NOUVELLES: ALLOCUTIONS DG PASCAL LAMY
Washington, États-Unis, 17 février 2006
“Le Programme de Doha pour le développement: Rêve ou mirage?”
International Institute of Economics
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Pascal Lamy
Je suis très heureux d'être de retour aux États Unis pour partager avec
vous quelques réflexions sur le parcours sinueux des négociations menées
dans le cadre du Programme de Doha pour le développement (PDD). Et où le
faire mieux qu'ici sous la houlette de Fred Bergsten dont on a dit
récemment qu'il figurait parmi les dix personnes qui peuvent vous
changer la vie. Alors, Fred, si vous pouvez faire quelque chose pour me
changer la vie en faisant en sorte que ces négociations s'achèvent dans
les délais, je serais ravi!
En venant à Washington, je n'ai pu m'empêcher de me souvenir que le
système commercial multilatéral, qui a tant contribué à la formidable
expansion de l'économie mondiale depuis son apparition à la fin des
années 40, a ses racines ici, dans ce pays.
C'est ici que le peuple des États Unis a conféré au Congrès des États
Unis le pouvoir de réglementer le commerce avec les nations étrangères.
Et c'est précisément un ambitieux traité destiné à réglementer le
commerce multilatéral qui nous amène ici aujourd'hui. Il est intéressant
de noter que ce même Congrès détermine aujourd'hui le calendrier de nos
négociations qui devront s'achever d'ici à la fin 2006 pour permettre à
l'Administration américaine d'agir dans le cadre de la procédure
accélérée des États Unis actuellement en vigueur.
À cette époque, ceux qui étaient chargés d'élaborer les politiques
commerciales en Amérique étaient convaincus que le système commercial
multilatéral fondé sur des règles, non discriminatoire, qui était
essentiel à une croissance et à un développement durables, à la
prospérité, à la paix et à la sécurité mondiale, avait fait ses preuves.
Au cours des 20 dernières années, la croissance du commerce mondial a
régulièrement dépassé celle de la production mondiale, confirmant
l'interdépendance des pays et l'importance de plus en plus grande des
échanges pour certains pays tels que la Chine, les pays d'Europe, le
Japon et même les États Unis. Aujourd'hui, les États Unis représentent
environ un quart des échanges mondiaux et arrivent en tête pour le
commerce des biens et services. L'enjeu que représente pour eux un
système commercial multilatéral sain est donc considérable.
Le système commercial multilatéral n'aurait pas pu obtenir ces résultats
impressionnants sans le leadership des États Unis. C'est lorsque
l'Amérique participe et prend l'initiative que le système marche le
mieux. Je suis heureux de constater que les États Unis sont résolus à
garder le leadership à ce stade critique.
Partout où je vais, je sais que je dois défendre ma thèse et expliquer
aux politiciens pourquoi les pays devraient investir en capital et en
ressources politiques dans le système commercial multilatéral. L'OMC est
devenue pour beaucoup un bouc émissaire; dans les pays industrialisés,
on la rend responsable de la stagnation des salaires et du recul de
l'emploi au bénéfice des pays en développement tandis que dans ces
derniers, on l'accuse d'encourager la libéralisation au profit des
entreprises multinationales. Si l'une ou l'autre de ces affirmations
était vraie, l'OMC aurait de très bons amis dans le monde développé ou
dans le monde en développement. Or, il apparaît que ce n'est pas le cas.
Comme nous le disons dans les négociations commerciales, chaque fois
qu'un accord parvient à s'attirer des critiques de tous les pays, ça
veut dire que c'est un bon accord. Je suis certain que cela vaut aussi
pour l'OMC.
Pour les États Unis, l'enjeu dans le cadre de l'OMC est très important.
Pour nous tous aussi. Notre Organisation offre un environnement clair,
transparent et prévisible dans lequel le commerce peut prospérer. Son
système de règlement des différends internationaux est peut-être le plus
moderne qui soit. La loi de la jungle n'a plus cours dans les litiges
commerciaux internationaux. Pour un pays comme les États Unis, dont
l'interdépendance économique avec le reste du monde est énorme, la
stabilité est cruciale.
Les pays ont maintenant une opportunité unique d'adapter les règles
régissant le système commercial multilatéral aux réalités du XXIe
siècle. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles nous devons
faire aboutir le PDD.
Mais où en sommes-nous aujourd'hui? Sommes-nous sur le point de voir
s'effondrer le système commercial multilatéral comme de nombreux
universitaires l'ont récemment écrit? Sommes nous les témoins de la fin
d'une époque caractérisée par un tournant marqué en faveur du
bilatéralisme? Sommes nous sur le point de “brader le cycle”? Où sommes
nous simplement en train d'assister aux préparatifs habituels avant la
dernière ligne droite?
