DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT ALAN WM. WOLFF

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La COVID-19 et l'avenir du commerce mondial
Alan Wm. Wolff, Directeur général adjoint, Organisation mondiale du commerce (OMC)
Discussion virtuelle

La pandémie est un défi sans précédent à notre époque, non seulement pour la santé mondiale, mais aussi pour l'économie mondiale.

Les gouvernements nationaux, pressés de fournir des réponses, ont adopté à la fois des restrictions commerciales et des mesures de libéralisation des importations visant les fournitures médicales.

Heureusement, les mesures de libéralisation des échanges ont été plus nombreuses que les mesures de restriction des échanges.

Le Secrétariat de l'OMC a reçu des notifications de mesures de la part des Membres et a publié des renseignements sur son site Web, assurant la transparence essentielle à la planification, à la fois pour les décideurs nationaux et pour les entreprises.

L'OMC a également alerté les Membres au sujet des conséquences de la pandémie et des réponses qui y sont apportées, en publiant des prévisions commerciales. Elle prévoit qu'à cause des effets directs de la pandémie, qui affaiblit à la fois l'offre et la demande et, dans une bien moindre mesure, du fait des mesures commerciales, le commerce mondial connaîtra cette année un déclin compris entre 13% et 32%.

Le maintien de l'ouverture du commerce face à la pandémie fait l'objet d'initiatives commerciales menées par Singapour, la Nouvelle-Zélande, le Canada et la Suisse. Ces initiatives ont été présentées aux 164 Membres de l'OMC et ont suscité l'adhésion d'autres pays.

L'évolution du commerce mondial, y compris les chaînes d'approvisionnement mondiales, dépendra principalement de la façon dont les entreprises envisagent les conditions économiques futures. Il y aura une relocalisation limitée dans la mesure où les politiques publiques seront prêtes à soutenir ce reflux par rapport à l'ère de la mondialisation. Mais les budgets des pouvoirs publics auront déjà été grevés par les mesures budgétaires prises pour lutter contre la pandémie. Les fonds disponibles pour soutenir la relocalisation se limiteront probablement à des actions ciblées, peut-être principalement pour les fournitures médicales. Et même dans ce cas-là, les stocks publics (avec une préférence accordée aux sources nationales) pourront être privilégiés par rapport au soutien industriel direct. Les produits concernés et la durée du soutien pourront être limités. En outre, la relocalisation sera probablement affectée par les mesures fiscales prises pour rétablir les finances publiques.

Les chaînes d'approvisionnement seront également affectées par une probable diversification chez les fournisseurs étrangers. Mais une fois encore, ce phénomène sera limité par la viabilité économique. Les entreprises peuvent se préparer aux imprévus, mais au final elles doivent préserver les recettes et les bénéfices.

Même les chaînes d'approvisionnement à flux tendus correspondent peut-être à un niveau d'efficacité que nous ne pouvons plus nous permettre. Ainsi, les stocks commerciaux augmenteront, mais ils seront une fois encore contraints par les paramètres économiques liés à l'exploitation d'une entreprise.

Outre le soutien à la production et la constitution de stocks de fournitures médicales et de vaccins, la technologie et les forces du marché seront des facteurs bien plus déterminants pour la structure des échanges que les politiques gouvernementales, y compris le recours aux accords commerciaux régionaux. En situation d'extrême urgence, même le fait d'être membre d'une union douanière n'a pas empêché l'adoption de mesures nationales individuelles incompatibles avec l'idéal de marché unique.

Les accords commerciaux régionaux peuvent être utiles pour explorer les voies possibles en matière d'élaboration de règles, dans les domaines où il serait plus difficile d'accomplir des progrès à l'échelle mondiale. De plus, l'intégration régionale peut être productive et devrait être encouragée. Toutefois, en termes de flux commerciaux totaux, les accords sous-multilatéraux ne sont pas déterminants. Les entreprises devront toujours servir les marchés indépendamment de leur localisation et auront toujours besoin d'aller au-delà de leurs régions d'implantation.

En tant que fonctionnaire de l'OMC, ma préoccupation première est de déterminer dans quelle mesure le système commercial multilatéral est préparé à répondre aux défis actuels et futurs. Pour l'Organisation mondiale du commerce, il existe trois types de défis:

  • premièrement, traiter les aspects commerciaux de la pandémie;
  • deuxièmement, identifier les mesures commerciales susceptibles de favoriser la reprise économique, et
  • troisièmement, planifier des réformes systémiques 

Partie I. Faire face à la COVID-19

D'après les épidémiologistes, il y aura probablement une série de deuxièmes vagues de coronavirus. Il est possible que les vaccins et les traitements pharmaceutiques mis au point et/ou produits dans un pays donné fassent l'objet de restrictions nationales additionnelles en dehors de ce pays. Plus que jamais, nous aurons besoin des valeurs du système commercial multilatéral pour limiter les perturbations des outils nécessaires au traitement des difficultés sanitaires et économiques à venir.

Les actions collectives sont désormais essentielles.

Il a notamment été suggéré que les Membres de l'OMC:

  • s'appuient sur les différentes initiatives menées par le Canada, Singapour, la Nouvelle-Zélande et la Suisse pour donner une orientation cohérente à l'élaboration des politiques commerciales nationales;
  • conviennent, comme dans le cadre de l'Accord de l'OMC sur l'agriculture, de prendre en considération les effets de l'application de restrictions à l'exportation sur les autres Membres, de présenter des notifications préalables, et d'engager des consultations en temps utile;
  • envisagent d'inclure dans toute mesure de restriction une clause d'extinction et de prévoir le retrait des restrictions commerciales actuelles;
  • donnent des orientations convenues au niveau multilatéral concernant la répartition des fournitures médicales limitées, y compris les vaccins; et
  • envisagent l'établissement d'une Équipe spéciale d'intervention d'urgence des Membres ou d'un autre mécanisme permettant de préciser les options à soumettre à l'examen des Membres.

Partie II. Mesures d'aide à la reprise. 

Les suggestions que les Membres de l'OMC pourraient examiner sont notamment:

  • de convenir de mesures de libéralisation des échanges qui favoriseraient la reprise, comme des réductions de droits de douane.

En outre, le Secrétariat pourrait renforcer sa collaboration avec les institutions financières internationales et les acteurs du secteur privé pour rétablir le financement du commerce.

Partie III. Réforme systémique

À l'heure où se multiplient les critiques au sujet du caractère inadapté des réponses collectives à la pandémie, l'OMC est observée de très près.

Si les Membres de l'OMC s'unissaient pour répondre aux défis commerciaux posés par le coronavirus et amorcer la reprise économique dont nous avons tant besoin, les critiques du public à l'égard de l'Organisation disparaîtraient probablement. Mais les problèmes préexistaient à la pandémie et, en l'absence de réformes, ils subsisteront une fois que la pandémie sera terminée et que ses répercussions auront été traitées.

Avant de pouvoir réformer le système commercial multilatéral, il est nécessaire de comprendre les valeurs qu'il est chargé de promouvoir.

Une enquête sérieuse sur ce sujet aurait trois objectifs:

  1. connaître la valeur de ce que nous avons dans le système actuel,
  2. déterminer si les valeurs du système actuel reçoivent l'adhésion de tous les Membres de l'OMC, et
  3. évaluer le degré de pertinence de l'OMC dans sa forme actuelle, et déterminer s'il est suffisant ou si l'Organisation doit subir des modifications fondamentales.

Ma liste des valeurs qui sous-tendent l'OMC compte 16 entrées. Elles incluent plusieurs principes fondamentaux.

Les deux premiers, qui ne sont pas évidents pour tous aujourd'hui, sont la promotion de la paix et de la stabilité. Telle était la préoccupation principale des fondateurs du système commercial multilatéral en 1948, et tel est l'objectif central des pays fragiles et touchés par des conflits qui accèdent aujourd'hui à l'OMC.

D'autres valeurs sont plus évidentes, comme la non-discrimination, la transparence, la réciprocité, la coopération internationale et la primauté du droit.

D'autres encore sont plus nuancées, peut-être moins manifestes, et n'apparaissent qu'après réflexion. Il s'agit notamment du bien-être, de l'égalité, de la souveraineté, de l'universalité, du développement, des forces du marché, de la convergence et de la moralité.

La durabilité a récemment été ajoutée à la liste.

