ALLOCUTIONS — DG ROBERTO AZEVÊDO

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Sommet du B-20 à Berlin: “Faire fonctionner le commerce pour tous: une libéralisation commerciale inclusive”

Observations du Directeur général, M. Azevêdo

Mesdames et Messieurs,
Bonjour.

Je tiens à remercier le B-20 de m’avoir invité ici aujourd’hui, ainsi que la BDI, la DIHK, la BDA et tous les autres partenaires.

Ce que je vais dire aujourd’hui semblait plutôt banal il y a seulement quelques années, mais maintenant, cela semble presque radical.

Je veux plaider en faveur du commerce.

Les gens ont longtemps considéré cela comme une quasi-évidence. Plaider en faveur du commerce, c’était presque comme plaider en faveur de la respiration. Le commerce n’était pas un choix, c’était une norme économique. C’était un ingrédient évident et fondamental de toute stratégie de croissance économique durable et de développement social.

Toutefois, je crois que depuis la chute du mur de Berlin en 1989 les économistes, les universitaires, les leaders d’opinion et les politiciens ont conclu que l’argument avait été entendu. Ils pensaient qu’il n’était plus nécessaire d’élever la voix en faveur du commerce et d’une économie mondiale ouverte et mieux intégrée.

Mais cela s’est avéré problématique pour deux raisons.

Premièrement, on a vu que les gens commençaient à oublier l’importance du commerce. Ils tenaient ses avantages pour acquis.

Deuxièmement, au fil du temps, le système commercial n’a pas bénéficié du suivi attentif et de l’engagement qu’il requiert, et cela a peut-être rendu plus difficile son évolution parallèlement aux demandes des personnes qu’il est censé servir.

Je pense que le commerce et le système commercial mondial sont essentiels pour l’emploi, la croissance, le développement, la prospérité et même la paix. Mais je pense aussi que le système peut être encore amélioré. Ses avantages peuvent être diffusés plus largement. Et cela exige plus de travail, pas moins.

C’est ce que j’essaie de faire valoir depuis que je suis devenu Directeur général de l’OMC en 2013. Nous avons réalisé de véritables progrès en améliorant le système. Mais je suis sûr que nous pouvons faire plus.

À plusieurs occasions au cours des quatre dernières années, nous avons eu des raisons de dire que le système commercial était à un tournant critique. Je crois que nous avons de bonnes raisons de le redire aujourd’hui.

D’un côté, l’OMC n’a jamais été aussi importante pour gérer une économie mondiale de plus en plus interconnectée qui connaît des taux de croissance extrêmement faibles.

De l’autre, le système est confronté à de réels défis structurels. Aujourd’hui, l’économie est très différente de ce qu’elle était à l’époque où l’OMC a vu le jour en 1995, et le rythme du changement s’accélère. Les nouvelles technologies modifient le mode de fonctionnement des entreprises. Elles modifient la façon dont on fait du commerce. Elles modifient nos modes de vie. Et elles ont un impact considérable sur la structure de l’emploi.

À cet égard, le commerce est souvent désigné comme le coupable. Mais en réalité, environ 80% des pertes d’emplois dans les économies développées sont dues aux nouvelles technologies, et non aux importations.

La technologie et l’innovation révolutionnent le marché du travail. On estime que 65% des enfants entrant aujourd’hui à l’école primaire occuperont un jour des types d’emplois qui n’existent pas encore.

Par conséquent, une réponse consistant à restreindre le commerce passerait à côté du problème et risquerait d’aggraver les difficultés auxquelles les travailleurs sont confrontés. La création d’obstacles ne ramènera pas les emplois. De surcroît, cela toucherait le portefeuille des consommateurs en réduisant leur pouvoir d’achat.

On pourrait dire que les changements technologiques ne sont pas nouveaux. Nous nous y adaptons depuis la révolution industrielle de la fin du XIXe siècle. Mais, ce que nous connaissons aujourd’hui est différent, très différent, pour une raison particulière et fondamentale: la vitesse! La rapidité du changement dans le monde numérique est quelque chose que nous n’avons jamais connu auparavant. Et il n’y a aucun signe de ralentissement.

