NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY


POUR EN SAVOIR PLUS:
> Allocutions: Pascal Lamy

  

M. Morshed Murad Ibrahim, Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Chittagong,
M. l’Ambassadeur Hannan,
Mesdames et Messieurs les membres de la Chambre,
Mesdames et Messieurs,

L’an dernier, lorsque je me suis rendu au Bangladesh, j’ai été frappé par le nombre de personnes qui ont insisté pour que je visite le port de Chittagong — le cœur de l’économie bangladaise, qui traite plus de 90% des exportations et importations transportées par mer.  Ce port a eu beaucoup de noms au cours du temps, mais un seul objectif réel:  relier le pays au monde extérieur grâce au commerce et servir de plaque tournante pour relier d’autres pays entre eux.  Son efficacité s’est améliorée au fil des ans, et beaucoup le considèrent comme le port de conteneurs le plus efficace de la région de l’Asie du Sud.  C’est donc avec un réel plaisir que j’ai pu me rendre de nouveau au Bangladesh avec l’objectif fondamental de voir ce port en action et d’écouter ceux dont l’activité commerciale et les moyens d’existence dépendent de cette courroie de transmission du commerce.

Même avec la baisse des coûts de transport et les progrès dus aux innovations technologiques, le rôle du “simple port” reste indéniable.  Les ports ne font pas que faciliter les échanges, ils les rendent possibles.  Dans un monde qui se remet encore de la crise économique de 2008 et où la nature même de l’équation exportation-importation est disséquée au moyen de nouvelles approches statistiques et de nouvelles politiques relatives à la valeur réelle du commerce, les activités quotidiennes de Chittagong constituent un microcosme de ce qui se passe aux quatre coins du monde.  Paiement de droits et impositions, gestion des risques, paiement électronique, expéditions accélérées, négociants agréés, guichets uniques, décisions anticipées — tels sont les processus — les rayons — qui permettent aux roues du commerce de se mouvoir.

Telles sont les questions, parmi bien d’autres, qui sont actuellement examinées à Genève dans le cadre des négociations concernant un accord multilatéral sur la facilitation des échanges.  Il ne s’agit pas de notions ésotériques, mais d’activités quotidiennes qui permettent de rendre le commerce plus rapide, plus facile et moins coûteux.  Pour les gouvernements et surtout pour le secteur privé, ces trois expressions — plus rapide, plus facile et moins coûteux — sont les moyens les plus simples de rechercher la compétitivité.  Et je n’ai encore trouvé aucun gouvernement ni aucune entreprise qui ne mette pas la compétitivité au cœur de sa stratégie de développement ou de sa stratégie commerciale.

Il est parfois difficile de relier les négociations commerciales multilatérales à l’activité commerciale quotidienne.  Ce n’est pas le cas pour la facilitation des échanges.  Rien ne rapproche plus les travaux effectués à Genève de la réalité du commerce que les aspects pratiques de l’amélioration des processus et procédures de facilitation des échanges.  Une facilitation des échanges effective augmente la productivité des douanes, améliore le recouvrement des taxes à la frontière et contribue à attirer des investissements étrangers directs.  Un accord multilatéral sur la facilitation des échanges accélérerait le mouvement des marchandises au travers des frontières et améliorerait la transparence et la prévisibilité du commerce et des affaires.  Avec la prédominance croissante des chaînes d’approvisionnement régionales et mondiales, une facilitation des échanges effective et prévisible est un ingrédient essentiel au bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement pour les pays en développement.  Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Le coût du commerce transfrontières est estimé à 2 000 milliards de dollars.  Si on le décompose selon la nature concrète des obstacles, on voit que sur ces 15%, 5% sont dus aux droits de douane et 10% aux formalités à la frontière et aux procédures douanières.  Au niveau mondial, supprimer ces obstacles au commerce et réduire de moitié les démarches administratives — l’objectif d’un accord multilatéral sur la facilitation des échanges, pourraient ajouter plus de 1 000 milliards de dollars à l’économie mondiale (actuellement 22 000 milliards de dollars)!  La simple réduction de moitié de ces démarches administratives aurait un effet économique équivalant à la suppression de tous les droits de douane.  L’effet de création de revenus qui en résulterait serait encore multiplié pour les biens et les services qui, dans les chaînes de valeur régionales et mondiales, doivent franchir plusieurs fois différentes frontières au cours de leur cycle de production et de distribution.  Cela représente des résultats économiques concrets pour un pays comme le Bangladesh, susceptible de tirer parti de son avantage comparatif en ce qui concerne la main-d’œuvre et l’industrie textile.

