DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT ALAN WM. WOLFF

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La création du système commercial multilatéral est une réalisation remarquable. Il a fallu à l'humanité quelque 3 500 ans pour y parvenir à partir du moment où elle a commencé à élaborer des règles commerciales. Le système multilatéral, quant à lui, n'a que 75 ans.

Actuellement, j'ai pour principale préoccupation d'améliorer le système commercial multilatéral tel qu'il est incarné par les règles et procédures de l'OMC. Tous les Membres bénéficient de l'existence de ce système, notamment les États-Unis et la Chine, ainsi que d'autres partenaires commerciaux importants. Il serait dans l'intérêt de l'ensemble des Membres de l'OMC que toutes les mesures commerciales soient prises dans le cadre des règles du système commercial multilatéral et non en dehors.

Dans mon rôle actuel, je n'approuve ni ne condamne les mesures commerciales prises par les Membres. C'est à eux qu'il appartient de décider ou de régler leurs différends dans le cadre des procédures de l'OMC, s'ils choisissent de les invoquer.

S'il n'y a eu aucune indication en ce sens de la Chine et des États-Unis, le meilleur pour régler leur conflit actuel serait d'inclure un accord conjoint qui refléterait la solution trouvée dans les règles de l'OMC régissant leurs relations commerciales, et ce pour plusieurs raisons:

  • Les deux pays devraient s'intéresser à la stabilité des résultats de leurs négociations. L'expérience a montré que les règles de l'OMC perduraient généralement davantage que les simples accords bilatéraux.
  • Bon nombre de sujets pouvant faire l'objet de discussions vont au-delà de l'intérêt de ces deux seules parties. Par exemple, si un accord est trouvé sur la transparence par le biais des notifications, les deux pays devraient souhaiter que tout accord de ce type soit applicable à l'ensemble des Membres de l'OMC.

Heureusement, les échanges de mesures et contre-mesures commerciales entre les États-Unis et la Chine surviennent à un moment où la réforme de l'OMC est au cœur des préoccupations politiques des grandes nations commerçantes. Les Membres représentant la majeure partie du commerce mondial, réunis à Buenos Aires le 1er décembre 2018 au sein du G-20 (Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie et Union européenne), ont déclaré que l'OMC avait besoin d'être réformée.(1)

Trois de ces Membres, qui représentent la majorité de l'activité économique mondiale, se sont penchés sur des modifications spécifiques des règles du commerce international, notamment en ce qui concerne: 1) la transparence et les mesures visant à faire respecter les obligations de notification, 2) la limitation des subventions au secteur industriel, en particulier celles qui entraînent la création de capacités excédentaires, 3) les disciplines concernant les entreprises publiques et 4) les règles contre le transfert forcé de technologie.(2)

Ces trois Membres de l'OMC ont soumis une proposition de texte sur ces sujets(3), à laquelle d'autres se sont joints(4), afin d'améliorer l'application des dispositions de l'OMC en matière de notification. Parmi les obligations de notification figure celle qui concerne l'octroi des subventions. Dans les mois à venir, les Membres présenteront des propositions sur les autres sujets abordés dans la déclaration trilatérale que les Ministres du commerce ont adoptée en décembre 2017 à Buenos Aires.

Les États-Unis ont également présenté une proposition relative à une plainte formulée par le Représentant des États-Unis pour les questions commerciales internationales lors de la Conférence ministérielle de Buenos Aires, selon laquelle tous les Membres ne pouvaient pas se désigner eux-mêmes comme étant des pays en développement – ce qu'ils font vraisemblablement pour obtenir un traitement spécial et différencié (donc un traitement plus favorable que celui qui est accordé aux pays développés) pour traiter les négociations futures. Des 164 Membres de l'OMC, 120(5) - dont certains affichent un PIB supérieur à celui du Royaume-Uni - ont déclaré être des pays en développement. La Chine est le plus grand pays commerçant à revendiquer le statut de pays en développement. Elle affirme catégoriquement que ce statut est mérité et qu'elle a l'intention de le conserver. L'autodésignation en tant que pays en développement est clairement un caillou dans la chaussure états-unienne(6), comme en témoigne le fait que ce sujet occupait une place centrale lors de la récente réunion tenue entre le Président des États-Unis et celui du Brésil. La proposition des États-Unis, qui a pris la forme d'un projet de décision du Conseil général, prévoit ce qui suit:

Pour faciliter la mise en œuvre intégrale des futurs accords de l'OMC et faire en sorte que les Membres qui ont le plus de difficultés à s'intégrer au système commercial multilatéral tirent le maximum d'avantages du commerce, les catégories de Membres ci-après n'auront pas recours au traitement spécial et différencié dans les négociations actuelles et futures de l'OMC:

