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Bienvenue et bonjour à tous. J'ai de nouveau
l'honneur de présenter la publication annuelle phare de l'OMC, le
Rapport sur le commerce mondial, intitulé, cette année, “Le commerce à
l'heure de la mondialisation”. Le Rapport fait une analyse approfondie
du commerce international, réexaminant ce que nous savons des gains
qu'il procure et de leurs sources. Il situe le débat sur le commerce
dans le contexte plus large de la mondialisation et réaffirme le rôle
important de la mondialisation et du commerce dans l'amélioration des
conditions de vie de millions de personnes de par le monde. Mais il
reconnaît aussi que les avantages de l'intégration et de
l'interdépendance ne profitent pas à tout le monde. Il y a des exclus et
des laissés pour compte. Il est essentiel que nous puissions remédier à
cette situation — et diffuser plus largement l'amélioration des niveaux
de vie — si nous voulons, en tant que communauté mondiale, continuer à
profiter de la spécialisation, de l'échange et de la prospérité
croissante.
Ce rapport arrive à point nommé au vu de ce que nous nous efforçons de
réaliser ici à l'OMC. Les négociations de Doha sont entrées dans une
phase décisive. Soyons bien clair. Ce que les Membres réaliseront
ensemble la semaine prochaine sera considéré comme un indicateur de la
volonté et de la capacité de la communauté internationale de partager la
gestion de la mondialisation de manière effective et équitable. Outre
les avantages que le succès du Cycle de Doha procurerait à tous —
avantages qui sont loin d'être négligeables en soi —, il se pose une
question plus générale. C'est simplement celle ci: qu'est ce qui
comblerait le vide laissé par l'échec d'une négociation multilatérale de
la dimension et de l'importance du Cycle du développement de Doha? Je ne
dis pas que n'importe quel accord vaut mieux que pas d'accord du tout.
Ce que je dis, c'est que, compte tenu de ce qui est sur la table,
l'incapacité de parvenir à un accord substantiel et mutuellement
bénéfique serait vraiment un signe funeste.
La mondialisation ne s'arrêtera pas. Elle est mue autant par le progrès
technologique que par les changements politiques, les politiques
économiques et l'évolution des pratiques des entreprises en général.
Mais on peut certainement la favoriser ou l'entraver de nombreuses
façons. Le commerce est un élément central du processus d'intégration.
D'après des enquêtes récentes sur la mondialisation effectuées dans près
de 50 pays en développement et développés, la grande majorité des gens
continuent à penser que le commerce international est profitable à leur
pays. Mais cette opinion s'accompagne de craintes au sujet des
perturbations et des risques qu'engendre la participation à l'économie
mondiale, qu'il s'agisse de la perte d'emplois, de l'inégalité ou de la
marginalisation accrue.
Le Rapport présente les données de fait disponibles sur ces questions.
Il nous rappelle que les gains résultant de l'intégration mondiale
l'emportent sur les coûts qu'elle impose, ce qui peut être réconfortant
pour les responsables du commerce qui se réuniront ici la semaine
prochaine. Mais le Rapport souligne aussi que l'accroissement de la
concurrence internationale fait des gagnants et des perdants, même si
les pays y gagnent dans l'ensemble, et que les responsables seraient
bien avisés de ne pas laisser ces préoccupations de côté. En clair, nous
devons concilier l'ouverture des marchés avec l'application de
politiques d'accompagnement. L'action nécessaire est, dans une large
mesure, entre les mains des gouvernements nationaux. Mais les
initiatives internationales ont aussi un rôle à jouer, notamment dans le
contexte de l'OMC. Je reviendrai sur ce point dans un moment.
Je voudrais d'abord examiner en détail certains des principaux messages
du Rapport, qu'il est bon de garder à l'esprit.
Premièrement, les promesses du commerce international se sont
concrétisées. Je trouve particulièrement encourageant de voir cela
confirmé par tant d'études empiriques solides concernant les pays en
développement. Ces études montrent que les pays se sont spécialisés dans
les activités où ils disposent d'un avantage comparatif et que cela a
entraîné une augmentation des revenus. Les consommateurs comme les
producteurs ont tiré profit de la diversification du choix de produits
et d'intrants à des prix plus bas. Les entreprises opèrent à une échelle
plus efficiente et les industries sont plus productives. Ces différents
facteurs et d'autres encore, comme les retombées du savoir, font que le
commerce a contribué au progrès technologique, qui est un puissant
moteur de la croissance économique.
Deuxièmement, certains pays ne profitent pas de ces gains autant qu'ils
le pourraient et qu'ils le devraient. Cela tient en grande partie aux
coûts du commerce au sens le plus large: droits de douane, obstacles non
tarifaires, transport, communications, assurance, contrats, surveillance
et ainsi de suite. Globalement, les coûts du commerce ont diminué au
cours des 50 dernières années à la fois pour des raisons liées à la
politique générale, comme la réduction des obstacles au commerce, et
pour des raisons technologiques, comme Internet. Cela a permis aux
entreprises de nombreux pays en développement de fournir des intrants
spécialisés à différents stades du processus de production, notamment en
participant à la délocalisation des services.
