NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY

“Commerce des services et reprise économique: accorder les instruments de la croissance”


> Allocutions: Pascal Lamy

  

Avant toute chose, je souhaiterais remercier la Coalition des industries de services et ses partenaires d'avoir organisé ce rassemblement.  L'année dernière, lors du Sommet sur les services, je vous ai raconté l'histoire d'une crise et de sa victime:  le commerce.  Aujourd'hui, cette victime est de nouveau sur pied.

La reprise du commerce mondial

Pour 2010, l'OMC estime à 13,5 pour cent la croissance du volume des échanges mondiaux de marchandises soit une forte hausse par rapport à la période correspondante de l'année dernière.  Le commerce des services, qui a fait preuve de résilience tout au long de la crise, renforce cette tendance positive.  Les exportations de services commerciaux des États‑Unis ont augmenté depuis novembre dernier, atteignant en juin 2010 un niveau supérieur de 11 pour cent à ce qu'il était l'année précédente. 

L'investissement étranger direct, par le biais duquel s'effectue une grande partie des échanges de services, s'est également redressé.  Nous ne pouvons que nous en réjouir, étant donné que l'IED est à la fois créateur d'opportunités sur de nouveaux marchés et vecteur de capitaux et de savoir-faire, ingrédients indispensables à la croissance. 

Aujourd'hui, nous apercevons la lumière au bout d'un long et très sombre tunnel.  Mais pour que cette lumière s'intensifie, il nous faut encourager la reprise naissante, par le biais de la croissance économique.  C'est uniquement grâce à la croissance que des emplois seront créés.  Le commerce favorise la croissance économique en créant de nouvelles opportunités, et non en exerçant des pressions plus fortes sur les budgets nationaux. 

Il est vrai que l'ouverture des échanges peut entraîner un transfert de ressources et d'emplois vers les secteurs les plus productifs.  Personne ne doit être laissé sur le bord du chemin.  Des politiques nationales appropriées devraient être mises en place. 

Aux États‑Unis, le secteur des services représente plus de 75 pour cent de l'économie.  D'après le Bureau des statistiques du travail, en 2009, 90 millions de personnes étaient employées dans le secteur des services, contre 19 millions dans le secteur des marchandises.  Il s'agit d'un secteur dynamique et efficace dont la prospérité est étroitement liée aux échanges et marchés internationaux.  Le développement de nouvelles opportunités commerciales dans le secteur des services revêt une importance significative à la fois pour la croissance et pour la création d'emplois. 

Retour aux sources:  pourquoi l'AGCS est-il important?

En termes de reprise, le commerce des services continuera de jouer un rôle majeur. 

Lorsque vous vous intéressez au dernier PC, au dernier ordinateur portable ou au dernier téléphone mobile, vous contemplez l'aboutissement d'une multitude de services.  Les services se trouvent derrière chaque étape du processus de production, de la recherche-développement à la commercialisation en passant par la conception, l'ingénierie, le financement, le transport et la distribution.  Sans les services, il n'y aurait guère de valeur ajoutée et d'innovation.  Et je ne serais pas surpris si, très bientôt, quelqu'un inventait un iPhone permettant de conclure le Cycle de Doha!

Le "commerce des services" n'est pas à proprement parler une forme de "commerce international", à savoir un produit vendu au‑delà de la frontière d'un pays.  Il représente l'ensemble des transactions économiques internationales, y compris celles qui font intervenir des mouvements d'entreprises et de personnes, qu'il s'agisse de fournisseurs ou de consommateurs de services. 

Dans ce contexte plus large, l'Accord de l'OMC sur les services, l'AGCS [Accord général sur le commerce des services], joue un rôle de catalyseur dans le rapprochement des économies et le déploiement de leur potentiel productif.  Même si les gouvernements ont la possibilité de mener des réformes sur les services de façon unilatérale, l'AGCS est le seul instrument multilatéral dont nous disposons pour consolider ces réformes et régler les différends.  Ce cadre permet aux gouvernements tout à la fois de réformer, de réglementer et de libéraliser, autant d'actions qui ne s'excluent pas mutuellement mais sont complémentaires.  Souvent, pour que les réformes apportées dans un secteur soient efficaces, de nouveaux cadres réglementaires doivent être établis et l'AGCS consacre l'importance de cette réglementation. 

Une plus grande ouverture des échanges dans le domaine des services peut également contribuer à la lutte contre le changement climatique et à la protection de l'environnement.  Elle est aussi susceptible d'accroître l'efficacité énergétique.  Ces secteurs figurent parmi les nombreux "secteurs émergents" qui méritent l'attention des négociateurs. 

Consolider les fondations de l'AGCS dans le cadre du Cycle de Doha est donc crucial si nous voulons maintenir les économies sur la voie de la reprise mondiale.  Bien que les accords commerciaux bilatéraux et régionaux incluent de plus en plus les services, les engagements contraignants pris au titre de l'AGCS demeurent la meilleure façon de conférer une crédibilité à la réforme et de soutenir l'ouverture internationale des services.  Rien ne saurait remplacer les engagements contractés dans le cadre d'accords multilatéraux.

Le Programme de Doha pour le développement:  une symphonie à la gloire de la croissance

Ceux qui parmi vous s'intéressent de près au système commercial auront remarqué que mon discours a changé à la fin du mois de juillet.  Je sentais qu'une "nouvelle dynamique" était en train de naître et que les différentes parties de l'orchestre à Genève commençaient non seulement à accorder leurs instruments, mais à jouer la même partition. 