Il est plus que temps de discuter sérieusement d'une réforme de l'OMC. La pandémie ne fait qu'accroître l'urgence d'avoir cette discussion.

La COVID-19 et les valeurs du système commercial mondial

Le sérieux avec lequel les efforts de réforme sont menés sera déterminant pour que l'OMC réaffirme son rôle mondial, historiquement central, dans la gestion des relations commerciales internationales dans les années à venir.(1)

La COVID-19 a eu un impact profond sur la santé des populations du monde ainsi que sur l'économie mondiale. C'est l'équivalent fonctionnel du largage d'une bombe à neutrons, qui porte atteinte aux êtres humains mais pas aux animaux ni aux biens. En conséquence, les usines ont été mises à l'arrêt, les restaurants se sont vidés, et un nombre incalculable d'individus ont cessé d'être productifs. Et l'activité n'a pas encore pleinement repris. Cette pandémie n'est pas la première et il est quasiment certain qu'elle ne sera pas la dernière.

Il est fort probable que le monde qui émergera de cette pandémie sera très différent du monde qui l'a précédée. Tel est le point de vue que Martin Wolf, du Financial Times, a exprimé dans un remarquable podcast de cinq minutes publié le 13 mai 2020. Il est difficile de contester ses conclusions. Les chaînes d'approvisionnement mondiales seront repensées. L'économie numérique sera davantage ancrée dans toutes les situations où elle peut être utilisée, en particulier pour travailler chez soi plutôt que dans des lieux centralisés. L'emploi sera sans doute en berne pendant une très longue période. Les finances mondiales autrefois excédentaires seront devenues déficitaires.

Dans ce contexte, caractérisé par des difficultés sans précédent, d'importantes questions émergent quant à la valeur de l'Organisation mondiale du commerce, aujourd'hui et demain. L'Ambassadeur auprès de l'OMC de la première nation exportatrice du monde a déclaré le 12 mai, lors d'un entretien avec un ancien négociateur commercial expérimenté des États-Unis, que l'OMC avait échoué à apporter une réponse adéquate à la crise de la COVID-19. Cela renvoie forcément au fait que, dans un souci de rapidité, les États-nations ont pour la plupart répondu à la crise de manière individuelle et non collective, dans bien des cas sans prendre en compte l'impact sur les intérêts des autres pays. L'Ambassadeur a attribué la “médiocre performance” de l'OMC à un manque de leadership et à un affaiblissement de la confiance.

La question qui se pose inévitablement est de savoir si l'OMC est adaptée à ses objectifs, aujourd'hui au cœur de la crise et pour les années à venir. Avec la crise, il apparaît encore plus nécessaire d'examiner les principes et valeurs sous-jacents de l'OMC, d'évaluer le degré de pertinence de l'OMC dans sa forme actuelle, et de déterminer si celui-ci est suffisant ou si l'Organisation doit subir des modifications. Cette dernière question n'avait même pas besoin d'être posée, puisque les dirigeants du G-20 ont appelé à une réforme de l'OMC bien avant que l'on ait la moindre idée qu'une pandémie se préparait.

Depuis un certain temps, l'Organisation est en proie à des difficultés évidentes — à cause de la montée du populisme et des guerres commerciales, parce qu'elle a échoué à démontrer que l'enceinte mondiale pour les négociations commerciales pouvait encore produire des résultats négociés, et parce qu'elle n'a pas non plus su maintenir la structure de règlement des différends de l'OMC, dont les mérites étaient tant vantés.

Il est maintenant nécessaire d'agir immédiatement pour contrôler les dommages susceptibles d'être causés par les restrictions commerciales adoptées en réponse aux crises sanitaire et économique mondiales actuelles, et pour favoriser la reprise économique qui devra suivre. Il est également temps de se pencher sur l'avenir du système commercial multilatéral. Une nouvelle évaluation doit être menée même si, selon la plupart des critères, le système a été extrêmement performant pendant plus de 70 ans d'existence. L'indicateur le plus révélateur des performances passées est le fait que le niveau de l'économie mondiale ait progressé de façon exponentielle et qu'une grande part (mais pas la totalité) de la pauvreté mondiale ait été éradiquée. Le commerce mondial a joué un rôle important dans la réalisation de ce résultat essentiel. Cela dit, de solides antécédents positifs ne suffisent plus. À ce stade, se reposer sur ses lauriers ne peut mener qu'au déclin.(2)

Tous les Membres de l'OMC affirment être pleinement attachés au multilatéralisme et, partant, au maintien du système commercial multilatéral. Même si le niveau d'adhésion varie, il faut au moins identifier et évaluer la mesure dans laquelle un consensus existe sur les préceptes fondamentaux sous-tendant l'Organisation, comme première étape vers la définition de ce que pourrait et devrait être l'“OMC 2.0”. L'OMC serait une coquille vide si elle ne consistait qu'en une enceinte, un espace ouvert dépourvu de principes dans lequel, lorsqu'un consensus est trouvé, des accords peuvent être négociés. 

Cet exercice ne devrait pas être mené sans apporter progressivement des améliorations au système commercial. Les progrès accomplis à cet égard ne devraient pas non plus se traduire par un exercice indûment long. Instaurer le système idéal entre les nations est un objectif irréaliste. Nous devons faire preuve de pragmatisme. Les discussions purement philosophiques ont tendance à être très longues et ne produisent pas de résultats immédiats. Les premiers conciles de l'Église chrétienne se sont déroulés sur plusieurs siècles, de 325 à 787 apr. J.-C., et le consensus n'a été établi qu'en condamnant ou en frappant d'anathème les personnes qui pratiquaient ce que l'on jugeait être une pensée excessivement expérimentale(3). Notre calendrier moderne doit être beaucoup plus serré, car les problèmes actuels nécessitent des réponses rapides et, si possible, plus inclusives. 

Même si l'histoire compte de nombreuses tentatives de gestion des relations commerciales entre les nations, aucune source unique n'indique clairement les principes qui façonnent le système commercial multilatéral. Il n'existe pas non plus de constitution pour stimuler la croissance organique. Les accrétions ne doivent être que des accrétions, ajoutées au fil du temps par consensus de l'ensemble des Membres. L'expansion par l'interprétation juridictionnelle a trouvé ses limites.

Le document qui a donné naissance au système commercial multilatéral était un contrat, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (le GATT). Pendant près d'un demi-siècle, il a servi d'arrangement ad hoc, car l'Organisation internationale du commerce (OIC) n'avait pas pu voir le jour. Le GATT ne présente aucun des atours d'un document fondateur. Il ne s'agit pas d'une constitution. Il ne contient pas de préambule énonçant des préceptes, ni même d'exposé des objectifs. L'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), lui, contient des objectifs.(4) Il n'est généralement pas cité par les Membres pour l'ensemble des objectifs de l'OMC, mais de manière sélective, pour faire avancer des causes particulières. Outre l'examen de ces documents fondateurs, nous pouvons retirer certains principes de la pratique. Il s'agit de principes qui n'ont pas été énoncés, mais ils n'en sont pas moins réels. 

Nous tenterons ci-après de déterminer et d'identifier les principes et valeurs qui régissent, ou dont on peut attendre qu'ils régissent, le système commercial multilatéral et l'Organisation mondiale du commerce qui l'incarne.

La paix

Au niveau le plus fondamental, le système, comme l'Union européenne (initialement appelée “Communautés européennes” puis “Communauté économique européenne”), a été créé pour promouvoir la paix. Il semble assez étrange de citer la paix dans le contexte actuel. Il s'agit sûrement d'un anachronisme présentant un intérêt historique lointain, au mieux. Une question à laisser aux enquêtes universitaires. En quoi cela est-il pertinent aujourd'hui?

