RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS: S.E. M. SHAHID BASHIR


Le règlement des différends à l’OMC en 2012

J'ai eu l'honneur d'exercer les fonctions de Président de l'ORD du 23 mars 2012 au 27 février 2013. À la réunion de l'ORD tenue le 27 février, j'ai passé les rênes de cet organe de l'OMC à la fois intéressant et extrêmement actif à S.E. M. Jonathan Fried, Ambassadeur et Représentant permanent du Canada auprès de l'OMC.

 

S.E. M. Mr Shahid BASHIR
Président de l'ORD 2012-2013

Comme les présidents de l'ORD qui m'ont précédé, j'aimerais partager avec vous mes réflexions sur l'activité de règlement des différends de l'OMC en 2012 et faire quelques observations générales au sujet du système de règlement des différends de l'OMC lui-même.

Mes prédécesseurs ont vanté les excellents résultats et la remarquable efficacité du système de règlement des différends de l'OMC. Je reprends leurs sentiments à mon compte, comme beaucoup d'autres l'ont fait. Mais ce qui est plus important, c'est que les Membres de l'OMC continuent d'avoir une grande confiance dans ce système. Qu'il s'agisse de pays développés ou de pays en développement, ils continuent d'y avoir recours pour résoudre leurs différends, comme le montre le tableau suivant1:

 

Figure 1: Plaignants/défendeurs les plus fréquents

Membre

Nombre d'affaires engagées

Membre

Nombre d'affaires défendues

États-Unis

105

États-Unis

119

CE/UE

87

CE/UE

882

Canada

33

Chine

30

Brésil

26

Indie

22

Méxique

23

Argentine

22

Indie

21

Canada

17

Argentine

18

Japon

15

Japon

17

Brésil

14

Corée

15

Méxique

14

Thaïlande

13

Corée

14

En fait, mon service en tant que Président de l'ORD a coïncidé avec un nombre record de demandes de consultations reçues en une seule année après 2002, comme le montre le diagramme suivant3:

 

Figure 2: Consultations par année

 

2012 — Le monde extérieur est venu frapper à la porte

Le système de règlement des différends de l'OMC est un moyen très efficace de trouver des solutions positives aux différends entre les Membres. Le graphique ci-après démontre que les différends sont souvent réglés avant d'atteindre le stade du groupe spécial4:

 

Figure 3: Consultations, groupes spéciaux et appels

Quand les consultations ne permettent pas de régler le différend, cependant, les Membres s'adressent à l'ORD en sa qualité de gardien du système de règlement des différends de l'OMC pour qu'il les aide au cours des étapes suivantes à régler les problèmes qui les préoccupent.

Au fil du temps, l'ORD a été amené à connaître d'une grande variété de questions formant l'objet des différends. Certains de ces différends sont de classiques désaccords commerciaux, tandis que d'autres portent sur ce qu'on appelle parfois des problèmes “mondiaux” ou des préoccupations du XXIe siècle. Le diagramme ci-après donne un aperçu, par Accord de l'OMC, de la diversité des sujets qui constituent la base des différends portés devant l'OMC5:

 

Figure 4: Consultations par Accord

Les différends portant sur ce qu'on pourrait appeler des problèmes “mondiaux” sont par exemple les différends concernant la réglementation relative à l'emballage du tabac et des produits à base de tabac. À la réunion de l'ORD consacrée à l'établissement du groupe spécial chargé d'examiner une plainte de ce type6, plusieurs Membres ont évoqué le droit de protéger la santé publique de leurs citoyens, les mesures de lutte contre le tabagisme et la protection des droits de propriété intellectuelle des détenteurs de marques de commerce.7 Peut-être en raison des implications mondiales de cette affaire, ce groupe spécial détient le record du plus grand nombre de Membres (35) qui ont réservé leur droit de participer à un différend en tant que tierces parties.

