DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT ALAN WM. WOLFF

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Réforme du système commercial mondial: l'heure est au bilan

Nous devons beaucoup à la Grèce antique, en particulier à Athènes, pour ses arts, son architecture, sa philosophie mais aussi pour ses expérimentations en matière de gouvernance interne et de relations avec l'étranger. Athènes dépendait du commerce, notamment du commerce des céréales en provenance des pays du pourtour de la mer Noire. Pour assurer la sécurité alimentaire, il fallait disposer d'une flotte solide et entretenir la route fortifiée menant au Pirée — les remparts servant à préserver l'accès aux fournitures importées.

Solon, qui a vécu entre 630 et 560 ans av. J.-C., est surtout connu pour ses réformes juridiques, pour avoir réussi à développer le suffrage démocratique et pour avoir amélioré la façon de régler les conflits. Il a interdit les exportations de fruits et de céréales et utilisé des mesures gouvernementales pour garantir la production nationale, ce qui a permis l'essor des exportations de céramiques à figures noires.

À nos yeux, cette expérience de la démocratie peut sembler quelque peu désordonnée, avec une alternance de gouvernement par le peuple et de gouvernement par les “tyrans” (terme qui n'était pas encore péjoratif à l'époque).

L'homme d'État le plus connu de l'Athènes antique a été Périclès. Alors qu'il était au pouvoir, Athènes aurait vécu un âge d'or, notamment dans le domaine des arts et des lettres. C'était un populiste, ce qui lui a permis d'entraîner Athènes dans une série de guerres désastreuses. Il a imposé un embargo commercial sur une autre cité-État, Mégare, interdisant à ses marchands de faire du commerce à Athènes ou en terre étrangère.

Périclès est mort en 429 av. J.-C., durant une pandémie qui aurait été introduite dans le pays par le Pirée. La peste a frappé en 430 et est réapparue à deux autres reprises, en 429 et en 427/426 av. J.-C. La nature exacte de l'agent pathogène à l'origine de la peste était bien sûr inconnue à l'époque et elle l'est toujours aujourd'hui. Les personnes qui s'occupaient des malades étaient les plus susceptibles d'être contaminés et les survivants étaient immunisés contre la maladie.

Dans le monde antique, les dirigeants des grandes puissances de l'époque venaient à Delphes pour demander conseil à la Pythie (pɪθiə), l'oracle. Pendant plus d'un millier d'années, les prêtresses d'Apollon ont prédit l'avenir. La civilisation grecque antique et nous tous qui partageons cet héritage de culture et d'apprentissage sommes redevables à l'oracle qui, il y a 2 700 ans, lors d'une deuxième consultation, a annoncé un sort plus favorable qui a permis la victoire de Salamine. Toute la Grèce a ainsi été sauvée de la domination d'une puissance étrangère dont la culture était très différente et où la démocratie n'avait pas sa place.  

Aujourd'hui, nous ne savons pas encore à quoi ressemblera le futur système commercial mondial, qui est remis en question et devra être réformé. Si nous, mortels, pouvions implorer les dieux, ils nous diraient simplement de résoudre nos problèmes par nous-mêmes. C'est à nous qu'incombe ce fardeau. Et nous ferions mieux de trouver les bonnes solutions car sont en jeu la croissance économique mondiale, la réduction du chômage et l'affranchissement de millions d'autres personnes de la pauvreté; en cas d'échec, nous risquons, au mieux, la stagnation et, au pire, le désordre et la confusion.

Selon moi, l'OMC est capable de mener à bien une réforme fondamentale et elle le fera, et non seulement le système survivra, mais il sera amélioré. Ce qui est moins clair, en revanche, c'est le calendrier.