Beaucoup d'entre vous se retrouvent perplexes face à ces questions dont
nous savons qu'elles font l'objet de nombreux paris. Si j'avais à le
faire, je ferai aujourd'hui un triple pari:
-
Tout d'abord, il n'est pas possible de “brader le cycle”. Même si nous devions nous contenter de ce qui a été présenté jusqu'ici, nous serions au delà de ce qui a été fait dans le cadre du Cycle d'Uruguay il y a dix ans, en fait bien au delà. Dans le seul domaine de l'agriculture, l'élimination des subventions à l'exportation et les réductions des subventions internes qui figurent déjà parmi les propositions présentées vont bien au delà de ce qui a été fait dans tous les cycles précédents. Les réductions tarifaires pour les produits industriels ou agricoles donneraient des résultats supérieurs à ceux qui ont été obtenus lors des cycles antérieurs et les engagements concernant la facilitation des échanges pourraient faire plus pour relancer le commerce qu'aucun engagement administratif précédent. Cela pour ne citer que quelques exemples de ce qui a déjà été présenté. Et je ne dis pas qu'il faut s'en contenter. Nous devrions viser plus haut et maintenir l'ambition qui nous a amenés où nous sommes aujourd'hui.
-
Deuxièmement, même si nous n'obtenons pas tout ce que nous souhaitons des négociations, l'OMC est beaucoup plus que le Cycle; elle comprend un vaste corpus de lois et de règlements que nous devrons continuer d'appliquer. Et elle dispose d'un système de règlement des différends qui continuera d'assurer que les règles du jeu sont respectées. En réalité, l'aspect judiciaire du travail de l'OMC est en train de prendre le dessus sur l'aspect législatif, ce qui pour nombre d'entre nous pose problème. Mais c'est au législateur, c'est à dire à tous les Membres de l'OMC, qu'il incombe de régler ce problème potentiel en actualisant les règles de l'OMC. En outre, l'OMC continuera de jouer son rôle de gardien des lois commerciales multilatérales.
-
Troisièmement, l'activité bilatérale est intense dans le monde entier mais, franchement, vous êtes bien placés pour savoir que très peu nombreux sont les dénommés accords de libre échange qui visent véritablement à libéraliser le commerce ou à créer de nouveaux débouchés. Et je n'ai encore jamais vu d'accord bilatéral qui réglemente les subventions à l'agriculture ou aux pêcheries. Le commerce n'a pas non plus grand chose à gagner de la prolifération pêle mêle de règles d'origine, certificats ou normes.
Depuis le début de l'année, Genève tourne à
nouveau à plein régime. Faisant fond sur les succès modestes de Hong
Kong, les Membres discutent à nouveau entre eux et, pour la première
fois, ils lancent des chiffres, comparent leurs notes, explorent des
hypothèses et rédigent des textes. En bref, ils s'efforcent de combler
les divergences qui existent encore dans de nombreux domaines et, en
particulier, en ce qui concerne les produits agricoles et industriels.
Et laissez moi aussi vous dire le secret le plus largement partagé à
Genève: tous les acteurs clés savent qu'ils vont devoir bouger. L'UE
sait qu'elle va devoir faire un effort sur l'accès aux marchés pour les
produits agricoles, les États Unis savent qu'ils vont devoir lâcher du
lest sur le soutien interne à l'agriculture et des pays émergents, tels
que le Brésil, l'Inde ou l'Afrique du Sud, savent qu'il leur faudra
revoir leur position sur les droits de douane industriels et les
services. Et ce qui est positif, c'est que tous ont dit qu'ils bougeront
“de concert”. Tout cela me fait croire que nous pourrions bientôt
commencer à voir s'ébaucher un accord final.
Agriculture
Permettez moi de commencer par l'agriculture.
Bien qu'elle représente moins de 10 pour cent des échanges mondiaux,
elle détient la clé qui permettra de débloquer et de relancer les
négociations et d'assurer que des progrès substantiels soient faits dans
tous les domaines. Pourquoi? Certainement parce que 70 pour cent des
pauvres de cette planète vivent dans des zones rurales et que les
négociateurs, lorsqu'ils ont lancé ce cycle, sont convenus de mettre le
développement au centre des préoccupations.
