> Allocutions: Pascal Lamy
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Mesdames et Messieurs,
La récession économique actuelle trouve son origine dans l'éclatement de
grosses “bulles d'actifs” sur le marché financier et le marché du
logement aux États-Unis et en Europe, éclatement qui est lui-même
imputable à la mauvaise évaluation des risques par le secteur financier,
à l'octroi excessif de crédits et à l'absence de régulation et de
supervision effectives par les autorités chargées de la réglementation.
On notera que, par rapport à d'autres secteurs de la vie économique, la
globalisation de la finance n'avais pas été encadrée par des disciplines
internationales contraignantes.
Au cours de la dernière décennie, les politiques d'ouverture du commerce
et la baisse des coûts des transports et des communications ont rendu
les économies plus dépendantes les unes des autres. Cela explique peut
être pourquoi l'hypothèse du découplage entre les économies développées
et les économies en développement ne s'est pas concrétisée, la
contraction de la demande globale des grandes économies affectant la
production et l'emploi dans toutes les autres économies.
Au premier trimestre de 2009, le fort recul du commerce mondial, s'est
poursuivi. Dans toutes les régions, les pays ont été affectés,
indépendamment de leur niveau de développement.
L'essentiel de la chute des échanges s'est produit au début de 2009. L'OMC
prévoit que la baisse sera de l'ordre de 10 pour cent en volume, avec
une contraction de 14 pour cent pour les économies développées et de 7
pour cent pour les pays en développement.
Dans le cas du Japon, les données récentes indiquent que ses échanges
continuent de souffrir considérablement de l'impact de la crise
économique. La valeur (en dollars EU) de ses exportations de
marchandises a baissé de 37 pour cent en avril par rapport à avril 2008.
La baisse a été beaucoup plus prononcée dans les principaux secteurs
d'exportation du pays, tels que l'automobile, où les exportations ont
reculé de 59 pour cent en valeur par rapport à avril 2008. Ses
importations ont beaucoup baissé également, de 33 pour cent en
glissement annuel.
La plupart des échanges mondiaux dépendent d'une forme ou d'une autre de
financement du commerce. Depuis le premier semestre de 2008, on constate
un durcissement des conditions du marché pour l'obtention d'un tel
financement. Les dégâts que la contraction du financement peut causer à
l'économie réelle peuvent être énormes. Les chaînes d'approvisionnement
internationales se sont mondialisées en ce qui concerne non seulement la
production mais aussi le financement du commerce.
Les gouvernements et les banques centrales du monde entier ont réagi
énergiquement à la crise. Les interventions des pouvoirs publics ont
notamment consisté en l'adoption de plans de relance budgétaire qui ont
permis d'injecter des fonds publics à hauteur de 2 pour cent du PIB au
niveau mondial, pour compenser la baisse des investissements du secteur
privé. Les gouvernements qui en ont les moyens — c'est-à-dire dans des
pays les plus riches — sont venus en aide à de grands secteurs durement
touchés (tels que l'automobile) et ont augmenté leurs dépenses sociales.
Ces mesures endiguent apparemment les pires effets de la crise dans ces
pays mais pas dans les pays plus pauvres.
Certains indicateurs financiers et économiques récents semblent indiquer
que la chute libre de l'économie mondiale a pris fin, mais la reprise
n'est peut-être pas encore pour demain.
La Banque mondiale prévoit que la croissance économique mondiale
diminuera cette année de 3 pour cent et l'OIT estime qu'il pourrait y
avoir entre 29 et 59 millions de chômeurs de plus dans le monde en 2009
par rapport à 2007. Le chômage continuera à croître pendant un certain
temps après le début de la reprise, car il ne suit normalement qu'avec
retard le PIB. Cela signifie que l'essentiel de l'impact social de la
crise est encore à venir.
Cependant, la reprise soutenue du commerce international donnerait au
monde une impulsion très utile pour sortir de la crise. Il y a au moins
trois ingrédients indispensables à une reprise rapide du commerce. Il
faudrait que les Membres de l'OMC ne recourent pas au protectionnisme en
réaction à la crise, qu'il y ait un retour à la normale sur le marché du
financement du commerce, et que les Membres de l'OMC fassent aboutir
rapidement le Cycle de Doha.
Même si le mécanisme de surveillance rapproché mis en place par l'OMC a
révélé quelques dérapages, jusqu'ici, rien n'indique qu'il y a une ruée
vers le protectionnisme, avec un recours généralisé aux restrictions et
aux mesures de rétorsion commerciales. Les Membres sont attachés au
système de règles et disciplines de l'OMC qui a été établi à l'issue de
décennies de négociations et qui prévient les réflexes protectionnistes
intempestifs.
Le mécanisme de surveillance de l'OMC — “RADAR OMC” — vise à faire face
à cette menace de montée du protectionnisme en permettant une évaluation
collective transparente et objective des réponses (négatives ou
positives) apportées à la crise par les pays en matière de politique
commerciale. Il repose sur le principe selon lequel la transparence et
la lumière sont le meilleur désinfectant qui soit.
Le tarissement du financement pour le commerce dans certaines parties du
monde a conduit les dirigeants du G 20 à Londres à adopter un “ensemble
de mesures” importantes pour le financement du commerce. Ils se sont
engagés à réunir au moins 250 milliards de dollars au cours des deux
prochaines années pour soutenir le financement du commerce par
l'intermédiaire d'organismes de crédit et d'investissement à
l'exportation ainsi que de banques multilatérales et régionales de
développement. La Banque asiatique de développement (BAD) en a
d'ailleurs pris sa part avec détermination.
Enfin, les Membres de l'OMC devraient faire aboutir rapidement le Cycle
de Doha. Le Programme de Doha pour le développement (PDD) équivaut à un
programme de relance mondial et complète les mesures de relance
nationales. Alors que les programmes de dépenses nationaux renforcent la
demande intérieure, le Programme de Doha pour le développement alimente
la demande étrangère pour les biens et services d'un pays grâce à la
réduction concertée des obstacles au commerce.
Mais les avantages du PDD ne procèdent pas uniquement de la réduction
des droits de douane. Les aspects du PDD touchant aux règles et les
consolidations relatives à l'accès aux marchés rendent les politiques
commerciales plus prévisibles. En réduisant l'incertitude concernant
l'accès aux marchés, les consolidations peuvent avoir un effet
équivalent à des réductions effectives des droits appliqués. En outre,
l'aboutissement du Cycle de Doha enverrait un signal clair indiquant que
les mesures protectionnistes ne sont pas la solution à la crise.
Je vous remercie de votre attention.
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