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DOHA WTO MINISTERIAL 2001: NOTES D'INFORMATION

ACCORDS COMMERCIAUX RÉGIONAUX 

Le régionalisme et le système commercial multilatéral

La plupart des Membres de l'OMC sont maintenant aussi parties à des accords commerciaux régionaux (ACR). Le nombre, la portée et le champ d'application de ces accords se sont considérablement accrus, et leur nombre ne cesse d'augmenter. On estime que plus de la moitié du commerce mondial s'effectue maintenant dans le cadre d'accords commerciaux préférentiels. Des ACR sont en vigueur sur chaque continent. Les plus connus d'entre eux sont l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ainsi que ceux ayant donné naissance à l'Union européenne, à l'Association européenne de libre-échange (AELA), au Marché commun du Sud (MERCOSUR), à l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) et au Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA).

Dès sa création, le GATT — et maintenant l'OMC — a permis aux pays Membres d'établir des unions douanières et des zones de libre-échange, à titre d'exception au principe fondamental de non-discrimination énoncé dans la clause de la nation la plus favorisée de l'article premier. Les conditions applicables au commerce des marchandises sont énoncées à l'article XXIV du GATT. En règle générale, elles disposent qu'un ACR devrait avoir pour objet de faciliter le commerce entre les territoires constitutifs et non d'opposer des obstacles au commerce d'autres Membres de l'OMC non parties à l'ACR. Pendant le Cycle d'Uruguay, l'article XXIV a été clarifié dans une certaine mesure et mis à jour avec l'adoption d'un mémorandum d'accord sur son interprétation. Les arrangements préférentiels concernant le commerce des marchandises entre les pays en développement Membres sont régis par une “Clause d'habilitation” datant de 1979. Pour ce qui est du commerce des services, la conclusion d'un ACR est régie par l'article V de l'AGCS.

Les Membres de l'OMC qui concluent des accords préférentiels non réciproques auxquels sont parties des pays en développement et des pays développés doivent demander une dérogation aux règles de l'OMC. Parmi les exemples les mieux connus de tels accords, mentionnons la Loi relative au redressement économique du Bassin des Caraïbes et l'Accord de Cotonou, lequel a été signé récemment par les CE et les pays ACP pour remplacer la Convention de Lomé; la demande de dérogation pour ce dernier accord est encore à l'examen à l'OMC.

 

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Travaux du Comité des accords commerciaux régionaux

À l'époque du GATT, l'examen de chaque ACR était confié à un groupe de travail particulier. Par souci de cohérence, le Conseil général a créé en février 1996 un comité chargé de surveiller tous les ACR: le Comité des accords commerciaux régionaux. En plus d'examiner les différents accords régionaux, le Comité a pour autre tâche importante d'examiner les conséquences systémiques des ACR pour le système commercial multilatéral et les relations entre ces accords. Il est également chargé d'élaborer des procédures destinées à faciliter et à améliorer le processus d'examen, et de veiller à ce que les parties aux accords rendent dûment compte de l'application des accords régionaux.

Jusqu'à présent, plus de 200 ACR ont été notifiés au GATT/à l'OMC. Parmi ceux-ci, 121 accords notifiés au titre de l'article XXIV du GATT, 19 accords notifiés au titre de la Clause d'habilitation et 12 accords notifiés au titre de l'article V de l'AGCS sont toujours en vigueur. Le Comité procède actuellement à l'examen de plus d'une centaine d'accords.

  • Depuis sa création, le Comité a réussi à structurer et à améliorer le processus d'examen, en particulier pour ce qui est du calendrier des examens et de la présentation normalisée des renseignements de base concernant les ACR. Au cours des trois dernières années, il s'est employé à trouver des moyens d'évaluer chaque accord au regard de sa compatibilité avec les dispositions correspondantes de l'Accord sur l'OMC. Ces critères juridiques sont toutefois sujets à différentes interprétations par les Membres et aucun consensus n'a encore pu être trouvé à ce sujet. Les rapports sur l'examen de divers ACR ne cessent donc de s'accumuler.

