ALLOCUTIONS — DG ROBERTO AZEVÊDO

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Mesdames et messieurs,

Bonjour. C'est avec grand plaisir que je me joins à vous aujourd'hui pour célébrer le centenaire de la CCI.

Cent ans d'efforts en faveur de la paix et de la prospérité.

Cent ans de défense de la coopération dans le monde entier.

C'est une histoire remarquable. La CCI était présente aux débuts du multilatéralisme et elle travaille toujours aujourd'hui à le renforcer.

En tant que Directeur général de l'OMC, je tiens à dire combien j'apprécie le soutien de la CCI.

Pour façonner le commerce mondial, il est essentiel que les voix de tous les groupes d'intérêts et de toutes les parties prenantes soient entendues. À ce titre, les milieux d'affaires ont une importance capitale.

La CCI permet aux entreprises de faire entendre leur voix dans le débat sur le commerce. Et je pense que notre partenariat a récemment franchi une nouvelle étape. Nous avons uni nos forces dans le cadre de l'initiative "Dialogues sur le commerce", de l'initiative "Small Business Champions" et bien d'autres, et nous avons obtenu des résultats concrets.

Je reviendrai sur ce point, mais je tiens à souligner que, d'aussi loin que je me souvienne, au cours des nombreuses années que j'ai passées à travailler sur les questions concernant le commerce et l'OMC, la mobilisation des entreprises n'a jamais été plus grande, et jamais cet engagement n'a eu autant d'importance.

Alors que se profile un nouveau siècle de multilatéralisme, les défis sont légion. Les entreprises et la CCI ont un rôle essentiel à jouer pour y faire face et définir la voie à suivre.

Permettez-moi donc de dire quelques mots sur ce que cela signifie pour le système commercial.

Vous connaissez tous la situation actuelle du commerce mondial.

Les tensions s'exacerbent. En 2018, de nouvelles mesures restrictives ont été imposées à des échanges dont le montant avoisinait 580 milliards de dollars, soit plus de sept fois le niveau atteint l'année précédente. C'est un coup porté à la croissance du commerce.

Nous avons publié la semaine dernière notre indicateur trimestriel des perspectives du commerce mondial, qui donne des indications initiales sur la trajectoire de la croissance du commerce, à son plus bas niveau depuis dix ans.

Les mesures clés du commerce concernant les commandes d'exportation, le transport aérien international de marchandises, les matières premières agricoles, les composants électroniques et la production et la vente de véhicules automobiles étaient toutes bien en deçà de la tendance. Et l'analyse ne tient pas compte de certaines mesures commerciales notables qui ont été annoncées ces derniers jours.

L'une des façons dont le système commercial sert l'activité des entreprises consiste à leur apporter sécurité et stabilité. Mais en l'état actuel des choses, cet objectif est compromis.

Nous nous trouvons dans une situation profondément incertaine. Cela pèse sur l'investissement et sur la consommation.

Si nous laissions les choses empirer, cela pourrait avoir des effets délétères à long terme sur l'économie. Un effondrement généralisé de la coopération commerciale pourrait avoir des effets comparables à ceux de la crise financière.

L'OMC met tout en œuvre pour apaiser les tensions. Nous traitons un nombre record de différends et nous faisons tout notre possible pour aider à répondre aux préoccupations des Membres. Certains voient aussi la réforme de l'OMC elle-même comme un pas vers la résolution de certains de ces problèmes. Les dirigeants du G-20 ont appelé à une telle réforme.

Pour envisager la marche à suivre, je pense que nous devons adopter une vue d'ensemble. Il est important d'avoir conscience que les tensions actuelles ne sont pas apparues subitement. Elles sont liées à des questions géopolitiques et alimentées par le sentiment généralisé d'insécurité économique qui prévaut actuellement.

Les travailleurs sont pris en tenaille entre les effets persistants de la crise de 2008 et la quatrième révolution industrielle qui transforme le marché du travail. Ces forces combinées alimentent un sentiment de peur et d'incertitude face à l'avenir, ce qui a contribué à la montée d'une certaine hostilité à l'égard du commerce et même plus généralement de tout ce qui est étranger.

Un élément important, ici, est la perception selon laquelle le commerce est responsable des pertes d'emplois et des délocalisations. En réalité, ce sont l'innovation et l'accroissement de la productivité découlant de la technologie, et non le commerce, qui sont principalement à l'origine des disparitions d'emplois.

Toutefois, indépendamment des causes, il est clair que les gens se sentent laissés-pour-compte en raison de la vitesse des changements économiques. Et ils ne pensent pas que les institutions existantes disposent des moyens nécessaires pour les protéger.

D'une manière générale, l'économie moderne ne fait pas disparaître d'emplois - elle les transforme et les remplace par d'autres emplois. En fait, il y a davantage de créations d'emplois que de suppressions. La vraie question est le manque de compétences nécessaires pour occuper les nouveaux postes et le bouleversement que cela cause dans la vie des gens.

Cela nécessite une action au niveau de la politique intérieure pour aider les travailleurs à s'adapter. Les gouvernements cherchent à trouver des solutions à leur manière.

Mais asphyxier les échanges, ou réduire les échanges entre nations, n'aidera personne.

Le commerce et le système commercial multilatéral ont contribué à bâtir un monde plus prospère et nous devons faire en sorte que cela continue d'être le cas - de manière plus inclusive encore.

Le monde change rapidement. Si nous ne voulons pas être dépassés, nous devons être prêts, nous aussi, à changer.

Et cela me ramène à la question de la réforme et de la voie que devra emprunter le système commercial.

