NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY

“Les engagements en matière de politique commerciale et les mesures contingentes” — Singapour

> Rapport sur le commerce mondial 2009

> Allocutions: Pascal Lamy

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les invités,
Mesdames, Messieurs,

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être présents aujourd'hui.  J'ai le grand plaisir de lancer le rapport phare de l'OMC sur le commerce mondial 2009.  Pour la première fois, cet événement a lieu en dehors du siège de l'OMC à Genève, aussi souhaiterais‑je vivement remercier le gouvernement de Singapour et l'École de politique publique Lee Kwan Yew d'avoir rendu cela possible.  Je remercie tout particulièrement M. Kishore Mahbubani, Doyen de l'Institut Lee Kwan Yew, qui a accepté de présider cet événement.

Chaque année, un thème particulier est choisi pour devenir l'élément central du Rapport sur le commerce mondial.  Ce thème est analysé de manière approfondie afin de mieux faire connaître et comprendre les questions de politique commerciale auxquelles les décideurs sont confrontés au quotidien et qui reviennent souvent dans les négociations commerciales multilatérales.  Cette année, il s'agit de l'élaboration, de l'utilisation et des effets des mesures commerciales contingentes, et de la place que ces dispositions tiennent dans les accords internationaux.

Le Rapport donne une vue d'ensemble des mesures “contingentes”.  Il va au‑delà de l'antidumping, des droits compensateurs et des sauvegardes pour examiner les renégociations tarifaires, le recours à l'“écart” entre les taux consolidés et les taux appliqués et les taxes à l'exportation.  Ces deux derniers — l'excédent de consolidation et les taxes à l'exportation — sont considérés non pas comme des mesures contingentes admises par l'OMC mais plutôt comme des mesures comparables qui peuvent être appliquées à la place des mesures contingentes traditionnelles.

Nous décidons en général du thème pour le Rapport au cours du premier semestre de l'année précédente et, pour le Rapport 2009, notre choix s'est révélé un heureux hasard.  En effet, nous n'avions alors aucune idée des événements auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui et des défis communs à relever pour sortir l'économie mondiale de l'une des pires crises qu'elle ait connues depuis des décennies — et certainement la pire depuis la naissance du système actuel de gouvernance mondiale internationale.

Nous savons pertinemment que la crise actuelle — tout comme la dernière crise de cette ampleur, qui remonte aux années 1930 — n'a pas été provoquée par la politique commerciale.  Mais nous savons aussi que les mesures protectionnistes ont à l'époque joué un rôle important en aggravant et prolongeant le ralentissement de l'activité économique.

Cette fois — du moins jusqu'à présent — nous avons eu plus de chance du fait de l'amélioration de la gestion macro‑économique, de la solidité des disciplines et règles de l'OMC mises en place depuis les années 1940 et de la modération dont font preuve les gouvernements.

Cependant, comme vous le savez sans doute d'après le suivi attentif de l'évolution des politiques commerciales auquel procède l'OMC et d'après mes précédentes déclarations publiques, nous assistons à une multiplication des mesures commerciales restrictives depuis le début de la crise.  Il ne faut donc pas baisser la garde.  Sans vouloir nécessairement crier au loup, nous devons rester vigilants et ouverts les uns envers les autres.

Le thème du Rapport sur le commerce mondial de cette année est particulièrement pertinent en ce sens qu'en temps de crise, les gouvernements ont tendance à recourir davantage aux mesures contingentes prévues par l'Accord sur l' OMC.

Nous considérons en général que les mesures commerciales contingentes sont conçues pour faire face aux circonstances imprévues sur le marché.  Bien sûr, elles sont indispensables à l'efficacité et à la stabilité des accords commerciaux.  Sous leurs différentes formes, elles peuvent servir de soupapes de sécurité, d'assurance, d'instrument d'ajustement économique ou de moyen de dissuasion contre les mesures prises par d'autres pays qui faussent les échanges.  On aimerait penser que de telles mesures n'ont pas seulement servi à donner plus de stabilité aux accords commerciaux mais ont aussi favorisé une plus grande ouverture.  Pourtant, selon le Rapport, il existe très peu de preuves indiquant que c'est le cas.