Alors qu'il faisait campagne pour obtenir un siège au Sénat en 1858, en pleine crise aux États-Unis, Abraham Lincoln a déclaré ceci: “Si nous savions, pour commencer, où nous en sommes et vers où nous tendons, nous serions mieux à même de savoir quoi faire et comment le faire.”(1)

Ce conseil est particulièrement pertinent aujourd'hui pour ceux d'entre nous qui se soucient du système multilatéral. Le groupe des dirigeants du G-20 a appelé à une réforme de l'Organisation mondiale du commerce et des chefs de gouvernement ainsi que des organisations internationales se sont à plusieurs reprises fait l'écho de cet appel. À ce stade, il est nécessaire de bien mesurer la valeur de ce que nous avons et de ce que nous voulons réaliser dans le cadre de la réforme. Il appartiendra ensuite aux Membres de l'OMC de se mettre d'accord sur la voie à suivre.

L'OMC est une institution unique. Elle rassemble 164 nations souveraines et unions et territoires douaniers, animés par un désir commun de réduire l'incidence défavorable des frontières nationales sur le commerce international. Pour ce faire, les Membres de l'OMC conviennent de règles contraignantes.

Le public se fait souvent une fausse idée de ce qu'est l'OMC. L'Organisation elle-même, si l'on se réfère à son personnel, n'exerce pas de fonctions exécutives.(2)  Contrairement aux Membres de l'OMC, le Directeur général et le Secrétariat ne prennent aucune initiative et n'imposent aucune obligation. La fonction du Secrétariat consiste exclusivement à fournir un soutien aux Membres. 

La meilleure façon de définir l'OMC est comme le regroupement de ses Membres, lesquels sont liés par un ensemble de règles et de procédures auxquelles ils ont tous souscrit. À cet égard, l'Organisation s'apparente beaucoup à la démocratie originelle d'Athènes. Les Membres sont les seuls à pouvoir faire des propositions; ils sont les seuls à avoir le droit d'adopter ou de modifier des règles; et ils sont aussi les seuls à pouvoir faire appliquer les règles, par la voie de la diplomatie et des procédures de comité et, le cas échéant, par l'engagement de différends. Ainsi, lorsque les dirigeants du G-20 appellent à une réforme de l'OMC, ils s'adressent en fait en premier lieu à eux-mêmes et potentiellement aussi aux dirigeants représentant d'autres Membres de l'OMC.

La question qui se pose est la suivante: que doivent faire les Membres de l'OMC pour réformer leur institution?

Pour répondre, il faut d'abord bien comprendre les valeurs que les fondateurs du système commercial multilatéral en 1947 ont voulu lui donner et celles que les Membres originels de l'OMC sont venus ajouter au moment de la création de l'Organisation il y a 25 ans, le 1er janvier 1995. Pour plus de clarté, il est préférable de ramener à l'essentiel ce que sont les objectifs de l'OMC, tant comme institution que comme ensemble d'accords internationaux.

Quels sont les objectifs du système commercial multilatéral?

Pour qu'une entité politique fonctionne, il faut que ses valeurs soient partagées. Pour savoir quelles sont ou du moins quelles étaient ces valeurs, il convient d'examiner d'abord le document fondateur de l'OMC, la Déclaration de Marrakech des Ministres du commerce(3) pour voir ce qui était prévu.(4) (6)Pour synthétiser les objectifs déclarés des Membres et en tirer les principes sous-jacents sur lesquels repose l'OMC, on pourrait dire ce qui suit:

  1. Les Membres de l'OMC ont cherché à créer une croissance économique mondiale au profit de tous,
    • en ouvrant la porte au commerce et à l'investissement étrangers; et
    • en coopérant par la mise en œuvre d'accords multilatéraux.
  2. Ils ont cherché à établir entre eux des relations fondées sur la primauté du droit.
  3. Ils ont cherché à garantir des conditions égales pour tous ceux qui participent au commerce.
    • Exemple: Conformément aux règles de l'OMC, les normes de produits ne doivent pas créer d'obstacles non nécessaires au commerce. Elles doivent également être non discriminatoires. Un droit de douane peut ralentir le commerce; une norme peut l'empêcher. Pour cette raison, les Membres diffusent, sur une base volontaire, les normes de produits à l'état de projet afin de recueillir des commentaires et, une fois la norme adoptée, tout Membre est autorisé à soulever une préoccupation commerciale spécifique pour en débattre.

    et

  4. ils ont cherché à accorder un traitement plus favorable aux pays en développement.