La quête de la paix a de solides origines philosophiques —

L'idée de la paix perpétuelle est apparue pour la première fois au XVIIIe siècle, quand Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre a publié son essai intitulé “Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe”, alors qu'il travaillait en tant que négociateur sur le Traité d'Utrecht. Cependant, l'idée ne s'est diffusée qu'à la fin du XVIIIe siècle. L'expression “paix perpétuelle” a été reconnue lorsque le philosophe allemand Emmanuel Kant a publié en 1795 son essai intitulé “De la paix perpétuelle: essai philosophique”. (5)

Dans cet essai, Kant indique ce qui suit:

[Il doit y avoir] une alliance d'une espèce particulière, qu'on pourrait appeler alliance de paix (fœdus pacificum), et qui différerait du traité de paix (pactum pacis), en ce qu'elle terminerait à jamais toutes les guerres, tandis que celui-ci n'en finit qu'une seule. Cette alliance n'aurait pas pour but l'acquisition de quelque puissance de la part d'un État, mais simplement la conservation et la garantie de sa liberté et de celle des autres États alliés, sans qu'ils eussent besoin pour cela de se soumettre (comme les hommes dans l'état de nature) à des lois publiques et à une contrainte réciproque.

 

Kant énonçait un objectif fondamental de l'humanité, à savoir la création d'un état de paix perpétuelle. À cette fin, l'ordre international libéral a été construit sur la base de quatre piliers: le système commercial multilatéral (l'OIC et le GATT, puis l'OMC), l'Organisation des Nations Unies, le FMI et la Banque mondiale. Toutes ces institutions visaient à favoriser la construction d'un monde meilleur après deux guerres mondiales. Chacune d'entre elles relevait d'un effort visant à instaurer une paix perpétuelle. Dans ce contexte, l'OMC et le GATT ne sont pas simplement des contrats — ils sont une proposition de système dont le but est de satisfaire une aspiration humaine bien plus essentielle.

Cela dit, vous n'entendrez pas les Membres de l'OMC citer Emmanuel Kant dans leurs interventions récentes. À bien des égards, l'idée de promouvoir la paix semble bien éloignée des sujets qui animent chaque jour les esprits des diplomates spécialisés dans les questions commerciales représentant les Membres dans les couloirs et les salles de conférence de l'OMC à Genève. Pourtant, le maintien de la paix était très présent dans l'esprit des fondateurs du système commercial multilatéral, comme en témoigne le tout premier paragraphe de la Charte de La Havane(6)instituant une Organisation internationale du commerce, l'ancêtre intellectuelle de l'OMC, qui dispose ce qui suit:

RECONNAISSANT que les Nations Unies sont résolues à créer les conditions de stabilité et de bien-être qui sont nécessaires pour assurer des relations pacifiques et amicales entre les nations,. . .

. . .elles instituent par les présentes l'ORGANISATION INTERNATIONALE DU COMMERCE, par l'entremise de laquelle elles coopéreront, en leur qualité de Membres de cette Organisation, en vue d'atteindre le but général et les objectifs énoncés dans le présent article.

Dans des remarques antérieures, j'ai présenté brièvement l'histoire du rôle de la paix dans les accords commerciaux, qui a conduit à la création du système commercial multilatéral et à la disparition du terme “paix” de notre lexique à l'OMC — jusqu'à sa réintroduction par les pays touchés par des conflits qui sont en voie d'accession à l'OMC. Ces économies fragiles sont étonnamment nombreuses. La liste inclut l'Afghanistan et le Libéria, qui ont tous deux accédé à l'Organisation il y a cinq ans, et aujourd'hui l'Éthiopie, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Timor-Leste et l'Iraq, entre autres. Pour ces pays et pour ceux qui cherchent à les aider à accéder à l'OMC, la promotion de la paix est un principe bien réel et une cause qui représente leur motivation fondamentale pour devenir et être Membre de l'OMC. Leurs espoirs de paix trouvent un écho lointain, ce que le Président des États-Unis Abraham Lincoln appelait les “accords mystiques de la mémoire”(7), dans ce cas un premier principe fondateur de la lutte pour la paix du système commercial multilatéral. Pour ces économies fragiles, le lien entre l'expansion de leur commerce par l'intégration dans l'économie mondiale pour assurer leur propre croissance économique, et l'augmentation de la stabilité qui permet d'améliorer la possibilité du maintien de la paix, n'est pas une bizarrerie théorique. Il s'agit d'une politique pragmatique qui est essentielle à leur survie en tant que nations.

La croissance économique générée par le commerce ne garantit pas la paix. Cela n'a pas été le cas pour les nations qui ont pris part à la Première Guerre mondiale: toutes entretenaient des relations commerciales solides les unes avec les autres avant de s'engager dans l'un des conflits humains les plus meurtriers de tous les temps. En revanche, le commerce permet d'augmenter les chances d'instaurer et de maintenir la paix. Il ne peut y avoir de paix si une incertitude totale entoure les relations commerciales. En outre, tout au long de l'histoire, la suspension des échanges a été une méthode de guerre. Dans sa manifestation actuelle, cela peut passer par l'imposition de restrictions à l'exportation ou le lancement de cyberattaques qui perturbent les économies et le commerce des autres pays. On ne peut pas dire que l'OMC impose trop de réglementations s'agissant de ces mesures.

La stabilité (certitude)

La terre était informe et vide;

il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme(8)

Pendant des centaines de milliers d'années, l'Homo sapiens n'a apparemment rien inventé. Il n'y avait pas de raison physiologique claire à cela, aucune limite imposée — d'après ce que savent les anthropologues — par la taille du cerveau humain. L'une des explications de ce paradoxe est peut-être que l'inventivité nécessite un environnement présentant un minimum de stabilité.

Cela est également vrai pour l'activité entrepreneuriale. C'est un axiome de l'activité qu'il faut un certain degré de certitude et de prévisibilité pour pouvoir planifier et prendre des risques. Le terme “stabilité” figure également à la première ligne de la Charte de l'OIC susmentionnée:

RECONNAISSANT que les Nations Unies sont résolues à créer les conditions de stabilité….

L'intégralité du corpus de règles du GATT et de l'OMC, y compris les procédures connexes, est conçue pour imposer un certain niveau d'ordre dans la conduite du commerce mondial. Les droits de douane ne doivent pas dépasser des niveaux ayant fait l'objet d'engagements contractuels, sauf dans certaines circonstances limitées et généralement temporaires. Cette obligation figure dans l'un des engagements fondamentaux du GATT, énoncé à l'article II. En outre, au titre des règles de l'OMC, les propositions de normes doivent être notifiées à l'état de projet pour que les autres Membres de l'OMC puissent formuler des observations. La transparence est exigée dans les deux douzaines d'accords qui constituent le corpus de règles de l'OMC. Le grand dessein de tout l'éventail des règles et procédures de l'OMC est d'offrir davantage de certitude pour le commerce mondial pour instaurer un degré de stabilité permettant aux échanges de se dérouler et aux entrepreneurs de planifier leur activité.

Rien de tout cela n'est parfait. Ce qui existe aujourd'hui est le fruit d'un effort commun qui s'est déroulé sur un peu plus de sept décennies pour instaurer un ordre. Le résultat — l'OMC — offre des conditions régissant la quasi-totalité du commerce mondial. Même si des lacunes ont été identifiées en matière de champ d'application ou de conformité, il s'agit d'une réalisation remarquable qui offre davantage d'harmonie aux gouvernements et aux peuples de la planète.

La primauté du droit

La stabilité passe par la primauté du droit, faute de quoi se développent l'anarchie ou le despotisme. Il y a peu d'intérêt à établir des accords internationaux s'ils ne sont pas respectés. L'histoire compte de nombreux exemples de traités qui ne sont pas respectés. Cela ne signifie pas que les accords internationaux ne sont pas utiles. Ils améliorent les conditions du commerce international.

L'OMC ne fonctionne pas, en premier lieu, sur la base du règlement des différends, dont les procédures sont bien souvent longues, contraignantes et chères. Elle fonctionne sur la base de la modération volontaire. La maxime juridique pacta sunt servanda — les accords doivent être respectés — a été largement efficace, depuis le XVIIe siècle et le juriste néerlandais Hugo de Groot jusqu'à aujourd'hui. L'idée que l'on peut se fier à la parole donnée par un pays soutient la réalisation des objectifs de l'internationalisme libéral de l'après-Seconde Guerre mondiale.

La confiance doit être établie par une attitude qui incite progressivement les autres à se fier aux promesses d'un pays concernant son comportement futur. Dans le cadre des négociations sur la limitation des armes nucléaires, cette attitude se traduit par des “mesures de renforcement de la confiance”. Il s'agit d'instaurer un niveau de confiance suffisant entre des puissances nucléaires rivales, qui leur permette de trouver un terrain d'entente, évitant ainsi de se détruire mutuellement et de détruire la planète. Le fait que les Membres de l'OMC respectent généralement leurs obligations est la base de la confiance, l'élément central qui sous-tend la réussite de tout système de relations internationales ne reposant pas sur la coercition. Tout système social dépend de la confiance. L'alternative est le chaos.