Le défi principal que pose l'élaboration de ces mesures consiste à les rendre suffisamment flexibles pour qu'elles soient utiles tout en veillant à ne pas compromettre l'intégrité d'un accord.  La nécessité de trouver cet équilibre a parfois joué un rôle central dans les négociations.

Le lancement du Cycle d'Uruguay au milieu des années 1980 a notamment été motivé par la volonté de maîtriser les accords volontaires à l'exportation.  Il s'agissait de mesures contingentes qui contournaient les disciplines multilatérales et ne répondaient aucunement à l'impératif d'un équilibre — elles ne faisaient que déstabiliser le GATT.  Et nul besoin de rappeler que les dispositions antidumping représentent un élément important du Cycle de Doha ni que les arrangements spéciaux en matière de sauvegardes sont une question délicate dans la recherche d'un accord en agriculture.

L'affirmation selon laquelle des mesures contingentes bien conçues sont une composante essentielle des accords commerciaux viables ne change rien au fait que de telles mesures entraînent des coûts susceptibles de nuire au bien‑être économique, raison pour laquelle il convient de les utiliser avec précaution.  Cela est particulièrement vrai en temps de crise car l'utilisation généralisée de ces mesures pourrait créer sa propre dynamique et les gouvernements n'y auraient alors pas recours pour répondre à une difficulté imprévue précise mais simplement parce que d'autres gouvernements le font.  Nous devons éviter cette spirale ascendante auto-alimentée.

Ce que je veux dire par là est qu'il nous faut faire preuve de détermination s'agissant de respecter les obligations découlant de l'OMC mais également de retenue dans l'exercice de nos droits.  Je crois également que si nous parvenons à sortir de la crise et ce à un coût économique minimum, les gouvernements devront se montrer disposés à annuler certaines mesures prises pour faire face à la crise.  Il serait dommage que des mesures justifiées dans une situation particulière soient maintenues une fois la normale revenue.  Permettre que cela se produise reviendrait à invalider le sens même des mesures contingentes.

Cela est particulièrement important dans cette région.  Selon nos estimations, le commerce commence à reprendre en Asie par rapport aux chiffres très bas enregistrés durant le premier trimestre de l'année.  Ces chiffres montrent que les économies asiatiques pourraient mener la nouvelle expansion du commerce mondial.  Veillons donc à ce que les mesures de politiques commerciales intérieures favorisent ce redressement.

Enfin, nous devons faire preuve de réalisme quant aux obstacles qui attendent les gouvernements au cours des prochains mois.  Les décideurs vont très probablement être soumis à une pression accrue en faveur de mesures contingentes et autres dispositions visant à restreindre les échanges, surtout si la tendance à la hausse du chômage persiste avant que la situation s'améliore.

Il faudra la volonté politique de continuer à faire preuve de retenue.  La coopération internationale et le soutien mutuel aideront à résister aux pressions et je ne vois pas meilleure façon de montrer une volonté partagée de sortir de la crise à un coût minimum que de parvenir à la conclusion rapide du Cycle de Doha.

Aujourd'hui, nous avons eu un débat fructueux sur la contribution que les membres de l'APEC pourraient apporter afin que les récents signes politiques positifs exprimés en faveur d'une conclusion rapide du Cycle de Doha se concrétisent.  Le message que je garde de Singapour est que les membres de l'APEC sont prêts à travailler à la conclusion du Cycle de Doha en 2010 et qu'ils sont tous résolus à apporter leur contribution pour franchir la ligne d'arrivée.  Je suis sûr que cela enverra un signal positif à Genève, où nous mettons sur pied un programme de travail pour l'automne.

Je vous remercie.

 

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