Pour répondre aux changements rapides au niveau de l’emploi, nous devons nous concentrer sur les causes réelles des changements structurels que l’on observe sur les marchés du travail. La meilleure réponse variera d’un pays à l’autre, en fonction des circonstances particulières de chacun, comme la composition de la main-d’œuvre en termes de compétences, les principaux domaines de compétitivité, le niveau de développement et beaucoup d’autres facteurs.

Alors que nous pouvons dire avec certitude qu’il n’existe pas un ensemble de politiques unique adapté à toutes les situations, nous pouvons aussi trouver des exemples de politiques qui ont été adoptées par certains pays et qui semblent fonctionner pour eux.

La plupart des mesures prises pour remédier aux tensions structurelles sur le marché du travail semblent reposer sur trois piliers: l’éducation; la formation à de nouvelles compétences; et le soutien de ceux qui ont perdu leur emploi.

Quelle que soit la réponse, il est clair que nous devons réfléchir à la manière de s’adapter à ce nouveau monde.

Et alors que les gouvernements formulent des politiques de la façon qu’ils jugent appropriée, je pense que nous devons nous rappeler la valeur du commerce en tant qu’allié dans ces efforts.

Nous avons de nombreuses preuves de l’importance du commerce et du système commercial. Je vais souligner trois éléments particuliers, mais il y en a évidemment beaucoup d’autres.

D’abord, le commerce est vital pour l’économie et c’est un important créateur d’emplois.

30% des emplois sont liés à l’exportation en Allemagne, 21% en France, 10% aux États-Unis, 13% au Japon, 16% en Chine.

Le commerce permet de faire baisser les prix, contribuant à l’amélioration des niveaux de vie. Il a réduit les prix des deux tiers pour les ménages à faible revenu, et d’un quart pour les ménages à revenu élevé.

Mais soyons clairs: un gain net positif pour l’économie et pour certains individus n’est évidemment pas un réconfort pour ceux qui ont perdu leur emploi. Et le commerce joue bien sûr un rôle à cet égard. Mais je reviens sur le fait que la plupart des emplois perdus ne le sont pas à cause des importations. Ces emplois disparaissent à cause des nouvelles technologies, de l’automatisation et de l’innovation. Une réponse efficace doit donc tenir compte de cette réalité.

C’est pourquoi de nombreux gouvernements cherchent un moyen d’aider la main-d’œuvre à s’adapter. Je pense en fait que le commerce peut faire partie de la solution.

Nous savons que le commerce joue un rôle central en alimentant la croissance économique.

Entre 1990 et 2000, le commerce mondial a augmenté de plus de 7% par an, soit deux fois plus que la production mondiale. Cette expansion a contribué à la hausse des revenus et à l’amélioration des niveaux de vie dans les pays avancés comme dans les pays émergents et en développement.

Depuis la crise financière, la croissance du commerce est plutôt décevante, reflétant les difficultés économiques plus générales.

2017 sera probablement la sixième année consécutive où la croissance du commerce sera inférieure à 3%, situation qui ne s’est produite qu’une fois pendant les 70 années d’existence du système commercial multilatéral, c’est-à-dire depuis la création de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce en 1947.

Dans l’économie mondiale actuelle de plus en plus interconnectée, il est difficile d’imaginer une rigoureuse reprise de l’économie sans une reprise parallèle du commerce mondial. En fait, avec la bonne combinaison de politiques, le commerce peut aider à stimuler cette reprise.

C’est donc le premier point. Le commerce a alimenté la croissance dans le passé, et il en fera autant à l’avenir.

Le deuxième point que je veux souligner est le rôle déterminant du système dans la progression des pays en développement. C’est sans aucun doute l’un des faits économiques les plus importants de notre époque. Le système a permis à 1 milliard de personnes de sortir de la pauvreté entre 1990 et 2010.

De nombreux facteurs expliquent le décollage économique des pays en développement, mais aucun n’est plus important que leur intégration dans le système commercial mondial régi par un ensemble de règles communes, et l’accès que cela donne à de nouveaux marchés, de nouvelles technologies et de nouveaux investissements.

