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Pascal Lamy
Mesdames et Messieurs, l'OMC est en crise et nous avons besoin de l'aide
du Japon. Comme vous le savez, les Ministres n'ont pas réussi, la
semaine dernière à Genève, à aplanir leurs divergences dans les
négociations du Cycle de Doha. Les divergences de vues restent très
importantes concernant les questions clés que sont les subventions et
les tarifs dans l'agriculture et les droits de douane sur les produits
industriels.
Incontestablement, cela rend plus difficile la réalisation de notre
objectif, qui est de parvenir à un accord dans le cadre du Cycle de Doha
d'ici à la fin de cette année. En même temps, cependant, il est possible
d'arriver à un accord. Il est possible de concilier les divergences. Tel
est le paradoxe des négociations en cours. Nous sommes donc en crise,
mais il n'y a pas encore lieu de tirer la sonnette d'alarme.
À la fin des réunions de la semaine dernière, les Membres de l'OMC ont
décidé que nous devions changer le processus. Ils ont demandé que je
tienne une série de consultations intensives au cours des prochaines
semaines, pour commencer avec les pays du G-6.
J'ai commencé ces consultations cette semaine, ici au Japon. Bien que
mon déplacement ait été programmé avant que cette nouvelle mission me
soit confiée, le Japon est, pour un certain nombre de raisons, un lieu
particulièrement bien choisi pour me mettre à l'ouvrage. Le Japon a
largement bénéficié du système commercial mondial et Tokyo a toujours
soutenu l'OMC. J'ai rencontré M. le Ministre Nakagawa et M. le Ministre
Nikai et, ce matin, j'ai rencontré M. le Premier Ministre Koizumi. J'ai
retiré de mes consultations l'impression très nette que le Japon dispose
de flexibilités dont il peut user dans les négociations. Dans mon
nouveau rôle, je dois respecter la confidentialité de mes entretiens
avec les gouvernements Membres et je ne répondrai donc à aucune question
concernant l'évolution de la position d'un Membre. Je peux cependant
dire que je trouve encourageant l'engagement en faveur du Cycle que j'ai
pu constater dans les plus hautes sphères du gouvernement japonais.
De retour à Genève ce soir, j'étendrai mes consultations aux autres pays
du G 6 et je m'efforcerai d'essayer avec eux différentes hypothèses et
différents chiffres car je veux déterminer ce qui est acceptable ou non
pour ces principaux intervenants. Parfois, il est plus facile pour les
délégations de révéler ce qui compte réellement pour elles à un
facilitateur qui a une parfaite connaissance de la situation et peut
demander “Que se passerait-il si”? Que se passerait il si vos
partenaires commerciaux avançaient davantage dans cette direction? Que
se passerait-il s'ils vous demandaient de faire davantage dans cette
direction? Que se passerait-il si vous obteniez un plus grand accès aux
marchés pour le produit x mais un accès moindre pour le produit y? Que
se passerait-il si ce type-ci de subvention à l'agriculture était réduit
davantage que ce type-là? Les réponses aux questions comme celles-ci
concernant le commerce des produits agricoles et des produits
manufacturés peuvent nous aider à parvenir aux modèles d'accords ou
"modalités" dans ces domaines.
Il y a bien d'autres questions en jeu dans les négociations en cours, y
compris des questions d'une grande importance pour le Japon comme le
commerce des services, la réforme des règles antidumping, la
facilitation des échanges et les subventions aux pêcheries. Cependant,
les produits agricoles et les produits industriels constituent la clé
qui permettra de débloquer les négociations dans ces autres domaines.
À mon avis, les négociations en cours reposent essentiellement sur le
principe d'une réduction réelle des subventions et d'un accroissement
réel des courants d'échanges. Je ne pense pas que nous puissions
parvenir à un accord qui ne réalise pas ces objectifs. Tout accord sur
l'agriculture doit maintenir un équilibre entre ambition et flexibilité.
Nous devons trouver un équilibre entre l'agriculture et les autres
secteurs, y compris celui des produits industriels. Pour compliquer
encore les choses, notre accord doit maintenir un équilibre entre
différents groupes de pays de sorte que le G-10, le G-20, le G-33 et
tous les nombreux autres “G” dont les pays membres sont les Membres de
l'OMC soient convaincus que leurs intérêts fondamentaux ont été pris en
compte. Tâche peu aisée! Et cela explique dans une certaine mesure
pourquoi il a été si difficile d'arriver à un accord.
Aucun statisticien digne de ce nom ne parierait sa maison que
149 gouvernements Membres parviendraient à un accord par consensus sur
20 thèmes, dont chacun est subdivisé en dix sous-thèmes. Pourtant, comme
je l'ai dit auparavant, c'est possible à condition que les Membres de l'OMC
soient capables de faire preuve de la volonté politique qu'exigent les
négociations en cours. Mon rôle est de maintenir la pression, de mener
des consultations, de recueillir les vues en toute confidentialité,
d'instaurer la confiance et de recourir à toute méthode en mon pouvoir
pour persuader les gouvernements d'indiquer des chiffres concernant
l'accès aux marchés et les réductions des subventions qui soient
susceptibles de donner lieu à un accord. J'utiliserai les textes
concernant l'agriculture et les produits industriels qui ont été établis
par les Présidents des Groupes de négociation sur l'accès aux marchés
pour les produits agricoles et pour les produits non agricoles. Je
dispose d'une multitude de textes pour travailler, mais ce dont j'ai
besoin, c'est de chiffres.
J'ai dit, le mois dernier, que nous ne pouvions pas attendre. Que plus
tard serait trop tard. Et, à l'évidence, le temps ne joue pas en notre
faveur. Nous sommes entrés dans la partie rouge de la zone rouge.
L'heure n'est plus aux atermoiements. Si les Membres veulent vraiment
créer un système commercial plus ouvert, équitable et pertinent — c'est
ce qu'ils disent et je les crois — il n'y a pas d'autre alternative que
d'agir maintenant.