Pour illustrer davantage ce point, une étude du Forum économique mondial publiée la semaine dernière en marge des réunions de Davos indique que la réduction des obstacles au commerce dans les chaînes d’approvisionnement pourrait se traduire par une augmentation du PIB mondial six fois plus élevée que ne le ferait la simple élimination des droits de douane.  Cette étude estime qu’avec la réduction des obstacles en question — dont beaucoup ont un caractère réglementaire —, le PIB mondial augmenterait de 4,7%, alors que le gain ne serait que de 0,7% si l’on s’occupait uniquement de supprimer les droits de douane.  Elle indique par ailleurs qu’après cette réduction, le commerce progresserait de 14%, alors que la suppression des droits de douane n’entraînerait qu’un gain de 10%.

La facilitation des échanges est une bonne chose pour l’exportation ET pour l’importation.  Le commerce international devient de plus en plus un commerce en valeur ajoutée.  Du fait de l’expansion des chaînes de valeur régionales et mondiales, la plupart des produits sont fabriqués à partir d’intrants provenant de nombreux pays, et les produits franchissent les frontières à maintes reprises aux divers stades de leur fabrication.  Le commerce des biens intermédiaires est le secteur le plus dynamique du commerce international avec une croissance annuelle de 6%, et près de 60% du commerce mondial porte sur des produits intermédiaires, 30% du total ayant lieu entre filiales de la même société.  La réduction des obstacles présents dans les chaînes d’approvisionnement aurait même plus d’impact en Asie du Sud et en Asie centrale que dans les autres régions, puisque les projections indiquent une augmentation de 65% des exportations et de 49% des importations.  Pour un pays comme le Bangladesh, qui importe de plus en plus pour ajouter de la valeur à ses produits destinés à l’exportation, cela pourrait offrir des avantages économiques réels, parmi lesquels la création d’emplois et la baisse du coût des facteurs de production et des produits finals pour les entreprises et les consommateurs.

La semaine dernière, à Davos, les Ministres du commerce sont convenus que la neuvième Conférence ministérielle de l’OMC qui se tiendra à Bali devrait aborder la question de la facilitation des échanges.  La facilitation des échanges est l’un des éléments importants qui pourraient être examinés à Bali.  Un autre serait un ensemble d’éléments spécifiques pour les pays les moins avancés.  Je félicite le gouvernement bangladais pour le rôle actif qu’il joue pour que des mécanismes soient incorporés dans l’architecture commerciale internationale en vue de faciliter l’intégration des PMA dans le système commercial multilatéral.

Je ne doute pas que le Bangladesh considérera les avantages d’un accord sur la facilitation des échanges et adoptera une approche proactive en faisant en sorte que les négociations sur la facilitation des échanges soient menées d’une façon qui renforce les règles, réglementations et processus de l’“activité commerciale”, mais aussi qui permette de mettre en place un cadre assurant l’assistance technique et le renforcement des capacités nécessaires aux pays en développement, et notamment aux PMA, qui pourraient en avoir besoin pour mettre en œuvre l’accord.  Les négociations sur la facilitation des échanges constituent un “résultat à portée de main”:  l’intérêt des mesures est indéniable et pour ces négociations, contrairement à certaines autres négociations commerciales difficiles du Cycle, il n’y a pas de risque que les agriculteurs, les chauffeurs de taxi ou les ouvriers de la confection descendent dans les rues pour protester.  Au contraire, nous avons vu qu’avec de meilleures procédures d’importation et d’exportation, il y a plus de travail, plus de clients, des intrants moins coûteux et un meilleur recouvrement des recettes à la frontière.

