ALLOCUTIONS — DG ROBERTO AZEVÊDO

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Forum social du Conseil des droits de l'homme: "Promotion et protection des droits de l'homme dans le contexte de l'épidémie de VIH et d'autres maladies transmissibles et épidémies"

Allocution du Directeur général, M. Roberto Azevêdo

Mesdames et Messieurs les orateurs invités,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Je vous salue et vous remercie de m'avoir invité à me joindre à vous aujourd'hui.

Dans la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé, on peut lire que la possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain.

Je saisis l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour vous expliquer en quoi l'Organisation mondiale du commerce contribue à la réalisation de ce droit.

Nul doute que certains auront le sentiment – au mieux – que l'OMC est un observateur dans notre dialogue aujourd'hui, ou – au pire – que les règles du commerce mondial placent les intérêts commerciaux au-dessus des besoins en matière de santé.

Or ce n'est pas le cas. L'OMC a, je le crois, un rôle constructif à jouer. J'entends donc évoquer cette conviction aujourd'hui.

L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce – l'Accord sur les ADPIC – fait l'objet depuis longtemps d'une attention particulière, et cela se comprend aisément.

Depuis de nombreuses années, cet accord est au cœur de débats autour de la question des droits de l'homme. Mais le point de départ de tout débat sur l'Accord sur les ADPIC devrait porter sur la manière dont l'Accord lui-même peut s'appliquer pour contribuer à la réalisation de son objectif. Cet objectif est de promouvoir tant l'innovation que le transfert et la diffusion les plus larges possibles de nouvelles technologies. Si l'équilibre espéré est trouvé, tant les détenteurs de droits de propriété intellectuelle que la société dans son ensemble y gagnent – il ne s'agit pas d'un compromis à somme nulle.

C'est une préoccupation centrale en ce qui concerne médicaments et technologies médicales. L'innovation y est vitale – nous avons constamment besoin de nouveaux traitements face à l'évolution des maladies. Mais l'innovation sans un accès concret et équitable aux médicaments n'est guère utile à ceux qui sont en attente d'un traitement. S'il n'y a pas accès aux médicaments, l'innovation ne sert à rien.

L'Accord prévoit donc la protection légitime des inventions pharmaceutiques tout en s'efforçant de promouvoir l'accès aux médicaments. Ainsi les détenteurs de brevets ont l'obligation d'indiquer clairement comment faire fonctionner leurs inventions dans la pratique, afin que d'autres puissent immédiatement mettre en œuvre l'invention brevetée.

L'Accord énonce non moins expressément un certain nombre d'exceptions et de limitations. On y rappelle que les droits conférés par un brevet ne sont pas absolus mais peuvent faire l'objet de limitations ou d'exceptions.

Et on y souligne que tout cela doit se faire "d'une manière propice au bien-être social et économique, et à assurer un équilibre de droits et d'obligations".

Il s'agit donc de parvenir à cet équilibre fragile.

D'un côté, nous devons garantir un accès équitable aux médicaments et, de l'autre, nous devons continuer à soutenir l'innovation requise pour produire de nouvelles avancées.

L'Accord sur les ADPIC forme donc la base d'une grande partie de notre travail à l'OMC. Mais, concrètement, l'OMC est allée beaucoup plus loin pour améliorer l'accès aux médicaments qui nous sont indispensables.

À cet égard, la Déclaration de Doha de 2001 sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique a marqué une étape importante.

Les ministres du commerce du monde entier réunis à Doha y ont mis l'accent sur la gravité des problèmes de santé publique dont souffrent les pays en développement. Ils ont souligné que l'Accord sur les ADPIC devait s'inscrire dans le cadre d'un effort national et international plus vaste visant à résoudre ces problèmes.

De cette déclaration émanait un signal politique fort, à savoir que la politique de santé publique est un élément central pour ce qui est de la propriété intellectuelle et des règles du commerce. Depuis lors, nous avons travaillé avec nos organisations sœurs à une plus grande cohérence de nos politiques et à une collaboration plus étroite sur les questions de santé publique. Cet "impératif de cohérence" passe nécessairement par la reconnaissance de l'importance critique de la dimension des droits de l'homme.

Et, de fait, la Déclaration de Doha a conduit à la toute première modification juridique des règles commerciales de l'OMC.

Il convient de noter que ce tout premier amendement aux règles de l'OMC ne portait ni sur la recherche de débouchés commerciaux ni sur l'accès aux marchés. En fait, son objectif était d'améliorer l'accès aux médicaments dans les pays les plus vulnérables.

Dans le dispositif précédent, les règles limitaient la manière dont les médicaments génériques fabriqués sous licence obligatoire pouvaient être exportés.

Et si vous ne pouviez pas fabriquer les médicaments dans votre pays, les règles rendaient leur importation difficile.

Il s'ensuivait que les pays les plus pauvres risquaient de se heurter à d'énormes difficultés pour accéder aux médicaments essentiels.

