ALLOCUTIONS — DG NGOZI OKONJO-IWEALA

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Monsieur l'Ambassadeur Makaila, Monsieur l'Ambassadeur Li,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Je suis ravie d'être avec vous ce soir - et de vous voir en personne.  Le groupement des PMA est très spécial pour moi et tout au long de ma carrière d'économiste spécialisée dans le développement, j'ai eu le privilège de travailler sur des PMA d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine et des Caraïbes.  La plupart d'entre vous sont originaires d'Afrique, comme moi, et j'ai donc vécu de près les défis du développement auxquels vous êtes confrontés.

Vos intérêts restent une priorité importante pour l'OMC. Ce dialogue, qui en est à sa quatrième édition, en témoigne. Des initiatives comme celle-ci peuvent contribuer à forger des positions communes sur des questions intéressant les PMA et leurs partenaires. Je souhaite donc remercier le gouvernement chinois pour son soutien et sa collaboration sans faille à notre effort commun visant à renforcer la participation des PMA au système commercial multilatéral.

Le Dialogue de cette année est axé sur notre prochaine Conférence ministérielle. C'est une bonne chose, car la réussite de la CM12 — obtenir des résultats concrets pour les populations des PMA et d'ailleurs — est essentielle pour redynamiser l'OMC et montrer au monde que nous sommes de nouveau dans la course. La CM12 est une occasion que nous ne pouvons pas nous permettre de manquer.

La semaine dernière, avec l'Ambassadeur Castillo, Président du Conseil général, et le Kazakhstan, co-organisateur, nous avons invité les Ministres à assister en personne à la CM12. À la lumière de la situation de la COVID-19, nous avons été contraints de limiter la taille des délégations à quatre. Il est donc d'autant plus important pour nous d'avancer sur les travaux techniques nécessaires à Genève dans les semaines à venir, afin d'être le plus près possible d'accords avant que les Ministres ne se réunissent le 30 novembre.

Nous avons beaucoup de choses à discuter ce soir, mais je voudrais axer mes remarques sur trois questions: le redressement après la pandémie, les résultats attendus de la CM12, et quelques réflexions plus larges sur les moyens dont il faudrait doter les PMA pour renforcer leur autonomie et leur permettre de tirer mieux parti du commerce mondial.

Avant cela, toutefois, je tiens à vous féliciter pour la récente décision de l'Assemblée générale des Nations Unies proclamant le 7 octobre Journée mondiale du coton. Elle trouve son origine dans l'action menée par les PMA à l'OMC pour mieux faire comprendre l'importance du coton. Et elle sera maintenant commémorée dans le monde entier.

J'en viens maintenant aux trois thèmes que je souhaite aborder.

Tout d'abord, la pandémie a porté un coup sérieux à l'économie des PMA, retardant les progrès vers les objectifs de développement durable.

Ce revers est survenu à un moment où de nombreux PMA franchissaient des étapes importantes sur le plan économique, comme en témoignent les sept d'entre vous qui sont en passe de sortir de la catégorie des PMA d'ici 2026. Vos progrès méritent d'être célébrés car ils sont le reflet de votre travail acharné et de vos politiques axées sur le développement.

Malheureusement, la crise économique provoquée par la pandémie a plongé plus de 100 millions de personnes dans l'extrême pauvreté, principalement dans les PMA d'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne.

Les PMA, qui abritent collectivement près d'un milliard de personnes, ont vu leurs exportations de marchandises diminuer l'année dernière de près de 12%, en valeur, contre une contraction de plus de 7% à l'échelle mondiale. Les exportations de services commerciaux des PMA ont chuté de 35%, contre une baisse mondiale de 21%, ce qui reflète la part disproportionnée du tourisme et des voyages vers les PMA.

La pandémie a réduit à néant une décennie de progrès pour les PMA dans le commerce mondial: fin 2020, la valeur des exportations de biens et services des PMA était inférieure de 0,7% à ce qu'elle était en 2011.

Les PMA peinent à maintenir la part de 1% du commerce mondial qu'ils ont atteint il y a dix ans — elle n'était plus que de 0,91% l'année dernière.

En plus de la baisse des recettes d'exportation, les PMA ont moins de moyens budgétaires et monétaires que les autres pays pour lutter contre les effets économiques de la pandémie. 

