NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY

“Exploiter le potentiel de développement que représente la Stratégie régionale d’Aide pour le commerce”


POUR EN SAVOIR PLUS:
> Allocutions: Pascal Lamy

  

Monsieur le Président, Michel Martelly,
Monsieur le Ministre du commerce, Wilson Laleau,
Monsieur le Secrétaire général de la CARICOM, Irwin LaRocque,
Mesdames, Messieurs,

Merci de m’accueillir sur cette terre d’Haïti, un pays ravagé par les catastrophes naturelles, mais disposant d’un énorme trésor: la population et sa diaspora. Ce sont les Haïtiens qui font la force de ce pays.

Nous sommes réunis ici aujourd’hui car nous partageons l’avis que le commerce peut être un moteur pour la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté, mais qu’il ne suffit pas d’avoir un potentiel commercial. Nous devons transformer ce que le commerce “peut faire” en ce que le commerce “fait” en veillant à ce que les pays en développement se dotent des capacités commerciales nécessaires. Tel est justement le rôle de l’Aide pour le commerce: aider à transformer le potentiel commercial en réalités commerciales.

La dernière fois que je suis venu m’entretenir avec la Communauté des Caraïbes de l’Aide pour le commerce remonte à plus de quatre ans, à Montego Bay. Lors de cet examen régional, je vous avais adressé un message clair: l’Aide pour le commerce peut être pour la région un cadre à même de rassembler les partenaires de développement et les investisseurs privés. Depuis lors, le programme mondial d’Aide pour le commerce a continué à évoluer. Signe de cette évolution, le quatrième Examen global de l’Aide pour le commerce portera sur les moyens de connecter les pays en développement aux chaînes de valeur et mettra en évidence le rôle croissant du secteur privé. Je me réjouis de vous voir tous à cet examen, qui aura lieu le mois prochain.

La région a déjà fait quelques premiers pas essentiels pour concrétiser le rôle que l’Aide pour le commerce peut jouer dans son développement économique. Le Belize et la Jamaïque ont lancé deux excellentes stratégies nationales, qui ont toutes les deux été présentées à Genève comme exemples de bonnes pratiques, et la région s’emploie activement depuis un an à élaborer une stratégie régionale.

Cette stratégie repose sur une excellente évaluation des difficultés et des possibilités de la région, ainsi qu’un cadre clair pour ses priorités, qui s’intègre bien avec les priorités des États membres. Elle témoigne du temps et de l’effort investis dans sa conception et est riche des résultats des consultations nationales approfondies menées dans les différents pays. La région a tenu sa promesse.

Il est désormais temps de se concentrer sur la mise en œuvre effective, d’assurer le suivi de la stratégie aux niveaux national et régional et de faire en sorte qu’elle serve de référence pour le dialogue de la région avec les partenaires de développement et avec les investisseurs nationaux et étrangers.

Ce processus ne sera pas automatique. Cette stratégie est lancée à une période où les budgets de vos partenaires de développement traditionnels sont de plus en plus restreints. Bien que l’Aide pour le commerce soit très mobilisatrice, une période difficile est sans doute à prévoir. Toutefois, si l’aide en provenance des donateurs traditionnels est sous tension, le soutien au commerce émanant des partenaires Sud-Sud augmente, tout comme les fonds provenant du secteur privé.

En 2011, la région des Caraïbes a enregistré des engagements au titre de l’Aide pour le commerce de près de 1 milliard de dollars EU, soit une augmentation importante par rapport à la période de référence 2002-2005, durant laquelle la région avait reçu moins de 300 millions de dollars EU. Les décaissements ont également augmenté, passant d’une centaine de millions de dollars EU lors de la période de référence à près de 600 millions de dollars EU en 2011.

Seul pays moins avancé de l’hémisphère, Haïti reçoit une grande part de l’Aide pour le commerce consacrée à la région. Le revenu élevé par habitant et le rapport élevé de la dette au PIB de la région sont habituellement perçus comme un handicap pour ce qui est d’accéder à l’aide au développement traditionnelle financée par des dons. Il est peu probable que cette situation évolue beaucoup.

Je suis conscient que l’utilisation du revenu par habitant comme critère pour l’octroi d’une aide au développement est une question sensible pour cette région; c’est pourquoi il est important de se tourner vers d’autres formes d’aide et de collaboration, notamment avec le secteur privé.

C’est ce que cherche à faire la stratégie régionale en mettant à profit le levier de l’intégration régionale et l’intérêt croissant pour des projets et des programmes régionaux à même d’aboutir à des résultats et à des effets exponentiels au profit d’un ensemble plus large de pays et de personnes.

La stratégie cherche à exploiter la promesse d’une région libre d’obstacles en identifiant des projets transformateurs propres à favoriser une intégration plus étroite. Les Caraïbes ont besoin d’une intégration régionale plus étroite. Alors que vous célébrez cette année le quarantième anniversaire de la conclusion du Traité de Chaguaramas, il me semble légitime de nous demander comment la région peut accélérer le rythme par rapport à ce que j’ai observé il y a une dizaine d’années, à l’époque où j’étais encore commissaire européen, et comment elle peut faire honneur aux idées de Williams, Burnham, Barrow et Manley, pères fondateurs du mouvement d’intégration.

Le meilleur moyen de rendre honneur à ces architectes de la Communauté des Caraïbes est de prendre un nouvel engagement en faveur de l’intégration régionale, chemin le plus direct et le plus économiquement viable vers un développement plus important et durable pour la région.