Les différends soulevant des questions de protection de l'environnement sont un autre exemple de différends relatifs à des “problèmes mondiaux” ou à des préoccupations du XXIe siècle. Plusieurs procédures qui ont été engagées ou étaient en cours en 2012 ont soulevé des questions liées à ce qu'on appelle parfois des programmes d'“énergie verte” ou d'“énergie renouvelable”.8 En fait, deux rapports récents de l'Organe d'appel traitent entre autres choses des prescriptions relatives à la teneur en éléments nationaux imposées aux producteurs d'électricité utilisant les technologies solaire et éolienne9, tandis qu'une récente demande de consultations se rapporte à une plainte au sujet de mesures concernant les cellules solaires et les modules solaires.10 

Les récents différends liés à l'exploitation durable des ressources naturelles témoignent aussi de la nature mondiale de certains différends. À ce jour, un total de six procédures ont été engagées au sujet de mesures relatives aux matières premières et aux terres rares. Deux groupes spéciaux ont été établis afin d'examiner trois affaires engagées chacune à l'encontre d'un Membre et près de 20 Membres participent en tant que tierces parties à la procédure de groupe spécial qui est en cours.11

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une question nouvelle dans les différends portés devant l'OMC12, le bien-être des animaux a donné lieu à un examen dans le cadre de différends qui étaient en cours en 2012. Deux de ces différends se rapportent au traitement des phoques, tandis qu'un autre, tranché par l'Organe d'appel début 2012, traitait de la protection des dauphins.13

Trois différends au titre de l'Accord OTC ont été tranchés par l'Organe d'appel en 2012. L'un concernait une interdiction des cigarettes aux clous de girofle et autres cigarettes aromatisées14; un autre se rapportait à une prescription en matière d'étiquetage relatif aux méthodes de pêche sans risque pour les dauphins15; et le troisième avait pour objet une prescription en matière d'étiquetage indiquant le pays d'origine.16 Jusqu'à la publication des rapports relatifs à ces différends, il y avait une jurisprudence relativement limitée au titre de l'Accord OTC. Ces trois affaires ont enrichi considérablement le corpus juridique dans ce domaine, en précisant le sens de plusieurs dispositions OTC.

Par exemple, la nouvelle jurisprudence OTC traite du droit des Membres d'adopter des règlements techniques afin d'atteindre des “objectifs légitimes” tels que la réduction du tabagisme chez les jeunes, l'information des consommateurs sur l'origine des produits et la contribution à la protection des dauphins. Les récentes décisions précisent en outre que la question de savoir si de tels règlements seraient considérés comme plus restrictifs pour le commerce qu'il n'est nécessaire (et donc incompatibles avec les règles de l'OMC) est liée à la contribution de ces règlements à la réalisation de l'objectif considéré.17 Elle traite en outre du sens de l'expression “normes internationales pertinentes” dans l'Accord OTC; les Membres sont tenus d'utiliser ces normes comme base de leurs règlements techniques et il est donc important de comprendre quelles normes remplissent les conditions requises.18La nouvelle jurisprudence précise en outre les obligations des Membres en ce qui concerne la notification aux Membres, par l'intermédiaire du Secrétariat, des produits qui seront visés par un règlement technique projeté19, et en ce qui concerne le respect d'un délai raisonnable entre la publication des règlements techniques et leur entrée en vigueur.20

While there were several such “global” or 21st century disputes  brought before the WTO dispute settlement system in 2012, Members also continued to use the system to resolve more “traditional” disputes. Thus, there was no shortage of disputes under the Anti-Dumping Agreement, the Safeguards Agreement, the SCM Agreement, and the SPS Agreement, among others.

Si plusieurs différends ayant ainsi une dimension “mondiale” ou relevant du XXIe siècle ont été portés devant le système de règlement des différends de l'OMC en 2012, les Membres ont aussi continué d'utiliser ce système pour résoudre des différends plus “traditionnels”. Ainsi, les différends au titre de l'Accord antidumping, de l'Accord sur les sauvegardes, de l'Accord SMC et de l'Accord SPS, entre autres, n'ont pas été rares.

