Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC

MODULE DE FORMATION CONCERNANT L’ACCORD SPS: CHAPITRE 5

Mise en ouvre — Règlement des différends

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5.4 L’affaire Saumons

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Contexte  haut de page

À partir de 1975, l’Australie a interdit les importations de saumons frais, réfrigérés et congelés, prétendument pour éviter l’introduction d’ichtyopathologies exotiques dans le pays. Les importations de saumons traités thermiquement, y compris le saumon en conserve, étaient autorisées si elles satisfaisaient aux conditions de traitement établies par l’Australie. En 1994, le Canada a demandé la tenue de consultations formelles conformément aux dispositions du GATT relatives au règlement des différends. À la suite de ces consultations, l’Australie est convenue de procéder à une analyse des risques de maladies découlant de l’importation de saumons non cuits et a examiné en premier lieu le saumon du Pacifique, adulte, sauvage, pêché en mer provenant du Canada et des États-Unis.

Un projet d’évaluation des risques liés à l’importation a été publié en mai 1995, qui concluait que si certaines conditions en matière de certification étaient remplies, les importations de saumon du Pacifique, adulte, sauvage, pêché en mer présentaient un risque négligeable pour l’Australie et devraient être autorisées. À la suite d’observations formulées par le public au sujet du projet de rapport, un deuxième projet de rapport a été publié en mai 1996, qui ne présentait aucune recommandation, mais indiquait un certain nombre de mesures de remplacement pour la gestion des risques. Le rapport final sur l’évaluation des risques, publié en décembre 1996, a conclu que jusqu’à 20 ichtyopathologies exotiques pouvaient être introduites suite à l’importation de la catégorie de saumons susmentionnée et que, bien que cela soit peu probable, les conséquences économiques de ces maladies pouvaient être importantes. Sur la base du rapport final, le gouvernement australien a annoncé en décembre 1996 qu’il maintenait l’interdiction appliquée à l’importation de saumons frais, réfrigérés et congelés.

 

Le Groupe spécial  haut de page

Un groupe spécial de l’OMC a été établi en avril 1997, dont les membres étaient M. Michael Cartland (Président), juriste de Hong Kong et diplomate spécialisé dans les questions commerciales, M. Kari Bergholm, diplomate finlandais spécialisé dans les questions commerciales qui avait été le premier président du Comité SPS et Mme. Claudia Orozco, juriste colombienne et diplomate spécialisée dans les questions commerciales. Le Groupe spécial a décidé de consulter des experts scientifiques choisis en consultation avec les parties à partir des listes d’experts communiquées par l’OIE. Un avis d’experts a été demandé concernant les ichtyopathologies, l’évaluation des risques et l’OIE.

 

Questions et constatations juridiques  haut de page

Évaluation des risquesarticle 5:1 et 5:2

L’Australie a effectué une évaluation des risques concernant le saumon du Pacifique, adulte, sauvage, pêché en mer et le Groupe spécial a présumé — sans établir de constatation à ce sujet — que cette évaluation des risques satisfaisait aux prescriptions relatives à l’évaluation des risques énoncées à l’article 5, paragraphes 1 et 2. Toutefois, le Groupe spécial a constaté que la mesure n’avait pas été établie sur le base de l’évaluation des risques, c’est-à-dire qu’il n’existait aucune relation logique entre cette évaluation des risques et l’interdiction appliquée à l’importation de ce type de saumon. Le Groupe spécial a constaté que l’Australie n’avait pas effectué une évaluation des risques pour tous les autres types de saumons et qu’elle agissait donc en violation des dispositions pertinentes. Le Groupe spécial a considéré que la mesure d’interdiction des importations de saumons frais, réfrigérés ou congelés appliquée par l’Australie pourrait être également qualifiée d’obligation de traiter le saumon thermiquement.