Cet amendement a ainsi créé la certitude juridique que les médicaments génériques peuvent être fabriqués sous licence obligatoire expressément pour exportation vers des pays dont la capacité de production dans le secteur pharmaceutique est inexistante ou limitée.

Et il a permis que ces médicaments soient importés en quantités suffisantes.

Ce faisant, il a mis en place un outil permettant d'aider certaines des personnes les plus vulnérables qui souffrent de maladies comme le VIH/SIDA, la tuberculose, le paludisme ou d'autres maladies épidémiques, et faire face à d'autres problèmes de santé publique touchant les pays en développement.

Cet amendement a été adopté en 2005. Mais quand j'ai été nommé Directeur général en 2013 – huit ans plus tard – il n'était toujours pas entré en vigueur. Et la probabilité qu'il le soit semblait très, très faible.

J'en ai donc fait une priorité.

C'est le Groupe africain des Membres de l'OMC qui s'était battu pour cet amendement et l'avait obtenu. C'est pourquoi, avec ces Membres (et d'autres), nous avons lancé une campagne pour le faire entrer en vigueur.

Cela passait par l'acceptation des deux tiers des 164 Membres de l'OMC. En 2013, nous avions encore un long chemin à parcourir pour y parvenir.

Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour sensibiliser le public à cette question et inciter les gouvernements à agir. Grâce à cela, 43 nouvelles acceptations ont été déposées depuis lors.

Et je me réjouis vivement de pouvoir vous dire qu'en janvier dernier, nous y sommes parvenus – nous avons enfin atteint le seuil requis pour l'entrée en vigueur.

C'était un moment très attendu – et les Membres peuvent maintenant se servir de cet amendement comme d'un outil pratique pour l'achat de médicaments.

Même si ces questions qui tournent autour de la propriété intellectuelle ont été au cœur du débat, notamment dans la sphère des droits de l'homme, il y a pléiade d'autres articulations entre commerce et santé. Nous avons travaillé sur de nombreux moyens pour faire en sorte que le commerce des médicaments fonctionne aussi librement et équitablement que possible.

Les initiatives visant à réduire les coûts et les délais d'expédition des médicaments à l'échelle internationale sont particulièrement importantes.

En effet, pour certains PMA, la distance moyenne parcourue par les médicaments qu'ils importent va de 8 000 à 10 000 kilomètres.

Il ressort de chiffres de la Banque mondiale que l'importation d'un conteneur coûte, en moyenne, près de 1 000 dollars aux pays d'Afrique subsaharienne. C'est sept fois plus que pour la moyenne des pays à revenu élevé.

Les délais liés aux formalités sont en moyenne de 250 heures pour l'Afrique subsaharienne, voire de 1 500 heures dans certains cas. Pour la plupart des pays à revenu élevé, par contre, ce chiffre est inférieur à 10, soit quelques heures seulement.

Ces frais commerciaux et ces délais se muent en obstacles à l'accès aux médicaments.

Aussi l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges, entré en vigueur récemment, jouera-t-il un rôle important dans la facilitation de l'accès aux médicaments.

Cet accord vise très concrètement les coûts et les délais que je viens d'évoquer. Il aide avant tout les plus pauvres. Et il garantit que les pays qui ont besoin d'aide pour la mise en œuvre en bénéficieront.

On y trouve même des dispositions sur les denrées périssables. Cela couvre donc de nombreux médicaments, tels que les vaccins dont la date de péremption est à courte échéance.

Il est non moins important d'examiner l'effet des droits de douane sur l'accès aux médicaments.

Ces droits de douane peuvent avoir une incidence sur les médicaments eux-mêmes ou sur les substances qui entrent dans leur composition. Ils peuvent faire grimper les coûts à un stade précoce de la production et de la distribution des médicaments. Ces coûts sont ensuite amplifiés à mesure que les médicaments franchissent les différentes étapes de la filière de distribution.

L'OMC offre aux Membres un cadre juridique pour réduire les droits de douane sur les médicaments de manière non discriminatoire. De fait, un certain nombre de Membres ont accepté d'éliminer entièrement ces droits de douane.

Loin de moi l'idée que ces mesures liées au commerce soient suffisantes en soi ou qu'elles constituent une alternative à d'autres mesures et initiatives urgentes. Mais le commerce peut et doit jouer son rôle, au niveau tant des orientations générales que de la pratique.

Notre coopération étroite avec l'OMS et l'OMPI est essentielle à cet égard. Il en va de même de notre coopération avec l'ensemble de la famille des Nations Unies en vue d'atteindre les Objectifs de développement durable.

Il n'y a pas de vocation plus noble pour la communauté internationale que de travailler ensemble pour faire du droit à la santé une réalité.

C'est une priorité pour nous tous, et cela inclut l'OMC.

Nous continuerons à n'épargner aucun effort pour que le commerce contribue à la concrétisation de ce droit.

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