J'essaie de faire progresser les réformes à l'OMC depuis que je suis devenu Directeur général. À cet égard, la CCI a été un allié précieux. Et nous avons récemment enregistré quelques réussites importantes et conclu une série d'accords novateurs, qui sont actuellement mis en œuvre.

Le débat concernant la réforme n'en est qu'à ses débuts, mais un certain nombre d'idées sur la manière de moderniser l'organisation de façon inclusive sont déjà proposées.

Les Membres se concentrent sur certaines questions telles que le renforcement de l'action des organes et comités permanents, qui surveillent la mise en œuvre des règles actuelles de l'OMC par les Membres.

Ils réfléchissent aussi aux réponses à apporter aux questions concernant le système de règlement des différends de l'OMC et notamment à la manière de sortir au plus vite de l'impasse concernant les désignations à l'Organe d'appel.

Enfin, ils examinent la façon dont nous pourrions améliorer le processus de négociation à l'OMC - y compris en envisageant de nouvelles flexibilités et en adoptant des approches innovantes.

Si nous voulons que le système commercial réponde réellement aux besoins des entreprises, il est fondamental de mettre à jour l'ensemble des règles.

La question principale est de savoir si nous pouvons ou non avancer de manière multilatérale, en associant tous les Membres.

Nous devons trouver des moyens innovants de donner une nouvelle énergie et un nouvel élan aux questions multilatérales qui nous préoccupent depuis longtemps. Il s'agit notamment de questions comme l'agriculture et la sécurité alimentaire, ainsi que les négociations sur les subventions à la pêche préjudiciables. Ces dernières sont un sujet très important et les Membres s'efforcent de respecter la date limite fixée à la fin de l'année pour trouver un accord.

Je suis certain que nous pouvons obtenir des résultats dans un cadre multilatéral, mais il est aussi indéniable que, dans de nombreux domaines, il s'est révélé difficile de faire avancer les choses.

C'est pourquoi nous voyons actuellement de nombreux Membres se concentrer sur les efforts plurilatéraux au sein de l'OMC - cela traduit leur lassitude face à l'absence de progrès dans d'autres domaines. Cela montre aussi qu'il est nécessaire d'apporter une réponse plus rapide à un certain nombre de questions très urgentes.

Vous êtes sans doute au courant des initiatives conjointes qui sont actuellement lancées par de grands groupes de Membres. Nul n'est tenu d'y participer, mais elles demeurent ouvertes à tous.

L'élan donné à ces travaux émane en partie du secteur privé.

Après le succès des conférences ministérielles de Bali et de Nairobi, la CCI et le B20 ont organisé à l'OMC un premier événement à destination des entreprises, dans le cadre de notre initiative "Dialogues sur le commerce".

Les échanges qui ont eu lieu ont aidé à définir certaines questions qui prennent de plus en plus d'importance sur le plan économique pour le secteur privé.

Cet appel à agir a été lancé en 2016. Dès l'année suivante, les Membres y avaient répondu.

À la Conférence ministérielle de Buenos Aires, en 2017, de grands groupes de Membres ont lancé des initiatives conjointes concernant le commerce électronique, la facilitation de l'investissement, les petites entreprises et l'autonomisation économique des femmes.

La semaine dernière a été lancée une autre initiative conjointe sur la réglementation intérieure dans le domaine des services.

Et, dans chaque cas, il existe une véritable dynamique.

À ce jour, 77 Membres de l'OMC représentant 90% du commerce mondial ont entamé des négociations sur les aspects du commerce électronique qui ont trait aux échanges.

Compte tenu de tous ces éléments, je pense que nous entrons dans une période charnière.

Des échéances importantes nous attendent.

Par exemple, le sommet du G-20 se tiendra au Japon à la fin du mois prochain et les dirigeants voudront un compte rendu des progrès concernant la réforme de l'OMC.

Et à notre douzième Conférence ministérielle, qui aura lieu au Kazakhstan en juin de l'année prochaine, les Membres entendront obtenir de nouveaux résultats négociés.

Pour le secteur privé, c'est le moment de réfléchir à ce qu'il attend du système commercial et de le dire au reste du monde.

Nous avons établi les canaux de communication qui le permettent.

Les "Dialogues sur le commerce" avec les entreprises, que nous avons mis en place à la demande de la CCI et du B20, auront une importance capitale.

La semaine dernière, la CCI et le B20 ont lancé une plate-forme en ligne afin de faire progresser ce dialogue.

L'objectif est de parvenir à un niveau de discussion encore plus précis et même de suggérer des idées de libellés juridiques qui pourraient être examinées par les Membres de l'OMC. J'attends avec intérêt de prendre connaissance des résultats de ces discussions au cours du Forum public de l'OMC en octobre de cette année et de savoir à quelles questions vous estimez que les Membres devraient accorder la priorité dans le cadre de la Conférence ministérielle. Je pense qu'il s'agit vraiment d'un débat important et je vous encourage vivement à tous y participer.

Ce centenaire est l'occasion de nous rappeler pourquoi tout cela est si important.

La création de la CCI était un geste d'audace, une déclaration d'intention quant au rôle positif que les entreprises pouvaient jouer dans le monde.

Alors que nous entrons dans une nouvelle ère de multilatéralisme, nous devons retrouver cet état d'esprit. Nous avons besoin de votre audace, nous avons besoin d'ambition et d'innovation afin d'améliorer et de renforcer le système commercial pour l'avenir. Je me réjouis à la perspective de travailler avec vous dans ce sens.

Je vous remercie.

 

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