NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY

Suivi et surveillance: Une fonction de l'OMC de plus en plus importante

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Mesdames et Messieurs, bonsoir.

J'ai le plaisir et l'honneur d'être ici ce soir au Georgetown University Law Centre, et je suis heureux que M. le professeur Jackson m'ait invité pour échanger des vues avec vous sur des questions commerciales. C'est un vrai bonheur pour moi, et je tiens à remercier M. le professeur Jackson et M. le doyen Aleinikoff pour cette occasion exceptionnelle.

Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de ce qui se passe dans un domaine de travail de l'Organisation mondiale du commerce, dont vous n'êtes pas nécessairement informés.

Dans les médias et les publications, on accorde beaucoup d'attention aux négociations qui ont lieu à l'OMC et aux différends qui lui sont soumis. Mais on parle très peu, voire pas du tout, des actions qui interviennent entre ces deux activités, c'est-à-dire du mandat de l'OMC consistant à assurer la mise en œuvre volontaire des Accords par les Membres.

La théorie de la séparation des pouvoirs de l'État, énoncée par Montesquieu, identifiait un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire. Dans les relations internationales et au sein des organisations internationales, cette division est moins pertinente car les principaux acteurs restent les États-nations issus du Traité de Westphalie. Cela est particulièrement vrai pour ce qu'on appelle les “fonctions exécutives”, qui concerneraient la mise en œuvre des règles négociées par toute forme de “pouvoir législatif”.

Selon le principe de la séparation des pouvoirs, “le suivi et la surveillance” se trouveraient quelque part entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. À l'OMC, cela se traduit par une combinaison sui generis d'actions individuelles et collectives — bénéficiant à l'occasion de l'assistance du Secrétariat — dont le but est d'étudier, de comprendre, d'examiner et d'influencer la mise en œuvre par les Membres des obligations qu'ils ont négociées. Les fonctions de suivi et de surveillance à l'OMC se sont développées et, à mon avis, continueront d'évoluer en ce sens car la portée et la complexité des obligations ne cessent de croître. À ce jour, ces activités absorbent environ la moitié des ressources du Secrétariat de l'OMC et de ses multiples connaissances et compétences techniques.

À un niveau plus personnel, je suis persuadé que c'est l'un des domaines dans lesquels l'OMC peut contribuer à maîtriser la mondialisation: l'OMC offre des instances où les États peuvent mener des discussions et examiner, d'une part, les meilleurs moyens de donner effet aux dimensions positives de l'ouverture des marchés et, d'autre part, la nécessité d'adopter des mesures qui tiennent compte des résultats des négociations pour apporter des avantages réels à tous les Membres, à leurs acteurs économiques et à leurs populations.

Ainsi, ce soir, je propose tout d'abord d'examiner ce que j'entends par “surveillance et suivi”, dans le cadre de l'OMC. Ensuite, je vous présenterai un bref aperçu des mécanismes de suivi et de surveillance qui existent à l'OMC, notamment ceux qui résultent du Cycle d'Uruguay. Et enfin, j'aborderai les mécanismes de surveillance additionnels que les Membres de l'OMC examinent actuellement dans le cadre du Cycle de Doha. Je terminerai par quelques observations pour expliquer pourquoi et comment, à mon avis, le développement de ces activités à l'OMC pourrait améliorer les relations commerciales internationales.


Ce que j'entends par “suivi et surveillance à l'OMC”

Comme vous le savez tous, les négociations commerciales multilatérales sont difficiles et, en général, très longues. Une fois que les négociations sont terminées, commence alors pour les Membres le véritable travail: mettre en œuvre les obligations dont ils sont convenus. À quoi cela servirait-il de négocier des règles commerciales détaillées si elles n'étaient pas appliquées? C'est dans ce contexte qu'intervient ce qu'on appelle “le suivi et la surveillance”.

Les termes “suivi” et “surveillance” couvrent toute une série d'actions. D'un côté, nous avons les obligations facultatives ou contraignantes en matière de transparence et de notification. De l'autre, nous avons les mesures que les Membres prennent pour assurer la mise en œuvre d'un engagement dans le cadre de l'OMC, mis à part les procédures de règlement des différends.


Transparence active à l'OMC

Examinons les mécanismes traditionnels de ce que j'appellerais la “transparence active” à l'OMC.

