DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT ALAN WM. WOLFF

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Ce discours virtuel, préparé pour les membres de la Washington International Trade Association, vise à regrouper en un même endroit les points essentiels des propositions et déclarations de politique commerciale officielles faites ces trois dernières semaines dans le cadre des réactions des gouvernements, des groupes d'entreprises et des spécialistes du commerce à la propagation du nouveau coronavirus.

L'extinction des dinosaures et le coronavirus

Il y a environ 65 millions d'années, les dinosaures qui avaient peuplé la Terre ont disparu. Selon une théorie, un énorme astéroïde a frappé la Terre et un nuage de poussière a rempli l'atmosphère, causant ainsi la mort des dinosaures par étouffement.(1) Les faits sont un peu plus complexes. Les dinosaures ne possédaient pas certaines qualités essentielles qui auraient pu les aider à survivre. Ils n'étaient pas connus pour leur capacité de planification. En fait, il apparaît que leurs processus de réflexion étaient globalement très limités et très lents. Leur organisation sociale se caractérisait par le fait qu'ils ne prêtaient visiblement aucune attention aux autres espèces de dinosaures. En bref, leur capacité d'apporter une réponse collective efficace à leurs difficultés était nulle.

Des dizaines de millions d'années plus tard, les humains sont confrontés à une crise grave. Cette crise, qui n'est certes pas une crise existentielle collective, est néanmoins extrêmement grave. En tant que société, nos temps de cycle — trouver des idées, convenir d'un plan d'action et à agir — sont trop lents. Les énormes difficultés rencontrées sont en fait de deux ordres: la menace pour la santé humaine et, immédiatement après, la menace pour l'économie mondiale avec, sur un plan personnel, la perte d'emplois et la fonte de l'épargne. 

Mesures commerciales en période de pandémie

Les dirigeants des banques centrales et les ministres des finances sont habitués à prendre des mesures d'urgence coordonnées pour abaisser les taux d'intérêt et offrir des incitations fiscales en cas de fort ralentissement économique. Cela n'est généralement pas le cas des ministres du commerce. Ces derniers n'ont pas été appelés à agir ensemble pour contrer un ralentissement économique mondial depuis la crise financière de 2008. Le système commercial multilatéral a très bien réagi et a su résister aux mesures protectionnistes. La seule chose qui était préconisée à ce moment-là était l'inaction — ne pas imposer de nouvelles restrictions. Cette fois, le défi est bien plus grand. Il s'agit non seulement de ne pas prendre de mesures qui pourraient nuire à la population et à celle des pays voisins, mais aussi de réfléchir à ce qui pourrait être fait pour apporter une réponse positive raisonnable.

Le temps de cycle et l'accélération des événements. On dit que si un brontosaure était mordu à la queue, le signal que cela s'était produit mettait longtemps à atteindre son cerveau. Les Sapiens disposant d'organisations sociétales sont plus évolués. Le temps de cycle n'équivaut pas à celui de la messagerie instantanée, mais le fait est que, dans le monde entier, des professionnels de la santé, des chercheurs en laboratoire, des ingénieurs mécaniciens dans des usines de production textile et automobile, des développeurs de logiciels d'impression 3D et un grand nombre d'innovateurs travaillent sur ce qui est et deviendra la réponse mondiale au coronavirus.

Chronologie des mesures prises à ce jour au Centre William Rappard, siège de l'OMC à Genève (Suisse).

Le 2 février 2020, le New York Times citait Anthony S. Fauci, Directeur de l'Institut national des allergies et des maladies infectieuses, qui avait dit ceci: “[Le virus] est hautement transmissible et il est presque certain qu'il va générer une pandémie. Sera-t-elle catastrophique? Je ne sais pas.” (Lorsque j'ai atterri à Addis-Abeba le 10 février, tous les membres du personnel de l'aéroport portaient un masque sur le visage. Personne n'en portait dans les aéroports de Suisse).

      • Le 2 mars, les autorités suisses sont venues à l'OMC et ont préconisé de se laver les mains, de ne pas s'embrasser ni se serrer la main et d'éviter les accolades. Elles ont exhorté le Secrétariat de l'OMC à faire preuve de bon sens.
      • Le 6 mars, une liste des fonctionnaires susceptibles de travailler à domicile a été établie pour le cas où une décision serait prise à cet égard.
      • Le 9 mars, il a été demandé aux personnes présentant des symptômes de rester chez elles.
      • Le 10 mars, le premier cas confirmé de COVID-19 au sein du Secrétariat a été notifié à l'ensemble du personnel. Le même jour, toutes les réunions des délégués de l'OMC ont été annulées pour les 10 jours suivants. Il a été demandé aux fonctionnaires ayant une santé fragile de travailler à domicile jusqu'à la fin du mois.
      • Le 12 mars, le gouvernement du Kazakhstan a informé l'OMC que la douzième Conférence ministérielle de l'Organisation, qui devait se tenir du 8 au 11 juin, n'aurait pas lieu.
      • Le 13 mars, les personnes devant s'occuper de jeunes enfants en raison des fermetures d'école ont été informées qu'elles pouvaient travailler à domicile.
      • Le 14 mars, les locaux de l'OMC ont été fermés. Toutes les réunions de l'OMC ont été suspendues jusqu'à la fin du mois d'avril.
      • Le 15 mars, une liste de 24 fonctionnaires qui bénéficieraient d'un accès permanent aux locaux de l'OMC a été établie.
      • Le 16 mars, les autorités cantonales suisses ont fermé tous les bars, restaurants et autres lieux publics. À compter de cette date, tous les fonctionnaires de l'OMC ont reçu pour instruction de travailler à domicile jusqu'au 31 mars, à l'exception d'un nombre très restreint de personnes fournissant des services à d'autres.
      • Le 21 mars, l'équipe spéciale de l'OMC sur la santé a distribué un règlement suisse officiel interdisant les rassemblements de plus de cinq personnes en un même endroit et obligeant ces personnes à se tenir à deux mètres les unes des autres.
      • Le 23 mars, les personnes qui bénéficiaient d'un accès permanent aux locaux de l'OMC ont elles aussi été interdites d'accès. Le personnel indispensable, comme les fournisseurs de services informatiques, pouvaient toutefois continuer de travailler sur place.
      • Le 26 mars, il a été demandé à tous les fonctionnaires de travailler à domicile jusqu'à la fin du mois d'avril.
      • Le 27 mars, l'accès aux locaux a encore été réduit et il a été annoncé qu'un protocole "zéro-contact", réduisant drastiquement l'espace dans lequel le personnel indispensable pourrait travailler, serait mis en place.
    • Le 1er avril, à 4 heures du matin, on recensait en Suisse 16 605 personnes testées positives et 433 décès.(2)

Chronologie des réponses politiques coordonnées (à ce jour)

  • Le 21 mars, La Nouvelle-Zélande et Singapour se sont engagées à maintenir les chaînes d'approvisionnement ouvertes.
  • Le 25 mars, l'Australie, le Brunéi, le Canada, le Chili et le Myanmar se sont associés à cet engagement.

