NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY

New York, 30 octobre 2006

M. Lamy: L’heure est venue d’un nouveau “consensus de Genève” pour mettre le commerce au service du développement

Comme l’a souligné le Directeur général Pascal Lamy dans la Conférence Emile Noel qu’il a donnée, le 30 octobre 2006, à la Faculté de droit de l’Université de New York, “un aspect fondamental du Cycle actuel est de corriger, en faveur des pays en développement, les déséquilibres qui subsistent dans les règles commerciales et d’améliorer les règles pour donner aux pays en développement de réelles possibilités commerciales”. Le Voici ce qu’il a déclaré:

“Mettre le commerce au service du développement: l’heure est venue d’un nouveau Consensus de Genève”
Conférence Emile Noel, Faculté de droit de l’Université de New York

Je suis très honoré d’être parmi vous aujourd’hui pour donner la conférence Émile Noël. Évidemment, me direz-vous, tous les discours commencent comme cela! Mais si je suis très honoré, c’est que j’ai une raison très particulière de rendre hommage à Émile Noël. J’ai travaillé avec lui pendant plus de deux ans. Je l’appréciais beaucoup. Je l’admirais et je suis sûr que sa famille sera heureuse de savoir que nous tous, réunis ici aujourd’hui, nous sommes souvenus de lui.

Sous l’inspiration de cet homme d’exception qu’était Émile Noël, je ne vais pas me précipiter dans le détail de la négociation à l’OMC — nous pourrons en parler au cours de notre débat tout à l’heure si vous le souhaitez. Mais j’essaierai de répondre à la question qui est à la base de la négociation multilatérale en cours: comment faire en sorte que le commerce contribue davantage au développement. Je développerai ma réponse en trois points:

  • Premièrement, le commerce est utile au bien-être des individus, mais il n’est jamais suffisant: d’autres politiques nationales sont nécessaires pour que l’ouverture des marchés soit efficace.
  • Deuxièmement, les défis de l’ouverture des marchés et de la mondialisation sont tels pour les pays en développement qu’une action internationale est indispensable.
  • Enfin, je parlerai du rôle de l’OMC à cet égard.

Le commerce est un bienfait et une nécessité mais ne suffit pas à garantir le bien-être des individus

Le rôle du commerce dans l’économie mondiale est allé croissant au cours des dernières décennies, comme le montre le fait que le commerce a progressé davantage en termes réels que la production mondiale. Le ratio des exportations mondiales de biens et de services au PIB mondial est passé de 13,5 pour cent en 1970 à 32 pour cent en 2005, et toutes les grandes régions géographiques ont enregistré une croissance de leur commerce supérieure à celle de leur production.

Le commerce se développe parce que les individus et les entreprises, dans le monde entier, sont de plus en plus enclins à importer et à exporter des biens et des services, sans doute parce qu’ils y trouvent avantage. Adam Smith a parlé d’un certain penchant naturel à tous les hommes à “trafiquer, à faire des trocs et des échanges d’une chose pour une autre” dont l’aboutissement serait une division du travail bénéfique pour tous les individus concernés. De fait, la réorganisation des ressources conformément au principe de l’avantage comparatif permet d’utiliser celles-ci de façon mieux adaptée et plus efficace pour la production. Il en résulte une efficience accrue, dont témoigne le prix moins élevé des moyens de production et du produit final. D’autre part, les consommateurs et les producteurs bénéficient d’un choix plus vaste de produits et de qualités. Pour toutes ces raisons, l’ouverture des marchés accroît le revenu national et peut aussi favoriser la croissance économique.

Deux pays en développement très peuplés, l’Inde et la Chine, enregistrent depuis quelques années des taux de croissance impressionnants. Pendant cette période, toutes les deux ont suivi des politiques qui ont permis à leurs économies d’être de plus en plus intégrées à l’économie mondiale. La Chine, en particulier, est entrée à l’OMC en 2001, et son PIB a presque doublé depuis. De tels exemples sont peut-être ce qui fait dire à certains que la mondialisation est “la plus grande force sur la planète et celle qui contribue le plus à y rendre la vie meilleure”.