  1. un Membre de l'OMC qui est membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou un Membre de l'OMC qui a engagé le processus d'adhésion à l'OCDE;
  2. un Membre de l'OMC qui est membre du Groupe des 20 (G-20);
  3. un Membre de l'OMC qui est classé comme pays "à revenu élevé" par la Banque mondiale; ou
  4. un Membre de l'OMC qui représente au moins 0,5% du commerce mondial des marchandises (importations et exportations).(7)

Il ne fait aucun doute que si un accord bilatéral était conclu sur ce sujet, il serait pris en compte dans les discussions des Membres de l'OMC sur le statut des pays en développement. Je n'ai eu vent d'aucune discussion bilatérale portant sur la "différenciation" du statut des pays en développement, à l'exception de celle menée entre le Brésil et les États-Unis.

Les discussions sur les différentes propositions de réforme de l'OMC débutent à peine, à l'exception de celles qui concernent l'Organe d'appel. L'Initiative conjointe sur le commerce électronique est l'heureuse exception. Les États-Unis et la Chine font partie des 77 pays Membres de l'OMC qui ont participé aux discussions plurilatérales ouvertes suite auxquelles les négociations sur les règles du commerce électronique ne font que commencer. Des divergences apparaîtront sans aucun doute entre les participants quant aux droits et obligations qui devraient être inclus, mais c'est un domaine où il pourrait y avoir un certain degré de coopération entre la Chine et ses principaux partenaires commerciaux.

Tous les aspects du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine ne pourront pas être résolus dans le cadre de l'OMC par l'établissement de nouvelles règles, et peu de ces nouvelles règles pourraient être acceptées à court terme par un plus grand nombre de pays. La création de nouvelles règles dans le système commercial multilatéral est aussi un processus chronophage.

Pourtant, il est impératif d'établir de nouvelles règles largement acceptées afin d'étayer des relations commerciales plus stables pour toutes les parties intéressées.


Notes

  1. 27. International trade and investment are important engines of growth, productivity, innovation, job creation and development. We recognize the contribution that the multilateral trading system has made to that end. The system is currently falling short of its objectives and there is room for improvement. We therefore support the necessary reform of the WTO to improve its functioning. We will review progress at our next Summit.  December 1, 2018. Retour au texte
  2. 12/12/2017. Mrs. Cecilia Malmström, European Commissioner for Trade, Mr. Hiroshige Seko, Minister of Economy, Trade and Industry of Japan and Ambassador Robert E. Lighthizer, United States Trade Representative met in Buenos Aires, Argentine Republic on the 12th of December 2017 and agreed to strengthen our commitment to ensure a global level playing field.  They said: We shared the view that severe excess capacity in key sectors exacerbated by government-financed and supported capacity expansion, unfair competitive conditions caused by large market-distorting subsidies and state owned enterprises, forced technology transfer, and local content requirements and preferences are serious concerns for the proper functioning of international trade, the creation of innovative technologies and the sustainable growth of the global economy. We, to address this critical concern, agreed to enhance trilateral cooperation in the WTO and in other forums, as appropriate, to eliminate these and other unfair market distorting and protectionist practices by third countries. Retour au texte
  3. PROCEDURES TO ENHANCE TRANSPARENCY AND STRENGTHEN NOTIFICATION REQUIREMENTS UNDER WTO AGREEMENTS, submitted by Argentina, Australia, Canada, Costa Rica, The European Union, Japan, New Zealand, The Separate Customs Territory of Taiwan, Penghu, Kinmen and Matsu, and The United States.  JOB/GC/204/Rev.1 JOB/CTG/14/Rev.1, 1 April 2019 Retour au texte
  4. SCM Agreement: Art. 25.1 Members agree that, without prejudice to the provisions of paragraph 1 of Article XVI of GATT 1994, their notifications of subsidies shall be submitted not later than 30 June of each year and shall conform to the provisions of paragraphs 2 through 6.
    25.2 Members shall notify any subsidy as defined in paragraph 1 of Article 1, which is specific within the meaning of Article 2, granted or maintained within their territories.
    25.3 The content of notifications should be sufficiently specific to enable other Members to evaluate the trade effects and to understand the operation of notified subsidy programmes.
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  5. Brazil has indicated that it will not claim developing country status in future WTO negotiations Retour au texte
  6. WT/GC/W/757, 16 January 2019. Retour au texte
  7. https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S009-DP.aspx?language=E&CatalogueIdList=251580&CurrentCatalogueIdIndex=0& FullTextHash=371857150&HasEnglishRecord=True&HasFrenchRecord=False& HasSpanish Retour au texte

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