Le Canada, l'Australie, le Chili, le Brunéi et le Myanmar se sont associés à la Nouvelle-Zélande et à Singapour en s'engageant à maintenir les chaînes d'approvisionnement ouvertes et à supprimer toutes les mesures restrictives pour le commerce qui visaient actuellement les produits essentiels, notamment les fournitures médicales, compte tenu de la crise liée à la COVID-19.

Aujourd'hui, le Ministre du commerce et de la croissance des exportations David Parker s'est félicité de cette annonce.

“Je salue l'engagement pris par le Canada, l'Australie, le Chili, le Brunéi et le Myanmar de s'associer à la Nouvelle-Zélande et à Singapour pour aider à faire en sorte que nos citoyens puissent accéder aux marchandises et fournitures médicales importantes dont nous avons besoin en cette période de crise mondiale”, a dit David Parker.

“Il est important que certains de nos principaux partenaires nous donne l'assurance que les liaisons commerciales entre nous resteront ouvertes, y compris les lignes de fret aérien et maritime, afin de faciliter la circulation des marchandises, y compris les fournitures essentielles.

La politique commerciale ne peut pas à elle seule résoudre les problèmes et les difficultés que nous rencontrons, mais elle peut et doit faire partie de la solution. Nous réfléchissons aux mesures à prendre pour donner un effet concret et rapide à notre engagement commun de lutter contre cette pandémie mondiale par la coopération internationale.”

DÉCLARATION MINISTÉRIELLE CONJOINTE DE L'AUSTRALIE, DU BRUNÉI DARUSSALAM, DU CANADA, DU CHILI, DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE, DE LA RÉPUBLIQUE DE L'UNION DU MYANMAR ET DE SINGAPOUR

La pandémie de COVID-19 est une crise mondiale grave. Dans le cadre de notre réponse collective pour lutter contre la COVID-19, l'Australie, le Brunéi Darussalam, le Canada, le Chili, la Nouvelle‑Zélande, la République de l'Union du Myanmar et Singapour s'engagent à ce que les chaînes d'approvisionnement restent ouvertes et connectées. Nous travaillerons aussi en étroite collaboration pour identifier les perturbations des échanges ayant des répercussions sur la circulation des produits de première nécessité et y remédier.

Nous reconnaissons qu'il est dans notre intérêt mutuel de faire en sorte que les liaisons commerciales restent ouvertes, y compris les lignes de fret aérien et maritime, afin de faciliter la circulation des marchandises, y compris les fournitures essentielles.

Nous affirmons qu'il est important, pour le moment, de s'abstenir d'imposer des contrôles à l'exportation ou d'ériger des obstacles tarifaires et non tarifaires et de supprimer toutes les mesures restrictives pour le commerce qui visent actuellement les produits essentiels, notamment les fournitures médicales.

Nous sommes résolus à travailler avec tous les pays animés par des préoccupations semblables pour faire en sorte que le commerce se poursuive sans entrave et que les infrastructures essentielles, telles que les aéroports et les ports maritimes, restent ouvertes pour garantir la viabilité et l'intégrité des chaînes d'approvisionnement mondiales.

  • Le 26 mars, les dirigeants du G-20 ont tenu une réunion virtuelle et ont publié une déclaration concernant le commerce international:

Remédier aux perturbations du commerce international

Compte tenu des besoins de nos citoyens, nous travaillerons pour garantir la circulation des fournitures médicales vitales, des produits agricoles essentiels et d'autres marchandises et services à travers les frontières, ainsi que pour remédier aux perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales, afin de contribuer à la santé et au bien-être de tous les individus.

Nous nous engageons à continuer de travailler ensemble pour faciliter le commerce international et coordonner les réponses de manière à éviter les entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux. Les mesures d'urgence visant à protéger la santé seront ciblées, proportionnées, transparentes et temporaires. Nous chargeons nos ministres du commerce d'évaluer l'impact de la pandémie sur le commerce.

Nous réaffirmons notre objectif de créer un environnement du commerce et de l'investissement libre, équitable, non discriminatoire, transparent, prévisible et stable, ainsi que de maintenir nos marchés ouverts.

Le 30 mars, les ministres du commerce du G-20 ont tenu une réunion virtuelle et se sont engagés à ce qui suit:

Conformément aux prescriptions nationales, nous prendrons immédiatement les mesures nécessaires pour faciliter le commerce des … produits essentiels.

Nous favoriserons la disponibilité et l'accessibilité des fournitures médicales et produits pharmaceutiques essentiels à des prix abordables, sur une base équitable, là où on en a le plus besoin et le plus rapidement possible, y compris en encourageant l'augmentation de la production au moyen d'incitations et d'investissements ciblés, selon les circonstances nationales.

Nous veillerons à ce que notre réponse collective soit favorable aux micro, petites et moyennes entreprises.

Nous convenons que les mesures d'urgence visant à lutter contre la COVID-19, si elles sont jugées nécessaires, doivent être ciblées, proportionnées, transparentes et temporaires, qu'elles ne doivent pas créer d'obstacles non nécessaires au commerce ou de perturbation des chaînes d'approvisionnement mondiales, et qu'elles doivent être conformes aux règles de l'OMC.

Nous mettrons en œuvre ces mesures en respectant le principe de la solidarité internationale, compte tenu de l'évolution des besoins des autres pays en matière de fournitures d'urgence et d'aide humanitaire.

Nous soulignons l'importance de la transparence dans l'environnement actuel et notre engagement de notifier à l'OMC toutes les mesures liées au commerce qui seront prises,

[Nous chercherons à] atténuer… les effets sur le commerce international et l'investissement, nous continuerons à travailler ensemble pour créer un environnement du commerce et de l'investissement libre, équitable, non discriminatoire, transparent, prévisible et stable, et pour maintenir nos marchés ouverts.