Un tel éloge pourrait donner l’impression que le but de l’OMC serait de créer des “potions magiques” qui, si elles sont prises, ont automatiquement pour effet de stimuler la croissance et de créer des emplois partout dans le monde. Mais plus d’un demi-siècle de négociations commerciales multilatérales nous ont appris que nos potions ne sont pas magiques et présentent un certain nombre d’imperfections tout comme n’importe quel banal médicament vendu dans les pharmacies:

Premièrement, la combinaison des remèdes compte, et telle combinaison qui aura des effets magiques pour certains patients peut être beaucoup moins intéressante pour d’autres. Dans le même ordre d’idées, un ensemble donné de règles de politique commerciale est plus bénéfique à certains pays qu’à certains autres.

Deuxièmement, de même que les médicaments des pharmacies ne sont d’aucune utilité si les patients n’y ont pas accès, les engagements en matière d’accès aux marchés ne sont guère utiles si les Membres se heurtent à des contraintes de capacité telles qu’ils ne peuvent tirer aucun parti de ces engagements.

Troisièmement, les réformes commerciales comme les médicaments ont des effets secondaires indésirables et ni les unes ni les autres ne servent à grand-chose si ces effets indésirables ne sont pas loin d’annuler complètement les effets bénéfiques du remède.

L’impression est également apparue que, s’agissant du système commercial multilatéral, ces trois imperfections ont toutes eu tendance à jouer en la défaveur d’une partie des Membres de l’OMC, en l’occurrence les pays en développement. Ce parti pris n’est pas soutenable à long terme et il doit être corrigé si nous voulons que le système commercial multilatéral se porte bien.

Les économistes savent depuis toujours que les fruits du commerce ne sont pas répartis uniformément entre les nations ou au sein d’une nation. L’histoire nous enseigne que la réforme du commerce se heurte à une résistance sociale si les avantages sont répartis de façon trop inéquitable. Il appartient donc aux décideurs de faire en sorte que les retombées de l’expansion des échanges soient réparties assez largement pour éviter une résistance sociale entraînant une réaction de rejet à l’égard de la libéralisation du commerce. En tant que Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, je ne peux qu’encourager à la recherche insistante et inventive de réponses à ces défis, et je le fais en rappelant aux responsables de l’action publique les gains économiques importants qu’il y a à attendre d’une plus grande intégration pour toute la société.

Le défi de l’ouverture des marchés et de la mondialisation pour les pays en développement appelle une action internationale renforcée

Face à ce défi, le rôle de l’OMC est de garantir que les négociations commerciales aient des résultats équilibrés, que les Membres aient la capacité de tirer parti des engagements en matière d’accès aux marchés pour développer leurs échanges et que les Membres puissent faire face aux effets secondaires négatifs des réformes commerciales.

En ce qui concerne le premier point, un certain nombre de règles de fond de l’OMC perpétuent il est vrai un certain parti pris à l’égard des pays en développement, que certains observateurs estiment significatif. Afin de comprendre pourquoi, il est instructif d’observer l’évolution de l’accès aux marchés dans les deux secteurs où les pays en développement sont censés généralement avoir un avantage comparatif: les textiles et les produits agricoles. S’agissant des textiles, les résultats du Cycle d’Uruguay ont permis dix années supplémentaires de contingents pour les textiles, jusqu’en 2004, en dépit des prohibitions générales du GATT et de l’OMC concernant les restrictions quantitatives. C’est le même genre de situation qui apparaît lorsqu’on regarde les règles applicables aux subventions agricoles, qui, contrairement aux règles générales régissant les subventions, autorisent diverses formes de soutien aux agriculteurs. Ces deux exceptions ont tendance à profiter davantage aux producteurs des pays riches qu’aux producteurs des pays en développement.