L’Organe d’appel a rejeté le postulat du Groupe spécial selon lequel la prescription en matière de traitement thermique était la mesure SPS incriminée. Cela étant, l’Organe d’appel a ensuite examiné l’évaluation des risques effectuée par l’Australie et a conclu que, compte tenu de la définition énoncée à l’Annexe A de l’Accord, une évaluation des risques pour la santé des animaux devait permettre:

  1. d’identifier la ou les maladies en cause ainsi que les conséquences biologiques et économiques qui en résultaient;
  2. d’évaluer la probabilité de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de ces maladies ainsi que des conséquences biologiques et économiques qui en résultaient; et
  3. d’évaluer la probabilité de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de ces maladies en fonction des mesures SPS qui pourraient être appliquées.

L’Organe d’appel a constaté que l’évaluation des risques effectuée par l’Australie identifiait les maladies en cause mais ne permettait pas d’évaluer la probabilité selon les deuxième et troisième critères. L’Australie avait agi de manière incompatible avec l’article 5:1 de l’Accord SPS car l’évaluation des risques existante ne satisfaisait pas aux prescriptions de l’Accord SPS et une évaluation des risques n’avait pas été effectuée pour les autres types de saumons. L’Organe d’appel a noté qu’il n’était pas nécessaire qu’une bonne évaluation des risques soit quantitative, mais qu’elle pouvait être qualitative.

Cohérencearticle 5:5

Le Groupe spécial a établi une comparaison entre les niveaux de protection qui ressortaient de l’interdiction à l’importation de saumons et ceux qui étaient appliqués à l’importation de harengs congelés entiers devant être utilisés comme appât et à l’importation de poissons d’ornement vivants (poissons d’aquarium). Le Groupe spécial a examiné:

  1. s’il existait des différences dans les niveaux de protection adoptés dans des situations différentes mais comparables;
  2. si ces différences étaient arbitraires ou injustifiables; et
  3. si elles entraînaient une discrimination ou une restriction déguisée au commerce.

Bien que, dans les deux cas, il y ait au moins une maladie en commun, le Groupe spécial a constaté que les niveaux de protection étaient sensiblement différents. L’importation de saumons était interdite alors que l’admission des harengs était autorisée sans contrôle et celle des poissons d’ornement avec peu de contrôle. Le Groupe spécial a constaté que ces différences dans les niveaux de protection étaient arbitraires ou injustifiables, puisque des appâts étaient couramment introduits dans l’environnement aquatique et que les poissons d’ornement étaient souvent relâchés dans la nature et présentaient donc un risque plus élevé pour la population de poissons australienne. En raison de ces différences arbitraires ou injustifiables, de la violation de l’article 5:1, outre le changement soudain de conclusions entre les versions de 1995 et de 1996 de l’évaluation des risques, et de l’absence de restrictions appliquées au transport intérieur des saumons, le Groupe spécial a conclu que l’interdiction à l’importation de saumons était discriminatoire et entraînait une restriction déguisée au commerce. L’Organe d’appel a confirmé cette constatation.

Mesure la moins restrictive pour le commerce — article 5:6

Le Groupe spécial a ensuite examiné si l’Australie agissait en violation de l’article 5:6, qui exige qu’une mesure ne soit pas plus restrictive pour le commerce qu’il n’est requis pour obtenir le niveau approprié de protection. Il a examiné si une mesure de remplacement:

  1. était raisonnablement applicable compte tenu de la faisabilité technique et économique;
  2. permettait d’obtenir le niveau de protection sanitaire approprié de l’Australie; et
  3. était sensiblement moins restrictive pour le commerce.

Le Groupe spécial a noté que l’évaluation des risques effectuée par l’Australie identifiait sept options possibles, dont toutes étaient présumées être techniquement et économiquement faisables, et il a en outre indiqué qu’il était extrêmement difficile d’établir une distinction entre les niveaux de risques présentés par chaque option. Certaines des options étaient à l’évidence moins restrictives pour le commerce que l’interdiction à l’importation/la prescription en matière de traitement thermique imposées par l’Australie. Le Groupe spécial a donc conclu que le Canada avait établi prima facie que des mesures moins restrictives pour le commerce existaient et que l’Australie n’avait pas présenté d’éléments de preuve pour le réfuter.

