l'Organe d'appel, un
Membre doit établir que les moyens (la mesure choisie) “correspondent
raisonnablement” à la fin (l'objectif général déclaré de conservation
des ressources naturelles épuisables). De plus, pour être justifiée au
regard de l'article XX g), une mesure affectant les importations doit
être appliquée “conjointement avec des restrictions à la production ou à
la consommation nationales” (obligation d'impartialité).
Dans l'affaire
États-Unis — Essence,
les États-Unis avaient adopté une mesure réglementant la composition de
l'essence et ses effets en matière d'émissions afin de réduire la
pollution de l'air dans ce pays. L'Organe d'appel a constaté que la
mesure choisie “visait principalement” l'objectif général de
conservation de l'air pur aux États-Unis et relevait en conséquence de
l'article XX g). Quant à la deuxième prescription du paragraphe g),
l'Organe d'appel a décidé que la mesure satisfaisait à l'obligation
d'impartialité, car elle concernait à la fois les produits importés et
les produits d'origine nationale.
Dans l'affaire États-Unis
— Crevettes, l'Organe d'appel a considéré que la structure et la
conception générales de la mesure en question étaient “ assez
étroitement définies” et qu'il ne s'agissait pas d'une simple
interdiction générale de l'importation des crevettes imposée au mépris
des conséquences sur les tortues marines; c'est pourquoi il a conclu que
la réglementation en question était une mesure “se rapportant” à la
conservation d'une ressource naturelle épuisable au sens de l'article XX
g). Il a également considéré que la mesure en question était appliquée
conjointement avec des restrictions frappant la pêche des crevettes au
niveau national, comme le prescrit l'article XX g).
Importance de la manière dont les mesures environnementales liées au commerce sont appliquées
La clause introductive
de l'article XX (son
texte introductif) met l'accent sur la manière dont la
mesure en question est appliquée. En particulier,
l'application de la mesure ne doit pas constituer un “moyen de
discrimination arbitraire ou injustifiable” ni “une
restriction déguisée au commerce international”.
Le texte introductif dispose que la mesure ne doit pas
constituer un usage abusif ou impropre de la justification
provisoire offerte par l'un des paragraphes de l'article XX, à
savoir qu'elle est appliquée de bonne foi. Dans l'affaire
Brésil — Pneumatiques rechapés, l'Organe d'appel a rappelé
que le texte introductif sert à garantir que le droit des
Membres de se prévaloir d'exceptions est exercé de bonne foi
pour protéger des intérêts légitimes, et non comme un moyen de
contourner les obligations d'un Membre à l'égard des autres
Membres de l'OMC. En d'autres termes, avec l'article XX, les
Membres de l'OMC reconnaissent la nécessité de maintenir un
équilibre entre le droit qu'a un Membre d'invoquer une
exception et les droits que les autres Membres tiennent du
GATT.
La jurisprudence de l'OMC a mis en évidence certaines
circonstances qui peuvent contribuer à démontrer que la mesure
est appliquée conformément au texte introductif. Elles
comprennent les activités pertinentes de coordination et de
coopération entreprises par le défendeur au niveau
international en matière commerciale et environnementale, la
conception de la mesure, la marge de manœuvre qu'elle ménage
pour tenir compte des situations différentes dans différents
pays ainsi qu'une analyse de la justification avancée pour
expliquer l'existence d'une discrimination (la justification
de la discrimination doit avoir un lien avec l'objectif
déclaré de la mesure en question).
Rôle de la coordination et de la coopération internationales
Dans la décision prise
dans le cadre de l'affaire
États-Unis —
Essence, l'Organe d'appel a considéré que les États-Unis
n'avaient pas suffisamment étudié la possibilité de conclure
des arrangements de coopération avec les pays affectés afin
d'atténuer les problèmes administratifs qu'ils évoquaient pour
justifier le traitement discriminatoire.