Les règles commerciales existantes donnent aussi une impression de parti pris lorsqu’elles sont analysées d’un point vue plus dynamique. À mesure qu’ils se développent, les pays se diversifient le plus souvent, les produits transformés et les produits finals venant remplacer les matières premières dans leur production et leurs exportations. Les structures tarifaires appliquées par les pays développés compliquent ce processus, car les niveaux tarifaires sont moins élevés pour les matières premières que pour les produits transformés ou finals. De fait, des degrés de progressivité des droits significatifs peuvent être observés dans le secteur des textiles et des vêtements et pour le cuir et les produits du cuir. Il en va de même pour des produits agricoles comme le cacao, le café, le coton ou le soja. Par exemple, aux États-Unis, les tarifs consolidés appliqués sur les matières premières pour le cuir et les produits du cuir sont nuls, mais ils s’élèvent à plus de 10 pour cent pour les produits finis du même secteur. Dans l’Union européenne, les tarifs consolidés applicables aux textiles et aux vêtements sont inférieurs à 3 pour cent pour les matières premières mais proches de 10 pour cent pour les produits finis. Des structures tarifaires analogues peuvent être observées dans d’autres pays industrialisés.

En somme, bien que la décolonisation politique ait eu lieu il y a plus de 50 ans, la décolonisation économique reste encore inachevée. C’est donc l’un des objectifs des négociations multilatérales en cours de poursuivre le rééquilibrage de nos règles en faveur des pays en développement.

Des engagements équilibrés en matière d’accès aux marchés ouvrent la porte à des échanges porteurs de croissance, mais pas nécessairement à un accroissement de ce type d’échanges. La réduction des tarifs et d’autres entraves au commerce abaisse les coûts de transaction et rend donc les échanges plus avantageux. Mais si d’autres coûts de transaction restent très élevés, les échanges peuvent encore ne pas être suffisamment avantageux. Les coûts de transaction liés au commerce renvoient à une multitude de composantes, qui sont notamment les coûts de communication avec les clients, le coût des transports sur le plan national pour amener les biens du site de production jusqu’à la frontière, le temps consacré et l’argent dépensé dans les ports pour accomplir les procédures de sortie du territoire ou mettre les produits en état d’être expédiés, le coût des transports internationaux et les coûts d’inspection et de certification. Bon nombre de ces coûts sont plus élevés, souvent nettement plus, dans les pays en développement que dans les pays industrialisés.

Dans certains pays africains, les petits cultivateurs mettent quatre jours à transporter leurs produits par la route sur une distance de 300 kilomètres. En Suisse, il faudrait moins de trois heures pour parcourir la même distance. Au Danemark, un exportateur a besoin de trois documents et de deux signatures pour accomplir toutes les formalités d’expédition. Le processus prend au total cinq jours. Par contre, au Burundi, il faut à un exportateur onze documents, 17 visites dans divers bureaux, 29 signatures et 67 jours en moyenne pour transporter ces marchandises de l’usine jusqu’au port. Ces délais limitent le potentiel des pays à l’exportation et limitent aussi la capacité des pays en développement de se diversifier dans des produits sensibles au facteur temps, comme les fleurs coupées, secteur dans lequel la compétitivité dépend de la capacité du pays d’acheminer les fleurs du producteur aux détaillants en Europe, au Japon ou aux États-Unis en trois jours.

Il a été estimé que chaque jour de retard dans le transit de marchandises réduit le commerce d’au moins 1 pour cent. Une réduction des délais de dédouanement peut donc avoir des effets très bénéfiques sur le commerce. Il en va de même pour ce qui est d’accroître l’efficacité dans les ports. Il a par exemple été estimé que si un pays comme le Pérou améliorait l’efficacité de ses ports maritimes pour les mettre au niveau de pays comme l’Islande ou l’Australie, il serait en mesure d’accroître ses échanges de près de 25 pour cent.