Nous continuons à observer une reprise économique en forme de K, dans laquelle les PMA et de nombreux pays en développement sont laissés pour compte. Il existe deux voies pour mettre fin à cette dérive. La première est la convergence vers le bas, alors que les nouveaux variants du virus commencent à peser sur la croissance, même dans les pays qui semblaient sur la voie de la reprise. En fait, nous commençons malheureusement à en voir certains signes avec le variant Delta. La seconde est la convergence vers le haut, en assurant un accès rapide et universel aux vaccins contre la COVID-19. Les économistes du FMI ont estimé que le fait de vacciner 40% de la population dans tous les pays d'ici la fin de l'année, et au moins 60% d'ici le premier semestre 2022, permettra de stimuler l'économie mondiale à hauteur de 9 000 milliards de dollars EU d'ici 2025.

Mais de nombreux PMA, notamment en Afrique, n'ont pas encore vacciné ne serait-ce qu'1% de leur population, alors que le taux de vaccination dans les pays développés est de 57%.

Le commerce étant essentiel à la production et à la distribution des vaccins, l'OMC a un rôle important à jouer dans les efforts d'intensification de la vaccination.

Je suis heureuse de voir l'Ambassadeur Walker diriger la discussion sur ce que nous pourrions faire au niveau multilatéral. En réduisant les restrictions à l'exportation, en facilitant le commerce, en éliminant les goulets d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement et en trouvant des solutions pragmatiques en matière de propriété intellectuelle, nous pouvons contribuer à mettre fin à cette crise et placer tous les Membres de l'OMC dans une meilleure position pour affronter les crises futures.

Comme vous le savez peut-être, le Secrétariat assure le suivi des mesures commerciales liées à la COVID et fait une excellente analyse du commerce des intrants utilisés pour la fabrication des vaccins. Avec mes homologues de l'OMS, du FMI et de la Banque mondiale, nous avons travaillé avec les fabricants de vaccins pour augmenter la production, notamment en ce qui concerne les nouveaux investissements dans les marchés émergents et les pays en développement, et garantir un accès équitable aux vaccins pour tous. Notre équipe spéciale conjointe dispose d'un site web contenant des données et des informations sur les vaccins — COVID19taskforce.com.

J'en viens maintenant à mon deuxième point: l'obtention de résultats à la CM12 renforcera le système commercial multilatéral et aidera les PMA et les autres pays à utiliser le commerce pour stimuler leur reprise économique.

Ce dialogue permettra de faire la lumière sur l'état d'avancement de nos travaux dans des domaines clés et sur les terrains d'entente possibles. Je suis donc très heureuse qu'il s'ouvre par une séance sur la CM12, au cours de laquelle les discussions seront menées par le Président du Conseil général, l'Ambassadeur Dacio Castillo.

Au-delà du commerce et de la santé, ou de la réponse à la pandémie comme nous l'avons appelée, nous devons conclure un accord crédible sur les subventions à la pêche préjudiciables, obtenir des résultats raisonnables dans le domaine de l'agriculture et travailler dur pour faire en sorte que la CM12 donne des résultats concrets en matière de développement. Bien entendu, un traitement spécial et ciblé pour les PMA doit faire partie intégrante de toutes ces discussions. Nous débattons de certains de ces sujets depuis 20 ans. Nous devons aux populations que nous servons d'obtenir des résultats. C'est également essentiel pour redynamiser l'OMC et commencer à rétablir la confiance entre les Membres.

En ce qui concerne les discussions sur la pêche, n'oublions pas qu'il ne s'agit pas seulement de poissons mais des moyens de subsistance de nos populations. Les Ministres nous ont donné un élan politique en juillet. L'Ambassadeur Wills, qui est avec vous ce soir, a intensifié ses efforts et pourra vous informer des progrès réalisés cette semaine. Nous devons tout mettre en œuvre dans les semaines à venir pour atteindre la ligne d'arrivée. L'OMC ne peut pas continuer à manquer la date limite pour parvenir à la réalisation de l'ODD 14.6.

Il y a également eu un engagement actif des Membres sur l'agriculture après la pause estivale. Je suis également heureuse de voir l'Ambassadrice Peralta se joindre à vous aujourd'hui. Elle a publié un texte sous sa propre responsabilité, que les Membres examinent actuellement. Le rapprochement sur les questions relatives à l'agriculture n'est pas facile. Mais je vous invite à travailler en étroite collaboration avec l'Ambassadrice Peralta et à vous efforcer d'obtenir des résultats à la CM12, en gardant à l'esprit qu'il sera possible de poursuivre efficacement le travail après la CM12.

En ce qui concerne le traitement spécial et différencié, nous ne devons pas permettre que des divergences de vues persistantes pénalisent le soutien potentiel aux aspirations de développement de nos Membres les plus faibles.