Le bien-être

Revenons sur les premiers mots de la Charte de La Havane sur l'OIC:

RECONNAISSANT que les Nations Unies sont résolues à créer les conditions de stabilité et de bien-être

La stabilité seule ne produit pas de bien-être. La stabilité peut tout aussi bien favoriser la stagnation que la croissance économique. C'est une condition préalable, et non une garantie, de l'amélioration de la situation économique des nations commerçantes et de leurs peuples. Le commerce ne garantit pas non plus la croissance économique. C'est un multiplicateur, un accélérateur de possibilités. D'après la théorie établie par Adam Smith et développée par David Ricardo, la spécialisation au sein d'une économie, puis au niveau international, permet d'augmenter le niveau moyen du revenu. Elle n'agit pas sur la répartition des avantages, mais les avantages économiques à répartir sont bien plus importants avec le commerce qu'en son absence. Les principaux déterminants des flux d'échanges sont les forces macroéconomiques, mais la libéralisation des échanges dans un environnement de règles convenues a un effet positif, tandis que les restrictions commerciales ont un effet négatif.

Il ne devrait faire aucun doute que le commerce a produit des avantages considérables depuis la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Comme indiqué, le niveau des échanges est bien plus élevé que ce qu'il était en 1947, et que ce qu'il était en 1995 au moment de la création de l'OMC, et il en va de même pour le niveau des revenus nationaux et mondiaux. En outre, la pauvreté mondiale a fortement diminué.

Le bien-être va au-delà de l'efficacité économique. La charte de l'OMC (Accord de Marrakech) fixe notamment l'objectif suivant:

la réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services

Il doit aussi avoir de vastes avantages sociaux. La mosaïque qui se trouve dans l'entrée principale du Centre William Rappard, où l'OMC a son siège, a été héritée du Bureau international du travail. Elle rappelle à tous les visiteurs qui s'arrêtent pour l'observer que l'une des préoccupations de l'Organisation est de garantir la “justice sociale”.

Attendu qu'une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale; … .

La mosaïque indique également:

la protection des travailleurs contre les maladies générales ou professionnelle et les accidents résultant du travail ...

Le sens courant du terme “bien-être” doit aussi être interprété comme incluant la santé. Mis à part la sécurité nationale, qui relève des Nations Unies et des États-nations, le bien-être dépend des circonstances sanitaires et économiques mondiales. La dure leçon à tirer de la pandémie est le fait qu'une crise sanitaire mondiale donne inévitablement lieu à une crise économique mondiale. Les deux sont inévitablement liées à la politique commerciale. La façon dont les pays réagissent a une importance.

La mesure dans laquelle l'OMC sert le bien-être des peuples du monde est un outil essentiel pour estimer la valeur de l'Organisation et du système commercial multilatéral qu'elle incarne. Si la soudaineté de l'arrivée de la COVID-19 peut justifier le fait que les Membres de l'OMC n'aient pas encore formulé de réponse collective, cette justification aura perdu toute valeur si une deuxième vague de coronavirus arrive comme prévu à l'automne. Et nous n'aurons aucune excuse si nous ne sommes pas préparés aux pandémies futures.

Dans un avenir relativement proche, les préoccupations actuelles concernant les restrictions à l'exportation apparaîtront comme relativement mineures par rapport à toute différenciation qui pourrait être faite entre les nations si un vaccin efficace était disponible.

L'égalité

Dans la Charte de l'Atlantique(9), le document que Franklin Roosevelt et Winston Churchill ont publié pour présenter leurs objectifs pour le monde qu'ils pensaient voir émerger après la Seconde Guerre mondiale, ces dirigeants ont indiqué qu'ils:

…[s'efforceraient], en respectant les obligations qui leur incombent, de favoriser l'accès de tous les États, grands ou petits, victorieux ou vaincus, et dans des conditions d'égalité, aux marchés mondiaux et aux matières premières qui sont nécessaires à leur prospérité économique;

 L'idéal d'égalité a une ascendance prestigieuse, bien que relativement moderne. Le premier principe fondateur des États-Unis, inscrit dans le plus célèbre de leurs documents originels — la Déclaration d'indépendance — est “tous les hommes sont créés égaux”. Cette déclaration a eu un retentissement au cours des siècles suivants et dans le monde entier. De la même façon, l'égalité est un principe fondateur de la France, adopté par Maximilien Robespierre(10), et énoncé comme l'un des trois objectifs centraux de la République française — liberté, égalité, fraternité. C'est un puissant mandat d'organisation. 

L'égalité est un principe implicite de l'OMC. Tous les Membres de l'OMC ont un droit égal de s'exprimer, de voter (bien que le fonctionnement par consensus ait supprimé le vote, et confère à la place à chacun le droit non spécifié de rejoindre ou de bloquer le consensus, ou de s'abstenir) et de présenter des propositions. Tous les pays, quelle que soit leur taille, peuvent demander l'appui du Secrétariat pour les activités qu'ils souhaitent mener à l'OMC. En outre, le principe d'égalité va de pair avec le concept d'inclusion, parfois cité comme l'une des caractéristiques de l'Organisation.(11)  

Bien entendu, l'égalité est un objectif et non un résultat instantané. Au sein d'une économie nationale et entre les nations, il y a peu d'égalité. À l'OMC, comme souvent ailleurs, les Membres ont des niveaux de capacité différents. D'un point de vue matériel, par exemple, certaines délégations à l'OMC n'ont pas de représentation, car elles ne peuvent pas se permettre d'avoir une mission permanente à Genève. De plus, beaucoup de représentants nationaux ont de multiples responsabilités à Genève, non seulement à l'OMC mais aussi dans plusieurs autres organisations internationales. Et certains sont chargés de représenter leur pays à Berne ou dans plusieurs capitales. La jouissance de l'égalité est limitée par la capacité.

Le bon fonctionnement du principe d'égalité nécessite que les Membres de l'OMC dotés d'une capacité plus importante soient proportionnellement plus responsables de la réussite de l'effort commun — le fonctionnement de l'Organisation, son maintien et sa croissance. Heureusement, plusieurs Membres petits et moyens assument effectivement un niveau de responsabilités plus élevé que la moyenne.

La non-discrimination

L'égalité de traitement est inscrite dans le GATT de 1947 et dans le principe de non-discrimination de l'OMC/du GATT de 1995. Elle est si présente dans l'ADN du GATT qu'elle occupe une place d'honneur dans la première disposition de l'article premier. La non-discrimination est la pierre angulaire sur laquelle est bâtie le culte du multilatéralisme. Un proche parent de la non-discrimination est le traitement national, qui impose de ne pas pratiquer de discrimination entre les produits nationaux et les produits étrangers à des fins internes, comme la fiscalité intérieure. Le traitement national figure dans le troisième des trois premiers articles du GATT.

La non-discrimination (également appelée traitement NPF, ou traitement de la nation la plus favorisée) est une règle qui régit la majeure partie du commerce mondial. Elle domine toujours, malgré la prolifération des accords commerciaux préférentiels. Ces accords sous-multilatéraux, dont beaucoup sont bilatéraux et certains régionaux, sont conçus pour offrir un traitement plus favorable aux importations visées que celui qui est accordé aux produits originaires d'autres pays. Cela se produit parce qu'il est souvent peu pratique pour les entreprises de respecter les prescriptions liées aux règles d'origine (teneur d'un produit en intrants originaires des parties à ces accords). Apparemment, les entreprises décident que la mise en conformité de leurs produits avec toutes les prescriptions des accords commerciaux préférentiels ne vaut simplement pas la peine — c'est-à-dire les dépenses administratives générales engendrées par l'identification de l'origine des composants, en particulier là où les droits de douane sont faibles, ce qui est majoritairement le cas lorsqu'il s'agit de pays industrialisés, et souvent le cas aussi lorsqu'il s'agit de produits importés dans les pays en développement.

Après les accords préférentiels, le deuxième écart majeur par rapport au principe de non-discrimination est l'émergence des guerres commerciales modernes et des sanctions liées à la sécurité nationale, sans doute aujourd'hui plus importantes que les droits antidumping qui sont plus spécifiques aux entreprises. Ces mesures sont sélectives dans leur application.