Je commencerai par les notifications et les publications dans le cadre du GATT et de l'OMC.

La transparence est l'un des principaux piliers du système commercial multilatéral et elle se retrouve dans toutes les actions liées à la mise en œuvre. La transparence entre les Membres a toujours été une obligation fondamentale du GATT. L'ancien GATT contenait de multiples prescriptions en matière de notification, de publication et de transparence, à la fois au niveau national ou intérieur — ce que nous appellerions chez nous “publication”, et à l'OMC - ce que nous appelons “notifications”.

La disposition fondamentale en matière de transparence et de publication est énoncée à l'article X du GATT. Elle dispose que les Membres doivent publier dans les moindres délais, dans un Journal officiel interne accessible, toutes les mesures (lois, règlements, décisions judiciaires, etc.) relatives aux questions traitées par le GATT, ainsi que tout accord intéressant la politique commerciale internationale. Le but de cette disposition est de permettre aux gouvernements et aux entités commerciales de prendre connaissance de ces lois et règlements.

Les Membres sont également tenus de notifier toutes leurs lois et réglementations d'application générale concernant les questions traitées par l'OMC, y compris toutes les actions et les mesures visées par les dispositions de l'OMC. Depuis le Tokyo Round, il existe une obligation de notification pour les mesures spécifiques qui affectent le fonctionnement du GATT. L'OMC a multiplié les obligations de notification et a ajouté des prescriptions spécifiques, conformément à certains nouveaux accords. Dans le seul domaine du commerce des marchandises, on compte à ce jour plus de 175 prescriptions en matière de notification!

Depuis la création de l'OMC, il existe également un processus de notification croisée qui permet à un Membre de notifier à l'OMC une mesure qui n'a pas été notifiée par un autre Membre. Ce processus garantit une plus grande transparence et oblige le Membre à l'origine de la mesure à justifier sa position concernant ladite mesure.

Suite à la Décision prise par l'OMC en 2002 d'autoriser la mise en distribution générale des documents de l'OMC, et grâce aux technologies modernes, la quasi-totalité des notifications présentées par les Membres de l'OMC peuvent désormais être consultées sur le site Web de l'OMC. Il s'agit là d'un point important, car ce sont souvent les opérateurs privés, et non les gouvernements eux-mêmes, qui sont les plus affectés par les mesures proposées ou adoptées qui sont notifiées.

Toutefois, il se peut que la publication des mesures au niveau national et leur notification à l'OMC ne soient pas suffisantes pour assurer une transparence totale. Pour être pleinement transparent, ce qui est notifié doit aussi être compréhensible. C'est là qu'entre en jeu notre système unique d'“examen par des pairs”, dans les comités et d'autres organes. C'est ce que j'appelle la “transparence active”.

Traditionnellement au GATT, et encore de nos jours à l'OMC, le suivi et la surveillance sont assurés dans les comités permanents par le biais d'examens des notifications, de questions, d'analyses des différentes politiques au regard des Accords pertinents de l'OMC, et d'autres procédures de contrôle. De façon générale, le droit des Membres de demander des renseignements, nécessaires pour toute surveillance, découle de l'obligation de publication au niveau intérieur et de notification à l'OMC. Certains accords, comme celui sur les obstacles techniques au commerce (OTC), l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), l'Accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC) ou l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), contiennent aussi l'obligation pour les Membres de maintenir des “points d'information” où tout Membre peut demander des renseignements sur les lois, les réglementations ou les mesures liées au commerce qui sont en place sur leur territoire.

Prenons l'exemple du Comité OTC. Depuis 1995, plus de 8 000 notifications d'obstacles techniques au commerce ont été présentées au Comité OTC. À chaque réunion du Comité, les Membres passent beaucoup de temps à examiner des préoccupations commerciales spécifiques — qui concernent, dans la plupart des cas, des mesures qui ont été notifiées. En général, les préoccupations les plus courantes portent sur la question de savoir si la conception ou l'application d'une mesure crée des obstacles non nécessaires au commerce, sur la nécessité de clarifier davantage l'objectif légitime d'une mesure ou sur l'utilisation des normes internationales.