L'année 2012 a vu en outre la reprise des affaires relatives aux aéronefs opposant l'Union européenne et les États-Unis — affaires communément appelées Airbus et Boeing21 sous forme de groupes spéciaux de la mise en conformité au titre de l'article 21:5 du Mémorandum d'accord. Les deux procédures ont pour objet de déterminer si le Membre défendeur a pris des mesures pour se conformer aux recommandations et décisions rendues antérieurement par l'ORD en l'espèce.

Enfin, après un intervalle de quelques années sans aucun arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord afin de déterminer le délai raisonnable pour la mise en œuvre des recommandations et décisions de l'ORD, l'un des différends au titre de l'Accord OTC a fait l'objet d'un tel arbitrage.22 M. Giorgio Sacerdoti, ancien membre de l'Organe d'appel, a été choisi par le Directeur général pour exercer les fonctions d'arbitre dans cette affaire.23 Bien que cela ne soit pas prescrit par le Mémorandum d'accord, tous les arbitrages au titre de l'article 21:3 c) ont été dirigés par des membres ou d'anciens membres de l'Organe d'appel. Ceux-ci s'acquittent de cette tâche à titre personnel et sont assistés par le secrétariat de l'Organe d'appel.

 

Questions de procédure en 2012

La transparence est un thème récurrent à l'OMC. Un certain nombre d'aspects procéduraux liés à la transparence sont apparus en 2012 dans le contexte des différends soumis à l'OMC. Ces aspects concernent les auditions ouvertes, la distribution “à l'avance” des décisions préliminaires et les mémoires d'amici curiae

    (i) Auditions ouvertes

Traditionnellement, les procédures de règlement des différends de l'OMC sont confidentielles jusqu'à la distribution du rapport du groupe spécial ou de l'Organe d'appel. Cependant, à plusieurs reprises ces dernières années, les groupes spéciaux, l'Organe d'appel et les arbitres ont ouvert au public leurs auditions (appelées “réunions” dans le cadre du système de règlement des différends de l'OMC) avec les parties en litige. 2012 n'a pas fait exception.

Pour deux auditions devant des groupes spéciaux, les membres du public ont été autorisés à suivre la réunion du groupe spécial, sur un écran de télévision en circuit fermé, dans une salle de réunion de l'OMC.24 De même, l'Organe d'appel a ouvert l'une de ses audiences au public.25 Les parties en litige dans ces affaires, à savoir le Canada, les États-Unis, le Japon, le Mexique et l'UE, avaient accepté cette procédure.

    (ii) Décisions préliminaires

Les rédacteurs des Accords de l'OMC, et du Mémorandum d'accord en particulier, n'avaient apparemment pas prévu ce qui est devenu presque courant ces dernières années dans la procédure de groupe spécial — la demande de décision préliminaire.

Une décision préliminaire est demandée quand une partie à un différend demande à un groupe spécial (ou, moins souvent, à l'Organe d'appel) de faire une détermination préalable au sujet d'une question qui, souvent, est essentiellement procédurale, ou qui a trait à la sphère de compétence. Bien que de nombreux groupes spéciaux aient rendu de telles décisions au cours des ans, généralement seules les parties en litige (et parfois les tierces parties) sont informées de ces décisions au moment où elles sont rendues, tandis que le reste des Membres n'en ont connaissance qu'à la distribution du rapport final du groupe spécial, dans lequel elles sont incorporées. Ainsi, au début de 2012, il était arrivé quatre fois seulement qu'un groupe spécial diffuse sa décision préliminaire avant la distribution de son rapport final.26