La souveraineté

La souveraineté n'est pas un thème débattu à l'OMC, mais elle y est très présente. Certains l'expriment ouvertement comme le désir de disposer d'une “marge de manœuvre”. Pour d'autres, elle se manifeste lorsqu'ils affirment qu'une règle donnée est inapplicable à une mesure qu'un Membre souhaite mettre en place ou a mis en place.

La souveraineté est respectée. Ce qui n'est pas réglementé ou interdit par les règles de l'OMC est, par déduction, autorisé. Cette liberté d'agir sans contraintes a souvent été présentée comme un aspect positif pour les participants au système commercial. Il y a de multiples exemples de comportements non réglementés. Il s'agit notamment de la plupart des subventions intérieures pour l'industrie, des mesures prises pour protéger des espèces menacées d'extinction ou des mesures prises pour préserver les stocks nationaux de produits dont la quantité est jugée insuffisante. En faisant usage de cette marge de manœuvre, les pays engagent parfois des actions qui peuvent avoir des conséquences négatives sur les intérêts des autres pays. Si la marge de manœuvre signifie l'absence d'action collective alors que l'action collective est nécessaire, cela n'est pas non plus un élément positif. Bien trop souvent, l'utilisation de la marge de manœuvre peut se traduire par des actions nationales non coordonnées qui ont une incidence négative sur les autres. Tel a été le cas pendant la crise sanitaire mondiale actuelle. Cela semble évident, mais la marge de manœuvre invoquée par de grands pays commerçants a davantage d'impact au niveau mondial que lorsqu'elle est revendiquée par des pays plus petits.

Tout accord international contenant des obligations impose à ses parties d'abandonner, dans une mesure limitée, certains éléments de souveraineté. Il en est ainsi car il se peut que les actions qu'un pays souhaite mener ne soient pas toutes compatibles avec l'accord. Au titre des règles de l'OMC, un pays est toujours complètement libre d'agir d'une manière non conforme à l'accord, mais il devra peut-être en payer le prix. Les accords internationaux sont conclus car le pays participant estime qu'une certaine limitation de la liberté totale d'action nationale est plus que compensée par les gains que retire la nation des restrictions imposées aux actions des autres. Il s'agit de compromis sur certaines flexibilités inhérentes à la souveraineté totale contre des avantages réciproques.

Dans l'évolution du système commercial, la souveraineté est aussi préservée par le mode de fonctionnement de l'OMC. En pratique, l'OMC fonctionne exclusivement par consensus. Aucun accord multilatéral ne peut être mis en place sans l'appui d'un nombre substantiel de Membres et au moins le consentement des autres. L'avancée de négociations entièrement multilatérales ou d'autres efforts entièrement multilatéraux est limitée par le fait que tout Membre peut demander leur interruption. La définition du consensus est proche de celle de l'unanimité. D'un point de vue opérationnel, le consensus peut être comparé à un voyage en train. Comme dans un train, il y a un dispositif de freinage d'urgence dans chaque wagon. Ce dispositif, qui correspond à la possibilité pour tout Membre d'empêcher l'obtention d'un consensus, est non seulement une garantie de souveraineté, mais une forme de souveraineté supérieure. Par exemple, un seul Membre peut empêcher l'adoption de l'ordre du jour d'une réunion. Dans les faits, un Membre se voit déléguer la souveraineté de l'ensemble des 164 Membres pour stopper une action. Le mouvement vers l'avant n'est possible que si les Membres se limitent à utiliser le dispositif de freinage d'urgence en cas de menace pesant sur l'ensemble des Membres. Une fois encore, comme dans toute société ou organisation, la modération volontaire est fondamentale — c'est une condition préalable au bon déroulement de toute interaction sociale ou collaboration.

Le “consensus négatif”, un concept applicable à l'adoption des rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel, est l'absence totale de souveraineté individuelle des Membres. Tous ont mis en commun leurs souverainetés respectives et il leur est interdit de revenir en arrière. L'ironie de ces deux formes extrêmes de souveraineté — supérieure et nulle — est le fait que la règle du consensus positif a permis à un seul Membre de stopper le fonctionnement de la règle du consensus négatif pour ce qui concerne les activités de l'Organe d'appel.

L'application de la règle du consensus positif ou de la règle du consensus négatif pose clairement des problèmes, en l'absence de lignes directrices sur les limites de ces règles. Il y aurait des limites au fait que la règle du consensus négatif prévaut dans les procédures de règlement des différends déterminant la portée des règles de l'OMC, si la fonction de réglementation de l'Organisation n'était pas moribonde. Cette question n'ayant pas été traitée — et aucun Membre n'a suggéré de le faire — le système commercial multilatéral a cessé de fonctionner pleinement, qu'il s'agisse de l'élaboration des règles ou du règlement des différends.

Il convient de noter que le degré de souveraineté abandonné par chaque Membre de l'OMC est en fait très limité. Dans le domaine du règlement des différends, une décision défavorable ne peut imposer la mise en conformité nationale. Le respect des règles peut être encouragé par le fait qu'un Membre qui n'honore pas ses obligations s'expose à l'opprobre des autres ou peut-être à la menace de mesures compensatoires. La compensation se produit car les pays qui remportent une affaire peuvent avoir le droit de redéfinir l'équilibre des concessions bénéficiant à la partie perdante, si la valeur de ce qu'ils ont négocié est diminuée par les actions dont le système de règlement des différends de l'OMC a constaté qu'elles étaient incompatibles avec les obligations découlant des Accords de l'OMC.

En ce qui concerne l'exercice de la souveraineté nationale des Membres, l'une des valeurs de l'OMC est qu'au titre de ses Accords, les Membres disposent d'une vaste marge de manœuvre pour poursuivre leurs objectifs nationaux, par exemple en prenant des mesures pour préserver la santé publique. Ils en ont le droit. Lorsqu'un dommage est causé, les conséquences peuvent être la mise en œuvre de mesures nationales par les autres Membres, qui peuvent aussi agir pour servir leurs propres intérêts. Cette situation existerait même sans l'OMC, mais il y aurait moins de transparence, le droit d'être consulté serait amoindri, et les possibilités d'action collective seraient plus limitées. Sans OMC, nous aurions peut-être l'illusion d'une plus grande souveraineté, c'est-à-dire une absence totale de contraintes sur les actions d'un pays. Mais dans la mesure où tous les autres pays seraient eux aussi libérés de toute contrainte convenue, la souveraineté individuelle des nations serait, en réalité, sérieusement limitée.

L'universalité

Un corollaire du multilatéralisme est le fait qu'il doit, par définition, être inclusif, et englober tous les pays qui sont disposés à assumer les obligations découlant du système.

Le développement

Dans un ordre commercial international libéral qui a pour préceptes l'égalité et l'universalité, le développement — c'est-à-dire le fait d'amener tous les Membres à un niveau où ils peuvent tirer pleinement parti de leur statut de Membre, tout en honorant toutes les obligations connexes — doit nécessairement être un objectif essentiel du système.

Pour certains, et peut-être pour de nombreux représentants de pays en développement Membres de l'OMC, l'idée que le développement est l'un des buts premiers de l'Organisation est un acte de foi. Cette position est exprimée dans bon nombre de déclarations faites aux réunions du Conseil général de l'OMC. Elle se traduit également par la conviction que le traitement spécial et différencié est un droit. Elle a suscité des déclarations de la part de certains pays développés, qui affirmaient qu'une différenciation devait être opérée entre les pays en développement autodésignés, en fonction de la capacité de chacun. Cette apparente divergence de vues a donné lieu à de vifs échanges verbaux qui ne sont pas près d'être résolus.

Certains disent que l'OMC n'est pas un organisme de développement. Cet argument va au-delà du débat sur la différenciation. À certains égards, l'OMC est clairement un organisme de développement. L'un de ses buts fondamentaux est de faciliter la croissance économique, c'est-à-dire le développement économique pour tous. Il est évident que les pays ont des capacités différentes lorsqu'il s'agit de tirer parti des Accords de l'OMC et d'honorer leurs obligations dans le cadre de l'Organisation. Dans l'intérêt de tous les Membres de l'OMC, des progrès continus doivent être accomplis par chacun pour atteindre ce double objectif - obtenir des avantages et respecter des obligations. Pour cette raison, une assistance technique est mise à la disposition de tous les pays en développement, y compris des stages pour leurs futurs fonctionnaires. Des sessions de formation sur place et dans les pays sont organisées sur un large éventail de sujets, qui vont des prescriptions de l'Accord sur les marchés publics à celles qui sont liées à la protection de la propriété intellectuelle.