Mais les coûts de transaction élevés ne sont pas la seule contrainte qui existe pour les pays en développement. La croissance d’un pays à l’exportation suppose d’augmenter la production des secteurs d’activités existants ou de développer des activités entièrement nouvelles qui ont un potentiel à l’exportation. Pour que cela puisse arriver, les entrepreneurs doivent pouvoir disposer d’une information suffisante et crédible sur l’évolution des politiques et d’une information suffisante sur les marchés d’exportation possibles, et ils doivent pouvoir être capables d’effectuer les investissements nécessaires pour développer leurs exportations ou commencer à exporter. Souvent, ces conditions ne sont pas respectées dans les pays en développement. En Tanzanie, par exemple, moins de 10 pour cent de la population a accès au secteur bancaire formel. Nul doute qu’il est extrêmement difficile, dans ces conditions, de mobiliser le potentiel entrepreneurial qui peut exister dans la population.

La troisième imperfection qui transforme souvent la potion magique des réformes commerciales en potion amère dans les pays en développement est celle des coûts de l’ajustement. De fait, les problèmes d’ajustement liés à l’ouverture des marchés sont souvent exacerbés et plus sérieux dans les pays en développement. Cela tient au fait qu’une plus grande partie de la population est souvent touchée, et au peu de capacité qu’ont ces pays à gérer les politiques d’accompagnement qui sont indispensables pour aider les victimes de la mondialisation.

Dans beaucoup de petits pays et de pays en développement, la production et les exportations sont fortement concentrées dans un petit nombre de secteurs. Si un seul secteur subit le contrecoup négatif de réformes commerciales, le pays tout entier peut avoir beaucoup de mal à se relever. Au Rwanda, aux Seychelles et au Soudan, par exemple, les trois principaux produits d’exportation du pays représentent 75 pour cent des exportations totales de produits manufacturés ou davantage. Au Botswana et aux Comores, la proportion atteint jusqu’à 90 pour cent. Si un de ces secteurs subit le contrecoup négatif d’un changement de politique commerciale sur le plan intérieur ou extérieur, une grande partie de la population risque d’en souffrir.

Les pays en développement se caractérisent le plus souvent par une protection sociale insuffisante ou même l’absence de toute protection. Pour les pauvres de ces pays, la perte de leur emploi consécutive aux réformes commerciales peut être synonyme de graves difficultés économiques. C’est une chose de perdre son emploi lorsqu’on a droit à des prestations de chômage ou à une aide au titre de l’ajustement aux réformes commerciales, mais c’en est une autre de se retrouver sans emploi lorsque cela vous enlève tous vos revenus.

Lorsque l’offre disponible pour l’exportation en réponse à l’ouverture des marchés est faible, lorsque les avantages liés au commerce sont perdus à cause des coûts de transaction et lorsque le rétrécissement des secteurs concurrencés par les importations a des conséquences sociales qui sont dures, les gains que permet globalement le commerce peuvent être décevants. Dans la désormais tristement célèbre “affaire des noix de cajou”, des économistes ont estimé qu’une bonne partie des avantages découlant de la libéralisation du secteur pour les cultivateurs de noix de cajou du Mozambique avaient été annulés par les coûts d’un chômage accru dans l’industrie de la transformation des noix de cajou. Au bout du compte, le gain net obtenu par les cultivateurs atteignait environ 5 dollars par an en moyenne pour chaque famille de cultivateur. Cela est peu, même pour un pays pauvre comme le Mozambique.