L’Organe d’appel a infirmé cette constatation car le Groupe spécial avait fondé une grande partie de son examen sur la prescription relative au traitement thermique et non sur l’interdiction des importations. En raison du caractère insuffisant des constatations de fait, l’Organe d’appel n’a pas été en mesure de parvenir à une conclusion sur la question de savoir si l’Australie avait agi en violation de l’article 5:6.

 

Mise en ouvre  haut de page

Les parties ne se sont pas accordées sur ce qui constituait un “délai raisonnable” pour la mise en ouvre par l’Australie des constatations du Groupe spécial et de l’Organe d’appel. Elles ont soumis la question à arbitrage, à la suite de quoi un délai de huit mois a été accordé à l’Australie pour qu’elle mette sa mesure en conformité avec l’Accord SPS.

Le délai raisonnable accordé pour la mise en conformité avec les règles et recommandations de l’ORD a expiré le 6 juillet 1999. L’Australie a allégué avoir pleinement mis en ouvre les recommandations de l’ORD pour le 19 juillet 1999. L’Australie avait effectué une nouvelle analyse des risques liés aux importations pour les saumons frais, réfrigérés et congelés destinés à la consommation humaine et d’autres poissons d’eau de mer non viables, ainsi qu’une analyse des risques distincte pour les poissons d’ornement vivants. Établie sur la base de l’analyse des risques de 1999, la nouvelle mesure appliquée par l’Australie autorisait, dans certaines conditions, l’importation de tous les types de saumons canadiens. Toutefois, le Canada n’a pas jugé suffisantes les mesures prises par l’Australie.

Le Canada a demandé au Groupe spécial initial d’examiner les mesures de mise en ouvre adoptées par l’Australie pour déterminer si ce pays s’était mis en conformité. En outre, il a demandé l’autorisation de suspendre des concessions pour une valeur de 45 millions de dollars canadiens et l’Australie a demandé le recours à un arbitrage concernant le niveau de la suspension des concessions (souvent désignée par l’expression “mesures de rétorsion”). L’ORD a demandé au Groupe spécial initial d’examiner la question de la mise en conformité de l’Australie (article 21:5 du Mémorandum d’accord) et a désigné un arbitre chargé de déterminer le niveau approprié des “mesures de rétorsion” (article 22:6 du Mémorandum d’accord). Les deux pays sont convenus qu’ils attendraient jusqu’à ce que le Groupe spécial se soit prononcé sur la question de la conformité avant de passer à l’arbitrage concernant le niveau de la suspension des concessions. Les États-Unis, qui pendant ce temps avaient demandé l’établissement d’un groupe spécial chargé d’examiner la même question concernant l’Australie, ont aussi décidé d’attendre jusqu’à ce que le Groupe spécial ait fini d’examiner si l’Australie s’était mise en conformité.

 

Détermination de la conformité  haut de page

La nouvelle mesure appliquée par l’Australie, établie sur la base d’une nouvelle évaluation des risques appliquée à tous les saumons frais, réfrigérés et congelés, a défini de nouvelles conditions d’importation. Outre la prescription exigeant que les poissons soient éviscérés, que la tête et les branchies soient enlevées, que les surfaces intérieures et extérieures soient lavées et que les poissons soient certifiés, l’Australie a spécifié que les produits devaient être transformés en une forme “prête à cuire” pour pouvoir bénéficier d’une levée de la quarantaine. La définition de ce qui constituait un produit prêt à cuire comportait une prescription selon laquelle la peau devait être ôtée pour tous les produits de plus de 450 grammes. Le saumon qui n’était pas prêt à cuire devrait être transformé en une forme prête à cuire dans des locaux agréés pour réduire les risques découlant d’une élimination inadéquate de grandes quantités de peaux, d’arêtes, etc.