Le système commercial multilatéral soutient la spécialisation de la production qui, à son tour, entraîne une augmentation du niveau de revenu dans les pays évoluant vers les stades plus avancés de l'activité économique. Cela peut et doit se produire également à un niveau très élémentaire. Pour les cultivateurs de coton d'Afrique de l'Ouest, le fait d'être aidés à exploiter la valeur de ce qui est parfois gaspillé dans des produits dérivés sous-utilisés peut avoir des effets positifs. Cela profite également aux économies nationales productrices de coton et au commerce mondial en général. La spécialisation favorise également les progrès économiques des pays industrialisés avancés. Le développement doit être une valeur durable applicable à tous. C'est à l'appui d'un développement économique qui bénéficie à tous que les Membres cherchent à mettre en place des règles favorisant l'émergence de l'économie numérique mondiale.

La transparence

L'OMC ne peut fonctionner, et les politiques nationales ne peuvent être correctement formulées, que sur la base d'une connaissance suffisante des conditions existantes. Les Accords de l'OMC, qui sont plus de deux douzaines, contiennent de nombreuses prescriptions concernant la présentation de notifications. De la même façon que l'économie numérique nécessite la libre circulation des données pour bien fonctionner, les règles et processus de l'OMC nécessitent que les renseignements sur les mesures nationales soient actualisés. Cela est loin d'être toujours le cas. Un domaine prometteur est celui de l'Accord sur les obstacles technique au commerce (OTC ou normes). Les Membres de l'OMC notifient leurs mesures à l'état de projet et les mettent à disposition pour formulation d'observations. Cette démarche est utile à tous les Membres, à la fois parce que les réactions suscitées aident à formuler des normes efficaces et parce que cela permet d'éviter la création d'obstacles non nécessaires au commerce. Le processus est également bénéfique car les autres Membres mettent à disposition leurs propositions de normes en avance. C'est un avantage méconnu du système commercial multilatéral mais il est très important pour ceux qui produisent des marchandises pour les marchés internationaux. 

La durabilité

Les priorités des Membres fondateurs étaient la reconstruction et le développement, la reprise après les ravages de la guerre. Pour cette raison, la structure d'origine du système commercial multilatéral était centrée sur des règles visant à faciliter les échanges, par la suppression des restrictions quantitatives et l'abaissement du niveau des droits de douane. Les préoccupations environnementales étaient globalement traitées en évitant de mettre en place des règles interférant avec les mesures nationales.

Les intérêts des Membres de l'OMC ont évolué et continuent d'évoluer. En 2015, tous les Membres de l'OMC ont, en leur qualité de membres de l'Organisation des Nations Unies, adopté le Programme de développement durable à l'horizon 2030, qui comprend 17 objectifs de durabilité. Ces objectifs reflètent les priorités des Membres et sont intégrés dans leur participation aux travaux de l'OMC. Des groupes de Membres souhaitent développer à l'OMC des initiatives potentielles visant à promouvoir l'économie circulaire (afin de réduire les déchets), réduire la pollution par le plastique dans les océans, contribuer au ralentissement du changement climatique et instaurer des disciplines sur les subventions aux combustibles fossiles.

À la Conférence ministérielle de Buenos Aires en 2017, les Ministres sont convenus d'un programme de travail visant à conclure des négociations concernant l'établissement de disciplines sur les subventions à la pêche, avec pour objectif d'adopter à la prochaine Conférence ministérielle (peut-être à Nour-Soultan en juin 2021) un accord sur les subventions à la pêche qui permette d'atteindre la cible 14.6 des objectifs de développement durable. L'Objectif 14 est de conserver et d'exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable.

Les forces du marché

Le principe fondamental sous-jacent de l'OMC est que les forces du marché détermineront les résultats en matière de compétitivité. Peu de règles — voire aucune — ne produiraient leurs effets positifs recherchés si des considérations politiques comme la mise en œuvre de politiques favorisant l'achat de produits nationaux sous l'influence des pouvoirs publics prenaient le pas sur les considérations commerciales — prix, qualité, livraison et autres. Le principe sous-jacent de la détermination des résultats en matière de compétitivité par les forces du marché pourrait avoir des effets indésirables dans certaines situations exceptionnelles, comme la surenchère des prix des fournitures médicales rares pendant la pandémie, au détriment des populations défavorisées. Cette exception n'amoindrit pas la valeur générale de ce principe.

La convergence

Un corollaire du principe selon lequel les forces du marché doivent déterminer les résultats en matière de compétitivité est le fait que les règles de l'OMC sont basées, de manière implicite, mais indubitable, sur la convergence et non la coexistence. Si l'objectif était d'avoir des systèmes dans lesquels les forces du marché ne seraient pas autorisées à fonctionner et à produire des résultats, un principe sous-jacent implicite du système commercial multilatéral serait invalidé.

La coexistence nécessiterait une OMC différente. En l'absence d'accord sur la convergence, un nouveau modus vivendi sera inévitablement recherché. L'arrangement se conclura probablement à un niveau de commerce inférieur à ce que les règles de l'OMC auraient autrement permis.

La réciprocité

Il s'agit moins d'un idéal noble que d'une nécessité politique pratique. Aucun négociateur commercial d'un pays Membre ne souhaite rentrer dans son pays après une négociation et expliquer aux législateurs et à leurs électeurs que les concessions qu'il a accordées sont supérieures aux concessions obtenues (à l'exception claire du traitement des pays les moins avancés). La mesure dans laquelle sont concédées les flexibilités, la marge de manœuvre et la limitation temporaire de la souveraineté est souvent justifiée par le fait que les autres Membres engagent des actions réciproques. La stricte réciprocité a des limites pratiques, puisqu'elle ne mesure que les concessions accordées face aux concessions obtenues mais, d'un point de vue politique, chacun doit avoir le sentiment général que toute négociation aboutit à des résultats équilibrés.

Évidemment, les décisions sur les politiques commerciales englobent d'autres aspects. Les pays suppriment souvent les droits de douane sur les intrants de matières premières ou de produits alimentaires dont ils ont besoin. Il ne leur importe guère que les décisions qu'ils prennent dans leur intérêt ne trouvent pas de contrepartie. C'est ce qui s'est produit s'agissant des mesures de libéralisation des échanges appliquées aux fournitures médicales en réponse à la COVID-19.

Par ailleurs, les Membres de l'OMC peuvent et devraient apporter une contribution positive nette, en donnant davantage que ce qu'ils reçoivent directement. Ce qui va au-delà de la stricte réciprocité est une contribution au bon fonctionnement du système commercial pour tous, à la création d'un bien commun, et cela sert aussi grandement les intérêts de chaque Membre. Même les nations les plus pauvres et les moins développées peuvent apporter une contribution positive nette. Les nations commerçantes les plus grandes et les plus industrialisées ne sont pas les seules à pouvoir formuler de bonnes idées pour le système ou mettre en avant des innovations. Les pays les moins développés possèdent certainement une expertise en ce qui concerne leurs propres besoins. Les suggestions pratiques valent plus que la rhétorique, et cela est vrai pour tous les Membres.

Collectivement, le tout est supérieur à la somme des parties. Le commerce multiplie les avantages économiques, de la même façon que le capital investi en banque génère un soutien financier pour la communauté plus élevé que le montant du capital lui-même. Le système fonctionnera mieux avec des contributions positives nettes de la part de tous.

La coopération internationale

La coopération internationale est l'essence du multilatéralisme. D'un point de vue quantitatif et, dans bien des cas, d'un point de vue qualitatif, la coopération mondiale peut potentiellement produire de meilleurs résultats que la coopération bilatérale de deux nations ou que la collaboration de quelques nations. En outre, certains thèmes ne se prêtent pas à des résultats sous-multilatéraux. La réglementation des subventions en fait partie. Si certains sont libres d'accorder des subventions tandis que d'autres font preuve de modération, cela entraînera une inégalité des conditions de concurrence.