Nous garantirons un fonctionnement harmonieux et continu des réseaux logistiques qui constituent l'épine dorsale des chaînes d'approvisionnement mondiales.

Nous continuerons de surveiller et d'évaluer l'impact de la pandémie sur le commerce.

Nous appelons les organisations internationales à présenter une analyse approfondie de l'impact de la COVID-19 sur le commerce mondial, l'investissement et les chaînes de valeur mondiales.

Les règles de l'OMC laissent aux gouvernements une marge de manœuvre importante pour prendre des mesures d'urgence. L'autolimitation est d'une importance vitale.

Propositions concernant de futures mesures de politique commerciale spécifiques(3)

Un document de travail établi le 11 mars pour la réunion du Groupe d'Ottawa du 18 mars, qui a ensuite été annulée, incluait le point à examiner ci-après. Il mettait l'accent sur les réductions tarifaires générales comme mesures de relance budgétaire et présentait l'élimination des droits de douane comme une réponse directe à la flambée de COVID-19. 

Il n'y a ni suffisamment de temps pour engager et conclure un nouveau cycle de négociations tarifaires ni volonté manifeste des Membres de l'OMC à cet égard. La seule mesure efficace serait une réduction tarifaire coordonnée autonome. Pour être mise en œuvre rapidement, cette mesure pourrait ne pas faire l'objet d'un contrat. Elle serait réciproque dans la mesure où les autres Membres de l'OMC s'y associeraient volontairement. L'objectif pourrait être que tous les pays industrialisés ramènent leurs droits NPF appliqués à un taux moyen inférieur à 5%, que les pays en développement qui ne sont pas industrialisés ramènent ces droits à un taux moyen de 10% ad valorem et que les pays les moins avancés réduisent leurs droits consolidés de 10%, si possible, à titre de contribution symbolique. Les droits NPF consolidés devraient être réduits car les droits préférentiels moyens sont déjà faibles et, en tout état de cause, l'utilisation des droits de douane découlant des ALE pourrait aussi être faible en raison de règles d'origine contraignantes.

Dans deux domaines, [d'après le document] il devrait être possible d'aller plus loin que le programme de réductions autonomes.

Premièrement, compte tenu des circonstances actuelles, supprimer tous les droits visant les produits liés à la santé devrait être politiquement faisable. Ces produits comprendraient le matériel médical, les fournitures médicales, les vêtements nécessaires à la manipulation de matières dangereuses, le savon, les produits désinfectants et les produits pharmaceutiques. (Il serait encore plus urgent d'envisager de s'engager en parallèle à ne pas imposer de limitations à l'exportation de ces marchandises, même si, d'un point de vue politique, cela pourrait s'avérer plus difficile). 

Deuxièmement, les droits visant les biens énumérés dans l'Accord sur les biens et services environnementaux (ABE), qui était en suspens, pourraient être ramenés à zéro. Cela se justifierait par le fait qu'il était déjà convenu que les droits visant ces biens seraient éliminés; en outre, une élimination autonome et non réciproque des droits visant ces biens (et services) se justifiait aussi par le fait que cela serait bon pour l'environnement et constituerait donc un avantage direct pour le pays qui prendrait la mesure, que les autres pays prennent la même mesure ou non.

Ces mesures seraient-elles accueillies favorablement par un nombre suffisant de Membres de l'OMC? La crise sanitaire et le ralentissement de l'économie mondiale suffisent chacun à justifier l'adoption de mesures d'urgence. Bon nombre d'entreprises, de ministres des finances et de dirigeants de banques centrales se féliciteraient de telles mesures. Les marchés réagiraient favorablement. Ce programme serait un vote de confiance pour l'OMC et le système commercial multilatéral, une initiative de soutien concrète et substantielle allant au-delà du discours selon lequel elle est plus que nécessaire. L'UE, qui s'emploie à rendre ses politiques plus respectueuses de l'environnement, et plusieurs autres Membres de l'OMC devraient juger utile de prendre ces mesures au regard de leurs aspirations écologiques. L'Administration actuelle des États-Unis devrait se féliciter de ces mesures, qu'elle devrait voir comme un alignement sur la faible moyenne de ses droits de douane. Elle pourrait même s'associer à cette initiative. Aucune négociation ne serait nécessaire sur ce qu'est un bien environnemental ou sur les raisons pour lesquelles une mesure devrait être prise.

Il n'est pas nécessaire que cette initiative soit adoptée par un grand nombre de Membres de l'OMC pour autant que les Membres qui s'y associent représentent une part importante du commerce mondial.

Le 26 mars, le Directeur général de l'OMC, Roberto Azevêdo, a fait trois suggestions au G-20 en réponse à la déclaration des dirigeants:

  • Les membres du G-20 pourraient demander à l'OMC, à l'OMS, à l'OMD et à d'autres organisations internationales d'établir des normes et des meilleures pratiques coordonnées pour faciliter le commerce des produits et services de santé liés à la COVID-19.
  • Les membres du G-20 pourraient s'engager à coopérer pour garantir une offre suffisante et une circulation transfrontières sans entrave des produits et des services, notamment ceux qui sont essentiels pendant et après la crise.
  • Les membres du G-20 pourraient convenir que tout recours à des restrictions à l'exportation devrait être ciblé, proportionné, temporaire et transparent et s'engager à communiquer des renseignements sur ces mesures à l'OMC.

Le 28 mars, John Denton, Président de l'ICC, a adressé une lettre aux ministres du commerce du G‑20 dans laquelle il formulait les recommandations suivantes (présentée sous la forme d'un résumé des points soulevés):

1. Utiliser la politique commerciale pour accélérer la réponse à la crise sanitaire liée à la COVID-19

[A]fin de rendre opérationnel les engagements des dirigeants du G-20 visant à garantir la circulation des fournitures médicales vitales, nous appelons les Ministres du commerce du G-20 à:

  1. Éliminer les droits de douane visant les produits essentiels. Les pays du G-20 doivent faire tout leur possible pour garantir que les fournitures médicales nécessaires soient accessibles et abordables.
  2. Accélérer la facilitation des échanges pour les produits essentiels. … [É]tablir des “circuits verts” pour permettre une inspection et une mainlevée rapides des produits essentiels. [L]es restrictions ne doivent pas s'appliquer au personnel dont le déplacement est nécessaire pour:
    1. augmenter la production de fournitures médicales;
    2. élaborer, tester, produire et distribuer des vaccins; ou
    3. transporter ces produits à l'international.
  3. Éliminer les restrictions à l'exportation visant les produits essentiels.
  4. Suspendre toutes les réglementations nationales relatives aux marchés publics et les mesures de localisation imposées par l'État qui entravent l'approvisionnement transfrontières en fournitures médicales essentielles.

