ALLOCUTIONS — DG ROBERTO AZEVÊDO

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Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Bonjour. Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui à l'Institut de hautes études internationales et du développement, et de me joindre à cette discussion importante concernant la voie à suivre dans le commerce mondial.

Tout d'abord, j'aimerais remercier Monsieur le Vice-Premier Ministre Reynders, le gouvernement belge et le Centre pour le commerce et l'intégration économique pour cette initiative.

On m'a dit que vous aviez eu des discussions très intéressantes jusqu'à présent. Je suis donc heureux d'avoir la possibilité de partager avec vous quelques réflexions après coup.

Le thème du séminaire d'aujourd'hui veut que nous commencions par Buenos Aires. C'est donc ce que nous ferons.

Que s'est-il passé à la onzième Conférence ministérielle? Si des progrès ont été faits, il est clair que les Membres ne sont parvenus à aucun résultat concret.

Il y a maintes raisons à cela — ne soyons pas simplistes là-dessus —, mais l'une des plus importantes est le fait qu'il y avait peu de compromis potentiels qui auraient obligé à faire preuve de flexibilité.

La flexibilité est essentielle dans le processus décisionnel fondé sur le consensus que nous suivons à l'OMC.

Les Membres souhaitant un résultat particulier pensent souvent: "si j'empêche les progrès dans d'autres domaines, les autres accepteront ce que je demande". J'ai moi-même été négociateur, et je sais que beaucoup abordent les négociations de cette manière à l'OMC.

Cette logique ne fonctionne pas toujours:

  • premièrement, il se peut qu'il n'y ait aucune volonté ferme d'obtenir des résultats dans d'autres domaines: les Membres n'auront donc aucune raison d'accéder aux demandes de l'un d'eux; ou
  • deuxièmement, les demandes d'un Membre peuvent être trop onéreuses pour les autres. Si les coûts résultant du fait d'accéder à ces demandes sont supérieurs aux avantages recherchés dans d'autres domaines de négociation, vous avez peu de chances de trouver un moyen d'avancer.

Une analyse minutieuse de ces forces et de ces compromis, si elle avait été réalisée avant Buenos Aires, aurait probablement montré que de telles "tactiques de prise d'otage" ne fonctionneraient pas.

Quelles que soient les circonstances, le problème majeur que pose cette approche est qu'elle n'encourage ni la flexibilité ni la recherche de compromis. Elle encourage plutôt un jeu de "destruction mutuelle assurée" basé sur le principe du tout ou rien.

Un phénomène semblable dans notre système fondé sur le consensus est l'approche basée sur le "risque zéro". Un Membre, face à toute initiative qu'il n'aime pas particulièrement, peut tout simplement empêcher qu'elle soit ne serait-ce qu'examinée. Le résultat d'une telle approche est bien sûr la paralysie, car presque toutes les questions susciteront des oppositions de la part de quelqu'un.

Pour qu'un système fondé sur le consensus fonctionne, les participants doivent avoir à l'esprit que l'utilisation systématique de la possibilité de bloquer les travaux paralysera le système et finira par le détruire.

Ainsi, le seul moyen d'avancer dans ce système fondé sur le consensus est:

  • premièrement, d'accorder de l'importance au système et de le traiter comme un bien commun; et
  • deuxièmement, d'être disposé à faire des compromis et à chercher un terrain d'entente dès le premier jour.

J'ai déclaré, lors de la cérémonie de clôture à Buenos Aires, que si les Membres n'étaient pas prêts à se mettre à la place des autres et à rechercher des compromis, il y avait peu d'espoir. J'ai également dit que les promesses de soutien en faveur du système devaient se traduire par des actes.

J'ai récemment tenu une réunion avec le Groupe ACP à l'OMC et on m'a demandé comment j'envisageais l'évolution de notre travail. C'est la principale question qui se pose aujourd'hui et c'est le thème de ce séminaire.

J'ai souligné que l'Organisation avait considérablement changé au cours des deux dernières décennies.

Aujourd'hui, les Membres les plus grands ne peuvent imposer leurs points de vue et leur programme aux autres. De la même manière, des groupes de Membres, quelle que soit leur taille, ne peuvent pas imposer leurs points de vue aux autres.

Dans cette "nouvelle normalité", nous devons être plus flexibles.

Personne ne devrait être contraint d'accepter ou de négocier quelque chose qu'il ne veut pas, mais, en même temps, chacun devrait être libre de débattre des questions importantes pour lui.