Aucun arrangement sous-multilatéral n'offre autant de possibilités que la coopération mondiale.

La moralité

La moralité, comme d'autres questions relevant de la philosophie, n'occupe pas une place proéminente dans les échanges entre négociateurs commerciaux. Pourtant, le système commercial multilatéral a été créé par des êtres humains et la moralité entre dans leur composition individuelle et collective; elle sous-tend donc le système commercial multilatéral, même si cela est implicite. Toutes les actions menées pourraient être expliquées uniquement d'un point de vue utilitaire, mais les accords vont plus loin. En l'absence de composante morale, il n'y aurait probablement pas de disposition spéciale sur les droits de propriété intellectuelle qui réglementent la disponibilité des produits pharmaceutiques dans les situations d'urgence. 

Conclusion — L'OMC, la pandémie et l'avenir

Si nous n'éliminons pas les obstacles qui entravent les arrangements commerciaux efficaces et mutuellement bénéfiques conclus entre les nations, les extraordinaires gains économiques, sociaux et politiques que les pays ont accumulés grâce au commerce depuis la deuxième moitié du XXe siècle diminueront, puis disparaîtront.(12) (13)

La mise à l'épreuve de l'OMC n'est pas terminée. Les premières réponses à la pandémie actuelle ont été apportées individuellement par les nations, sans coordination. Il était possible d'agir plus rapidement au niveau national, mais pas au niveau multilatéral ou même régional. Cela peut expliquer l'absence de réponse collective convenue.

À court terme, le prochain défi majeur sera les probables deuxièmes vagues de coronavirus qui pourraient entraîner l'imposition de restrictions nationales additionnelles sur les vaccins et traitements pharmaceutiques en dehors de leur pays d'invention et/ou de production. Il faudra trouver l'équilibre entre la préservation de la marge de manœuvre et les avantages que présente la mise en place de restrictions d'action convenues. Plus que jamais, nous aurons besoin des valeurs du système commercial multilatéral pour limiter les perturbations des outils nécessaires au traitement des difficultés sanitaires et économiques à venir.

Immédiatement après les mesures de politique commerciale liées au virus, il faudra de toute urgence favoriser la reprise de l'économie mondiale.

L'action collective est essentielle si nous voulons relever les défis mondiaux.

Pour l'avenir, l'une des questions fondamentales est de savoir si les Membres adhèrent aux valeurs précitées. En attendant, il faut gérer la crise de la COVID-19.

À la réunion extraordinaire virtuelle du Conseil général du 15 mai 2020, les Membres ont présenté les problèmes qu'ils rencontraient à cause de la COVID-19 et ont fait rapport sur les mesures prises. Ces rapports ainsi que les propositions de spécialistes extérieurs du commerce mettent en lumière les voies à suivre que pourraient examiner les Membres de l'OMC. On peut distinguer les actions immédiates, les solutions à plus long terme et les enseignements pouvant être tirés pour la réforme systémique de l'OMC. (14)        

Le leadership est nécessaire pour faire avancer le système et assurer son bon fonctionnement. Les initiatives actuelles liées à la COVID-19 ont toutes été mises en place par des pays de taille moyenne. Cela dit, un consensus qui ne serait pas approuvé par les Membres commerçants les plus grands — États-Unis, Chine et UE — pourrait ne pas être suffisamment solide pour aller de l'avant. Il est peu probable que des évolutions systémiques puissent avoir lieu sans la participation des principaux pays commerçants. La coordination entre les trois pays cités est importante en elle-même, mais devrait s'inscrire dans le cadre d'un consensus plus large.

L'expérience de l'OMC est suffisamment riche pour nous permettre d'identifier clairement ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. L'un des questions qui se pose concerne la manière de procéder. Les spécialistes du commerce ont beaucoup écrit à ce sujet. L'une des possibilités serait de charger le Secrétariat d'établir un rapport sur les options de réforme qui ont déjà été présentées. L'organisation d'ateliers en dehors du cadre des négociations permettrait de fournir aux Membres davantage de renseignements sur les possibilités. Les Membres pourraient décider comment organiser les futurs travaux sur la base des renseignements collectés.

Les Membres et le Secrétariat de l'OMC feraient bien d'envisager de s'assurer qu'il existe une fonction distincte de planification des politiques pour anticiper les besoins futurs du système commercial multilatéral. À ma connaissance, il n'existe aucune ressource de ce type pour le système commercial.

L'“état de préparation” ne figure pas dans la liste des principes et valeurs établis. Ce terme est sans doute absent de tous les documents fondateurs des nations, unions douanières et organisations internationales de la planète. Je n'ai pas fait de recherches à ce sujet.

Les imprévus ont été identifiés. Ce n'est pas la première pandémie que connaît le monde et ce ne sera probablement pas la dernière. Nous ne connaissons pas la durée de la menace, car des deuxièmes vagues (et peut-être d'autres foyers) pourraient apparaître. Nous savons que des épidémies se déclarent dans certaines régions et que la survenue de deuxièmes vagues est très probable. Les nouvelles technologies génèrent de nouvelles possibilités et de nouvelles perturbations.

Désormais, faut-il que des mesures permanentes soient en place pour permettre l'organisation de réunions de l'OMC entièrement virtuelles, avec de possibles formats hybrides (réunions partiellement en présentiel ou partiellement virtuelles, approbations en partie en personne et en partie par écrit)? Quelles seront les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes sur les flux d'échanges (par exemple, l'établissement d'un passage dans l'Arctique ou une évolution des zones cultivables)? Comment se dérouleraient des négociations agricoles visant à promouvoir la flexibilité pour faire face aux déficits alimentaires? Comment la technologie pourra-t-elle changer la façon dont les services sont fournis ou dont les marchandises sont produites (par exemple, l'impression en 3D)?

Les prévisions peuvent être radicalement fausses. Par exemple, les sources d'énergie et leur disponibilité ont considérablement évolué et pourraient continuer d'évoluer. Même s'il est impossible de connaître l'avenir, des probabilités peuvent être distinguées. Ces dernières devraient être systématiquement étudiées, dans les capitales des pays Membres, dans les institutions internationales et à l'OMC, et les estimations et projections devraient être partagées en réseau.

Tout citoyen a un devoir civique à l'égard de son pays. De la même façon, dans le système commercial multilatéral, les Membres et leurs représentants doivent avoir le devoir civique d'assurer le bon fonctionnement du système. Les gouvernements ont confié à leurs représentants la direction du système commercial multilatéral. Autrefois, l'idée de responsabilité civique était symbolisée par le serment que prêtaient les jeunes athéniens à l'âge de 18 ans. Ils reconnaissaient que tous les citoyens avaient le devoir de transmettre à la génération suivante un pays amélioré. Telle est la tâche qui nous incombe à tous s'agissant de l'OMC et du système commercial multilatéral qu'elle incarne.

Notes:

  1. Patrick Low, Hamid Mamdouh and Evan Rogerson, Balancing Rights and Obligations in the International Trading System. Retour au texte
  2. Le volume des exportations de marchandises a été multiplié par 41 entre 1950 et 2019, tandis que le volume du PIB réel mondial a été multiplié par 11,5 sur la même période. Depuis 1995, le volume du commerce mondial a été multiplié par 2,7, tandis que celui du PIB réel a été multiplié par 1,9. Autrement dit, le commerce a progressé 1,4 fois plus rapidement que le PIB. En ce qui concerne la réduction de la pauvreté, les données dont dispose l'OMC ne remontent que jusqu'à 1981. Cette année-là, 42% de la population mondiale vivait en situation d'extrême pauvreté, c'est-à-dire avec un revenu de 1,90 USD par jour (en PPA de 2011). Aujourd'hui cette part est tombée à 10%. Retour au texte
  3. Les doctrines condamnées incluent l'arianisme, l'apollinarisme, le sabellianisme, le monophysisme, le nestorianisme, le monothélisme et le pélagianisme. Retour au texte
  4. Les Parties au présent accord [l'OMC],
    Reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique,
    Reconnaissant en outre qu'il est nécessaire de faire des efforts positifs pour que les pays en développement, et en particulier les moins avancés d'entre eux, s'assurent une part de la croissance du commerce international qui corresponde aux nécessités de leur développement économique,
    Désireuses de contribuer à la réalisation de ces objectifs par la conclusion d'accords visant, sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels, à la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce et à l'élimination des discriminations dans les relations commerciales internationales,
    Résolues, par conséquent, à mettre en place un système commercial multilatéral intégré, plus viable et durable, englobant l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, les résultats des efforts de libéralisation du commerce entrepris dans le passé, et tous les résultats des Négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay,
    Déterminées à préserver les principes fondamentaux et à favoriser la réalisation des objectifs qui sous-tendent ce système commercial multilatéral, 
    Conviennent de ce qui suit:
    Article premier
    Institution de l'Organisation
    L'Organisation mondiale du commerce (ci-après dénommée l'“OMC”) est instituée par le présent accord.
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  5. https://en.wikipedia.org/wiki/Perpetual_peace#cite_note-1. Retour au texte
  6. CHAPITRE I
    BUT GÉNÉRAL ET OBJECTIFS
    Article premier
    RECONNAISSANT que les Nations Unies sont résolues à créer les conditions de stabilité et de bien-être qui sont nécessaires pour assurer des relations pacifiques et amicales entres les nations,
    LES PARTIES à la présente Charte s'engagent à coopérer entre elles et avec les Nations Unies dans les domaines du commerce et de l'emploi
    En se proposant le but général suivant