Permettez-moi de vous donner un exemple. En mars 2004, puis à nouveau en août 2006, la Suisse a notifié un projet d'ordonnance sur les mesures visant à réduire les émissions de particules des moteurs diesel. Les Communautés européennes, appuyées par les États-Unis, ont fait part de leurs préoccupations concernant ces mesures et en particulier leurs effets restrictifs sur les échanges et la nécessité pour la Suisse de se conformer aux normes internationales existantes. La question a été débattue pendant plusieurs réunions du Comité OTC. À la dernière réunion, en juillet 2007, la Suisse a informé le Comité qu'à la suite des observations adressées par des Membres de l'OMC, les autorités de son pays avaient décidé de ne pas mettre en œuvre le projet d'ordonnance précité. Au lieu de cela, la Suisse adopterait les valeurs limites d'émission prescrites par les normes européennes.

Dans le cadre de son travail de suivi et de surveillance, le Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires — ou Comité SPS — examine aussi des milliers de mesures de ce type.

Par exemple, à la réunion du Comité SPS qui s'est tenue en octobre 2005, Sri Lanka a fait savoir qu'elle ne pouvait plus exporter de cannelle vers plusieurs États membres de l'Union européenne, et notamment l'Allemagne, qui appliquaient une législation spécifique pour limiter les résidus d'anhydride sulfureux dans la cannelle. Bien que le Codex Alimentarius — élaboré par l'organisme mondial de normalisation en matière de sécurité sanitaire des produits alimentaires — dispose de normes pour l'anhydride sulfureux dans d'autres épices, il n'avait pas de norme spécifique pour la cannelle. Étant donné l'incidence considérable d'une telle mesure sur les exportations de Sri Lanka, et à la suite de la réunion du Comité SPS, les CE sont convenues d'aider Sri Lanka à soulever cette question au niveau européen. Parallèlement, Sri Lanka a été invitée à demander qu'une norme spécifique pour les résidus d'anhydride sulfureux dans la cannelle soit incorporée au Codex. À la réunion tenue par le Comité SPS en octobre 2006, Sri Lanka a indiqué que le problème d'accès au marché communautaire avait été résolu et que le Codex avait adopté, en juillet 2006, une norme internationale relative à la teneur maximale pour les résidus d'anhydride sulfureux dans la cannelle.

Si j'ai mentionné ces exemples, c'est pour montrer simplement comment cette “transparence active” permet aux Membres, par le biais de nos comités, d'examiner et de “disséquer” les notifications et de vérifier si les règles négociées sont réellement et effectivement mises en œuvre. Il est clair que, dans bon nombre de ces cas, certains pays en développement n'auraient probablement pas pu contester la plupart des mesures. Toutefois, le fait d'exposer les mesures au public et à un examen collectif au sein des comités exerce une pression en faveur du règlement des différends.


Un mécanisme spécial: l'examen des politiques commerciales

L'une des grandes réussites du Cycle d'Uruguay a été l'établissement d'un nouveau mécanisme d'examen des politiques commerciales, qui consiste en l'examen périodique des politiques, pratiques et mesures commerciales et liées au commerce de chaque Membre de l'OMC. Les examens sont effectués par l'Organe d'examen des politiques commerciales (OEPC), composé de représentants de tous les Membres de l'OMC. Les plus grandes entités commerciales — États-Unis, Communautés européennes, Chine et Japon — sont examinées tous les deux ans; les 16 partenaires commerciaux suivants le sont tous les quatre ans, et les autres Membres tous les six ans, bien qu'un délai plus long puisse être ménagé pour les pays les moins avancés. Chaque examen est basé sur un rapport élaboré par le Membre considéré et sur un rapport établi par le Secrétariat de l'OMC sous sa propre responsabilité. Ces deux rapports sont publiés par l'OMC.

Cet exercice a pour but d'assurer une plus grande transparence et une meilleure compréhension des politiques, pratiques et mesures commerciales des Membres. Il permet l'évaluation des politiques et des mesures commerciales et liées au commerce, y compris celles qui ne sont pas nécessairement contraires aux obligations contractées dans le cadre de l'OMC, ou n'y sont peut-être même pas assujetties. Les Membres de l'OMC apprécient le caractère “non conflictuel” des examens des politiques commerciales et, de plus en plus, la profondeur et la qualité des analyses du Secrétariat de l'OMC. De nombreuses organisations internationales étudient actuellement la possibilité d'élaborer leur propre “mécanisme d'examen des politiques”, sur la base de cette expérience.