Raisonnement juridique du Groupe spécial

Le Groupe spécial a noté que la date limite fixée pour la mise en conformité était le 6 juillet 2000 et que la nouvelle mesure appliquée par l’Australie entrait en vigueur le 19 juillet 2000. En outre, certaines des nouvelles mesures visant les poissons autres que les saumons (destinées à assurer le respect de la prescription en matière de conformité) étaient mises en application à des dates ultérieures. Ainsi, le Groupe spécial a constaté qu’il y avait des périodes pendant lesquelles l’Australie n’avait pas mis ses mesures en conformité avec l’Accord SPS ainsi que l’exigeaient les décisions et recommandations de l’ORD.

Le Groupe spécial a ensuite examiné la question de savoir si les mesures australiennes visant les importations de saumons étaient établies sur la base d’une évaluation des risques. À son avis, l’analyse des risques liés à l’importation effectuée en 1999 satisfaisait aux trois critères applicables à une évaluation des risques énoncés dans l’Accord SPS, à savoir qu’elle permettait i) d’identifier la ou les maladies dont l’Australie voulait empêcher l’entrée, l’établissement ou la dissémination ainsi que les conséquences biologiques et économiques qui pourraient en résulter; ii) d’évaluer la probabilité de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de ces maladies ainsi que des conséquences biologiques et économiques qui en résultaient; et iii) d’évaluer la probabilité de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de ces maladies en fonction des mesures SPS qui pourraient être appliquées.

Le Groupe spécial a cependant constaté qu’en exigeant que les produits à base de saumon aient une forme particulière prête à cuire pour pouvoir bénéficier d’une levée de la quarantaine, l’Australie appliquait des mesures sanitaires qui n’étaient pas établies sur la base d’une évaluation des risques, ce qui était contraire à l’article 5:1 de l’Accord SPS.

En outre, le Groupe spécial a constaté que la définition du produit prêt à cuire était plus restrictive qu’il n’était requis pour obtenir le niveau de protection sanitaire souhaité, ce qui était contraire à l’article 5:6 de l’Accord SPS. L’Australie a fait valoir que la prescription exigeant qu’un produit soit prêt à cuire avait pour objet de limiter les risques découlant des déchets non traités provenant des installations de transformation du saumon. Le Groupe spécial a estimé que l’Australie pouvait mettre en place des prescriptions moins restrictives pour le commerce, par exemple des prescriptions concernant des emballages individuels, qui empêcheraient également une transformation dangereuse et permettraient d’obtenir le niveau de protection sanitaire jugé approprié par l’Australie.

Dans le différend initial, le Groupe spécial avait constaté que l’Australie maintenait des différences arbitraires ou injustifiables dans les niveaux de protection qu’elle appliquait aux saumons et aux harengs devant être utilisés comme appât et aux poissons d’ornement vivants. L’Australie ayant modifié les mesures appliquées aux saumons tout en resserrant considérablement les mesures visant les importations de harengs et de poissons d’ornement, le Groupe spécial a constaté que l’Australie ne maintenait plus de différences arbitraires ou injustifiables dans ses niveaux de protection, et n’agissait donc plus en violation de l’article 5:5:

 

Situation actuelle  haut de page

Le rapport du Groupe spécial sur la mise en conformité a été adopté sans appel le 20 mars 2000. L’Australie et le Canada ont indiqué qu’ils étaient parvenus à une solution mutuellement convenue le 18 mai 2000 mais, en avril 2002, aucune confirmation officielle du règlement n’avait été présentée. Les États-Unis et l’Australie ont notifié en novembre 2000 qu’ils étaient parvenus à une solution mutuellement convenue.

Pour savoir où en sont les différends soumis à l’OMC, prière de consulter le site Web de l’OMC à l’adresse http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/dispu_f.htm#news.

  

  

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