Ma visite à Chittagong aujourd’hui et mes entretiens avec des représentants du gouvernement hier, parmi lesquels le Ministre du commerce, confirment que le Bangladesh voit dans le commerce un moyen de croissance et de développement.  Je reconnais les difficultés que rencontre le pays, mais je salue aussi les avancées immenses réalisées dans les domaines économique et social au cours des dernières années, y compris vers la réalisation de plusieurs objectifs du Millénaire pour le développement.

Je suis cependant conscient que de nombreuses difficultés subsistent.  En tant que pays ayant la plus forte densité démographique au monde, vous avez un large avantage comparatif dans la fourniture de main-d’œuvre et dans les services, mais cela implique aussi une immense responsabilité pour faire en sorte que cette population ait accès à la nourriture, au logement et à l’éducation.  Le développement du secteur agricole est une nécessité pour la sécurité alimentaire.  Il est prioritaire d’augmenter la production et la productivité et de faire en sorte que les produits parviennent jusqu’au marché intérieur et au marché d’exportation.

Utiliser les fonds pour le développement provenant de l’Aide pour le commerce et de l’investissement étranger direct est un moyen d’accroître l’efficacité de ce secteur.  L’Aide pour le commerce, initiative que j’ai lancée à la Conférence ministérielle de l’OMC en 2005, repose sur le principe de l’utilisation de l’aide au développement pour renforcer les capacités des pays en développement en matière d’offre, compte tenu de leurs propres priorités.

En 2010, le Bangladesh a été le huitième plus grand bénéficiaire avec 1,2 milliard de dollars reçus au titre de l’Aide pour le commerce — chiffre qui n’inclut pas l’aide humanitaire, les autres formes de financement non concessionnel et l’assistance fournie par d’autres pays en développement tels que la Chine et l’Inde.  Je reconnais néanmoins qu’il faut davantage de ressources pour remédier aux contraintes en matière d’infrastructure, y compris l’infrastructure routière et l’approvisionnement énergétique déficient.  J’espère que le gouvernement poursuivra ses efforts en vue d’exploiter les mécanismes de l’Aide pour le commerce ainsi que d’autres canaux pour accroître l’IED et mobiliser plus de financement concessionnel afin de réaliser les interventions économiques nécessaires qui faciliteront encore davantage les échanges.

Tandis que les Membres de l’OMC préparent la Conférence ministérielle qui se tiendra à Bali en décembre de cette année, je compte sur le Bangladesh pour continuer de jouer un rôle central, notamment en veillant à ce que les questions touchant les PMA soient prises en compte dans les contributions faites à la Conférence et dans ses résultats.  Le secteur privé doit aussi s’exprimer dans ce contexte, et j’exhorte le gouvernement à poursuivre le dialogue avec vous sur les questions commerciales et vous incite, en tant que membres de la Chambre, à maintenir ouverts les canaux de communication.  En 2012, j’ai institué un Groupe de réflexion sur l’avenir du commerce.  Ce groupe, composé de 12 personnalités très respectées et compétentes, était chargé d’examiner les moteurs du commerce pour aujourd’hui et pour demain, la structure des échanges et les incidences de l’ouverture du commerce mondial au XXIe siècle.

Le rapport du Groupe sera publié dans quelques mois, mais les contributions que vous pourriez apporter sur ces questions aujourd’hui sont les bienvenues.

Je vous remercie à nouveau de votre hospitalité et attends avec intérêt notre dialogue de cet après-midi.

Merci.

 

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