La part des pays en développement dans le commerce mondial est passée de moins d’un tiers en 1980 à près de la moitié aujourd’hui. Bien que l’attention se porte le plus souvent sur les économies émergentes comme la Chine et l’Inde, ce développement dynamique tiré par le commerce concerne des pays de toute taille et de toute région – du Viet Nam au Cambodge et à Madagascar.

Il n’est pas concevable que les économies en développement poursuivent leur trajectoire de croissance sans la poursuite de l’ouverture et de l’expansion du commerce mondial. Cela vaut aussi pour nos chances de réaliser les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030.

Soyons clair: la croissance des pays en développement est un facteur essentiel pour la création d’emplois partout dans le monde, ainsi que pour la paix, la stabilité et la sécurité mondiales.

Mon deuxième point concerne donc ce lien étroit qui existe entre le commerce et la croissance des pays en développement.

Le troisième et dernier point que je voudrais souligner est que l’OMC assure à la fois la prévisibilité, la sécurité et l’équité qui sont essentiels pour les affaires.

Le système commercial fondé sur des règles a été la réponse mondiale au chaos des années 1930, pendant lesquelles la montée du protectionnisme, les blocs commerciaux rivaux et les politiques du “chacun pour soi” ont grandement contribué à la détérioration des perspectives économiques, ouvrant la voie à la Seconde Guerre mondiale.

À présent, quand les pays s’affrontent au sujet de droits antidumping, de subventions, d’obstacles techniques au commerce ou de droits de propriété intellectuelle, ils règlent leurs différends non pas en se livrant une guerre commerciale à somme nulle et destructrice, mais en recourant au système de règlement des différends de l’OMC, dans le cadre de règles que les deux parties ont acceptées et ont aidé à élaborer.

Même s’il n’est pas parfait, le système de règlement des différends a traité plus de 500 affaires en un peu plus de 20 ans. Cela représente un volume de travail impressionnant, supérieur à celui de n’importe quel autre organe juridictionnel sur la scène mondiale.

De cette manière, et d’autres encore, le système commercial multilatéral permet d’assurer la stabilité indispensable pour les relations économiques mondiales, et donc aussi pour les entreprises.

Le meilleur exemple est peut-être ce qui s’est passé après la crise financière de 2008. Nous n’avons pas assisté à une montée significative du protectionnisme, ni à une répétition des années 1930.

La part des importations mondiales visées par des mesures restrictives appliquées depuis octobre 2008 est de seulement 5%. Bien évidemment, ce taux pourrait être plus bas, mais cela montre que l’OMC a fait son travail.

Cela montre aussi que, même si, encore une fois, il n’est pas parfait, le système commercial joue un rôle essentiel.

Les 164 Membres de l’OMC ont toutes les raisons de vouloir, et d’attendre, des améliorations du système. Il y a de nombreux domaines où nous pouvons faire plus.

Les succès obtenus récemment dans les négociations montrent que le système peut permettre ces réformes. Pour la première fois depuis longtemps, l’OMC est considérée comme un lieu où les choses avancent.

Par exemple, l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges, qui est entré en vigueur en début d’année, est le plus grand accord commercial mondial de ce siècle. Ses effets sur l’économie promettent d’être plus importants que ceux de l’élimination de tous les droits restants dans le monde.

Et ce n’était pas un résultat isolé: les Membres de l’OMC ont conclu plusieurs autres accords au cours des deux dernières années, notamment l’élargissement de l’Accord sur les technologies de l’information et l’élimination des subventions à l’exportation de produits agricoles.

Les différentes approches que représentent ces accords montrent que les Membres sont disposés à s’adapter et à faire preuve de dynamisme.

Nous apprenons à être ambitieux, mais aussi à être pragmatiques, réalistes et flexibles. Nous apprenons à être créatifs, à trouver des solutions innovantes et à adopter des formats flexibles.

Des discussions sont en cours dans plusieurs domaines.

Nombre d’entre elles portent sur les questions en suspens du Cycle de Doha. Des discussions se poursuivent, par exemple, dans le domaine de l’agriculture, où l’accent est mis sur le soutien interne et les questions relatives à la sécurité alimentaire, comme la détention de stocks publics dans les pays en développement.