Toutefois, le choix du lieu où délocaliser dépend non seulement de
facteurs traditionnels comme les qualifications et les salaires mais
aussi des nouvelles sources d'avantages comparatifs, telles que le cadre
institutionnel et la qualité de l'infrastructure. Cela a malheureusement
limité la participation des pays à faible revenu aux chaînes
d'approvisionnement internationales, malgré leur avantage en termes de
main d'œuvre. Il faut redoubler d'efforts pour y remédier. Ai je besoin
d'ajouter que l'Aide pour le commerce et d'autres initiatives de ce
genre peuvent apporter une contribution cruciale à cet égard.
Troisièmement, le commerce international peut aggraver la situation de
certains, même s'il est globalement bénéfique, ou bien il peut ne pas
profiter à chacun de la même façon. Ces derniers temps, il est devenu
plus difficile de déterminer qui sont les perdants. Il ne s'agit pas
nécessairement ni uniquement des travailleurs peu qualifiés et des
secteurs en concurrence avec les importations. Une analyse plus nuancée
s'impose. Par exemple, les travailleurs moyennement qualifiés effectuant
des tâches routinières qui se prêtent aisément à la standardisation et à
la numérisation sont à la merci des délocalisations — et ce
indépendamment de l'industrie dans laquelle ils travaillent. Des études
montrent cependant que certaines entreprises ont réussi à faire face à
la concurrence étrangère dans tous les secteurs. Cela signifie que les
travailleurs licenciés peuvent avoir des possibilités de se recycler et
de retrouver un emploi dans le même secteur.
Des mesures doivent être prises pour aider les travailleurs licenciés.
Ces mesures font souvent partie des systèmes de protection sociale car
il est difficile de faire une distinction entre les différentes causes
de changement structurel, comme le commerce ou le progrès technologique.
Plusieurs pays ont appliqué avec un certain succès des mesures générales
visant à protéger les travailleurs, et non des emplois spécifiques. Les
programmes d'ajustement axés sur le commerce peuvent avoir un sens si
cette aide permet de “vendre” des politiques d'ouverture commerciale
profitables aux pays ou s'il n'existe pas de systèmes généraux, comme
c'est notamment le cas, pour des raisons compréhensibles, dans les pays
à faible revenu.
Les pauvres sont particulièrement vulnérables car ils n'ont pas les
moyens de faire face à des périodes de chômage même de courte durée. Si
le commerce a aidé à réduire la pauvreté dans le monde, certains ménages
pauvres n'en ont pas profité, bien au contraire. La relation est
complexe car le commerce influe sur la croissance, l'emploi, les
revenus, les prix à la consommation et les dépenses publiques. Les
récentes études sur les ménages représentent une avancée importante car
elles nous aident à comprendre l'interaction de ces facteurs et leur
effet global sur les revenus.
Ces études montrent aussi que les producteurs agricoles pauvres vivant
dans les régions rurales reculées ne peuvent pas saisir les nouvelles
possibilités commerciales en raison des coûts élevés du transport et des
autres coûts commerciaux. L'amélioration de l'infrastructure matérielle
et la réforme des institutions sont assurément du ressort des
gouvernements nationaux. Mais cela nous amène de nouveau à nous demander
ce qui peut être fait au niveau multilatéral pour exploiter pleinement
le potentiel du commerce international.
Dans l'immédiat, ce qui retient surtout l'attention dans le contexte de
l'OMC, ce sont les négociations du Cycle de Doha. Bien que
l'amélioration de l'accès aux marchés et des règles soient utiles à de
nombreux égards et que le Programme de Doha aille bien au delà de la
réduction des coûts du commerce, je me contenterai ici de faire quelques
brèves remarques sur ce dernier point. Les négociations en cours sur
l'agriculture, l'AMNA et les services offrent la possibilité d'assurer
une ouverture commerciale coordonnée, dans laquelle les gouvernements
tireront parti de la réduction des coûts du commerce au niveau national
et dans les autres pays. Les négociations sur la facilitation des
échanges portent sur un large ensemble de coûts commerciaux, tels que
les formalités douanières, qui peuvent constituer d'énormes entraves au
commerce, en particulier pour les produits sensibles au facteur temps.
Enfin, tout ce qui peut être fait pour accroître la capacité d'offre et
améliorer l'infrastructure liée au commerce — objectif fondamental de
l'Aide pour le commerce — que ce soit dans le cadre de l'OMC ou en
dehors, revêt une importance cruciale pour diffuser plus largement les
avantages de la mondialisation et du commerce.
Compte tenu des enseignements qui se dégagent du Rapport — qui viennent
corroborer ce que nombre d'entre nous ont tendance à penser — et vu les
sombres nuées qui s'accumulent à l'horizon économique, je terminerai en
appelant toutes les parties intéressées à joindre leurs efforts pour
donner au Cycle de Doha l'impulsion vitale nécessaire pour assurer le
succès des négociations.
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