Pour éviter de nouvelles déceptions, le système international a décidé d’intervenir pour faire en sorte que l’ouverture des marchés se traduise par des gains tangibles pour les individus dans les pays en développement. Dans les pays Membres de l’OMC les plus vulnérables — en particulier les pays les moins avancés — on ne peut laisser le budget national ou le secteur privé faire face tout seul aux coûts de l’ajustement, auxquels s’ajoutent les contraintes de capacité liées au potentiel de réaction de l’offre à la mondialisation. Nous devons donc mettre au point une réponse internationale efficace pour compléter les efforts consentis par ces pays pour ouvrir les marchés. Gérer le soutien public en faveur de l’expansion du commerce dans ces pays signifie aider les populations à en tirer directement parti — former les fonctionnaires, renforcer les institutions et mettre en place une infrastructure qui contribuera à la croissance des entreprises et à la création d’emplois et permettra à ces pays d’accroître et de diversifier leurs échanges.

La contribution de l’OMC à ce que le commerce soit un facteur de développement

Mais quel est le rôle de l’OMC dans tout cela? Comment peut-elle aider à ce que le commerce soit un facteur de développement?

Un aspect fondamental du Cycle de négociations commerciales en cours est de corriger les déséquilibres qui persistent dans les règles commerciales à l’avantage des pays en développement et d’améliorer les règles, ce qui apportera aux pays en développement des chances véritables sur le plan commercial. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons appelé ce cycle le “Cycle du développement”. La dimension développement n’est pas un pilier isolé ou un silo perdu dans les négociations, c’est au contraire un aspect qui est présent dans toutes les dimensions abordées dans les négociations. Je donnerai quelques exemples des gains directs qui sont en jeu actuellement pour les pays en développement.

Dans le domaine important de l’agriculture, la décision d’éliminer toutes les formes de subventions à l’exportation d’ici à 2013, une partie substantielle devant être réduite d’ici à 2010, est conforme aux principales exigences formulées par les pays en développement depuis le début du Cycle. La suppression de cette forme artificielle de concurrence renforcera l’aptitude des pays en développement et des pays les moins avancés à être compétitifs dans un système commercial agricole équitable et axé sur le marché. En outre, les pays en développement pourront aussi bénéficier de réductions importantes des subventions internes étant donné que nous sommes déjà convenus que les pays développés procéderont à des réductions plus importantes que les pays en développement.

Un autre domaine important dans lequel des gains seront obtenus par les pays en développement, en particulier les moins avancés d’entre eux, est celui du coton. Nous sommes déjà convenus d’assurer aux exportations de coton des PMA un accès en franchise de droits et sans contingents tarifaires d’ici à 2008 et il a également été convenu que les subventions à l’exportation affectant le coton seraient supprimées d’ici à la fin de 2006. À Hong Kong, nous sommes également convenus qu’au moins 97 pour cent des lignes tarifaires des pays riches concernant des produits importés en provenance de PMA seraient libres de droits et de contingents, c’est-à-dire de toute restriction commerciale, l’objectif étant de parvenir à 100 pour cent. C’est à mon avis un résultat très appréciable, qui profitera aux exportations des 32 pays les moins avancés, et qui représente une étape positive dans la satisfaction à une demande formulée de longue date par la communauté du développement.

En juillet 2004, les Membres de l’OMC sont formellement convenus de lancer des négociations sur la facilitation des échanges en vue d’accélérer le mouvement, la mainlevée et le dédouanement des marchandises. Les négociations visent aussi à accroître l’assistance technique et à renforcer les capacités dans ce domaine et à améliorer la coopération entre les autorités douanières ou toutes autres autorités nationales appropriées sur les questions de facilitation des échanges et de respect des procédures douanières. Les négociations sur la facilitation des échanges sont complémentaires d’une plus grande libéralisation des échanges et on estime que leur rôle est essentiel pour permettre aux pays en développement de retirer des gains tangibles du Cycle en cours. L’aboutissement des négociations sur la facilitation des échanges contribuerait grandement à la réduction des coûts de transaction dans les pays en développement, ce qui renforcerait la compétitivité globale de ces pays.