Les Membres discutent aussi d’un accord pour limiter les subventions à la pêche qui contribuent à la surpêche. Il y a aussi un intérêt croissant pour l’examen de plusieurs autres questions à l’OMC comme le commerce électronique et la facilitation du commerce des services et des investissements.

Il y a longtemps que le débat n’avait pas été aussi dynamique, et le B-20 y a grandement contribué. J’aimerais saluer le travail accompli par Jurgen Heraeus, Président du B-20, et par son équipe, notamment Stormy Mildner.

De fait, depuis le début de 2016, l’engagement du secteur privé à l’OMC n’a jamais été aussi fort.

Nous avons organisé une série de “Dialogues sur le commerce” à Genève pour donner la parole aux entreprises, aux travailleurs, aux consommateurs et à plusieurs autres parties prenantes. Le B-20 s’est beaucoup investi dans ce processus et a aidé à présenter toute une série d’idées très pratiques sur les domaines où l’OMC pourrait agir.

Certaines de ces idées sont encore très controversées et nécessiteront des approches flexibles et pragmatiques. D’autres sont peut-être plus simples.

Mais, soyons clair, il est facile d’avancer des idées. C’est ensuite que le vrai travail commence.

Si vous êtes une entreprise ou une autre partie prenante, vous devez faire valoir vos arguments auprès du gouvernement et le convaincre de défendre vos idées. Le gouvernement, quant à lui, doit convaincre les autres gouvernements pour former des coalitions afin de faire avancer les choses.

L’OMC continuera à offrir à ses Membres une plate-forme pour poursuivre leurs objectifs concernant le système et à donner aux autres parties prenantes la possibilité de faire entendre leurs voix.

Notre onzième Conférence ministérielle sera un moment important pour faire avancer toutes ces questions. Elle aura lieu à Buenos Aires en décembre, dans moins de huit mois.

Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faciliter autant que possible la convergence.

J’ai besoin de votre aide pour amener les esprits à se concentrer à la fois sur l’importance de nouvelles réformes commerciales et sur la nécessité de renforcer et sauvegarder le système commercial en lui-même.

Je pense qu’un bilan objectif et impartial montre que le commerce et le système commercial sont tous deux essentiels, et je ne vois pas de raison de penser que cela va changer dans un avenir proche.

Pratiquement aucun des problèmes du commerce mondial auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés ne pourrait être résolu plus facilement en dehors du système multilatéral; en fait, c’est même le contraire.

Comment pourrions-nous gérer une économie numérique sans frontières ou répondre à la mondialisation d’Internet?

Comment pouvons-nous convaincre les pays de limiter leurs subventions à l’agriculture ou à la pêche?

L’idéal serait d’avoir une approche entièrement multilatérale pour traiter ces questions. Il faudrait au moins qu’il y ait un nombre raisonnable de parties dans ces discussions.

Cela ne signifie pas que les approches bilatérales et régionales ne sont pas importantes, bien au contraire. Elles complètent les règles multilatérales et sont des composantes essentielles du système mondial.

Mais elles ne suffisent pas en elles-mêmes.

Le fait est que si l’OMC n’existait pas, nous devrions l’inventer.

Je pense cependant que le système peut être amélioré.

Nous sommes aujourd’hui les gardiens de ce système.

Dans une économie mondiale toujours plus interdépendante, il est de notre responsabilité de renforcer la coopération économique, et de laisser aux générations futures un système commercial fort et qui fonctionne bien.

Mais il est aussi de notre responsabilité de faire davantage pour répartir plus largement les bénéfices du commerce.

Nous devons faire en sorte que le commerce soit une solution aux multiples problèmes rencontrés actuellement par les dirigeants, et qu’il puisse contribuer encore plus à la création d’emplois, ainsi qu’à la croissance et au développement dans le monde. C’est de cette manière que nous ferons fonctionner le commerce pour tous. Pour y parvenir, nous avons aussi besoin de la contribution du secteur privé. Nous avons besoin de votre contribution.

Je vous remercie.

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