En 2012, un groupe spécial chargé d'examiner deux différends a distribué à l'ensemble des Membres deux décisions préliminaires peu après les avoir signifiées aux parties en litige — autrement dit, ce groupe spécial n'a pas attendu la distribution de son rapport final pour faire connaître sa décision préliminaire à l'ensemble des Membres.27 Plus récemment, deux groupes spéciaux composés à la fin de 2012 ont fait distribuer leurs décisions préliminaires au début de 2013.28 Cela amène à se demander si la distribution “à l'avance” des décisions préliminaires deviendra un élément plus habituel du système de règlement des différends de l'OMC. Il est à noter que, chaque fois qu'ils ont fait distribuer des décisions préliminaires avant la diffusion de leur rapport final, les groupes spéciaux ont indiqué explicitement que ces décisions faisaient partie intégrante du rapport final.29  

    (iii) Mémoires d'amici curiae

Il est bien établi que seuls les Membres de l'OMC ont le droit de participer en tant que parties ou tierces parties aux différends soumis à l'OMC. Cependant, les questions soulevées dans le cadre de ces différends suscitent souvent un intérêt public considérable. Cet intérêt redouble quand les différends portent sur des questions telles que la santé publique, l'environnement ou le bien-être des animaux. Parfois, les groupes spéciaux et l'Organe d'appel reçoivent des mémoires d'amici curiae provenant de groupes d'intérêts qui souhaitent que leur point de vue, qui n'est pas nécessairement le même que ceux des parties en litige, soit présenté au Groupe spécial ou à l'Organe d'appel.

Un rapport de l'Organe d'appel distribué en 2012 a révélé que l'Organe d'appel avait reçu dans le cadre de l'affaire considérée quatre mémoires d'amici curiae distincts non demandés provenant d'organisations qui s'intéressent au bien-être des animaux, d'un organisme international de normalisation et d'une personne privée.30 Les participants et participants tiers à cette procédure d'appel ont eu la possibilité d'exprimer à l'audience leurs vues au sujet de ces mémoires. Le rapport de l'Organe d'appel indique que la section connaissant de cet appel n'a pas jugé nécessaire de s'appuyer sur ces mémoires d'amici curiae pour rendre sa décision.31

Depuis 1995, date de mise en œuvre du système de règlement des différends de l'OMC, un total de 36 rapports de groupes spéciaux et de l'Organe d'appel mentionnent la réception de mémoires d'amici curiae, ce qui représente un faible pourcentage du nombre total de rapports de groupes spéciaux et de l'Organe d'appel adoptés depuis 1995 (173 et 109, respectivement, au 31 décembre 2012).

 

Mise en œuvre des recommandations et décisions de l'ORD

L'ORD tient une réunion ordinaire chaque mois et peut tenir des réunions spéciales supplémentaires à la demande de tout Membre. Plusieurs points apparaissent régulièrement à l'ordre du jour mensuel, dont le point intitulé “Surveillance de la mise en œuvre des recommandations adoptées par l'ORD”. En examinant ce point à ses réunions mensuelles, l'ORD exécute son mandat au titre de l'article 21:6 du Mémorandum d'accord, qui lui impose de tenir sous surveillance la mise en œuvre des recommandations ou décisions adoptées. Bien que les recommandations et décisions rendues par l'ORD dans le cadre d'un différend donné ne soient contraignantes que pour les parties à ce différend, il est dans l'intérêt de tous les Membres de donner suite dans les moindres délais aux recommandations et décisions de l'ORD, car cela garantit l'efficacité du mécanisme de règlement des différends. La surveillance de la mise en œuvre est donc une fonction importante de l'ORD.

Après avoir présidé plusieurs réunions de l'ORD et suivi les débats sur ce point, j'ai été intrigué par la question de la mise en œuvre et ai décidé de mieux comprendre la mise en conformité par les Membres des recommandations et décisions de l'ORD.

