Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

AGCS: REALITE ET FICTION

Malentendus et nouvelles alarmistes:

Le règlement des différends est-il  une menace pour la démocratie? 

Dans un ouvrage publié pour le Centre canadien de politiques alternatives intitulé "GATS: How the New WTO's Services Negotiations Threaten Democracy", il est dit que les dispositions de l'AGCS concernant les réglementations intérieures constituent l'une des "menaces les plus dangereuses pour la prise de décision démocratique" que comporte l'Accord. Il est affirmé dans cet ouvrage que "les gouvernements seraient obligés de démontrer, d'abord, que des réglementations non discriminatoires étaient nécessaires pour réaliser un objectif légitime approuvé par l'OMC et, ensuite, qu'aucune autre mesure moins restrictive pour le commerce n'était possible". Comme nous l'avons dit plus haut, les seules circonstances dans lesquelles un Membre serait tenu de justifier une réglementation intérieure concerneraient le règlement d'un différend, lorsqu'une mesure spécifique a été contestée par un autre gouvernement.

Toutes les préoccupations exprimées au sujet de la "déréglementation" des services imputable à l'AGCS ou des menaces pour les normes en matière de santé et de sécurité se ramènent à l'éventualité qu'une mesure jugée discriminatoire ou indûment restrictive puisse être contestée lors du règlement d'un différend. Pendant les six premières années de l'existence de l'AGCS (jusqu'en février 2001), il n'y a eu aucune affaire portée devant le mécanisme de règlement des différends qui soit axée sur les services, même si trois affaires concernant essentiellement le commerce des marchandises dans le cadre du GATT comportaient d'importants éléments relatifs à l'AGCS. Aucune mesure relevant d'une réglementation intérieure n'a été contestée au titre de l'AGCS. Il se peut néanmoins que ce soit le cas à l'avenir. Mais peut-on vraiment présenter cela comme une attaque contre la démocratie?

Tous les gouvernements sont souverains. Dans les limites de leur propre compétence, ils peuvent se réserver le droit d'agir comme bon leur semble, voire aller jusqu'à interdire purement et simplement tout commerce avec l'étranger, même si, bien sûr, ils n'auraient alors plus aucune raison de participer à l'OMC. Comme tous les Accords de l'OMC, l'AGCS est un accord par lequel on entend respecter un ensemble de règles convenues sur le plan multilatéral et il implique par conséquent un certain renoncement à la souveraineté. Il en est de même pour tous les autres accords internationaux. Le renoncement est volontaire, conditionnel et temporaire: aucun pays n'est obligé de devenir ou de rester Membre de l'OMC. Mais presque tous les gouvernements du monde—plus de 140 Membres de l'OMC et 30 pays qui négocient leur accession—conviennent qu'il vaut la peine d'accepter quelques limitations négociées du droit autrement souverain d'intervenir dans le commerce, y compris la possibilité de voir l'une de leurs propres mesures contestée par un partenaire commercial. Un gouvernement ne devrait-il pas pouvoir contester une mesure qu'il juge illégale et dommageable pour les intérêts de son pays? Lors du règlement d'un différend, chacun des gouvernements concernés représente les intérêts de sa population tels qu'il les conçoit. Il est difficile de dire a priori si les arguments des uns ont plus de légitimité démocratique que ceux des autres. Si la partie plaignante n'a pas gain de cause, cela sera-t-il aussi une défaite pour la démocratie? Dire que la possibilité d'être perdant dans une hypothétique affaire soumise au règlement des différends constitue une attaque contre la démocratie, c'est nier la légitimité des accords commerciaux internationaux et le principe de la coopération internationale, car la participation à tout système juridique implique l'acceptation du fait que les droits des autres pourront parfois l'emporter.

L'anarchie dans les relations commerciales internationales entraînerait une perte de souveraineté bien plus grande, surtout pour les faibles et les petits. Reconnaissant ce fait, les gouvernements ont accepté l'obligation de justifier et, au besoin, de modifier des mesures commerciales incriminées comme un prix qui vaut bien la peine d'être payé, si c'est cela ou la loi du plus fort. Sur ce point, ils ont certainement raison.

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