2. Maintenir les flux commerciaux pour rétablir la croissance et préserver les emplois

Nous assistons à un effondrement sans précédent des chaînes de valeur dans de nombreux secteurs, ce qui a des incidences majeures sur l'emploi et l'offre de marchandises.

  1. Assurer la continuité du fret et des transports. [R]emédier à la pénurie de pilotes d'avions-cargos causée par les prescriptions en matière de quarantaine.
  2. Prolonger les délais de paiement des droits et des redevances.
  3. Maintenir les flux de financement du commerce. … en promouvant l'utilisation de documents numériques.
  4. Nous encourageons aussi les Ministres du commerce du G-20 à prendre conscience de la nécessité éventuelle d'interventions politiques anticipées pour maintenir le niveau de liquidité sur le marché du financement du commerce.

3. La COVID-19 ne doit pas entraver la réforme à long terme du système commercial

  1. Réformer l'OMC dans son ensemble.
  2. Accélérer la transition vers le commerce numérique. [R]econnaître qu'il est impératif de parvenir à un accord de haut niveau sur les aspects du commerce électronique liés au commerce, en se basant sur des règles communes, afin de garantir un accès ouvert et non discriminatoire aux marchés numériques et fondés sur les technologies numériques.
  3. Favoriser le commerce numérique par la normalisation. [P]romouvoir l'inclusion économique par l'élaboration de normes commerciales ouvertes. … comme la Digital Trade Standards Initiative (DSI) de l'ICC, qui peut aider à faire passer le commerce de l'analogique au numérique

Littérature récente sur les prescriptions suggérées en matière de politique commerciale

  • Le Global Trade Alert(4), dont les travaux extrêmement utiles sont menés sous l'égide de Simon Evenett de l'Université de Saint-Gall, suggère les mesures suivantes:

Mesure de politique commerciale recommandée — Faciliter la livraison des fournitures médicales et du savon.

  1. Pendant au moins six mois, supprimer les taxes à l'importation et les contingents d'importation visant l'ensemble du matériel médical, des médicaments, des produits désinfectants et du savon nécessaires.
  2. Examiner tous les obstacles non tarifaires affectant les importations de fournitures médicales importantes, à l'exception de ceux dont le seul but avéré est d'assurer la sûreté de ces fournitures.
  3. S'engager publiquement à ne pas interdire ou limiter l'exportation de fournitures médicales importantes.
  4. Lever les interdictions existantes visant l'exportation de fournitures médicales nécessaires pour lutter contre le coronavirus.
  5. Renforcer les incitations à l'augmentation de la production nationale en instituant des prix planchers (prix minimaux) avantageux pour les fournitures médicales vendues à l'État.(5)
  • Le 17 mars 2020, Wendy Cutler, négociatrice chargée du commerce expérimentée et très respectée, a publié sur un blog les idées ci-après:
  • L'OMC devrait convoquer une réunion d'urgence (virtuelle) pour discuter et prendre des mesures au sujet de l'utilisation croissante de restrictions à l'exportation visant les fournitures médicales et le matériel et les équipements connexes. En cette période, les pays devraient coopérer et s'entraider plutôt que de suivre une approche du “chacun pour soi”. L'article XI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) interdit expressément les prohibitions ou restrictions à l'exportation, mais prévoit toutefois des exceptions limitées que certains pays pourraient faire valoir compte tenu des circonstances actuelles.
  • Le G-7 et le G-20 devraient annoncer un accord sur un gel immédiat, à savoir un statu quo dans le monde du commerce, en vue d'empêcher de nouvelles hausses tarifaires, prohibitions ou restrictions à l'exportation et autres mesures restrictives pour le commerce jusqu'à la fin de l'année.
  • Afin de donner un élan nécessaire à l'économie mondiale et faire en sorte que les restrictions commerciales n'exacerbent pas la crise sanitaire actuelle, les États-Unis et la Chine devraient démanteler les mesures d'augmentation des droits de douane qu'ils ont imposées ces deux dernières années et qui visent des produits finis et des biens intermédiaires représentant des centaines de milliards de dollars. Pour lancer ce processus, les États-Unis devraient immédiatement 1) démanteler le droit de 7,5% restant imposé en septembre dernier aux importations de certains produits médicaux et produits de consommation en provenance de Chine, qui représentent 120 milliards de dollars; et 2) rendre permanentes les exclusions temporaires accordées à ce jour pour certains produits, y compris les produits médicaux. Face à ces mesures de bonne foi, la Chine n'aurait pas d'autre choix que d'en faire autant.
  • Reconnaissant qu'il y aura probablement d'autres pandémies à l'avenir, l'OMC devrait engager des négociations, sur une base plurilatérale si nécessaire, pour éliminer les droits de douane et autres restrictions visant un large éventail de matériel, de fournitures et d'équipements médicaux. Cet aménagement tarifaire sectoriel devrait être établi sur le modèle de l'un des quelques Accords de l'OMC qui ont donné de bons résultats, à savoir l'Accord sur les technologies de l'information, qui impliquait une masse critique de Membres de l'OMC.(6)
  • Jennifer Hillman, ancienne membre de l'Organe d'appel de l'OMC, directrice de recherche chargée du commerce et de l'économie politique internationale au Council on Foreign Relations, a formulé les suggestions suivantes:
  1. Éliminer les droits de douane visant les importations de produits pharmaceutiques et de matériel médical
    Recommandation
    : les dirigeants du G-7 et du G-20 devraient convenir de suspendre temporairement tous les droits de douane visant les produits pharmaceutiques et les fournitures et dispositifs médicaux nécessaires, ainsi que les produits désinfectants et le savon. Ces dirigeants mondiaux devraient encourager tous les autres pays à faire de même.
  2. Convenir de ne pas imposer de prohibitions à l'exportation de fournitures médicales et de médicaments
    Recommandation
    : les pays du G-20 devraient convenir de ne pas imposer de prohibitions ou de restrictions à l'exportation de fournitures médicales importantes et devraient exhorter les autres pays de faire de même. Maintenir les marchés ouverts est le moyen le plus sûr d'inciter à accroître la production de matériel et de médicaments essentiels dans le monde entier..
  3. Accorder des subventions de la catégorie verte pour la production de médicaments et de fournitures médicales
    Recommandation
    : les Membres de l'OMC devraient rétablir, de manière formelle ou informelle, la notion de subvention ne donnant pas lieu à une action, ou subvention “de la catégorie verte”, énoncée à l'article 8 de l'Accord de l'OMC sur les subventions et les mesures compensatoires pour toutes les subventions accordées aux entreprises fabriquant du matériel médical, des fournitures médicales, des produits désinfectants et d'autres produits utilisés pour lutter contre le coronavirus, ainsi que pour toutes les recherches menées dans le but de mettre au point des vaccins contre le virus ou des médicaments pour traiter ses effets.
  4. Déroger aux dispositions “Buy American” limitant la passation de marchés publics
    Recommandation
    : le Président devrait utiliser les pouvoirs qui lui ont été conférés par le Congrès pour déroger aux prescriptions “Buy American” en ce qui concerne les fournitures et dispositifs médicaux, le matériel médical, les produits désinfectants et le savon afin que les hôpitaux et cliniques appartenant à l'État, le Département des anciens combattants et le Département de la santé et des services sociaux aient accès à tous le matériel nécessaire pour lutter contre le coronavirus, quel que soit l'endroit où il est fabriqué. L'émission immédiate d'une dérogation générale permettrait à tous les fournisseurs de services médicaux publics de savoir qu'ils peuvent effectuer les achats nécessaires le plus rapidement possible sans se préoccuper de la question de savoir si les produits sont visés ou non par la réglementation “Buy American”.
  5. Accélérer les procédures de visa et d'admission pour permettre au personnel médical de se rendre là où on a besoin de lui
    Recommandation
    : l'Administration devrait annoncer des efforts immédiats pour accélérer la procédure d'octroi de visas H-1B pour les professionnels de la santé, y compris en faisant grâce de la redevance de 4 000 à 4 500 dollars actuellement payée par les hôpitaux et les prestataires de soins de santé qui emploient du personnel de santé étranger. L'Administration devrait aussi demander une dérogation temporaire au plafonnement à 20 000 personnes du nombre de travailleurs hautement qualifiés pouvant être admis cette année.
  6. Accorder des licences obligatoires pour les droits de propriété intellectuelle afférents aux produits pharmaceutiques et aux dispositifs médicaux nécessaires
    Recommandation
    : les pays du G-20 devraient s'engager à mettre à disposition les vaccins récemment mis au point, les médicaments efficaces et les dispositifs médicaux brevetés à des coûts raisonnables dans le monde entier, que ce soit par le biais de licences obligatoires ou par des moyens autres que la fixation monopolistique des prix dans le cadre des régimes traditionnels de protection de la propriété intellectuelle. Tous ceux qui ont la capacité de fabriquer ces médicaments essentiels devraient avoir la possibilité de les fabriquer et de les distribuer à ceux qui en ont besoin.(7)
  • Anabel González, chercheur principal au Peterson Institute for International Economics, recommande ce qui suit:

Réduire les droits de douane visant les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux et les autres fournitures médicales. La liste indicative des fournitures médicales essentielles pour lutter contre la COVID-19 publiée par l'Organisation mondiale des douanes constitue un point de départ. 

Faciliter davantage les échanges pour réduire les coûts liés au mouvement transfrontières des produits et du matériel de santé. Le mouvement transfrontières des produits de première nécessité est essentiel pour aider les malades en temps voulu et soutenir les producteurs nationaux qui utilisent des intrants importés pour fabriquer ces produits. La Chine et l'Union européenne ont établi des “circuits verts” pour permettre une inspection et une mainlevée rapides des marchandises afin d'éviter les retards dans l'importation de fournitures essentielles. L'Organisation mondiale des douanes peut aider à simplifier les procédures et à améliorer la gestion des risques.

Adopter des normes internationales pour garantir la qualité et la sûreté des produits de santé importés. Les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux sont généralement soumis à enregistrement et approbation pour garantir la sécurité des consommateurs et la santé publique. Même si elle ne vise pas spécifiquement à restreindre le commerce, la réglementation applicable à ces produits peut limiter de manière déraisonnable l'accès aux médicaments et au matériel médical. Les réglementations intérieures qui sont incompatibles avec les normes internationales devraient être assouplies et les procédures complexes et longues d'évaluation de la conformité avec ces normes devraient être accélérées. Une option consiste à permettre l'enregistrement automatique des fournitures médicales qui satisfont déjà aux normes dans les économies avancées.

Autoriser le mouvement transfrontières des professionnels de la santé. Il est nécessaire que les médecins, les infirmières et les professionnels de la santé puissent circuler, en particulier dans les pays les plus pauvres. Des visas spéciaux, des permis de travail et des réglementations plus souples peuvent y contribuer.

Partager les connaissances grâce à la cybersanté et à d'autres interactions numériques transfrontières. La télémédecine devient rapidement la première ligne de défense contre le coronavirus. La communauté mondiale de la santé se tourne vers les  technologies numériques, les données et la cybersanté transfrontières pour partager des éléments d'information et des expériences afin de détecter et de prévenir les cas de COVID-19, d'y apporter une réponse et de surmonter la pandémie. Un cadre numérique solide est essentiel pour favoriser la libre circulation des données, protéger la vie privée et garantir la sécurité et, de manière générale, créer un climat de confiance pour les échanges numériques.

Faire en sorte qu'une protection appropriée de la propriété intellectuelle n'entrave pas la mise au point de nouvelles technologies et de nouveaux médicaments. Les nouvelles technologies — comme l'impression en 3D de parties de respirateurs mise au point par des ingénieurs italiens — peuvent permettre de remédier à des pénuries. Les auteurs de ces innovations méritent que leurs droits de propriété intellectuelle soient protégés, mais leurs besoins doivent être  mis en balance avec l'importance mondiale de la pandémie.

Éviter les restrictions à l'exportationSelon les informations disponibles, plus de 24 nations ont pris des mesures pour limiter leurs exportations de matériel médical, comme les masques de protection ainsi que de médicaments et de leurs composants. Lors de la crise alimentaire de 2006-2008, les  restrictions à l'exportation ont entraîné une réduction de l'offre mondiale de produits alimentaires et des hausses de prix. Dans le passé, il s'est avéré difficile d'établir des disciplines multilatérales relatives à l'utilisation abusive de ces restrictions, malgré le préjudice que ces dernières causent aux exportateurs comme aux importateurs en faisant augmenter les prix, en décourageant l'investissement et en incitant à l'adoption de mesures de rétorsion. Pour répondre à la demande mondiale croissante d'équipements de protection individuelle (masques, lunettes, etc.), la production doit augmenter de 40%. La  solution est de recourir aux subventions ou à d'autres mesures pour stimuler la production mondiale et accélérer la distribution.