Parmi les valeurs qui sont ancrées dans les règles de base adoptées par les fondateurs dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), il convient de mettre en avant ce qui suit:

  1. Garantir l'égalité des chances au moyen de la prescription de non-discrimination
  2. Garantir de la certitude dans les échanges, une condition essentielle au développement du commerce, qui résulte de la consolidation contractuelle des droits de douane et des prescriptions relatives à l'octroi du traitement national et à l'obligation de transparence
  3. Garantir un équilibre
    • par la négociation de droits et d'obligations
    • par la garantie d'avantages mutuels réciproques au sens large et
    • par la modération de la libéralisation des échanges grâce à des mesures correctives en cas d'échanges commerciaux dommageables ou incompatibles avec les règles de l'OMC.
  4. Plus important encore, peut-être, l'acquis de l'OMC(5) vise à garantir dans la mesure du possible que la compétitivité sera déterminée par les forces du marché.

Par nécessité, l'OMC est axée sur la convergence et non sur la coexistence.(6) Il faut tendre vers une égalité complète — de sorte que tous les Membres bénéficient pleinement des droits et s'acquittent pleinement des obligations découlant de leur statut de Membre de l'OMC.(7) On part du principe que la participation à l'OMC sera, à terme, universelle.

Nécessité de faire le bilan

Ces belles valeurs sont très prometteuses, mais les résultats visés sont-ils réellement atteints? Il serait judicieux de procéder à une évaluation de la situation actuelle pour aller de l'avant.

  • Le principe de non-discrimination est le fondement du multilatéralisme et il en est indissociable. Tous s'engagent en faveur du multilatéralisme, mais leur conduite est-elle conforme à ce précepte?
  • L'avantage mutuel est le ciment qui assure le maintien du système commercial mondial. Les Membres de l'OMC ont-ils tous le même niveau d'obligations par rapport à leurs capacités? Tous reçoivent-ils des avantages proportionnels à leur niveau de contribution? Ceux qui ont accédé à l'Organisation plus tôt ont-ils le même niveau et le même type d'engagements que ceux qui sont arrivés plus tard?
  • Le niveau de contribution est-il susceptible d'évoluer ou les avantages et obligations sont-ils gelés depuis une période lointaine et donc déséquilibrés par rapport aux réalités actuelles?
  • L'objectif essentiel de l'Organisation est le maintien des règles. La voie à suivre est-elle suffisamment libre d'embûches pour que soit mis à jour le corpus de règles?
  • La gouvernance de l'institution est-elle adaptée à l'adoption des réformes nécessaires?
  • Le Secrétariat, le personnel de l'OMC, est-il habilité à apporter toute la contribution qu'il peut ou devrait apporter?
  • Y a-t-il de fait une convergence ou du moins un mouvement dans cette direction?
  • Savons-nous quels sont les lignes de fracture entre les Membres de l'OMC pour pouvoir mettre en place des structures capables de résister aux secousses?
  • Existe-t-il un terrain d'entente suffisamment important pour que les décisions soient prises par consensus ou, si ce n'est pas le cas, est-ce là une autre raison pour laquelle les décisions doivent nécessairement être prises par consensus (parce que cela donne à chaque Membre de l'OMC un droit de veto)? Que laisse présager la réponse à cette question pour les futurs accords?
  • Y a-t-il un équilibre entre la libéralisation des échanges et les mesures destinées à atténuer les effets distributifs associés au maintien et à la poursuite de l'ouverture des marchés au commerce international?

Il faudrait dresser un bilan des divergences qui existent entre la réalité et les promesses d'idéaux, afin de définir les domaines prioritaires pour tout projet sérieux de réforme de l'OMC.