Mais comme nous l’avons vu, les obstacles administratifs aux frontières ne sont pas les seuls coûts de transaction qui limitent l’expansion du commerce ou ses avantages pour les pays en développement. Les coûts de transaction ne sont pas non plus les seuls problèmes auxquels doivent faire face ces pays. Comme je l’ai dit précédemment, d’autres contraintes de capacité existent et les coûts d’ajustement sont souvent trop élevés. Compte tenu de ces problèmes additionnels, j’avais préconisé d’inclure à l’ordre du jour de l’OMC le débat sur l’Aide pour le commerce et d’accroître d’une manière substantielle le financement accordé à cette initiative. L’Aide pour le commerce a un rôle politique important à jouer pour compléter les négociations commerciales, et une aide additionnelle au développement peut aider les pays concernés à exploiter pleinement leur potentiel commercial et de croissance. L’accroissement de l’Aide pour le commerce ne dépend pas des résultats du Cycle, mais sa valeur et son importance seront bien plus grandes si l’initiative est mise en œuvre parallèlement à de nouvelles possibilités substantielles en matière d’accès aux marchés et de nouvelles règles qui faciliteront les échanges.

Il n’y a pas d’intention cachée ici. Le rôle de l’OMC est strictement un rôle de plaidoyer, l’Organisation n’intervenant pas dans la gestion ou le décaissement de l’aide au-delà des activités traditionnelles qu’elle mène dans le domaine de l’assistance technique liée au commerce. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les principaux donateurs et les experts dans ce domaine. En application du mandat qui m’a été confié à Hong Kong, j’ai mené activement des consultations avec plusieurs partenaires, notamment la Banque mondiale, le FMI, le PNUD, les donateurs bilatéraux et les banques de développement régional. L’initiative “Aide pour le commerce” a certainement besoin de financement, mais elle doit surtout pour réussir être menée efficacement. Compte tenu de l’expérience passée et du savoir-faire important de l’OMC et de ses partenaires dans l’Aide pour le commerce, je suis convaincu que l’on saura trouver des moyens inventifs et efficaces de rendre cette aide utile pour le commerce et en définitive, utile au développement.

L’OMC n’est pas un organisme de développement, mais c’est une enceinte où ceux qui rencontrent des difficultés en raison de l’ouverture des marchés dans leur pays se retrouvent régulièrement et c’est donc une enceinte idéale pour améliorer notre compréhension de la façon dont l’Aide pour le commerce doit être déboursée. Pour la même raison, l’OMC peut jouer un rôle important en favorisant la coopération avec les acteurs internationaux concernés, coopération dont les politiques d’assistance ont fortement besoin pour être efficaces. Elle offre une enceinte où ces interdépendances peuvent être débattues et faire l’objet d’un suivi. Mais tout cela ne sera utile que si les nouvelles règles et les promesses de libéralisation qui découlent du Cycle de négociations en cours tiennent compte des intérêts des pays en développement, de sorte que le Cycle en cours soit véritablement, comme son nom l’indique, le Cycle du développement de Doha. Et si nous voulons y parvenir, il faut que tout le monde, y compris les pays industrialisés, soit fidèle à ses promesses.

Je fais clairement partie de ceux qui pensent que les gouvernements nationaux et des institutions internationales comme l’OMC ont un rôle important à jouer pour garantir la stabilité de l’économie mondiale en général et du système commercial multilatéral en particulier. Je sais que certains pensent que les gouvernements ne peuvent que faire du tort. Je ne partage pas ce point de vue: les marchés fonctionnent d’autant mieux que l’environnement institutionnel dans lequel ils opèrent est meilleur. La main qui détermine la qualité des institutions, la plupart du temps, n’est pas une main invisible, mais elle appartient à un responsable public. Les marchés s’entendent bien à créer de la richesse mais sont indifférents à la répartition de cette richesse. Je suis donc intimement convaincu du rôle bénéfique des gouvernements et j’estime comme d’autres que l’époque du Consensus de Washington est révolue. Le temps est venu pour un nouveau consensus. Appelons-le “consensus de Genève”, si vous le voulez bien — un consensus pour mettre le commerce au service du développement!

Merci de m’avoir écouté.