Les négociations de Doha ne sont pas souvent comparées à une symphonie;  pourtant, il y a de nombreuses similitudes.  Comme vous le savez, une symphonie traditionnelle comporte une structure à quatre mouvements.  Dans le style classique, ils sont généralement organisés selon l'ordre rapide, lent, dansant, rapide.  Parfois, une partition explosive rompt l'harmonie et, suivant des variations plus modernes, des notes discordantes se font entendre.  Cependant, lorsque l'on écoute l'ensemble de l'œuvre, toutes les parties sont liées. 

Le Programme de Doha pour le développement pourrait fort bien être une symphonie originale, qui manque encore sans doute d'arrangements et d'harmonie.  Mais lorsque toutes les parties de l'orchestre - agriculture, produits industriels, services, facilitation des échanges, subventions à la pêche - joueront ensemble, le spectacle sera certainement à la mesure de l'attente. 

Dans la configuration classique, une symphonie commence et s'achève par le même allegro ou la même sonate.  Comme vous le savez, les négociations sur les services ont précédé le lancement du Cycle de Doha et si nous nous en tenons à cette partition, elles tiendront une place prépondérante dans sa conclusion. 

Actuellement, un certain nombre de contacts bilatéraux et en petits groupes sont en train de répéter afin d'harmoniser la mélodie qui s'esquisse.  Nous devrions donner à cette "nouvelle dynamique" le temps et l'espace nécessaires pour qu'elle mûrisse.  Tous ces éléments devront venir alimenter le processus multilatéral pour permettre d'accorder les engagements.  Et la fin du mois d'octobre devrait être un bon moment pour évaluer nos progrès.

Les négociations sur les services

Dans l'ensemble, les négociations sur les services ont avancé aussi bien qu'on pouvait l'espérer étant donné l'impasse sur quelques autres questions.  Cela étant, d'importantes étapes ont été franchies grâce à la Conférence d'annonce d'intentions de 2008, qui a montré que les Membres seraient désireux et à même d'aller de l'avant dans ce domaine lorsque les conditions adéquates seraient réunies.  Pour avancer encore dans le secteur des services, il faut que les autres domaines de négociation progressent aussi.  De fait, tous ces éléments doivent s'imbriquer pour que se dessinent les contours de l'ensemble final de résultats sur l'accès aux marchés. 

S'agissant plus spécifiquement des négociations sur l'accès aux marchés en ce qui concerne les services, des idées innovantes ont récemment vu le jour sur la façon d'établir de nouvelles configurations de négociation, plus créatives.  Ces idées devraient maintenant être activement étudiées si nous voulons progresser. 

En réalité, il s'est passé beaucoup de choses depuis le lancement des négociations sur les services en 2000.  De nombreux pays ont ouvert de façon unilatérale leurs secteurs de services à la concurrence et se sont assurés que les réglementations adéquates étaient en place.  À présent, après quelques années d'expérience, il est peut être temps de consolider cette ouverture dans le cadre de l'OMC.  Cela garantirait plus de prévisibilité et de sécurité, éléments dont la valeur s'est avérée pendant la récente crise.  Pour atteindre cet objectif, chaque délégation doit avoir une parfaite connaissance du degré d'ouverture des marchés existant dans chacune de vos économies. 

Et, comme je l'ai dit précédemment, de nombreux secteurs émergents sont maintenant essentiels pour aider les pays à lutter contre le changement climatique, préserver l'environnement ou garantir une plus grande efficacité énergétique.  Ils permettent également de s'adapter aux structures changeantes du commerce international, dans lesquelles les chaînes de production mondiales sont entraînées par la diffusion des technologies de l'information.  Aujourd'hui, certains de ces secteurs font même partie des discussions concernant les accords commerciaux bilatéraux.  Ne devrions‑nous pas songer à libéraliser ces secteurs dans le cadre des négociations actuelles de Doha?

La prise en compte de ces suggestions permettrait de consolider l'accès aux marchés existant et de créer de nouvelles possibilités d'accès, en particulier dans certains secteurs émergents.  Pourrait-on considérer cela comme un niveau d'ambition minimum pour le Cycle de Doha?  Aux Membres d'en décider.  Mais à mon sens, une ligne d'action aussi largement définie vous serait d'une grande aide pour mobiliser vos forces derrière des services plus stables, plus prévisibles et plus accessibles.

Nous devrions également poursuivre les négociations sur le projet de texte instaurant une dérogation en faveur des Membres les moins avancés, dérogation qui donnerait aux Membres la possibilité d'étendre leurs préférences aux services et fournisseurs de services originaires des PMA (pays les moins avancés). 

En outre, nous devrions aussi avancer sur le front de l'élaboration des règles ainsi que dans les domaines des sauvegardes d'urgence, des subventions et des marchés publics. 

Sur tous ces plans, les ambitions exprimées en 2000 pourraient ne pas être les mêmes que celles actuellement sur la table.  Le monde des affaires et la réglementation ont changé et les objectifs stratégiques ont sans doute besoin d'évoluer en conséquence.  Il ne sert à rien de mener des batailles déjà gagnées ou de refuser de concéder des points désormais sans importance.  Je suis parfaitement conscient du fait que le rythme et l'ampleur des négociations sont dictés par les réalités politiques.  Mais, comme dans n'importe quelle négociation, tous les acteurs doivent être prêts à faire des concessions. 

Mesdames et messieurs,

Nous ne savons peut-être pas avec certitude à quel moment l'économie sera totalement remise, mais nous pouvons être sûrs que le commerce, en particulier grâce à la conclusion du PDD (Programme de Doha pour le développement), ne peut qu'accélérer le rythme de la reprise.  Et lorsque cette reprise sera solidement engagée, ce seront les économies dotées de secteurs de services concurrentiels et bien réglementés qui seront les mieux placées pour en tirer parti.  C'est maintenant qu'il faut investir dans l'avenir. 

Merci de votre attention. 

 

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