Agir collectivement en faveur du commerce Les gouvernements devraient renforcer, et non restreindre, la coopération commerciale mondiale, au moins entre ceux qui le souhaitent, si ce n'est entre tous. Ils devraient convenir de  geler les prohibitions à l'exportation, assouplir les restrictions récentes et faire preuve de modération volontaire lorsque l'impact est dévastateur. Les gouvernements pourraient aussi négocier des accords visant à réduire les droits de douane et les obstacles non tarifaires pour les produits liés à la santé, en  faisant fond, par exemple, sur l'initiative de l'OMC relative au commerce des produits pharmaceutiques. Une certitude accrue quant à l'ouverture des marchés stimulerait l'investissement. Les gouvernements pourraient aussi élaborer un cadre détaillé pour soutenir la réforme du commerce des services médicaux ou les services de cybersanté afin de faciliter la circulation des connaissances et des compétences médicales. Surtout, ils pourraient profiter du cadre offert par l'OMC pour mener à bien ces négociations.(8)

Le 27 mars, Mme González a complété ces recommandations par les recommandations suivantes concernant les chaînes de valeur mondiales:

Les principaux fabricants devraient développer et transformer les installations de production actuelles afin d'accroître leur capacité, en s'appuyant sur les chaînes de valeur mondiales et régionales; les entreprises internationales de transport et de logistique devraient donner la priorité au transport de matériel et de pièces et composants en lien avec la COVID-19. [L]es entreprises multinationales devraient moderniser les lignes de production de leurs usines situées dans les pays en développement afin de produire les équipements de protection individuelle nécessaires pour répondre aux besoins des patients, qu'ils se trouvent à New York ou au Honduras, et d'acheminer en temps voulu les produits finals destinés aux hôpitaux et aux patients..

Les gouvernements des pays en développement devraient faciliter l'investissement dans les entreprises et le fonctionnement de ces dernières et s'engager à prendre des mesures de politique commerciale qui permettent aux chaînes d'approvisionnement de continuer à fonctionner.

Les gouvernements des pays développés devraient faire en sorte que les réglementations en matière de marchés publics n'entravent pas l'approvisionnement à l'étranger, rendre les normes de produit librement accessibles et accélérer les procédures d'autorisation pour l'importation de fournitures. Ils doivent aussi maintenir les chaînes d'approvisionnement ouvertes et soutenir les pays pauvres frappés par la COVID-19. Les gouvernements devraient suivre l'exemple de l'UE en rendant librement accessibles les normes techniques nécessaires à la production de certains dispositifs et équipements médicaux, tout en accélérant les procédures d'autorisation pour les fournitures en lien avec la COVID-19.

La Banque mondiale et les autres institutions de développement devraient fournir un financement en faveur du développement pour compléter l'investissement privé, des conseils techniques aux pays en développement pour renforcer les capacités de réponse de ces pays en matière de santé publique et une aide financière aux pays pauvres.(9)

L'application des normes de produit doit faire l'objet d'une attention particulière

Lorsqu'ils sont élevés, les droits de douane peuvent ralentir le commerce. Les normes font bien trop souvent obstacle au commerce. Ce problème est particulièrement épineux à l'heure actuelle. Certains responsables politiques cherchent à parvenir à l'autosuffisance, et les normes peuvent être un outil qui les aide à atteindre cet objectif. Cela dit, l'autarcie n'est pas une politique viable à long terme, et elle est totalement impossible à court terme. Les spécialistes du commerce craignent que les mesures de réglementation fassent malencontreusement diminuer l'offre déjà limitée de médicaments et produits médicaux essentiels. Les normes de produit sont particulièrement importantes pour garantir la qualité de la plupart de ces produits. Un grand nombre de spécialistes se consacrent au problème habituel de la conformité aux normes. Les évaluations des risques doivent se poursuivre, mais les formalités administratives doivent être réduites. Nous ne vivons pas une période normale. Cela signifie qu'il faut trouver de la fiabilité ailleurs et autrement. Les envois doivent circuler sans interruption.

L'offre existante doit répondre avec souplesse à l'évolution des besoins. L'incidence du virus augmente à différents endroits et à des moments différents. Cela peut aider à réguler l'offre, mais de nouvelles sources d'approvisionnement sont nécessaires et des volumes croissants doivent pouvoir être mis facilement sur le marché. Des solutions doivent être trouvées pour éviter la duplication des processus. Les coûts du commerce augmentent et il faut inverser cette tendance. L'OMC offre un cadre pour le partage de compétences en matière de gestion de la promulgation et de l'administration des normes. Le Comité des obstacles techniques au commerce tiendra des réunions virtuelles. Les nouvelles réglementations et procédures d'évaluation de la conformité continueront d'être notifiées et examinées, et des préoccupations continueront d'être soulevées. Cela est aujourd'hui plus important que jamais. Tous les participants à ces réunions doivent œuvrer à la réalisation de l'objectif consistant à accroître l'efficacité sans réduire de façon inacceptable la marge de sécurité. Les normes internationales doivent être respectées pour lutter contre la pandémie. Elles doivent être adaptées à leur objet et ne doivent pas empêcher de surmonter la crise. Les meilleures pratiques doivent être partagées. D'autres procédures facilitant les flux internationaux de fournitures et d'équipements médicaux pourraient être nécessaires.

La COVID-19 constitue un défi mondial et exigera une réponse mondiale. L'OMC offre un cadre de coopération qui est destiné à être utilisé par les Membres. Les efforts d'élaboration et d'administration des normes ont fait l'objet d'une coopération remarquable dans le cadre de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce. Le cadre offert par cet accord et la structure et les processus de l'OMC sont bien adaptés pour aider les Membres dans leurs efforts visant à accroître d'urgence l'offre de produits essentiels et à faciliter l'acheminement de ces produits vers les lieux où on en a le plus besoin.

