DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE ANGELA ELLARD

Pour en savoir plus

  

Modérateur: Selon vous, en quoi consiste une économie circulaire pleinement opérationnelle et comment peut-elle soutenir les progrès sociaux et environnementaux dans notre monde?

Progresser vers une économie circulaire est essentielle pour parvenir à un développement durable et constitue un élément fondamental de nos efforts pour atténuer le changement climatique et s'y adapter.

Les croissances démographique et économique devraient entraîner un doublement de la consommation mondiale de matières premières d'ici à 2060. L'envolée de la demande de ressources naturelles fera augmenter les émissions de gaz à effet de serre et les autres pressions environnementales découlant de l'extraction et de la consommation des ressources, ainsi que de la gestion de ces dernières en fin de vie. Nous devons privilégier une utilisation efficace des ressources et la réduction du niveau d'émissions, et envisager la création d'emplois verts de qualité.

Notre objectif doit être de parvenir à une économie circulaire mondiale, inclusive et sûre. Et pour réunir ces trois caractéristiques, le commerce et l'OMC jouent un rôle important.

Dans une économie circulaire mondiale, l'ouverture commerciale garantit que tous les pays ont accès aux marchandises, aux services et aux technologies qui leur permettent de produire et de consommer des ressources d'une manière plus durable.

Dans une économie circulaire inclusive, le commerce garantit que l'économie circulaire bénéficie à la fois aux pays riches et aux pays pauvres. Il contribue à rendre la participation à cette économie abordable et peut créer des possibilités d'emploi et de diversification économique dans les pays en développement. Par exemple, la circularité favorise la diversification économique en établissant de nouveaux secteurs et activités circulaires, tels que la gestion des déchets, la réparation, l'entretien, la remanufacturation et le recyclage. Elle peut aussi diversifier les industries d'exportation d'un pays en encourageant le commerce des matières premières secondaires et des déchets industriels à forte valeur ajoutée.

Dans une économie circulaire sûre, le commerce s'accompagne de mesures visant à réduire les menaces pour la santé humaine ou l'environnement associées à des approches économiques linéaires. Les gouvernements doivent agir collectivement pour éviter les éventuels problèmes liés au commerce illicite ou non réglementé des déchets qui peuvent compromettre l'économie circulaire. Nous devons œuvrer collectivement pour lutter contre le commerce illicite.

Les règles et la structure de l'OMC nous aident à avancer de manière satisfaisante sur ces questions, et on peut encore faire plus dans ce domaine.

Modérateur: Que devons-nous mettre en place pour promouvoir une transition systémique vers une économie circulaire pleinement opérationnelle à l'échelle mondiale?

Les règles de l'OMC relatives au commerce sont un bon point de départ car elles soutiennent l'objectif des gouvernements de promouvoir la durabilité environnementale et de mettre en œuvre des stratégies d'économie circulaire.

Les règles de l'OMC visent plus que la suppression des obstacles au commerce. Le développement durable est un objectif du système commercial multilatéral qui est inclus dans l'Accord instituant l'OMC.

Les règles de l'OMC laissent aux Membres une vaste marge de manœuvre pour poursuivre des objectifs environnementaux et d'autres objectifs de politique générale légitimes, tout en veillant à contenir le protectionnisme. Elles peuvent aider les gouvernements à élaborer de meilleures réglementations environnementales et à promouvoir des approches cohérentes et globales de l'économie circulaire et de la durabilité.

L'OMC encourage la transparence des politiques liées au commerce et à l'économie circulaire.

L'OMC comprend plusieurs mécanismes de transparence qui renseignent sur les mesures de politique générale prises par les gouvernements. Par exemple, ces derniers sont tenus de notifier les nouveaux règlements techniques pour lesquels il n'existe pas de norme internationale et qui peuvent avoir un effet notable sur le commerce. L'OMC prévoit aussi des examens complets et périodiques des politiques commerciales de ses Membres.

La Base de données de l'OMC sur l'environnement rassemble les mesures commerciales liées à l'environnement prises par les Membres de l'Organisation, telles que les mesures de soutien public, les règlements techniques et les procédures d'évaluation de la conformité, les interdictions commerciales et les prescriptions en matière de licences.