Mais pour exploiter ce potentiel, il faudra s’employer davantage à accroître le commerce intrarégional. Aujourd’hui, le commerce intracaraïbe n’est que de 13%, soit 46% de moins, en moyenne, que le potentiel commercial de la région, comme l’indique la CARICOM elle-même. Il existe des possibilités considérables pour accroître le rôle du commerce dans la stratégie de croissance de la région.

Les perspectives de croissance pour l’Amérique latine et les Caraïbes sont d’environ 3,5% pour 2013, soit légèrement plus que les 3% de l’année dernière. Mais en ce qui concerne les Caraïbes, l’endettement élevé et la faible compétitivité pèseront sur la croissance, d’où des prévisions situées à 1,25% environ pour 2013. Cela confirme qu’il subsiste de nombreux obstacles structurels à la croissance, tels que la petite taille des marchés, la cherté de l’énergie, le caractère limité de l’interconnectivité, la faiblesse de l’infrastructure logistique, le peu de diversification et de marchés d’exportation, et la dette publique élevée. Même pour ce qui est du tourisme, secteur dans lequel la région bénéficie à juste titre d’un avantage comparatif, le nombre de visiteurs a diminué au second semestre de 2012, du fait de la demande peu vigoureuse sur les marchés traditionnels.

La stratégie régionale, qui privilégie le transport maritime, des TIC et de l’énergie comme secteurs d’intervention, jouera un rôle central pour ce qui est d’aider les économies de la région à combler les lacunes existantes. Le rang de priorité élevé accordé aux questions de transport tient au fait qu’il est de plus en plus important d’accroître la connectivité, de réduire les coûts et les délais associés aux activités commerciales et de mettre en place des économies propices à l’investissement. Les coûts du transport de marchandises à travers la région sont prohibitifs. Cela est dû en partie au coût élevé des intrants – résultant principalement de la dépendance de la région à l’égard des importations –, mais surtout à l’insuffisance de l’infrastructure matérielle et immatérielle liée à la facilitation des échanges entre les pays de la région.

Il suffit pour s’en rendre compte de se référer au classement “Doing Business” de la Banque mondiale et à l’indice de compétitivité du Forum économique mondial. Parmi les 185 pays figurant au classement “Doing Business”, Sainte-Lucie, qui occupe le 53ème rang, arrive en tête des membres de la CARICOM, Haïti étant le dernier, au 174ème rang. Quant à l’indice de compétitivité, sur 144 pays, la Barbade se classe en tête des pays de la région, au 44ème rang, Haïti arrivant en 142ème position. Les pays qui occupent la tête de ces classements sont notamment Singapour, la Nouvelle-Zélande, Hong Kong et la Finlande. Ces pays ont en commun, entre autres choses, des marchés relativement ouverts, des obstacles au commerce peu importants et une facilitation effective des échanges. Or, nous savons que les pays des Caraïbes sont parmi les plus ouverts au monde; il en découle que le rouage ayant le plus besoin d’huile est probablement la facilitation des échanges.

Pour l’OMC, il s’agit de l’un des résultats concrets envisageables pour la Conférence ministérielle qui se tiendra cette année à Bali. Outre certains éléments concernant l’agriculture, un ensemble de mesures en faveur des PMA et certaines questions relatives au développement, la conclusion d’un accord sur la facilitation des échanges est un remède crucial que l’OMC peut administrer au système commercial multilatéral. Des procédures de facilitation des échanges effectives et transparentes permettront d’huiler le mécanisme du commerce. C’est là l’un des principes fondamentaux ancrés dans l’ADN de l’activité commerciale au niveau mondial: maximiser l’efficacité de l’importation et de l’exportation et en minimiser les coûts et les délais. Dans un monde de plus en plus caractérisé par un vaste réseau de chaînes de valeur régionales et mondiales et où la formule “fabriqué dans le monde” est plus exacte et utile que “fabriqué dans le pays X”, la facilitation des échanges n’est pas un choix politique, mais une nécessité.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après une étude récente de l’OCDE, une réduction des coûts liés au passage des frontières équivalant à 1% de la valeur du commerce mondial entraînerait des gains de prospérité de quelque 40 milliards de dollars EU, qui profiteraient principalement aux pays en développement. Par ailleurs, il est ressorti d’une simulation réalisée récemment par l’ITC qu’une amélioration de l’infrastructure de transport et une réduction de moitié des coûts et des délais du transport des marchandises permettraient d’accroître les échanges, en particulier intrarégionaux, de 51%.

La stratégie régionale des Caraïbes, qui vise principalement à renforcer la connectivité, peut être un lien important avec ces négociations multilatérales, et je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt de tous les Membres de l’OMC, et en particulier des plus petits d’entre eux, de faire le nécessaire pour parvenir à un accord sur la facilitation des échanges. Pour les petites économies des Caraïbes, qui feront probablement partie des laissés-pour-compte des vastes accords de libre-échange actuellement envisagés, cette réaffirmation de l’engagement en faveur du multilatéralisme est essentiel.

Par ailleurs, j’exhorte les partenaires de développement à se rallier à cette stratégie, qui correspond à un instantané exhaustif, bien conçu et clair de ce que les pays de la région considèrent comme nécessitant la plus grande attention en termes de financement et de renforcement des capacités.

Elle devrait en outre éclairer le dialogue avec les partenaires non traditionnels, y compris le secteur privé.

La région bénéficie bien sûr du soutien de l’Organisation mondiale du commerce à cet égard et j’ai bon espoir que, grâce au suivi actif du secrétariat de la CARICOM et au concours de la Banque de développement des Caraïbes, de la Banque interaméricaine de développement et des nombreux autres donateurs solidaires de cette région, cette stratégie aboutira à des résultats concrets.

Je vous remercie de votre attention.

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