Pas facile, certes, d'autant plus qu'à l'OMC on peut dire qu'il y a
deux écoles de pensée sur la manière de traiter l'agriculture. Certains
pays pensent que le secteur agricole n'est pas différent des autres
secteurs du commerce mondial et devrait être soumis aux disciplines
appliquées à ces secteurs, y compris la prohibition des subventions aux
agriculteurs. D'autres estiment que l'agriculture est un secteur
distinct auquel les pouvoirs publics devraient pouvoir accorder un
soutien pour diverses raisons, y compris la préservation de
l'agriculture familiale ou de l'environnement. L'UE et les États Unis
appartiennent à la deuxième catégorie. Mais même dans ce second groupe,
la société civile et les contribuables remettent en cause les politiques
susceptibles de protéger l'agriculture aux dépens des autres pays, en
particulier les pays en développement pauvres. De plus, l'opinion
publique semble favorable à un soutien qui vise à préserver la vie
rurale ou l'environnement ou un soutien aux petits exploitants dont les
avantages comparés sont moindres plutôt qu'à des dépenses généreuses des
pouvoirs publics profitant à une poignée de gros agriculteurs ou aux
entreprises agroalimentaires. En bref, ce que le grand public veut —
peut être sans le savoir —, c'est une bonne politique agricole qui ne
fausse pas les échanges.
La question est au cœur des débats qui se tiennent dans ce pays au sujet
de la nouvelle loi sur l'agriculture. Ma position ne me permet
certainement pas de fournir un avis quelconque sur la manière dont les
États Unis devraient concevoir cette nouvelle loi. Cela doit être
discuté par les États Unis et pour eux. Mais on peut comprendre que les
agriculteurs américains demandent une garantie de stabilité, de sécurité
et de prévisibilité pour leurs activités et pour les subventions qu'ils
reçoivent des pouvoirs publics, lesquelles ont récemment fait l'objet
d'un certain nombre de différends portés devant l'OMC, notamment en ce
qui concerne le coton qui a donné lieu à une décision qui reste à mettre
pleinement en œuvre. Il est donc clair qu'une nouvelle loi sur
l'agriculture qui soit sans faille au regard de l'OMC et passe l'épreuve
de la compatibilité avec les règles de l'OMC offrira la stabilité
nécessaire aux agriculteurs et éleveurs américains. Les États Unis ont
sans aucun doute tout à gagner d'une loi sur l'agriculture solide qui
soit compatible avec les règles de l'OMC. Et vu l'expérience et
l'intelligence des négociateurs américains, je ne serais pas surpris
qu'ils essaient de négocier cela contre des concessions dans ce domaine
ou d'autres domaines traités à l'OMC.
On peut citer à titre d'exemple les subventions internes pour lesquelles
les États Unis ont déjà obtenu dans la négociation que la réduction des
subventions qui faussent les échanges soit plus importante pour l'UE
qu'elle ne l'est pour les États Unis, de façon à ce qu'il y ait égalité
de conditions pour les deux. Un accord a aussi été conclu sur le retrait
progressif de toutes les formes de subventions à l'exportation d'ici à
2013, une part substantielle de cette réduction devant être opérée d'ici
à 2010. En ce qui concerne l'accès aux marchés, tous les Membres ont
réaffirmé l'objectif consistant à parvenir à des abaissements
substantiels des tarifs avec une protection spécifique pour les pays en
développement fragiles.
Nous pouvons maintenant exploiter les éléments pour parvenir à un
résultat ambitieux dans l'agriculture, mais le chemin qui reste à
parcourir est encore plein d'ornières. Des divergences subsistent entre
les Membres en ce qui concerne trois questions clés. Dans le domaine de
l'accès aux marchés, les États Unis, le G 20 et le Groupe de Cairns
souhaiteraient obtenir des résultats substantiels. Ils considèrent
l'offre de l'UE de réduire les tarifs dans une proportion de 35 à 60
pour cent comme insuffisante. Ils veulent que les pays développés ne
puissent désigner qu'un pourcentage limité de leurs lignes tarifaires
comme produits sensibles, alors que l'UE propose 8 pour cent. Il est
clair que l'UE et le G 10 sont en première ligne en ce qui concerne
cette question et qu'ils devront revoir leur position. Dans le domaine
des subventions internes, tout en se félicitant de la proposition
présentée par les États Unis en octobre 2005, de nombreux Membres ont
estimé que son contenu en ce qui concerne la catégorie bleue et le
soutien de minimis n'allait pas assez loin devait être amélioré. Les
Membres s'inquiètent de la possibilité que les États Unis puissent
continuer de recourir à des subventions ayant des effets de distorsion
des échanges, tels que les versements anticycliques dont il a déjà été
déclaré qu'ils étaient incompatibles avec les règles de l'OMC dans
l'affaire du coton, simplement en les transférant dans une “catégorie
différente”. Il est donc également clair que pour que les négociations
avancent, les États Unis devront modifier leur position en ce qui
concerne le soutien interne, y compris pour le coton, question sur
laquelle un certain nombre de pays africains ont pris l'initiative. En
ce qui concerne la concurrence à l'exportation — maintenant que les
subventions à l'exportation vont être éliminées, l'accent porte sur les
disciplines relatives à l'aide alimentaire, les États Unis ayant des
réserves au sujet de la proposition de l'UE selon laquelle l'aide ne
devrait être accordée que sous forme de dons, sur les entreprises
commerciales d'État et sur les crédits à l'exportation.