Un regard vers l'avenir

Un membre d'une délégation de fonctionnaires en visite qui souhaitaient faire entrer leur État insulaire à l'OMC m'a remis un document sur la prédiction de l'avenir. L'évaluation de l'avenir est une pratique courante des grandes entreprises. Certains gouvernements le font également et nous, à l'OMC, avons besoin de mieux organiser cet aspect de la bonne gouvernance. Pour toute organisation investie de responsabilités telles que celles que l'OMC s'est vu confier, la fonction de planification des politiques est essentielle.

Étant donné que l'OMC est en pleine crise de la quarantaine, à en croire les articles de presse, je tiens à réaffirmer ma conviction que le système commercial multilatéral et l'OMC perdureront. Ils survivront, même si les deux principaux pays commerçants appliquent des droits de douane additionnels sur leurs marchandises respectives, même si les accords commerciaux préférentiels continuent de proliférer, même si, en réponse à la pandémie, les Membres imposent des restrictions à l'exportation et cherchent à stocker, au détriment des autres, des réserves de médicaments, de produits et d'équipements médicaux.

Je vais vous dire pourquoi l'avenir du commerce mondial est prometteur.

  • PREMIÈREMENT, les États-nations du monde n'ont pas fait autant de chemin au cours des 75 dernières années, depuis la mise en place du système commercial multilatéral, pour faire marche arrière maintenant. Des revers temporaires surviendront de temps à autre, mais nous n'allons pas capituler pour autant.
  • DEUXIÈMEMENT, rien ne peut remplacer de manière satisfaisante le multilatéralisme. Le nouvel ordre mondial du commerce ne sera pas marqué par la discrimination. Cette ère a pris fin avec la Seconde Guerre mondiale. 
  • TROISIÈMEMENT, les économies nationales sont aujourd'hui fortement interconnectées. Même si certaines choisissent, en en payant le prix, de réduire leurs liens économiques, la voie de l'autarcie n'est pas une option. Les règles économiques régissant la conduite des affaires peuvent être définies par des décisions gouvernementales, mais le maintien sur le territoire national des activités ne prendra pas le pas sur le besoin d'efficacité et de retour sur investissement.
  • QUATRIÈMEMENT, le fait que le mécanisme de règlement des différends contraignant tel qu'il est officiellement prévu par les Accords de l'OMC ne soit plus en vigueur ne signifie pas qu'il n'y aura plus de règlement efficace des différends à l'OMC. Grâce à des approches pragmatiques, l'OMC conservera dans une large mesure sa capacité à aider les Membres à résoudre leurs différends et je suis convaincu qu'un nouveau système de règlement des différends amélioré sera finalement mis en place. Il en va de l'intérêt de tous les pays commerçants.
  • CINQUIÈMEMENT, le champ d'application des règles commerciales mondiales est appelé à être élargi pour répondre aux enjeux d'une économie mondiale de plus en plus numérique et pour contribuer activement à la protection de l'environnement. 
    • Des règles relatives au commerce électronique sont actuellement élaborées par un grand nombre de Membres de l'OMC, qui représentent plus des trois quarts de l'économie mondiale. 
    • Les Membres s'attaquent aux subventions à la pêche qui entraînent un épuisement des ressources océaniques et ils prévoient de se pencher sur le problème du déversement de déchets plastiques dans les cours d'eau, les rivières et les océans et de réduire considérablement le volume des déchets en créant une économie circulaire.
  • SIXIÈMEMENT, une grande partie des travaux préparatoires a déjà été effectuée pour permettre aux Membres d'aborder et de réglementer les principales mesures ayant des effets de distorsion des échanges dans le domaine de l'agriculture. L'agriculture mondiale va devoir être plus flexible pour faire face aux graves perturbations dues aux catastrophes naturelles et aux phénomènes climatiques. 
  • SEPTIÈMEMENT, les avantages du commerce international vont être répartis plus équitablement. Faire du commerce sera moins lourd pour les petites et moyennes entreprises. Les femmes disposeront de plus de moyens pour tirer profit du commerce international.
  • HUITIÈMEMENT, l'aide apportée aux pays en développement en vue de renforcer leur capacité à jouir des droits et à respecter les obligations découlant du système commercial mondial sera plus efficace; en témoigne, par exemple, l'effort important qui sera consenti par tous pour faire de l'Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine un succès.
  • NEUVIÈMEMENT, la facilitation des échanges, dernier accord multilatéral venu s'ajouter aux multiples atouts de l'OMC, vise à réduire les contraintes qui pèsent sur la circulation transfrontières des marchandises. Les coûts du commerce, le processus d'acheminement des marchandises de l'usine aux consommateurs transfrontaliers s'élèvent en moyenne à plus de 240%, même si les super porte-conteneurs, les superpétroliers et le commerce électronique ont révolutionné le transport, la distribution et la livraison aux consommateurs industriels et aux particuliers.    