Mes investigations m'ont amené à conclure qu'il n'y avait pas de moyen objectif de déterminer si et quand les Membres se conformaient aux recommandations de l'ORD. La raison à cela est que la situation en ce qui concerne un différend — c'est-à-dire la question de savoir s'il y a eu mise en conformité ou pas — peut être vue différemment par les différentes parties. Une partie peut considérer qu'elle a fait tout ce qu'il fallait pour mettre ses mesures en conformité avec les recommandations et décisions de l'ORD, tandis qu'une autre partie peut estimer qu'une action supplémentaire est nécessaire avant qu'il y ait pleine conformité. Par ailleurs, si une partie ne prend aucune disposition pour supprimer ou modifier la mesure dont il a été constaté qu'elle était incompatible avec ses obligations dans le cadre de l'OMC, mais que le Membre lésé ne soulève pas la question parce que, par exemple, une autre disposition satisfaisante a été prise, la situation en ce qui concerne le différend peut demeurer floue pour le reste des Membres. Étant donné qu'il est difficile de connaître avec certitude la situation concernant certains différends du point de vue de la mise en conformité, il est indispensable de faire preuve d'une grande prudence pour évaluer la conformité.

Ayant tout cela à l'esprit, je suis heureux de faire savoir qu'il ressort de mes investigations que tous les Membres se conforment généralement aux recommandations et décisions de l'ORD les concernant et que, dans le cadre des différends soumis à l'OMC, le taux global de mise en conformité est remarquablement élevé. En fait, j'estime que ce taux est d'environ 90%. Durant tout mon mandat de Président de l'ORD, le nombre de différends examinés au titre du point de l'ordre du jour de l'ORD relatif à la surveillance et à la mise en œuvre (point 1) pour lesquels le délai raisonnable de mise en œuvre était arrivé à expiration n'a jamais excédé 9, et cela alors que près de 450 différends avaient été portés devant le système.

Bien sûr, les Membres ou les spécialistes du Mémorandum d'accord ne partageront pas tous nécessairement mon interprétation du taux de mise en conformité mais, même en tenant compte de certaines divergences de vue au sujet de certains différends, ce taux reste impressionnant.

Cet examen de la mise en conformité avec les recommandations et décisions de l'ORD m'amène à mon sujet de réflexion suivant: le règlement du différend concernant les bananes.

 

Le différend concernant les bananes

Au cours de mon mandat de Président de l'ORD, j'ai eu le plaisir d'être le témoin privilégié de ce qui est peut-être aujourd'hui l'un des événements les plus mémorables de l'histoire du système de règlement des différends de l'OMC. Ce serait négligent de ma part que de ne pas mentionner cet événement dans mes réflexions sur les faits nouveaux qui ont concerné l'Organe de règlement des différends de l'OMC en 2012.

J'ai eu l'honneur de présider la réunion de l'ORD du 19 novembre 2012, au cours de laquelle l'UE et dix pays d'Amérique latine ont annoncé avoir notifié une solution convenue d'un commun accord32 à un différend qui durait depuis longtemps au sujet du régime communautaire applicable à l'importation des bananes. Cette solution convenue d'un commun accord avait été précédée par l'Accord de Genève de 2009 sur le commerce des bananes, aboutissement lui aussi historique, que l'UE et les pays d'Amérique latine avaient paraphé en décembre 2009.33Cet accord, ainsi qu'un accord conclu parallèlement entre l'Union européenne et les États-Unis, avaient mis fin à une série de conflits sur des questions relatives aux bananes, y compris les listes tarifaires, les dérogations et plusieurs différends et arbitrages relatifs aux bananes.34 L'Accord de Genève sur le commerce des bananes a été incorporé dans la liste tarifaire de l'UE.

Le processus de certification concernant la liste tarifaire révisée de l'UE s'est achevé en octobre 2012 et a été suivi en novembre 2012 par la notification formelle de la solution convenue d'un commun accord. Comme je l'ai mentionné plus haut, cette notification a été annoncée à la réunion de l'ORD de novembre dernier. Dix Membres ont parlé des conséquences que ce différend avait eues sur leur économie et se sont dits satisfaits de ce qu'ils considéraient comme un règlement positif du différend. Ils ont parlé d'une nouvelle ère pour le commerce entre les parties concernées.