Comme vous pouvez le constater, l'OMC a aujourd'hui un programme de travail bien rempli en matière de surveillance, qui ne fera que se développer à l'avenir, comme le montre l'état d'avancement des négociations en cours dans le cadre du Cycle de Doha pour le développement. En attendant l'achèvement de ce cycle, plusieurs mécanismes de surveillance fonctionnent déjà à titre provisoire, comme celui qui concerne les accords commerciaux régionaux (ACR). Et de nombreux autres sont à l'examen dans le cadre du Cycle de Doha.


Suivi et surveillance dans le Cycle de Doha

En décembre dernier, les Membres de l'OMC ont adopté, à titre d'essai, une décision sur l'établissement d'un mécanisme pour accroître la transparence des accords commerciaux régionaux (ACR), que je viens de mentionner. Cette décision vise à renforcer l'examen des ACR à l'OMC, depuis leur élaboration jusqu'à l'adoption de leur version finale, et des modifications ultérieures éventuelles. Tous les ACR notifiés à l'OMC, y compris ceux qui sont conclus entre les pays en développement, sont soumis aux dispositions de ce mécanisme visant la transparence. En vertu de cette décision, le Secrétariat de l'OMC est chargé d'élaborer les présentations factuelles des ACR notifiés à l'OMC, tant pour les biens que pour les services. La présentation factuelle, qui contient les dispositions juridiques de l'accord et une analyse de l'ouverture des échanges qui doit en résulter entre les parties, sert de base aux discussions dans les comités pertinents de l'OMC. Jusqu'à présent, le Secrétariat a mené à bien dix présentations factuelles de ce type, et 51 autres sont en cours de finalisation. Son but est non seulement d'aider les Membres à mieux comprendre le contenu des ACR, mais aussi, à plus long terme, d'aborder certaines questions systémiques que les Membres essaient de régler dans le cadre des négociations.

Permettez-moi aussi de mentionner deux mécanismes de surveillance concernant des questions spécifiques de développement qui font partie du Cycle de Doha.

Le premier mécanisme concerne l'accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent pour les pays les moins avancés. Depuis que cette décision a été adoptée à la Conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue à Hong Kong en décembre 2005, les mesures prises par les Membres pour l'appliquer ont fait l'objet d'un examen au Comité du commerce et du développement. Les Membres ont examiné la mise en œuvre de la décision d'accorder l'accès en franchise de droits et sans contingent aux exportations des PMA, ainsi que les mesures prises aux fins de cette mise en œuvre. Les pays rendent compte régulièrement des mesures qu'ils prennent pour appliquer cette décision. Cela nous a permis de voir clairement qui a fait quoi et ce qu'il reste à faire.

Grâce à ce mécanisme visant à améliorer la transparence, nous savons qu'à ce jour, le Japon a mis en œuvre la décision en étendant l'accès aux marchés en franchise de droits et sans contingent à 98 pour cent des exportations des PMA au niveau de la ligne tarifaire. En outre, il y a un certain nombre de Membres dont les conditions d'accès aux marchés pour les PMA satisfont déjà à l'obligation énoncée à Hong Kong, car ils accordent un accès en franchise de droits et sans contingent à au moins 97 pour cent des exportations des PMA au niveau de la ligne tarifaire. Il s'agit notamment de la Suisse, du Canada, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande et des CE. Parmi les pays en développement, le Brésil, la Chine, l'Inde et la Corée ont aussi informé les Membres qu'ils s'efforçaient d'étendre l'accès en franchise de droits et sans contingent aux PMA.

Le second mécanisme est en cours d'examen et vise à surveiller la mise en œuvre et l'efficacité des dispositions relatives au traitement spécial et différencié convenues en faveur des pays en développement. En juillet 2002, les Membres sont convenus d'établir un mécanisme de surveillance pour le traitement spécial et différencié. Depuis un an et demi, ils examinent les éléments éventuels d'un tel mécanisme de surveillance, c'est-à-dire sa fonction, sa structure et son mandat. Ce mécanisme permettrait de mieux évaluer l'efficacité des dispositions des Accords de l'OMC qui sont adoptées pour répondre aux besoins spécifiques des pays en développement.