La flexibilité a toujours été une caractéristique du système commercial multilatéral.

Les règles du GATT comportaient déjà des flexibilités, sous différentes formes.

Il en est de même pour les règles de l'OMC.

Les gens voient souvent les disciplines de l'OMC comme un tout indissociable ou comme un ensemble de règles rigide et universel. Cependant, c'est loin d'être le cas. Si nos règles fondamentales s'appliquent à tous, les obligations spécifiques varient considérablement entre les Membres.

Par exemple, les niveaux d'engagement concernant les marchandises sont très différents selon les Membres. Certains ont consolidé 100% de leurs droits de douane; pour d'autres, moins de la moitié des lignes tarifaires sont assujetties à un taux plafond. Certains ont pris des engagements concernant les services dans de nombreux secteurs, alors que d'autres ont des obligations dans quelques secteurs seulement.

S'agissant des accords spécifiques, la flexibilité est là aussi une caractéristique essentielle. Elle est présente:

  • dans le principe de géométrie variable, par exemple dans les initiatives plurilatérales telles que l'Accord sur les marchés publics (qui s'applique uniquement aux signataires) ou l'Accord sur les technologies de l'information (qui repose sur le principe de la nation la plus favorisée); et
  • dans les dispositions de fond, comme celles de l'Accord sur la facilitation des échanges, un accord multilatéral qui prévoit que chaque pays en développement peut demander une assistance technique et décider du rythme de mise en œuvre de chaque engagement spécifique.

Il y a aussi une certaine flexibilité dans la manière d'examiner les différentes questions.

Il a toujours existé différents moyens de mettre des questions sur la table. Il y a toujours eu des Membres déterminés à faire avancer certaines discussions et à assumer plus d'obligations que d'autres.

Prenons l'exemple du Tokyo Round dans les années 1970. À la suite de ces négociations, une série d'accords sur les mesures non tarifaires est apparue. Néanmoins, seul un nombre relativement faible de membres du GATT — principalement des pays industrialisés — ont souscrit à ces accords.

Ces derniers, parce qu'ils n'étaient pas acceptés par la totalité des membres du GATT, étaient souvent officieusement dénommés "Codes". Ils résultaient de travaux menés dans de nombreux domaines, entre autres:

  • les subventions et les mesures compensatoires;
  • les obstacles techniques au commerce (parfois appelé "Code de la normalisation");
  • les mesures antidumping;
  • les licences d'importation;
  • les sauvegardes.

Ces codes n'étaient pas multilatéraux, mais c'était un début et ils ont contribué à faire germer les accords multilatéraux de l'OMC qui existent aujourd'hui.

Petit à petit, des pays en développement plus grands ont commencé à adhérer à ces codes. Le nombre de signataires a commencé à augmenter.

Plusieurs codes ont été modifiés plus tard, lors du Cycle d'Uruguay, et transformés en engagements multilatéraux acceptés par tous les Membres de l'OMC. Il n'a pas été question de "copier-coller" les codes, qui ont plutôt été une source d'inspiration et fourni une base pour les textes du Cycle d'Uruguay.

Cela n'est qu'une illustration du fait que des questions — souvent controversées au début — peuvent être abordées suivant des approches flexibles.

Cela m'amène aux initiatives lancées à Buenos Aires, qui peuvent introduire de nouvelles formes de flexibilité.

Les groupes ouverts créés à la onzième Conférence ministérielle représentent une approche quelque peu nouvelle. Ils répondent au risque de paralysie découlant des objections à toute discussion sur les questions qui ne sont pas encore couvertes par le Programme de travail de Doha, quelle que soit leur importance pour les autres ou pour l'environnement commercial d'aujourd'hui.

D'ailleurs, il est très intéressant de se pencher sur la composition de ces nouveaux groupes.

Ils ne représentent pas la fracture Nord-Sud, contrairement à certaines initiatives datant de l'époque du GATT. Au lieu de cela, ils réunissent des pays développés, des pays en développement et des pays moins avancés, grands et petits. Il n'est pas nécessaire que j'indique le nombre de participants et le poids économique de chaque groupe, car ça, vous le savez déjà.

Je voudrais souligner que ces discussions en sont à un stade très précoce. Il y a une grande différence entre discuter et négocier. Si vous vous réunissez pour simplement examiner une question, vous ne prenez aucun engagement d'aucune sorte. Vous ne prenez certainement pas l'engagement d'entamer des négociations ou de prendre part à celles qui sont initiées par d'autres.