Nourrir la planète

Tous les pays dépendent du commerce des produits agricoles, tant pour nourrir leur propre population que pour assurer leurs moyens d'existence grâce aux exportations. En cette période de crise, les mesures restrictives à la frontière se multiplient. Comme dans le secteur manufacturier, il existe une chaîne de production alimentaire internationale. Celle-ci est plus sensible aux perturbations car les produits alimentaires peuvent se détériorer, en particulier les fruits et légumes. Les perturbations doivent être gérées de la ferme à la table, souvent grâce à la valeur ajoutée créée par la transformation locale. En cette période de pandémie, d'autres causes de perturbation, comme une main-d'œuvre agricole insuffisante, sont également préoccupantes.

Les Accords de l'OMC laissent la possibilité d'imposer des mesures commerciales pour répondre à la situation d'urgence actuelle. Il est impératif de traiter la pandémie de la manière la moins restrictive pour le commerce possible. Cela est nécessaire non seulement dans un souci d'efficacité, mais aussi pour garantir la sécurité alimentaire. L'instabilité de l'offre peut évincer les pays pauvres du marché en raison de prix trop élevés, comme on l'a vu lors de la crise alimentaire de 2008. Si cela se produisait à nouveau, l'instabilité publique alourdirait inutilement la charge que la maladie elle-même fait peser sur les structures sociales.

En temps normal comme en période de crise, les produits alimentaires doivent pouvoir circuler des pays où ils sont en excédent vers les pays qui en manquent. La protection contre la maladie et la sécurité alimentaire sont des besoins d'importance égale. Une transparence totale est nécessaire en ce qui concerne à la fois les mesures commerciales et les renseignements requis pour répondre aux besoins.

L'OMC offre un cadre d'une importance vitale pour l'échange de renseignements et l'adoption de pratiques qui limitent les effets néfastes sur les autres pays.

Le 31 mars, les dirigeants de la FAO, de l'OMS et de l'OMC ont publié une déclaration conjointe, qui dispose en partie ce qui suit:

Des millions de personnes à travers le monde dépendent du commerce international pour leur sécurité alimentaire et leurs moyens d'existence. Alors que plusieurs pays s'apprêtent à prendre des mesures visant à freiner la propagation de la pandémie de COVID-19, il faut veiller à réduire au minimum les potentielles incidences sur l'approvisionnement alimentaire ou les conséquences inattendues sur le commerce mondial et la sécurité alimentaire.

Lorsqu'il est question de protéger la santé et le bien-être de leurs citoyens, les pays doivent s'assurer que toute mesure commerciale ne perturbe pas la chaîne d'approvisionnement alimentaire. …

Les incertitudes liées à la disponibilité de nourriture peuvent déclencher une vague de restrictions à l'exportation et provoquer une pénurie sur le marché mondial. … Les précédentes crises nous ont appris que de telles mesures sont particulièrement néfastes pour les pays à faible revenu et à déficit alimentaire et qu'elles nuisent aux efforts déployés par les organisations humanitaires pour distribuer de la nourriture à ceux qui en ont le plus besoin.

… C'est dans des moments comme celui-ci qu'une coopération internationale plus forte, et non moins forte, est essentielle. Parallèlement aux mesures de confinement imposées pour lutter contre la COVID-19, il est important d'assurer au maximum la liberté des échanges, surtout pour éviter une pénurie alimentaire … .

Nous devons également faire en sorte que chacun ait accès, en temps réel, à des renseignements concernant les mesures commerciales liées aux aliments, les niveaux de la production alimentaire, la consommation, les stocks et les prix des produits alimentaires. … .

Le moment est venu de faire preuve de solidarité, d'agir de manière responsable et d'adhérer à notre objectif commun qui est d'améliorer la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire des produits alimentaires et la nutrition et d'améliorer le bien-être général des populations du monde entier. Nous devons faire en sorte que notre réponse face à la pandémie de COVID-19 ne crée pas de manière involontaire des pénuries injustifiées de produits essentiels et n'exacerbe pas la faim et la malnutrition.(10)

Se mettre sur le pied de guerre

  • Le 26 mars, Andrew Cuomo, Gouverneur de l'État de New York, qui a été frappée par une forte flambée de COVID-19, a déclaré: “C'est une guerre, nous devons prendre cela comme une guerre.”
  • Le lendemain, le Président des États-Unis Donald Trump a invoqué un texte conférant des pouvoirs de guerre tombé en désuétude il y a longtemps, à savoir la Loi sur la production aux fins de la défense, pour obliger General Motors à fabriquer des respirateurs.

Les États-Unis savent comment augmenter la production rapidement pour répondre à la demande en temps de guerre.

  • En mai 1940, le Président Franklin D. Roosevelt a demandé à ce que 185 000 avions, 120 000 chars d'assaut, 55 000 canons antiaériens et suffisamment de navires pour transporter 18 millions de tonnes de marchandises soient produits en 2 ans. En 1939, l'industrie aéronautique a produit moins de 2 141 avions pour l'armée américaine. La production a triplé entre 1938 et 1940. Elle a de nouveau triplé entre 1940 et 1941 et a augmenté de 250% entre 1941 et 1942. À la fin de la guerre, les usines des États-Unis avaient produit 300 000 avions. 

Il n'y avait pas de pénicilline utilisable en médecine lorsque la Seconde Guerre mondiale a commencé en Europe. Voici comment il a été remédié à cette pénurie:

Le 25 mai 1940, l'équipe d'un chercheur australien qui travaillait à l'Université d'Oxford a réussi à soigner des souris infectées avec de la pénicilline. En juillet 1941, afin de poursuivre ses recherches et de demander de l'aide à l'industrie pharmaceutique américaine, l'équipe s'est installée à Peoria, dans l'Illinois. Elle a convaincu quatre sociétés pharmaceutiques, Merck, E. R. Squibb & Sons, Charles Pfizer & Co. et Lederle Laboratories, d'aider à la production de pénicilline. … L'équipe d'Oxford a cherché des souches plus productives de Penicillium notatum et en a trouvé le meilleur spécimen sur un cantaloup trop mûr dans un magasin d'alimentation de Peoria. … Après l'attaque de Pearl Harbor menée par le Japon le 7 décembre 1941, il était clair pour les scientifiques et les stratèges militaires qu'il fallait un effort combiné pour produire les grandes quantités de pénicilline nécessaires pour gagner la guerre.(11)

À l'automne 1944,

l'intérêt du gouvernement des États-Unis pour le médicament avait incité plus de 20 entreprises à se joindre aux efforts déployés pour produire des quantités suffisantes de pénicilline. La production a tellement augmenté qu'au moment du débarquement de Normandie en juin 1944, les entreprises produisaient 100 milliards d'unités de pénicilline par mois.(12)

