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NOUVELLES:  COMMUNIQUÉ DE PRESSE 1997

PRESS/82
27 octobre 1997

“Un nouveau partenariat contre la marginalisation”

On trouvera ci-joint l'allocution que le Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, M. Renato Ruggiero, a prononcée aujourd'hui (27 octobre) à la Réunion de haut niveau sur les mesures intégrées en faveur du développement du commerce des pays les moins avancés, tenue à Genève.

Monsieur le Président, mesdames, messieurs,

La réunion d'aujourd'hui est organisée pour donner suite à la demande faite par les Ministres des Membres de l'OMC à la conférence tenue en décembre dernier à Singapour. Elle revêt une importance capitale parce que, pour la première fois, nous mobilisons toute l'énergie du système multilatéral pour nous attaquer au problème de la marginalisation économique. Elle est importante aussi parce que sans l'intégration totale des pays les moins avancés, le système commercial ne sera jamais véritablement “mondial”. Elle est importante enfin car elle montre de façon tangible jusqu'à quel point vos pays ont choisi l'ouverture, l'intégration et le commerce comme moteurs du développement économique.

Notre objectif à tous est de faire en sorte que les pays les moins avancés d'aujourd'hui soient des partenaires à part entière dans l'économie mondiale et face aux possibilités offertes par celle-ci. Nous n'y parviendrons pas simplement par l'éloquence et les grands mots. Au cours des deux prochains jours, nous devons obtenir des résultats concrets, qui aient une signification réelle et pratique pour les pays les moins avancés.

Il y a trois principaux moyens de faire aboutir cette réunion à des résultats concrets et pratiques: d'abord en offrant de nouvelles possibilités d'accès aux marchés pour les exportations des pays les moins avancés, ensuite en élaborant une approche intégrée pour développer une capacité commerciale qui tienne compte des besoins réels des pays les moins avancés eux-mêmes, et enfin en utilisant les technologies nouvelles pour ouvrir la voie à des possibilités nouvelles entre le Nord et le Sud, qui permettra de faire circuler librement et de façon productive l'information, la connaissance et les idées. Je peux assurer les délégations des pays présents aujourd'hui que l'OMC est entièrement déterminée à mener cette tâche.

Je n'entends pas sous-estimer l'ampleur des problèmes rencontrés par vos pays. Il y a d'abord et surtout le problème de la pauvreté et ses effets paralysants sur tous les aspects de la vie de millions de personnes - leur alimentation et leur santé, la mortalité infantile et l'espérance de vie, et les possibilités d'accès à l'éducation pour chaque personne et ses enfants; ces faits sont intolérables à tous les égards. Avec 10 pour cent de la population mondiale, les pays les moins avancés ne représentent, ensemble, qu'un demi pour cent du commerce mondial. Leur part des investissements internationaux reste insignifiante et leur accès aux technologies modernes clés est totalement insuffisant, dans l'agriculture, dans l'industrie manufacturière, dans les communications, dans pratiquement tous les domaines de l'activité économique.

Le problème est immense mais il y a aujourd'hui des signes que les choses changent dans la bonne direction et que des possibilités nouvelles se présentent. Partout dans le monde, nous avons vu au cours des 20 dernières années de nombreux pays en développement se libérer des handicaps de la pauvreté pour prendre leur part de la croissance et de la prospérité dans l'économie mondiale. La Banque mondiale, le FMI, le PNUD, la CNUCED, c'est-à-dire toutes les grandes institutions économiques internationales, dressent un bilan singulièrement semblable de la progression, souvent spectaculaire, des résultats économiques obtenus par beaucoup des pays les moins avancés au cours des dernières années. Comme la CNUCED l'a signalé, plus de la moitié des pays les moins avancés ont amélioré leurs résultats économiques au milieu des années 90. La croissance enregistrée par les pays les moins avancés, en tant que groupe, était d'environ 5 pour cent en 1995 et 1996, contre 3 pour cent en moyenne pendant la première moitié des années 90 et 2 pour cent seulement dans les années 80.