De plus, dans l'affaire
États-Unis — Crevettes, le fait que les États-Unis
“[aient] trait[é] les Membres de l'OMC d'une manière
différente” en adoptant, pour la protection des tortues
marines, une approche fondée sur la coopération avec certains
Membres et pas avec d'autres montrait aussi que la mesure
était appliquée d'une manière établissant une discrimination
injustifiable entre les Membres de l'OMC.
Au stade de la mise en conformité, dans l'affaire
États-Unis — Crevettes (article 21:5), l'Organe d'appel a
constaté que, étant donné les efforts sérieux de bonne foi
faits par les États-Unis pour négocier un accord international
sur la protection des tortues marines, y compris avec le
plaignant, la mesure n'était plus appliquée de façon à
constituer un moyen de discrimination arbitraire ou
injustifiable.
L'Organe d'appel a également reconnu que ““autant que
possible”, la préférence est largement donnée à une approche
multilatérale” par rapport à une approche unilatérale. Mais il
a ajouté que, si la conclusion d'accords multilatéraux était
préférable, elle ne constituait pas une condition préalable
pour bénéficier des justifications offertes à l'article XX
afin d'appliquer une mesure environnementale nationale.
Flexibilité de la mesure pour tenir compte des situations différentes dans différents pays
Dans l'affaire
États-Unis — Crevettes, l'Organe d'appel a estimé que la
rigidité et l'inflexibilité caractérisant l'application de la
mesure (par exemple parce qu'elle ne tenait pas compte des
conditions existant dans d'autres pays) constituaient une
discrimination injustifiable. Il a été jugé inacceptable qu'un
Membre exige d'un autre Membre qu'il adopte essentiellement le
même programme de réglementation sans tenir compte du fait que
les conditions existant dans d'autres pays Membres pouvaient
être différentes et que les solutions de principe pouvaient
être mal adaptées à ces conditions particulières.
Afin de mettre en œuvre les recommandations du groupe spécial
et de l'Organe d'appel, les États-Unis ont révisé leur mesure
et subordonné l'accès au marché à l'adoption d'un programme
comparable au leur du point de vue de l'efficacité (et non à
l'adoption essentiellement du même programme). Pour l'Organe
d'appel, dans l'affaire
États-Unis— Crevettes (article 21:5), cela a permis une
flexibilité suffisante dans l'application de la mesure afin
d'éviter une “discrimination arbitraire ou injustifiable”.
Texte de l' article XX du GATT
“Sous réserve que ces mesures ne soient pas
appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination
arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions
existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien
dans le présent Accord [le GATT] ne sera interprété comme empêchant
l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures:
b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et
des animaux ou à la préservation des végétaux;
g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables,
si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions
à la production ou à la consommation nationales. ...”
(L'article XIV de l'AGCS contient la même clause introductive et le même paragraphe b), mais n'a pas d'équivalent au paragraphe g).)
Conception de la mesure
Enfin, une mesure
environnementale ne peut pas constituer “une restriction
déguisée au commerce international”, à savoir avoir des effets
protectionnistes. Dans des affaires antérieures, il a été
constaté que l'application de la mesure à des fins de
protection pouvait, le plus souvent, être déterminée d'après
sa “conception, ses principes de base et sa structure
révélatrice”. Par exemple, dans l'affaire
États-Unis—Crevettes (article 21:5), le fait que la mesure
révisée autorisait les pays exportateurs à appliquer des
programmes ne prévoyant pas l'utilisation obligatoire de DET
et offrait une assistance technique pour encourager
l'utilisation de DET dans les pays tiers montrait que la
mesure n'était pas appliquée de façon à constituer une
restriction déguisée au commerce international.
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relatifs à l'environnement
DET
Un DET (dispositif d'exclusion des tortues marines) est une trappe grillagée installée à l'intérieur d'un chalut qui permet le passage des crevettes vers le fond du filet, tout en évacuant vers l'extérieur les tortues marines et d'autres objets de grande dimension pris involontairement.