L'OMC encourage les dialogues sur les politiques qui favorisent une meilleure compréhension collective ainsi que la collaboration sur ces questions. 

Le Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC offre aux gouvernements un cadre spécifique pour examiner les liens entre le commerce et la durabilité environnementale. Nous avons examiné les aspects commerciaux des initiatives nationales concernant les déchets et la gestion des produits chimiques, la responsabilité élargie du producteur et le recyclage, ainsi que le soutien visant à faciliter la participation des pays en développement aux chaînes de valeur du recyclage des déchets électroniques.

Des dialogues politiques complémentaires sur les questions relatives à l'économie circulaire ont également lieu dans le cadre de deux nouvelles initiatives lancées par plusieurs Membres en novembre de l'année dernière.

  • Les discussions structurées sur le commerce et la durabilité environnementale (53 Membres) encouragent le partage des meilleures pratiques liées au commerce et la collaboration entre les Membres de l'OMC pour faire avancer les travaux visant à mettre en place une économie circulaire fondée sur une utilisation plus efficace des ressources, des chaînes d'approvisionnement durables, des normes de durabilité et des mesures de réglementation, tout en tenant compte des possibilités et des difficultés pour les pays en développement.
  • Dans le cadre du Dialogue Informel sur la pollution par les plastiques (17 Membres), les discussions sur l'économie circulaire concernent le rôle constructif du commerce dans la lutte contre les obstacles au commerce des déchets et débris de matières plastiques, la facilitation du transfert de technologie pour les pays en développement et l'identification des déficits de connaissances en ce qui concerne les données relatives au commerce des matières plastiques et à la pollution par les plastiques.

Il faut plus d'ambition:

L'harmonisation des réglementations et l'adoption de normes internationales facilitent les échanges et favorisent l'économie circulaire.

Étant donné que davantage de pays prennent des mesures internes pour promouvoir l'économie circulaire, nous courons le risque que les divergences dans les normes nationales créent des obstacles non nécessaires au commerce. Bien que l'OMC n'élabore pas elle-même ces normes, ses règles et ses travaux quotidiens aidant les organismes de réglementation à adopter les normes internationales, à suivre les meilleures pratiques, à coopérer au-delà des frontières et à améliorer la cohérence entre les objectifs commerciaux et les autres objectifs légitimes en matière de réglementation.

Il faut aussi plus d'ambition pour réduire les obstacles au commerce des biens et services environnementaux.

Un commerce plus ouvert stimulerait le déploiement de technologies de pointe pour permettre à tous les pays d'utiliser plus efficacement les ressources et l'énergie, de remplacer les intrants traditionnels par des produits renouvelables ou récupérés et de gérer les déchets solides et dangereux. Un marché mondial intégré apporte des solutions technologiques qui rendent l'économie circulaire plus abordable et stimule l'innovation. Le commerce permet aux entreprises d'utiliser les économies d'échelle pour améliorer le rapport coût-efficacité du recyclage et de la remanufacturation et mettre au point des modèles d'entreprise circulaires viables.  Nous avons donc bien avancé, mais il y a encore du travail.

Modérateur: Quels sont les principaux moteurs et catalyseurs sur lesquels nous devons nous concentrer?

Voici quelques exemples de domaines dans lesquels les choses pourraient être améliorées du point de vue du commerce:

Les politiques commerciales devraient mieux intégrer la notion d'utilisation efficace des ressources et d'autres aspects de l'économie circulaire.

Par exemple, pour passer à une économie circulaire qui procure des avantages pour la santé, l'environnement et l'économie, il est nécessaire d'améliorer la traçabilité des produits et des matières tout au long du cycle de vie des produits, d'améliorer les définitions et les normes mondiales et de promouvoir la facilitation des échanges et une meilleure coopération entre les organismes de réglementation nationaux.

Beaucoup de mesures liées au commerce ne font pas de distinction entre les déchets et les matières réutilisables.