Les États-Unis, qui étaient la plus grande puissance manufacturière du monde lorsque la Seconde Guerre mondiale a commencé, sont devenus l'arsenal de la démocratie. La capacité des États-Unis sera sous-utilisée dans les mois à venir, mais la production manufacturière est beaucoup plus largement répartie dans le monde. Bien que les décideurs nationaux le veuillent, une autosuffisance immédiate n'est pas possible. Les chaînes de valeur mondiales doivent être réactivées, alimentées et élargies. C'est une responsabilité mondiale. Les institutions financières internationales peuvent aider à financer la transformation des installations existantes pour fabriquer non plus des textiles et des vêtements destinés à la consommation courante mais des masques et des vêtements de protection.(13)

Il peut y avoir un manque de main-d'œuvre là où des mesures de quarantaine sont en vigueur. Le coronavirus est comme une bombe à neutrons(14). Les machines et les usines restent en place. La main-d'œuvre n'est plus là. 

La capacité est essentielle, y compris le savoir-faire pour produire le matériel sophistiqué dont on a absolument besoin aujourd'hui. Pour réussir, tous les flux de composants doivent être maintenus et renforcés. Les produits finals devront ensuite impérativement être mis à disposition à l'échelle mondiale. Le 30 mars, le PDG du premier producteur allemand de respirateurs a été cité dans le Financial Times en ces termes: “Nous nous approvisionnons en différents composants dont nous avons besoin auprès de fournisseurs du monde entier. Beaucoup viennent d'Europe mais aussi des États-Unis, d'Asie, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Ces chaînes d'approvisionnement ne doivent en aucun cas être interrompues. Si elles [le sont], le monde entier a un problème.”

Les flux commerciaux internationaux sont d'une importance vitale pour apporter une réponse mondiale efficace à la pandémie.

La politique commerciale au temps du coronavirus

L'OMC offre un cadre essentiel pour la coopération internationale sur la meilleure façon d'utiliser le commerce pour lutter contre la COVID-19 et réduire les effets néfastes considérables de la maladie sur l'économie mondiale et l'emploi. Cela peut se faire en maintenant les frontières ouvertes aux fournitures médicales nécessaires, en mettant en relation la production, où qu'elle se fasse, et la demande partout où des besoins existent, en ouvrant les frontières à ceux qui peuvent fournir des services essentiels, en maintenant l'économie numérique ouverte et en mettant en balance la nécessité de favoriser l'innovation en protégeant la propriété intellectuelle et les exigences liées à l'état d'urgence actuel. Un domaine requiert une attention immédiate: il faut remédier au fait que les règles applicables à l'économie numérique sont insuffisantes et que celles qui existent (comme le moratoire relatif aux droits de douane sur les transmissions électroniques) sont fragiles.   

L'heure est à la coopération internationale. Cette nécessité n'a jamais été aussi grande. Heureusement, des exemples positifs montrent qu'une telle coopération existe. La Corée a transmis aux États-Unis le savoir-faire technologique qu'elle a acquis en créant des centres de dépistage au volant, aujourd'hui mis en place aux États-Unis. La Maison Blanche a annoncé ces derniers jours qu'un premier avion-cargo avait quitté Shanghai pour New York avec à son bord des fournitures médicales dont le besoin se faisait cruellement sentir. Elle a ajouté qu'il s'agissait du premier des 20 vols d'un nouveau pont aérien.(15)   

Pour ce qui est des règles régissant le commerce international, l'OMC est l'enceinte appropriée pour cette coopération internationale.

Notes:

  1. https://www.history.com/topics/pre-history/why-did-the-dinosaurs-die-out-1. retour au texte
  2. La Suisse a une capacité de dépistage très limitée, mais d'après le Financial Times, elle est le pays qui effectue le plus grand nombre de tests par million d'habitants. retour au texte
  3. Il y a quelques redondances dans cette section, car on peut s'attendre à ce que les recommandations politiques de plusieurs spécialistes éminents se recoupent, ce qui est le cas. J'ai conservé leurs recommandations telles quelles, en supprimant toutefois la plupart des explications s'y rapportant. En outre, les spécialistes auront depuis formulé d'autres recommandations ou actualisé les recommandations existantes. Il s'agit d'un aperçu de ce qui existait à un moment donné. Cet aperçu n'inclut pas certaines recommandations formulées par d'autres personnalités éminentes et compétentes mais représente toutefois un échantillon raisonnable.  retour au texte
  4. Voir https://www.globaltradealert.org. Il n'y a pas de meilleur site pour obtenir des renseignements à jour sur les mesures ayant des effets de distorsion des échanges. retour au texte
  5. The Trade Policy Dimension: Tackling the Coronavirus, Saint Gall, 11 mars 2020. https://www.globaltradealert.org/reports/50 retour au texte
  6. https://asiasociety.org/policy-institute/coronavirus-need-adjust-and-reshape-our-trade-agenda retour au texte
  7. https://www.thinkglobalhealth.org/article/six-proactive-steps-smart-trade-approach-fighting-covid-19. retour au texte
  8. https://www.piie.com/blogs/trade-and-investment-policy-watch/memo-trade-ministers-how-trade-policy-can-help-fight-covid retour au texte
  9. https://www.piie.com/blogs/trade-and-investment-policy-watch/yes-medical-gear-depends-global-supply-chains-heres-how-keep retour au texte
  10. https://www.wto.org/french/news_f/news20_f/igo_26mar20_f.htm. retour au texte
  11. “Thanks to Penicillin...He Will Come Home!”  The Challenge of Mass Production, A Lesson Plan from The Education Department, The National WWII Museum. retour au texte
  12. https://cen.acs.org/articles/83/i25/Penicillin.html retour au texte
  13. Neuf fabricants de vêtements des États-Unis ont commencé à produire des masques aujourd'hui, le 30 mars, et comptent en produire 5 à 10 millions d'ici à la mi-avril. Financial Times “US factories retool from hoodies to face masks to fight coronavirus”. retour au texte
  14. Un type particulier d'arme nucléaire qui produirait un minimum de souffle et de chaleur mais qui émettrait de grandes quantités de radiations mortelles.  Encyclopedia Britannica. retour au texte
  15. Ce terme n'avait pas été employé depuis le pont aérien de Berlin. https://www.nytimes.com/reuters/2020/03/29/world/asia/29reuters-health-coronavirus-trump-airlift.html. retour au texte

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