Ce résultat historique est commémoré par la photographie ci-dessous, sur laquelle le Directeur général M. Pascal Lamy et moi-même figurons en compagnie des représentants de plusieurs Membres.35

 

 

Le greffe numérique pour le règlement des différends

À propos d'ère nouvelle, je parlerai brièvement de l'entrée du mécanisme de règlement des différends dans la technologie du XXIe siècle. Au cours de mon mandat de Président de l'ORD, j'ai présidé deux réunions durant lesquelles, en réponse aux demandes de certains Membres, le Secrétariat a rendu compte des progrès les plus récents de l'initiative concernant le greffe numérique pour le règlement des différends, qui a pour objet d'accroître l'efficacité du mécanisme de règlement des différends grâce à l'utilisation de la technologie.36 J'aimerais mettre en lumière les principaux éléments de cette initiative, ainsi que les progrès réalisés en 2012.

Le projet a été lancé en 2009, à la suite d'un débat entre les Membres qui utilisent le plus fréquemment le mécanisme de règlement des différends sur la manière d'exploiter au mieux les progrès technologiques récents “pour augmenter l'efficacité, réduire les coûts, y compris pour les services de messagerie, réduire l'utilisation de papier et renforcer la sécurité des documents”.37  Il comporte trois éléments principaux: i) élaboration d'un système de stockage électronique de tous les dossiers de règlement des différends; ii) conception d'une fonction de recherche permettant aux Membres et au Secrétariat de rechercher les renseignements relatifs au règlement des différends; et iii) création d'un greffe électronique sécurisé pour le dépôt et la signification en ligne de documents relatifs au règlement des différends. Pendant mon mandat, d'importants progrès concernant ces trois éléments ont été accomplis:
  1. S'agissant du système de stockage électronique, le Secrétariat a catalogué et numérisé les précédents dossiers de règlement des différends, dont certains ne sont actuellement disponibles que sur papier ou en formats électroniques plus anciens. Les documents numérisés seront transférés dans le greffe numérique sous forme explorable afin que les personnes habilitées à les consulter (comme les parties à un différend) puissent y accéder rapidement, qu'il s'agisse de documents récents ou plus anciens. À la fin de décembre 2012, quelque 250 000 pages de dossiers avaient été numérisées.
      
  2. S'agissant de la fonction de recherche, le nouveau registre permettra aux Membres de l'OMC et au public d'effectuer les recherches avancées que le site Web de l'OMC ne permet pas de faire actuellement au sujet du règlement des différends.
      
  3. S'agissant du greffe électronique sécurisé, le Secrétariat a consulté un “groupe de travail” composé de Membres afin de concevoir un système qui réponde aux besoins des Membres, en accordant une attention particulière aux aspects relatifs à la sécurité afin de garantir la confidentialité des documents à télécharger par ce système.

Le nouveau système a été livré au Secrétariat à la fin de 2012 pour des essais et une mise au point des spécifications. L'un de ses grands avantages est qu'il ne demandera pas un important savoir-faire technologique de la part des utilisateurs. Pour dire les choses simplement, celui qui sait envoyer un message électronique saura déposer une communication par voie électronique ou accéder aux autres fonctions du greffe numérique. En outre, aucun équipement nouveau, complexe ou onéreux ne sera nécessaire.

Il est prévu que l'initiative entre en phase d'essai au cours du second semestre de 2013. Certains Membres se sont déjà dits intéressés à participer à cette phase d'essai.

 

Processus de désignation des Membres des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel

Jusqu'ici, je vous ai fait part de mes réflexions sur les activités de 2012 de l'ORD qui avaient trait au processus de règlement des différends. Je parlerai maintenant de deux autres tâches importantes dévolues au Président de l'ORD: les consultations menées par le Directeur général au sujet de la désignation des membres des groupes spéciaux et le renouvellement du mandat des membres de l'Organe d'appel.