Enfin, également dans le cadre des négociations en cours du Cycle de Doha, deux mécanismes de surveillance additionnels sont à l'examen. L'un, dans le domaine de l'agriculture, est soutenu par le Groupe de Cairns et le G-20 et vise à améliorer les procédures de notification et d'examen qui existent pour les subventions à l'agriculture. Mais, allez-vous peut-être demander, pourquoi aurions-nous besoin de renforcer ces procédures? Parce que certains des Membres qui ont le plus recours aux subventions n'ont pas respecté les prescriptions de notification en vigueur et ont présenté leurs notifications avec plusieurs années de retard. Cela a compliqué les négociations à Doha, car certains Membres ne savaient pas exactement dans quelle mesure ils pouvaient demander à leurs partenaires commerciaux de réduire leurs subventions, étant donné les renseignements insuffisants dont ils disposaient sur leur montant actuel. Ainsi, la nouvelle proposition essaie de créer davantage d'“incitations” à notifier, et à le faire dans les délais prescrits, pour changer! Le second mécanisme de surveillance a trait aux obstacles techniques au commerce pour les produits industriels, et les Membres ont aussi présenté des propositions pour améliorer la détection de ces obstacles.


Mécanisme de surveillance et d'évaluation concernant l'Aide pour le commerce

Dans un domaine qui ne fait pas partie du Cycle de Doha mais que l'OMC a été chargé spécifiquement d'examiner, à savoir l'Aide pour le commerce, la surveillance et l'évaluation sont aussi des éléments prépondérants. La difficulté consiste ici à utiliser ces instruments pour permettre une meilleure intégration du commerce dans les stratégies de développement des pays en développement, tout en assurant un financement suffisant et coordonné des donateurs.


Un grand potentiel, mais aussi des insuffisances

Sans aucun doute, le suivi et la surveillance font partie des domaines dans lesquels des efforts considérables sont déployés à l'OMC, les possibilités d'amélioration étant grandes. J'aimerais néanmoins vous faire part de plusieurs difficultés que nous rencontrons pour mettre en œuvre pleinement ces mécanismes et qui concernent notamment des questions fondamentales comme le respect des obligations de notification.

Les règles de l'OMC établissent des obligations de notification pour les Membres, mais que se passe-t-il si un Membre refuse de présenter des notifications ou ne le fait pas de manière appropriée?

Il est surprenant de constater à quel point il faut du temps pour négocier de nouvelles obligations, y compris des obligations de notification; pourtant, trop souvent, les Membres ne s'y conforment tout simplement pas. Et très fréquemment, cela n'est pas faute de moyens. Par exemple, jusqu'à une date très récente, les notifications des CE et des États-Unis concernant leurs subventions à l'agriculture étaient très en retard, à tel point que les dernières remontaient à 2001. Comme les négociations en cours visent à réduire le niveau des subventions qui faussent les échanges dans les pays riches, il est clair qu'il est essentiel de disposer de ces renseignements pour comprendre la valeur des chiffres examinés. Parfois, tout simplement, les Membres ne présentent pas de notification et attendent d'être poursuivis par un autre Membre. Mais là encore, pour engager une procédure de règlement d'un différend, il faut savoir ce qui se passe!

Même lorsqu'un Membre présente une notification, vérifier si elle est exacte peut parfois prendre beaucoup de temps. Que peut-on faire à ce sujet? Pour résoudre ce problème, certains accords — comme l'Accord sur les subventions — prévoient la possibilité de procéder à des notifications croisées, c'est-à-dire la notification par un Membre d'une mesure qui n'a pas été notifiée par le Membre concerné. Mais les notifications croisées demandent aussi un certain niveau de connaissances!

De nombreuses idées ont été avancées pour remédier à ces difficultés, comme le renversement de la charge de la preuve pour qu'elle incombe au Membre qui est en tort. Par exemple, dans le cas d'un différend sur des subventions excessives qui faussent les échanges et qui ont été accordées par un Membre n'ayant pas notifié son niveau de subventions, la charge de prouver que ces subventions sont conformes aux règles de l'OMC pourrait incomber au Membre qui les a accordées, et non au plaignant. Une autre idée serait de demander au Secrétariat de communiquer les notifications sur la base des meilleurs renseignements disponibles pour permettre leur examen par les Membres et, éventuellement, leur réfutation par le Membre concerné. Et une autre suggestion serait d'interdire aux Membres de prendre certaines mesures si elles ne sont pas notifiées.