Plus important encore, cette croissance économique impressionnante a déjà une incidence réelle sur la vie de tous les jours des gens. Par exemple, parmi un groupe d'une vingtaine de pays en développement ayant entrepris une réforme structurelle, le FMI a constaté que la moyenne des dépenses consacrées à l'éducation a augmenté de 5 pour cent en valeur réelle, soit de plus de 2 pour cent en chiffre par habitant. Les dépenses réelles pour la santé se sont accrues de 7,5 pour cent par an. Le taux d'analphabétisme a diminué de 3 pour cent par an, tandis que le taux de scolarisation dans les écoles primaires et secondaires a augmenté de plus de 1 pour cent par an. L'accès aux soins de santé a progressé de près de 10 pour cent par an et l'accès à l'eau potable de 5 pour cent par an.

Le PNUD, quant à lui, a indiqué qu'à la fin de ce siècle, dans trois ans seulement, environ 3 à 4 milliards de personnes dans le monde auront bénéficié d'une amélioration substantielle de leur niveau de vie et qu'entre 4 et 5 milliards de personnes auront accès à l'enseignement de base et aux soins de santé. D'après lui, ces progrès donnent à penser que l'éradication de la pauvreté n'est pas un idéal lointain mais une possibilité réelle.

Cette évolution favorable a été possible car beaucoup de pays ont choisi avec détermination d'instituer des réformes économiques soutenues en considérant que c'était le meilleur moyen disponible pour améliorer réellement le sort de leurs populations. Leurs efforts méritent certainement d'être appuyés par la communauté internationale. Cette réunion est pour nous l'occasion de montrer que l'OMC, en collaboration avec les autres organismes intergouvernementaux participants, peut apporter une contribution utile.

Permettez-moi d'apporter quelques précisions sur la nature de cette contribution. Il s'agit tout d'abord de l' accès aux marchés. Il est indispensable d'accroître l'accès aux marchés pour les exportations des pays les moins avancés si nous voulons réellement améliorer les possibilités commerciales de ces pays. A la réunion au sommet du G7 tenue l'an dernier à Lyon, j'ai proposé de supprimer tous les droits de douane et contingents d'importation imposés sur les importations en provenance des pays les moins avancés, et je profite de l'occasion pour réitérer cette proposition.

Cette réunion est pour les Membres de l'OMC l'occasion d'annoncer les mesures qu'ils prendront, de façon autonome, en vue d'améliorer l'accès aux marchés pour les produits dont l'exportation présente un intérêt pour les pays les moins avancés. J'ai été encouragé d'apprendre que pendant ces derniers mois, plusieurs Membres de l'OMC, dont certains des principaux partenaires commerciaux des pays les moins avancés, ont réfléchi sérieusement aux mesures qu'ils pourraient prendre pour réduire les restrictions imposées sur les exportations des PMA, pour élargir les régimes préférentiels existants, notamment dans des secteurs comme les textiles et l'agriculture, pour simplifier notablement les conditions associées à ces régimes et, dans le cas de certains pays en développement Membres, pour mettre en place des préférences entièrement nouvelles en faveur des exportations de ces pays.

Je me félicite de ces initiatives et j'engage vivement tous les Membres de l'OMC à continuer à examiner les mesures qu'ils pourraient prendre à l'avenir à cet égard. C'est l'un des principaux moyens de faire en sorte qu'à l'issue de cette réunion, on considère qu'elle a produit des actes et non pas simplement des mots. La nécessité d'assurer aux pays les moins avancés un accès ouvert et prévisible aux marchés d'exportation étrangers ne fera que s'intensifier à mesure que les réformes et le renforcement des capacités dans ces pays accroîtront leur productivité, accentueront leur diversification économique et leur permettront d'enregistrer une croissance réelle durable et plus rapide. Pour que les investisseurs répondent effectivement aux efforts déployés à la fois par les pays les moins avancés eux-mêmes et par la communauté internationale pour améliorer les conditions du côté de l'offre, il faut leur donner d'emblée l'assurance qu'il existe des possibilités commerciales attrayantes et stables qui justifient des investissements à long terme.