Avec la détermination et la motivation nécessaires, il devrait être
possible de combler ces divergences et d'ouvrir la voie à la conclusion
des négociations dans le cadre du PDD d'ici à la fin de l'année. Il va
sans dire qu'un résultat substantiel dans l'agriculture profiterait non
seulement aux États Unis et à l'UE mais à de nombreux pays, en
particulier des pays en développement qui pourront à leur tour utiliser
leurs recettes d'exportation accrues pour importer des États Unis et des
autres pays développés les marchandises et les services dont ils ont
besoin pour leur développement.
Produits industriels
Une autre question clé dans ces négociations
concerne la forte réduction des droits de douane sur les produits
industriels (AMNA dans notre jargon), qui représentent quelque 90 pour
cent des échanges mondiaux de marchandises. Pour la première fois, nous
sommes convenus de réduire les droits de douane industriels suivant une
formule appliquant des réductions plus fortes aux droits de douane plus
élevés, ce qui d'après tous les spécialistes est une technique bien plus
efficace pour réduire les droits que les moyennes ou le système d'offres
et de demandes utilisés lors des cycles précédents. Nous sommes
également convenus qu'il y ait un parallélisme entre le niveau
d'ambition dans les négociations sur l'agriculture et sur l'AMNA.
En tant que deuxième exportateur mondial, les États Unis ont un niveau
d'ambition très élevé dans les négociations sur l'AMNA, y compris un
accès aux marchés nettement amélioré dans les grands pays en
développement émergents. Ils veulent un accès aux marchés accru pour les
produits qui présentent un intérêt pour leurs exportateurs, en
particulier pour les 23 principaux marchés recensés par la National
Association of Manufacturers.
Les États Unis ont tout à gagner d'un résultat ambitieux dans les
négociations sur l'AMNA. Si les marchés des pays développés sont
parvenus à une certaine maturité, ceux des pays en développement, tels
que la Chine, l'Inde et le Brésil connaissent une très rapide expansion.
Prenons, par exemple, les exportations des États Unis vers la Chine qui
ont considérablement augmenté depuis 2000, gagnant 28 pour cent en 2003
et 22 pour cent en 2004. Étant donné le niveau relativement élevé des
droits de douane appliqués par les pays en développement, une réduction
substantielle de ces droits devrait permettre aux entreprises
américaines d'accroître leurs exportations vers ces pays.
Nous devons maintenant convenir de chiffres pour les réductions et pour
les exceptions limitées que les pays en développement pourraient
obtenir. Des discussions entre les Membres pour mettre les chiffres à
l'essai et procéder à des simulations sont nécessaires afin de trouver
un terrain d'entente.
Services
En tant que premier exportateur mondial de
services, les États-Unis auraient énormément à gagner si les Membres de
l'OMC offraient un accès substantiel à leurs marchés. À Hong Kong, nous
avons ouvert la voie à des négociations plurilatérales entre les Membres
dans une tentative d'améliorer la qualité des offres et d'assurer de
nouveaux débouchés aux fournisseurs de services étrangers. Nous avons
aussi réaffirmé le droit des gouvernements de contrôler et de
réglementer les fournisseurs de services étrangers pour veiller à ce que
leurs activités soient conformes aux objectifs de politique générale du
pays concerné.
Un certain nombre de pays en développement ont subordonné l'accès à
leurs marchés au degré d'ouverture des marchés pour leurs produits
agricoles ainsi qu'à l'amélioration par les pays développés de leurs
offres au titre du mode 4 — le mouvement temporaire des professionnels
pour fournir des services à l'étranger. J'insiste sur le fait qu'il
s'agit de mouvement temporaire parce qu'on fait souvent et
malheureusement l'amalgame avec l'immigration, y compris dans ce pays.
Je suis certain que les États-Unis continueront d'assurer un leadership
dans les négociations sur les services et amèneront les pays à faire des
offres importantes. Il est inutile de souligner que les engagements
contractés dans le cadre de l'AGCS pourraient aider les pays à attirer
des investissements étrangers directs dans certains secteurs critiques
de leurs économies, y compris les télécommunications, les services
financiers et le tourisme.