Et, dernier point mais non le moindre,

  • DIXIÈMEMENT, le soutien le plus fort à la validité universelle de l'OMC et du système commercial multilatéral vient des 23 pays qui aspirent à en devenir Membres et des 36 qui y ont accédé depuis sa création il y a 25 ans. On ne peut pas rencontrer les ministres du commerce et les négociateurs de ces pays sans un regain de confiance dans la pérennité et la valeur de l'OMC.  

Il y a quelques mois, très peu de temps avant que les déplacements internationaux ne deviennent quasiment impossibles, j'étais à Addis-Abeba, en Éthiopie. Le gouvernement éthiopien a engagé un audacieux programme de réformes internes et son Premier Ministre a reçu le prix Nobel de la paix l'année dernière pour avoir mis un terme à la guerre avec l'Érythrée. L'Éthiopie a relancé son processus d'accession à l'OMC après une parenthèse de huit ans. Le pays a connu des temps difficiles et son peuple a beaucoup souffert. Mais aujourd'hui il y a un sentiment d'espoir et d'optimisme et une volonté de s'intégrer dans l'économie mondiale. Cet enthousiasme est riche d'enseignements pour ceux d'entre nous qui ont déjà bénéficié de la croissance économique mondiale renforcée par le commerce.

Le désir de mettre à profit le commerce pour améliorer le niveau de vie de la population et lui donner de meilleures chances de vivre en paix est souvent exprimé par les dirigeants et les négociateurs commerciaux de pays candidats à l'accession à l'OMC, comme le Timor oriental, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud et l'Irak ou de pays qui y ont accédé il y a quelques années seulement, comme l'Afghanistan et le Liberia.

Conclusion

Tous les peuples du monde trouvent une inspiration dans l'essor d'Athènes pour sa contribution au monde de la démocratie, des arts, de l'architecture et de la philosophie. J'espère que les activités organisées dans le cadre du Forum économique de Delphes guideront et inspireront la communauté du commerce international.

L'histoire de l'humanité est celle d'une coopération croissante, au sein de petits groupes d'abord, puis entre des cités-États, des nations et des régions (comme c'est le cas de l'Union européenne) et enfin à l'échelle mondiale, avec le commerce international, aujourd'hui par l'intermédiaire de l'OMC. La coopération transfrontières a été très longue à se mettre en place. Elle a parfois été imposée - par la conquête, comme ce fut le cas avec Alexandre le Grand et les Césars de la Rome antique. Mais ce n'est pas ainsi que le système commercial multilatéral a vu le jour. Au contraire, ce système est né d'un objectif commun audacieux, celui d'éviter que ne se reproduisent les tragédies des deux guerres mondiales et de la grande dépression économique qui ont marqué le demi-siècle le plus sanglant de l'histoire.

Le commerce a depuis longtemps permis aux civilisations de se développer. Selon les archéologues, dès les premiers temps, des marchands sillonnaient les routes du Péloponnèse et de l'Attique pour faire des échanges.(8) Le commerce a façonné la Grèce moderne tout comme notre monde d'aujourd'hui. Des accords internationaux ont été nécessaires pour faciliter les échanges et les progrès ont mené au système commercial multilatéral et à l'OMC. Il y a un intérêt marqué et croissant parmi les Membres de l'OMC pour élaborer des arrangements commerciaux multilatéraux améliorés dans le cadre du processus de réforme de l'Organisation. On ne peut pas reculer définitivement par rapport à ce qui a été créé.