Il en résulte que les matières réutilisables finissent par être détournées de leurs utilisations productives, comme la remanufacturation ou le recyclage, pour être redirigées vers la chaîne des déchets, soit exactement ce que nous essayons d'éviter.  Des travaux sont nécessaires pour élaborer de nouvelles dispositions ou améliorer les dispositions existantes concernant la nomenclature tarifaire du Système harmonisé, en collaboration avec la Convention de Bâle, entre autres.

Nous devons traiter la question des restrictions visant les services qui ont une incidence sur l'économie circulaire.

De nombreuses parties de la chaîne de valeur de l'économie circulaire, à savoir la réparation, le recouvrement des garanties, la redistribution, la récupération de la valeur, le recyclage en fin de vie ou toute combinaison de ces activités, sont fondées sur les services. Cela inclut la recherche-développement pour la conception de produits, les services de gestion des déchets et la récupération de matières secondaires, l'installation, l'assemblage, les essais et d'autres services nécessaires à la remanufacturation ou à la remise à neuf. Les solutions numériques et les innovations technologiques ont permis l'émergence de plates-formes d'échange ou de systèmes de produits/services. Le commerce des services est nécessaire pour que l'économie circulaire prospère. 

Nous devons nous concentrer sur le renforcement des capacités des pays en développement, et en particulier des pays les moins avancés (PMA), pour permettre à ces pays de participer à l'économie circulaire et d'en tirer parti. À cet égard, le soutien relevant de l'Aide pour le commerce peut jouer un rôle clé dans les efforts visant à aider les pays à renforcer leurs capacités de production, ainsi que leurs normes et infrastructures de facilitation des échanges, pour faire en sorte que le commerce circulaire réponde aux prescriptions en matière de sécurité et de qualité, réduire le plus possible le risque d'importation illégale de déchets et faciliter la circulation des produits légitimes.

L'économie circulaire est un domaine prioritaire des travaux en cours à l'OMC sur l'Aide pour le commerce et du prochain Examen global de l'Aide pour le commerce, qui se déroulera pendant l'été 2022. Les travaux d'analyse en cours et le dialogue entre les donateurs, les bénéficiaires et les autres parties prenantes donneront des indications précieuses sur le rôle de l'Aide pour le commerce dans les efforts visant à aider les pays en développement à tirer parti de l'économie circulaire pour leur développement durable et la diversification de leurs exportations.

Pour conclure, j'aimerais souligner à nouveau que l'ouverture commerciale, l'intégration des objectifs et des politiques en matière de commerce et d'environnement et le renforcement des capacités commerciales dans les pays en développement sont des éléments essentiels pour promouvoir une économie circulaire mondiale, sûre et inclusive.  L'OMC poursuivra ses travaux importants pour garantir la réalisation de ces objectifs.

Renseignements de caractère général: Forum mondial de l'économie circulaire (FMEC)

Lancé en 2017, le FMEC est une initiative mondiale de la Finlande et du Fonds finlandais pour l'innovation Sitra. Avec la participation de plus de 4 000 dirigeants d'entreprise, décideurs et experts, le FMEC vise à présenter les principales solutions mondiales en termes d'économie circulaire pour aider les entreprises à exploiter de nouvelles possibilités et à obtenir un avantage concurrentiel, ainsi qu'à contribuer à la réalisation des Objectifs de développement durable de l'ONU.

La dernière réunion du FMEC, tenue en 2019, a mis en exergue l'intensification de la transition vers une économie circulaire par l'augmentation des investissements dans les entreprises choisissant l'économie circulaire, la diffusion et l'adoption de nouvelles technologies et la modification de la réglementation, par exemple en appliquant des politiques fondées sur le "droit à la réparation", pour faciliter et intensifier la transition vers une économie circulaire. Cette réunion a aussi mis l'accent sur le fait que la transition vers une économie circulaire devait être socialement équitable et inclusive.

S'agissant du commerce, les participants au FMEC2019 ont souligné qu'une économie véritablement circulaire devait impliquer le commerce international et en particulier la libre circulation des marchandises, des capitaux et de la main-d'œuvre. En outre, la circularité doit prévaloir et être intégrée dans l'ensemble de la chaîne de valeur si l'on veut surmonter les difficultés climatiques mondiales.

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