Règles (antidumping)
En ce qui concerne les négociations sur les règles, auxquelles je sais que les États-Unis attachent beaucoup d'importance, un programme de travail détaillé a déjà été établi. Les États Unis tiennent à promouvoir une plus grande transparence et la régularité de la procédure dans les enquêtes antidumping. Je sais aussi qu'ils sont opposés à un resserrement excessif des règles de l'Accord antidumping, car ils estiment que les changements ne devraient pas indûment restreindre le droit des pays de répondre aux pratiques commerciales déloyales. Même si cette question touche de profondes sensibilités politiques, je suis convaincu qu'à moyen ou long terme, il serait dans l'intérêt de tous les pays d'accepter des disciplines garantissant qu'il n'est pas fait un usage abusif des droits antidumping ou que ces derniers ne sont pas indûment imposés. De plus en plus, de nombreux pays ont recours à des mesures correctives commerciales et il est important que les États-Unis veillent à ce que l'accès à leur marché ne soit pas compromis à cause d'un recours abusif à ces mesures. On néglige souvent le fait que les États-Unis sont devenus l'une des cibles principales des droits antidumping sur les marchés où ils exportent. Depuis la création de l'OMC, il y a eu plus de 150 enquêtes antidumping concernant des produits des États-Unis et plus de 80 mesures définitives adoptées à l'encontre d'exportations des États-Unis. Il est clair que les États-Unis ont aussi un intérêt offensif dans ce domaine. Les États-Unis ont également été l'un des principaux et des plus ardents défenseurs du resserrement des disciplines relatives aux subventions aux pêcheries. Il est important d'avancer au cours des semaines à venir en ce qui concerne cet objectif environnemental clé des négociations.
Développement
Enfin, n'oublions pas que le Cycle de Doha est un cycle consacré au développement. Je l'ai dit à maintes reprises mais j'ai aussi souligné que les gains les plus importants pour les pays en développement proviendront des négociations sur l'accès aux marchés dans l'agriculture, les produits industriels et les services. À Hong Kong, les États-Unis et d'autres pays développés sont convenus d'offrir un accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent pour les produits des PMA relevant de 97 pour cent de leurs lignes tarifaires. Il est important que nous nous employons maintenant à définir les produits spécifiques dont il s'agit. Comme preuve supplémentaire de leur engagement en faveur de la dimension développement, les Membres ont aussi annoncé un vaste programme d'aide pour le commerce qui permettrait aux pays en développement de renforcer leur capacité du côté de l'offre et de tirer ainsi un meilleur parti du système commercial multilatéral.
Conclusion
Il ressort clairement de ce qui précède qu'il
y a beaucoup à faire si les Membres veulent achever le Cycle d'ici à la
fin de cette année. Le travail est considérable mais réalisable à
condition que tous les Membres soient prêts à y consacrer l'énergie
politique nécessaire. L'enjeu est à la fois technique et politique. Il
faut un leadership, des compromis et que les pays reconnaissent que le
succès est dans leur intérêt à tous et qu'ils auraient à supporter
collectivement les coûts d'un échec. Comme dans les autres cycles, le
leadership des États-Unis est indispensable.
En fin de compte, tous les pays ont à gagner d'un système commercial
multilatéral renforcé — aussi bien les pays développés que les pays en
développement, car le commerce n'est pas un jeu à somme nulle. La
responsabilité de faire de ce Cycle un succès est une responsabilité
partagée.
Il peut sembler qu'on demande beaucoup aux États-Unis dans ce Cycle.
Mais les États-Unis ont aussi beaucoup à y gagner. Les États-Unis sont
l'économie la plus riche du monde et le principal architecte du système
commercial multilatéral. Ils ne peuvent pas abandonner ce qu'ils ont eux
mêmes créé. Le pouvoir s'accompagne de responsabilités mais aussi
d'avantages énormes pour l'économie américaine. Les pays en
développement connaissent une expansion rapide et leur intégration dans
l'économie mondiale créerait de nouveaux débouchés pour les entreprises
américaines et des emplois rémunérateurs aux États-Unis, garantissant le
maintien de la prospérité du pays. L'OMC a besoin du leadership des
États-Unis et de leur participation active pour renforcer le système
commercial multilatéral dans l'intérêt de tous les pays.
C'est pourquoi, à la suite des conversations que j'ai eues ces deux
derniers jours, pour la plupart au Capitole, je ne doute pas que vos
représentants ou négociateurs soient prêts à aller jusqu'au bout.
Je vous remercie.