Les périodes de crise ont souvent débouché sur des phases de créativité et de coopération internationale. La pandémie actuelle, marquée par plusieurs mois de confinement et par les dommages causés à l'économie mondiale, aurait dû nous faire prendre conscience de la valeur de ce que nous avons et nous inciter à préserver et à améliorer ce dont nous avons hérité. Les épreuves ne sont pas derrière nous, en réalité elles ne le seront jamais. Il y a et il y aura des deuxièmes vagues de COVID-19. Tous les espoirs reposent sur la découverte de vaccins et de médicaments pour faire face à cette pandémie. La coopération internationale sera nécessaire pour en fournir les plus grandes quantités possibles et pour les distribuer.

Il y aura encore des pandémies à l'avenir, qui ne seront jamais cantonnées à une seule ville ou à un seul pays. Les échanges internationaux comportent également des risques. C'est à nous de les gérer, tout en continuant à avancer. Il n'y a aucune raison que cela ne soit pas possible.

Notes:

  1. Discours sur la “maison divisée”, Springfield (Illinois), 16 juin 1858. retour au texte
  2. L'OMC aura la personnalité juridique et se verra accorder, par chacun de ses Membres, la capacité juridique qui pourra être nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Article VIII:1 de l'Accord de Marrakech. retour au texte
  3. La Déclaration de Marrakech du 15 avril 1994. retour au texte
  4. Les nations fondatrices ont cherché à:

    • Renforcer l'économie mondiale et conduire à une plus forte croissance des échanges, des investissements, de l'emploi et des revenus dans le monde entier.
    • Répondre au désir généralisé d'opérer dans un système commercial multilatéral plus juste et plus ouvert au profit et pour la prospérité de la population de leurs pays en vue de favoriser la coopération économique mondiale
    • Parvenir à un environnement commercial mondial de plus en plus ouvert au moyen de la libéralisation des échanges et des règles renforcées mises en place dans le cadre du Cycle d'Uruguay
    • Œuvrer en faveur d'une plus grande cohérence, au niveau mondial, des politiques menées dans les domaines commercial, monétaire et financier
    • Instaurer un partenariat commercial global plus équilibré et intégré, qui viendrait compléter des mesures nationales de réforme économique et de libéralisation autonome du commerce mises en œuvre dans de nombreux pays en développement et pays ayant eu une économie planifiée.
    • Accorder un traitement différencié et plus favorable aux économies en développement, y compris une attention spéciale à la situation particulière des pays les moins avancés.
    • Disposer d'un cadre juridique plus solide et plus clair pour la conduite du commerce international et qui comprend un mécanisme de règlement des différends plus efficace et plus sûr.
    retour au texte
  5. L'“acquis” de l'OMC est l'ensemble des droits et obligations communs qui sont contraignants pour tous les Membres de l'OMC.  retour au texte
  6. Il est vrai que l'OMC ne dicte pas explicitement aux Membres comment ils doivent organiser leur économie, mais les limitations en termes de capacité ne sont pas considérées comme une condition permanente retour au texte
  7. L'OMC est une institution axée sur le développement dans la mesure où, grâce aux conditions d'accession et à l'assistance technique associées aux réformes internes, l'accession à l'OMC permettra en fin de compte aux pays en développement de se doter des capacités suffisantes pour fonctionner à un niveau complètement égal à celui de tous les autres Membres. L'égalité des Membres a pour corollaire que le commerce sera assuré par des entreprises privées et, dans une moindre mesure, par des entreprises publiques, à condition toutefois que leurs pratiques sur le marché ne diffèrent en rien de celles des concurrents privés. retour au texte
  8. Margaret M. Miles, Autopsy in Athens: Recent Archaeological Research on Athens and Attica, Oxbow Books, 2015. retour au texte

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