Le problème est encore plus complexe si l'on considère les prescriptions en matière de publication, notamment les mesures de base comme l'obligation de publier au niveau national “toute mesure qui peut affecter les échanges”. Certains disent que nous devons trouver des “incitations” pour que les Membres se conforment à leurs obligations. On pourrait envisager une “récompense” ou un “bonbon” pour ceux qui fournissent des renseignements à titre volontaire, peut-être sous la forme d'une prorogation du délai de mise en œuvre. On pourrait aussi prévoir l'apport d'une coopération technique additionnelle à ceux qui informent rapidement le Comité de leurs efforts infructueux en matière de conformité. Devrions-nous mettre en place un système pour que le Secrétariat tire la sonnette d'alarme si des notifications sont en retard? Ou établir un système de “bons points”, lesquels seraient mentionnés dans le rapport d'examen des politiques commerciales du Secrétariat? Faudrait-il une tierce partie chargée de contrôler le dépôt des notifications? Peut-être un Membre désigné, le Secrétariat, ou un tiers? Toute bonne idée est la bienvenue!

Le nombre de notifications pose aussi d'importants problèmes pratiques et logistiques. Alors que les Membres ne présentent pas toutes les notifications requises, l'échange d'informations est tout simplement ingérable pour bon nombre d'entre eux, notamment ceux qui ont des ressources administratives limitées. Ce problème est aggravé par le fait que certaines notifications ne sont pas encore totalement sous forme électronique. Dans certains domaines, plus de dix ans après l'entrée en vigueur des Accords de l'OMC, la présentation des notifications n'est toujours pas électronique et les bases de données sont limitées ou viennent juste d'être mises en place.

Le processus de notification à l'OMC demande beaucoup de travail aux Membres — malgré les efforts du Secrétariat pour contribuer au renforcement des capacités de nombre d'entre eux. Au début de l'existence de l'OMC, un groupe de travail a été créé pour tenter d'identifier les prescriptions de notification qui faisaient double emploi et examiner comment les notifications pouvaient être simplifiées. D'importants progrès ont été accomplis rapidement, mais comme le suivi et la surveillance figurent aussi parmi les priorités du Cycle actuel, il se pourrait que nous devions prochainement procéder à un nouvel examen pour déterminer si l'énorme quantité de renseignements accumulés remplit son rôle et permet d'assurer une surveillance efficace, dans la limite des ressources dont disposent les Membres et le Secrétariat.

Outre la quantité, la qualité et le caractère exhaustif des notifications varient considérablement d'un accord à l'autre, et il y a aussi de grandes disparités entre les Membres. Les notifications doivent donc être “examinées”, et comme l'“examen des notifications” est effectué par les Membres eux-mêmes au sein des comités, il est clair que les capacités limitées de nombre d'entre eux pour “digérer” ces notifications réduit leur efficacité. Il est sans doute possible d'améliorer le rôle du Secrétariat pour ce qui est d'assurer une analyse neutre des notifications les plus complexes.

Si le système permet en principe un très bon équilibre entre le respect de la souveraineté des Membres et les intérêts systémiques généraux, l'efficacité du suivi et de la surveillance dans les comités est, en pratique, très réduite en raison du manque de participation de nombreux pays en développement, qui ont souvent des ressources humaines très limitées — deux ou trois personnes étant chargées de suivre les travaux de toutes les organisations internationales à Genève — ou ne sont même pas présents à Genève. Les Membres, et notamment les pays en développement Membres, doivent assister et participer davantage aux réunions des comités. Ils peuvent difficilement bénéficier des processus de surveillance et de notifications croisées s'ils ne sont pas présents ou ne participent pas activement aux travaux de l'OMC.

C'est pourquoi nous avons créé ce que nous appelons la “Semaine de Genève à l'intention des Membres sans représentation ”, qui permet, deux fois par an, d'inviter tous les Membres qui n'ont pas de mission à Genève à des réunions d'information sur toutes les questions en cours de négociation et sur les travaux ordinaires de l'OMC, notamment le suivi et la surveillance. Mais ce n'est probablement pas suffisant, et l'on pourrait peut-être faire davantage pour que les organisations régionales puissent participer activement et suivre ces questions au nom de plusieurs Membres afin de bénéficier d'économies d'échelle.