    ATTEINDRE les objectifs fixés par la Charte des Nations Unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement dans l'ordre économique et social envisagés à l'article 55 de cette Charte.

    À CET EFFET, elles prennent individuellement et collectivement l'engagement d'encourager les mesures nationales et internationales qui permettront d'atteindre les objectifs ci-après:

    1. Assurer une ampleur toujours croissante du revenu réel et de la demande effective, développer la production, la consommation et les échanges des biens, et contribuer ainsi à l'équilibre et à l'expansion de l'économie mondiale.
    2. Aider et stimuler le développement industriel ainsi que le développement économique général, particulièrement en ce qui concerne les pays dont le développement industriel est encore à ses débuts, et encourager le mouvement international des capitaux destinés aux investissements productifs.
    3. Faciliter à tous les pays l'accès, dans des conditions d'égalité, aux marchés, aux sources d'approvisionnement et aux moyens de production qui sont nécessaires à leur prospérité et à leur développement économique.
    4. Favoriser, sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels, la réduction des tarifs douaniers et des autres entraves au commerce, ainsi que l'élimination des discriminations en matière de commerce international.
    5. Permettre aux différents pays, en multipliant les possibilités d'accroissement de leur commerce et de développement de leur économie, d'éviter le recours à des mesures qui pourraient désorganiser le commerce mondial, réduire l'emploi productif ou retarder le progrès économique.
    6. Faciliter, grâce au développement de l'entente mutuelle, des consultations et de la coopération, la solution des problèmes intéressant le commerce international dans les domaines de l'emploi, du développement économique, de la politique commerciale, des pratiques commerciales et de la politique des produits de base.

    EN CONSÉQUENCE, elles instituent par les présentes l'ORGANISATION INTERNATIONALE DU COMMERCE, par l'entremise de laquelle elles coopéreront, en leur qualité de Membres de cette Organisation, en vue d'atteindre le but général et les objectifs énoncés dans le présent article.

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  7. Dans son premier discours d'investiture, Abraham Lincoln évoque les “accords mystiques de la mémoire”. Retour au texte
  8. Genèse ch. 1:2., Ancien Testament. Bible du roi Jacques. Retour au texte
  9. Publiée dans la baie d'Argentia (Terre-Neuve), en août 1941. Retour au texte
  10. Discours sur l'organisation des gardes nationales. Article 16. Elles porteront sur leur poitrine ces mots gravés: LE PEUPLE FRANÇAIS, et au-dessous: LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront les trois couleurs de la nation. — Maximilien Robespierre 1790 Retour au texte
  11. Peut-être dans un souci d'inclusion, en pratique, les Membres les plus grands ne président pas de comités de l'OMC, ce qui permet à des pays de taille moyenne et bien plus petits d'endosser ce rôle. Retour au texte
  12. Article de Low, Mamdouh et Rogerson précédemment cité à la note 1. Retour au texte
  13. L'objectif du présent exposé n'est pas de traiter les principaux sujets qui doivent être couverts, dans une plus grande mesure, par les règles de l'OMC. Outre les nouveaux sujets comme le commerce électronique et différentes initiatives environnementales, se distinguent la propriété intellectuelle dans un monde de plus en plus numérique et les services. Il a été reconnu, il y a plus de trois décennies, que le commerce des services représentait une immense part de l'économie mondiale. La circulation des services favorise aussi la circulation des marchandises. Certains services ne peuvent être fournis qu'en personne au-delà des frontières — par exemple l'entretien et la maintenance des biens d'équipement. La commercialisation implique souvent des contacts en personne. La circulation plus libre des personnes par-delà les frontières favorise le l'essor du commerce des biens comme des services. La pandémie de COVID-19 a démontré à quel point le commerce mondial peut être affecté par la disparition de ces courroies de transmission économique.  Retour au texte
  14. Une liste établie dans l'exposé que j'ai présenté le 7 mai à un webinaire organisé par l'Autorité générale du commerce extérieur de l'Arabie saoudite incluait les éléments suivants:

    • l'allocation des ressources limitées, y compris par l'adoption:
      • de meilleures pratiques pour le partage de la propriété intellectuelle en ce qui concerne les fournitures médicales et le matériel médical, ainsi que des données issues d'essais et des formules destinées à l'élaboration de vaccins et de médicaments, l'objectif étant de promouvoir la mise au point de vaccins et leur mise à disposition à l'échelle mondiale
    • d'un accord sur la réduction des mesures restrictives pour le commerce qui visent les aliments, les biens et les services, sous quelque forme que ce soit (y compris les directives nationales relatives aux achats, etc.)
    • d'un accord sur la sécurité alimentaire assurée par des frontières plus ouvertes et non par l'imposition de restrictions à l'exportation ou l'accumulation de stocks excessifs.
    • d'un protocole multilatéral négocié qui permet d'ouvrir les frontières nationales en toute sécurité pour les voyages d'affaires et l'immigration prioritaire ainsi qu'à des fins culturelles (par exemple pour le hadj). Si un accord ne peut pas être conclu dans l'espace de quelques mois, un code de conduite ou une déclaration de meilleures pratiques pourrait être adopté.
    • d'un accord relatif aux contrôles à l'exportation et aux mesures équivalentes (y compris, par exemple, tous types d'achats préventifs), qui pourrait porter sur;
        • les procédures comprenant des notifications et des consultations préalables sur leur justification;
        • leurs modalités d'application, notamment en ce qui concerne l'exigence de non-discrimination;
        • une procédure permettant aux pays touchés d'enregistrer des préoccupations commerciales spécifiques; et
        • la fixation de limites pour la durée de ces mesures.
    • faire fond sur les meilleures pratiques SPS et OTC pour atteindre un niveau plus élevé de coopération réglementaire et réduire davantage les frictions commerciales;
        • faciliter les mouvements transfrontières du personnel assurant les services essentiels tels que les services médicaux et les travaux agricoles; et
        • déployer des efforts coordonnés pour augmenter la production de matériel médical et de fournitures médicales.

    Mesures visant à contribuer à la relance économique

        • négocier la réduction des droits de douane et leur suppression si possible - des droits de douane nuls pourraient être envisagés pour les produits pharmaceutiques, les produits issus des technologies de l'information, les biens environnementaux et les produits déjà visés par des droits faibles;
        • faciliter la fourniture transfrontières de services;
        • prendre des mesures pour rétablir le financement du commerce;
        • fournir un soutien plus important à la mise en œuvre de l'Accord sur la facilitation des échanges;
        • s'appuyer sur les meilleures pratiques SPS et OTC pour atteindre un niveau d'obligation plus élevé;
        • établir des directives concernant le renforcement de l'examen des investissements entrants;
        • mener à bonne fin les négociations sur le commerce électronique;
        • empêcher l'État d'intervenir davantage au moyen:
      • d'une entente approfondie sur la conduite des entreprises qui sont influencées par l'État; et
      • de disciplines sur les subventions intérieures pour l'industrie et le soutien interne à l'agriculture.
    • Un effort concerté des Membres de l'OMC pour concourir à la réussite de la mise en œuvre de l'Accord établissant la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
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