J'ai insisté sur la nécessité d'un ensemble de résultats en faveur des PMA lors de la CM12.  Je sais que le reclassement des PMA est une question prioritaire pour le Groupe. L'ensemble des Membres comprend de mieux en mieux les défis auxquels peuvent être confrontés les PMA qui changent de catégorie. La principale question semble être celle de la période de transition pour les mesures de soutien destinées à aider les PMA en voie de reclassement, sous l'égide de l'OMC. J'invite instamment les PMA à se rapprocher des Membres pour explorer les options possibles et les délais de transition envisageables.

En outre, des groupes de Membres, dont certains PMA, progressent sur des questions qui les intéressent, telles que la facilitation de l'investissement, la réglementation intérieure dans le domaine des services, le commerce électronique et une série de questions liées à la durabilité.

Pour obtenir des résultats, nous devons faire preuve de réalisme, de pragmatisme et de souplesse.

Cela m'amène à mon troisième point, à savoir l'intégration plus complète des PMA dans le commerce mondial et les chaînes d'approvisionnement.

Sur le plan politique, des progrès notables ont été réalisés au fil des ans. Aujourd'hui, les PMA bénéficient d'un accès préférentiel aux marchés des principaux partenaires commerciaux — développés et en développement — avec des prescriptions améliorées en matière d'origine. Les services et les fournisseurs de services des PMA font également des progrès, dans une certaine mesure. Plus récemment, les Membres de l'OMC ont prolongé la période de transition des PMA pour leur permettre de mettre pleinement en œuvre l'Accord sur les ADPIC.

Néanmoins, sur le terrain, la qualité de l'intégration des PMA dans le commerce mondial laisse beaucoup à désirer. Depuis la création de l'OMC, la plupart des PMA sont restés des exportateurs de produits de base. Seule une poignée d'entre eux se sont lancés dans l'industrie manufacturière, et encore, au bas de la chaîne de valeur.

Mais il y a des raisons d'espérer. De grandes entreprises des chaînes de valeur mondiales délocalisent leurs activités pour diverses raisons — pour réduire les coûts de production, diversifier les risques et se rapprocher des clients. On constate que de plus en plus d'activités se déplacent vers des PMA comme la RDP Lao, le Cambodge, le Bangladesh et l'Éthiopie. J'aime à penser qu'il s'agit d'une “re-mondialisation” — et il faut que ce phénomène s'amplifie. Il faut qu'il englobe davantage de pays, en particulier en Afrique, afin d'intégrer des régions du monde jusqu'ici peu intégrées au système commercial multilatéral et à la division mondiale du travail.

Nous pouvons et devons faire davantage pour soutenir les PMA. Nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons faire du commerce et du système commercial un meilleur instrument pour favoriser l'inclusion de ces pays. Il nous faut examiner l'évolution des besoins des PMA et la manière dont on peut mieux les soutenir dans les années à venir — jusqu'en 2030 et au-delà. Cela pourrait consister à mieux mettre en œuvre les décisions existantes ou à concevoir une architecture mieux adaptée au renforcement des capacités commerciales et à la fourniture d'un soutien du côté de l'offre. Il pourrait s'agir d'une combinaison des deux. Comme nous l'avons vu, les décisions de la CM12 sur les PMA pourraient constituer un pas utile dans la bonne direction.

Au-delà de la CM12, la communauté internationale est en train de mettre au point un nouveau programme d'action mondial pour les PMA, qui devrait être adopté lors de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA en janvier prochain. J'ai reçu le Sous-Secrétaire Général de l'ONU, M. Courtenay Rattray. Le commerce est l'un des principaux points à l'ordre du jour du programme. Nous devons travailler en étroite collaboration avec lui et son équipe pour nous assurer que les questions relatives aux PMA sont bien comprises et bien représentées. Permettre aux PMA de devenir plus résilients et de s'intégrer davantage dans l'économie mondiale est essentiel pour atteindre les objectifs internationaux de développement et pour construire un système commercial adapté au 21ème siècle.

Je vous encourage donc à tirer le meilleur parti de ce dialogue.

J'espère que vos délibérations contribueront positivement à l'obtention de résultats lorsque les Ministres se réuniront en novembre.

Je suis impatiente de vous entendre lors de notre prochaine réunion informelle du CNC, le 30 septembre. En fait, le Dialogue a été un élément déterminant de ma décision de reporter la réunion du CNC à la fin du mois. Lors de cette réunion, j'espère que vous me direz directement ce qui devrait être fait — et ce que vous êtes prêts à faire — pour assurer le succès de la CM12.

Je vous souhaite un dialogue très productif.

Je vous remercie.

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