Pour que la transparence et les notifications soient effectives, les Membres doivent être en mesure de comprendre ce qui est notifié, ce qui n'est pas notifié, et ce qui est caché. Et la seule façon de garantir que tous les Membres saisissent ce qui doit être notifié, c'est de faire en sorte qu'ils aient tous une bonne compréhension des dispositions de l'OMC. Cela signifie, par conséquent, que l'assistance technique fournie par l'OMC aux pays en développement doit aussi inclure une formation approfondie dans ce domaine et notamment les aider à rédiger leurs notifications et à mieux comprendre celles qui peuvent avoir des répercussions sur eux, comme dans le cas de la cannelle que nous venons d'examiner. À ce jour, notre programme habituel de formation à l'intention des pays en développement comprend un cours entier sur les notifications. Mais je suis convaincu qu'il faudra faire davantage d'efforts dans ce domaine à l'avenir.

En résumé, nous devons nous concentrer davantage sur les moyens de mettre en œuvre effectivement les notifications ainsi que notre processus de suivi et de surveillance, afin de disposer de mécanismes qui soient non seulement plus fonctionnels et efficaces mais aussi plus accessibles et d'assurer ainsi la mise en œuvre intégrale par tous les Membres de leurs obligations dans le cadre de l'OMC. C'est facile à dire, mais difficile à réaliser. Toutefois, avant d'introduire de nouvelles obligations, ne devrions-nous pas nous attacher essentiellement à faire en sorte que les obligations existantes soient réellement mises en œuvre par tous les acteurs?

Maintenant, il est temps pour moi de conclure, pour que je puisse bénéficier de vos observations et de vos suggestions.

Premièrement, la transparence, le suivi et la surveillance efficaces des règles commerciales, des préférences commerciales, des accords régionaux, de l'Aide pour le commerce, etc., sont essentiels pour les acteurs de l'économie qui ont besoin de connaître les conditions du commerce.

Deuxièmement, le suivi et la surveillance ne peuvent pas remplacer et ne remplaceront pas la procédure contraignante de règlement des différends, mais ils peuvent constituer un moyen efficace pour éviter d'engorger ce mécanisme. Les parties contractantes au GATT et les Membres de l'OMC ont travaillé d'arrache-pied pour mettre en place le mécanisme complexe de règlement des différends dont nous disposons maintenant. Mais étant donné le nombre croissant des obligations techniques et des Membres de l'OMC, il devient plus difficile de veiller à ce que chacun mette effectivement en œuvre ces obligations. La transparence doit devenir plus “active”, et c'est là que, à mon avis, le suivi et la surveillance s'avèrent utiles, voire nécessaires.

Troisièmement, le suivi et la surveillance continueront à se développer pour permettre aux Membres d'améliorer leur compréhension mutuelle des mesures qu'ils prennent pour mettre en œuvre leurs obligations. Toutefois, les mécanismes de notification en vigueur et les examens effectués par les comités doivent devenir totalement opérationnels pour assurer la participation éclairée de tous les Membres. Comme le suivi et la surveillance sont appelés à durer, le besoin d'une transparence plus éclairée et mieux comprise ne fera que s'accentuer à mesure que la portée, l'ampleur et la complexité des obligations continueront de s'accroître. En fait, cela va même plus loin que la simple compréhension des obligations dans le cadre de l'OMC, et il s'agit aussi de la manière dont les pays développés et les pays en développement Membres mettent en œuvre ces dispositions.

Quatrièmement, la surveillance et le suivi vont devenir d'autant plus importants à l'avenir que la nature des obstacles au commerce évoluera. Les droits de douane et les restrictions quantitatives sont très simples: il est facile de les identifier, de les comprendre et d'y faire face. Les obstacles non tarifaires, les prescriptions techniques sur l'innocuité des produits et les subventions déguisées sont généralement plus obscurs et donc plus difficiles à traiter. Le suivi et la surveillance devront s'adapter à l'expansion de ces prescriptions réglementaires qui sont en effet de plus en plus nombreuses et détaillées. Nous devrons nous y préparer si nous tenons réellement à remplir notre fonction essentielle qui est de continuer à libéraliser les échanges.

Nous fondons tous de grands espoirs sur le Cycle de Doha, qui vise à rééquilibrer les règles du système commercial multilatéral en faveur des pays en développement. Mais de nouvelles règles ne seront utiles que dans la mesure où elles seront mises en œuvre, et cela vaut également pour celles qui existent déjà. Nous ne pouvons pas perdre de vue l'importance de la mise en œuvre. J'ai hâte d'entendre vos suggestions!

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