L'avenir nous dira comment ces initiatives évoluent. Il est toutefois essentiel, à mon avis, que ces groupes restent ouverts à tous. En effet, je comprends que les auteurs de ces initiatives récentes souhaitent qu'elles deviennent multilatérales, ce qui est très appréciable.

Pour obtenir ce genre de résultat, les groupes devront incorporer cet objectif dans le processus dès le début. Ils doivent donner à tous les Membres de l'OMC la possibilité de participer dès le départ de manière active et constructive. Toute discussion au sein de ces groupes devrait déjà tenir compte des points de vue des autres, y compris de ceux qui ne sont pas présents.

Nous verrons comment ces travaux évolueront. Comme je l'ai souligné à maintes reprises, cela dépendra des proposants. Il leur appartient de faire avancer ces initiatives comme ils l'entendent.

Toutefois, nous devons nous demander pourquoi les Membres ont décidé de créer ces groupes.

Si vraiment il y a une question qui est importante pour vous, mais pas forcément pour tous les Membres, vous avez deux options pour la faire avancer:

  • en dehors de l'OMC; ou
  • au sein de l'OMC, soit avec tous les Membres, soit avec ceux qui sont disposés à participer.

Si nous menons ces discussions en dehors de l'OMC, le danger est qu'elles ne soient pas ouvertes à tous et le scénario le plus probable est qu'elles reviennent à l'OMC ultérieurement. Quand c'est le cas, ceux qui ne participaient pas aux discussions auront manqué l'occasion d'apporter leurs contributions et d'influencer les résultats. C'est pourquoi je préférerai toujours des initiatives totalement ouvertes et transparentes, offrant à chacun une chance d'influencer les discussions s'il le souhaite.

Toutefois, ne perdons pas de vue le contexte de ces travaux. À ce stade, les initiatives que j'ai mentionnées sont simplement des discussions entre des Membres partageant les mêmes idées sur des questions qu'ils jugent économiquement et politiquement importantes.

Permettez-moi d'être clair: ce n'est pas parce que nous tenons ces discussions que nous abandonnons les questions qui sont déjà sur la table et sur lesquelles il faut avancer. Ces dernières incluent des questions auxquelles les Membres de l'OMC, développés et en développement, tiennent beaucoup, comme le soutien interne dans le domaine de l'agriculture, la sécurité alimentaire et le développement, entre autres.

Les Membres — y compris les proposants membres de ces groupes ouverts — n'abandonnent aucune de ces discussions. Ils tiennent à ces discussions. À Buenos Aires, et dans mes réunions avec les Ministres avant, pendant et après la Conférence, j'ai observé un désir manifeste de poursuivre ces débats et de trouver des moyens d'aller de l'avant. En fait, on peut même faire valoir que cela ajoute d'autres éléments au mélange, ce qui pourrait aider à faire des progrès dans d'autres domaines où nous ne sommes pas parvenus à progresser depuis très longtemps.

Cela me ramène à la question qui fait l'objet du séminaire d'aujourd'hui, à savoir: "Les accords plurilatéraux: la nouvelle voie à suivre dans le commerce mondial?"

À mon avis, l'avenir ne repose pas sur les accords plurilatéraux. L'avenir, c'est la flexibilité.

Les initiatives plurilatérales pourraient en faire partie, mais, comme je l'ai indiqué, il y a des façons de procurer une flexibilité dans le cadre d'approches multilatérales également. L'Accord sur la facilitation des échanges en est l'exemple le plus évident.

La flexibilité ne conduira pas à la fragmentation. En fait, dans un système qui compte 164 Membres de tailles différentes, ayant des priorités différentes et se trouvant à différents stades de développement, la flexibilité est précisément le moyen d'éviter la fragmentation.

Le succès de l'Accord sur la facilitation des échanges a été, et reste, une grande force, dynamisante et unificatrice, pour les Membres de l'OMC. Cela a montré que la flexibilité et la recherche d'un terrain d'entente pouvaient apporter des avantages pour tous. La structure de l'AFE n'est certainement pas une panacée. Elle ne fonctionnera pas à chaque fois et en toutes circonstances, mais elle montre que des solutions peuvent être trouvées si nous sommes vraiment attachés au multilatéralisme.

Ainsi, j'exhorte tous les Membres à réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer de façon créative le fonctionnement de l'Organisation.

Nous devons faire en sorte que l'OMC réponde du mieux possible aux intérêts des Membres, et qu'en travaillant ensemble nous puissions parvenir aux résultats positifs que nous espérons tous.

Merci.

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