Le deuxième grand domaine d'action de cette réunion est la nécessité de remédier aux contraintes du côté de l'offre de produits marchands dans les pays les moins avancés et de contribuer à améliorer leur capacité d'échanges. Au cours des six derniers mois, le Secrétariat de l'OMC a collaboré étroitement avec les secrétariats de la CNUCED et du CCI, du PNUD, de la Banque mondiale et du FMI, pour réaliser trois projets apparentés.

• Nous avons établi pour la première fois un inventaire des activités de coopération et d'assistance techniques menées actuellement en faveur du commerce des pays les moins avancés. Il s'agit pour l'essentiel des activités des six organisations elles-mêmes et, avec la coopération d'autres organisations intergouvernementales et du secrétariat de l'OCDE, nous avons commencé à élargir le projet pour créer un outil de gestion véritablement nouveau et de grande portée pour les activités de coopération et d'assistance techniques liées au commerce. Je suis certain que les résultats de ce travail, qui sont présentés dans un document de base établi pour cette réunion, permettront aux pays les moins avancés de faire en sorte que l'appui technique qui leur est apporté pour accroître leur commerce soit véritablement conçu en fonction de la demande et réponde effectivement à leurs besoins. Les partenaires de développement de ces pays pourront aussi élaborer plus efficacement leurs programmes d'assistance, en pleine connaissance des différentes activités complémentaires en cours.

• Par ailleurs, nous avons créé un nouveau Cadre intégré pour l'élaboration des activités d'assistance technique et le renforcement des capacités dans les pays les moins avancés dans le domaine particulier du commerce. Le gouvernement de chacun des pays les moins avancés joue ici un rôle central; ce sont ces pays qui doivent donner l'impulsion à cette initiative, dont le succès dépend pour beaucoup de leur engagement et de leur volonté de prendre les choses en main. Le nouveau Cadre, que cette réunion sera invitée à avaliser, mettra en commun les ressources des six organisations, leur permettant d'unir leurs efforts pour répondre aux besoins spécifiques de chacun des pays les moins avancés. Il offrira aussi des possibilités encore plus importantes. Il peut contribuer à accroître les avantages qui résultent pour les pays les moins avancés de l'assistance liée au commerce fournie par leurs partenaires de développement, et, en renforçant la transparence et le sens des responsabilités, il agira comme un catalyseur pour mobiliser les ressources additionnelles de la communauté internationale en faveur du développement du commerce de ces pays.

• Nous présenterons pour la première fois, aujourd'hui et demain, les résultats de l'application du nouveau Cadre intégré à un groupe pilote de 12 pays les moins avancés. On a ici l'exemple de l'un des résultats pratiques que nous voulons obtenir à cette réunion: l'ouverture d'une porte nouvelle pour aller vers les PMA. Les résultats seront présentés par ces pays eux-mêmes, lors de plusieurs tables rondes. Ils représentent de longs mois de travaux intensifs menés par les différents PMA et l'ensemble des six organisations participant au projet. En manifestant notre adhésion à cette entreprise, nous espérons créer un puissant effet multiplicateur, pour inciter d'autres organisations intergouvernementales multilatérales et régionales, les principaux partenaires commerciaux des pays les moins avancés et le secteur privé à contribuer, avec leurs ressources et leur expérience, à cet effort.

Permettez-moi de souligner qu'à cette fin, la réunion de haut niveau ne marquera qu'une étape du processus. Outre les 12 PMA sur lesquels porteront les tables rondes par pays au cours des deux prochains jours, 20 autres PMA ont accepté notre invitation de participer à cet exercice et nous travaillerons intensivement avec eux au cours des mois à venir pour préparer les tables rondes qui leur seront consacrées.