  • L'expansion et la portée des accords commerciaux régionaux font qu'il est important d'analyser si le système de droits et obligations de l'OMC, dans la mesure où il se rapporte aux accords commerciaux régionaux, doit être encore clarifié. Les Membres de l'OMC ne s'entendent pas sur la question de savoir si les ACR favorisent ou entravent le développement du système commercial multilatéral, c'est-à-dire sur la question de savoir si ce sont des pierres de l'édifice, ou de pierres d'achoppement. Selon certains, du fait qu'ils évoluent en général plus rapidement que le système commercial multilatéral, les ACR constituent un moyen de le renforcer. On a d'ailleurs souligné les effets favorables des ACR sur l'intégration des pays en développement dans l'économie mondiale. D'autres Membres considèrent qu'il est nécessaire, dans la situation actuelle, de redéfinir le rapport entre les ACR et le système commercial multilatéral pour parvenir à une meilleure synergie entre les deux. On fait valoir qu'une nouvelle réinterprétation des règles définies il y a 50 ans ne suffirait pas à prendre en compte les changements fondamentaux qui sont intervenus dans la nature et la portée des ACR — s'agissant non seulement de la portée géographique mais aussi du champ d'application — ainsi que le chevauchement croissant de la participation à ces accords.

 

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Les enjeux

Les questions soulevées par le débat sur le régionalisme sont pluridimensionnelles et liées entre elles. Certaines questions ont un caractère essentiellement juridique. Par exemple, l'article XXIV dispose que l'ACR doit porter sur “l'essentiel des échanges commerciaux” entre les membres constitutifs, et l'article V de l'AGCS pose également comme condition que l'accord “couvre un nombre substantiel de secteurs” de services. Mais les Membres ne s'entendent pas sur le sens de ces expressions et, en fait, bon nombre d'accords ne s'appliquent pas à des secteurs importants et sensibles tels que l'agriculture et les textiles. D'où les difficultés rencontrées par les Membres de l'OMC lorsqu'il s'agit d'évaluer la conformité des ACR.

D'autres questions ont un caractère plus institutionnel et font ressortir les divergences pouvant exister entre les règles énoncées dans les ACR et celles du système de l'OMC. Les règles commerciales ont évolué au fil des ans: alors qu'elles concernaient au départ la réduction des droits de douane, elles concernent aujourd'hui la politique de réglementation, tant aux niveaux régional que multilatéral. Il en est ainsi, par exemple, dans des domaines tels que les mesures antidumping, les subventions ou les normes; et cela est d'autant plus vrai depuis que certains ACR récents renferment des dispositions non couvertes par l'Accord sur l'OMC, comme celles concernant les politiques en matière d'investissement ou de concurrence.

Enfin, et surtout, il y a la dimension économique. Aujourd'hui, elle va bien au-delà des effets des préférences tarifaires sur les parties aux ACR et les tierces parties. Étant donné le nombre important et croissant d'accords de libre-échange et le chevauchement de la participation à ces accords, c'est l'incidence des accords régionaux sur la configuration et le développement du commerce international lui-même qui est en cause. Quelles que soient les décisions prises à Doha, ce sera l'un des défis les plus importants auxquels seront confrontés les responsables de la formulation des politiques commerciales sur tous les continents au cours des années à venir.

À Seattle, certains Membres de l'OMC voulaient que l'examen de l'article XXIV du GATT et de l'article V de l'AGCS soit inscrit au programme de la Conférence ministérielle de l'OMC. Compte tenu de l'accumulation des rapports d'examen en suspens et de la question de la compatibilité avec les règles de l'OMC d'ACR importants qui sont à l'examen, le rapport entre le régionalisme et le multilatéralisme est devenu une question systémique cruciale sur laquelle devront probablement se prononcer les responsables politiques à l'occasion de la prochaine Conférence ministérielle de l'OMC à Doha.