Le troisième grand domaine d'action est un thème nouveau et excitant pour nous à l'OMC. Il s'agit d'assurer aux pays les moins avancés - comme ils l'ont eux-mêmes demandé - un meilleur accès à l' infrastructure
mondiale de l'information. Les nouvelles technologies de l'information que nous exploitons en collaboration avec nos amis de la Banque mondiale ouvrent une voie vers le développement, qui donnera aux pays en développement l'accès à la ressource la plus importante pour élever les niveaux de vie: la connaissance. Grâce à la connaissance, nous pouvons mieux éduquer nos enfants et mieux soigner nos malades. C'est la connaissance qui permet à chacun d'être un meilleur dirigeant, un meilleur travailleur, un meilleur citoyen.

J'invite chaleureusement tous les participants à visiter notre Cybercafé, qui se trouve à côté, dans la Salle des pas perdus. Vous verrez concrètement comment nous utilisons ces technologies nouvelles pour aider les pays en développement à s'intégrer au cadre général du système commercial mondial. Sur notre site web, les fonctionnaires des pays en développement peuvent consulter, souvent pour la première fois, les documents de l'OMC qui leur sont indispensables pour comprendre les règles de l'Organisation. Notre site interactif commun avec la Banque mondiale permet aux fonctionnaires chargés des questions commerciales de poursuivre, à travers le cyberespace, la formation qu'ils ont commencée ici lors des stages de formation organisés à l'OMC au titre de la coopération technique.

Cependant, cet accès à la connaissance du système commercial ne se limite en aucun cas aux personnes ayant participé aux stages de formation de l'OMC à Genève. Notre nouveau système permet même à ceux qui sont peu familiarisés avec le commerce international, ou avec l'ordinateur d'ailleurs, d'obtenir les informations de base qui sont indispensables à l'élaboration des politiques ou à la planification économique. En se connectant aux forums de discussion en direct, les fonctionnaires peuvent consulter les secrétariats de l'OMC et de la Banque mondiale au sujet de questions commerciales et s'informer sur les faits nouveaux intervenus dans le système commercial.

Nous organiserons pendant les deux prochains jours plusieurs démonstrations de ce forum, qui ne manqueront certainement pas de vous intéresser. Des collaborateurs du Secrétariat de l'OMC se sont rendus ce mois-ci dans quatre pays d'Afrique pour apporter aux fonctionnaires de ces pays les ordinateurs, le matériel et les connaissances nécessaires pour accéder aux informations disponibles sur notre site web.

Plus tard dans l'année, nous visiterons, aux mêmes fins, quatre autres pays. Notre but est de "connecter" tous les pays les moins avancés Membres d'ici l'année prochaine, pour leur permettre de tirer pleinement parti de la révolution de l'information qui libère un si vaste potentiel pour l'intégration et la croissance.

Permettez-moi de conclure en vous invitant à envisager l'avenir avec un espoir renouvelé. Trouver une solution au problème de la marginalisation économique est une responsabilité partagée. Il est évident que pour les pays les moins avancés, cela signifie qu'il faut appliquer des politiques économiques nationales bien conçues et aborder de manière positive les questions relatives à la gestion des affaires publiques. L'accès à l'information et l'assistance rendue possible par les technologies nouvelles devraient faciliter cet effort. Qu'il soit clair aussi que vous avez en l'OMC un partenaire qui s'engage sans réserve pour vous aider à trouver ces solutions et à réaliser votre potentiel économique. Je suis certain que l'issue de cette réunion sera pleinement à la hauteur de nos attentes en montrant que les échanges - et le système commercial multilatéral - peuvent apporter des résultats concrets aux pays qui ont le plus à l'heure actuelle besoin de notre soutien collectif mais qui, je le souhaite ardemment, figureront parmi les nations marchandes les plus dynamiques du XXIe siècle.