Le Directeur général a été amené à composer cinq groupes spéciaux en 2012. Pour ce faire, le DG doit mener des consultations avec les parties en litige ainsi qu'avec le Président de l'ORD et les présidents des conseils ou comités compétents, selon l'objet du différend.38 J'ai eu par conséquent le privilège, au cours de mon mandat de Président de l'ORD, de contribuer plusieurs fois à ce processus de composition. J'aimerais saisir cette occasion pour remercier au nom de l'ensemble des Membres les 249 personnes qui, année après année, ont servi le système de règlement des différends et l'OMC avec autant de talent et de dévouement. Ces membres de groupes spéciaux sont originaires de nombreux pays Membres de l'OMC, tant développés qu'en développement. Le diagramme ci-après donne un aperçu de leur diversité, par Membre39:

 

Figure 5: Membres de groupes spéciaux, par Membre

 

En ce qui concerne le rôle du Président de l'ORD dans le processus de désignation des membres de l'Organe d'appel, mon prédécesseur avait lancé un tel processus de sélection à la réunion de l'ORD du 22 février 2012 pour: i) la désignation d'un nouveau membre de l'Organe d'appel en remplacement de M. Shotaro Oshima, dont le mandat a pris fin en mai 2012, et ii) le renouvellement éventuel du mandat d'un membre de l'Organe d'appel, Mme Yuejiao Zhang.40

À partir du 24 avril 2012, j'ai poursuivi ces opérations de sélection et, en mai de l'année dernière, j'ai eu l'honneur de superviser le processus qui a permis d'approuver la désignation de Mme Yuejiao Zhang (Chine) pour un deuxième mandat de quatre ans en tant que membre de l'Organe d'appel, mandat qui a pris effet le 1er juin 2012. J'ai aussi eu le privilège de superviser le processus qui a permis d'approuver la désignation de M. Seung Wha-Chang41 en tant que membre de l'Organe d'appel pour un mandat de quatre ans à compter du 1er juin 2012.42 

Je félicite Mme Zhang et M. Wha-Chang pour leur désignation et saisis cette occasion pour les remercier, au nom de l'ensemble des Membres, pour leur dévouement et leur attachement au système de règlement des différends de l'OMC.

 

Processus de sélection du DG

Conformément aux “procédures de désignation des directeurs généraux”, adoptées en 2003 par le Conseil général,43 j'ai eu le privilège, en tant que Président de l'ORD en 2012, de participer, avec le Président du Conseil général et le Président de l'Organe d'examen des politiques commerciales de la même année, au lancement du processus de sélection du nouveau Directeur général.44

Par la suite, j'ai eu le privilège de superviser ce processus de sélection en tant que Président du Conseil général. J'ai collaboré pour cela avec les deux autres membres de ce qu'il convient d'appeler la “troïka”: le Président de l'ORD de 2013 (S.E. M. Jonathan Fried (Canada)) et le Président de l'Organe d'examen des politiques commerciales de 2013 (S.E. M. Joakim Reiter (Suède)). À la réunion du 14 mai 2013 du Conseil général, sur recommandation de la “troïka”, les Membres sont convenus de désigner M. Roberto Carvalho de Azevêdo comme nouveau Directeur général de l'OMC pour une période de quatre ans à compter du 1er septembre 2013, à l'expiration, le 31 août 2013, du mandat de M. Pascal Lamy.

Je souhaite remercier tous les Membres d'avoir participé au processus de consultations avec un niveau d'engagement exceptionnellement élevé et dans un esprit constructif. Cette approche très positive nous a aidés à mener à bien le processus de sélection du DG le plus rapide depuis la naissance de l'OMC. Je souhaite aussi remercier les Ambassadeurs Fried et Reiter qui ont travaillé avec ardeur tout au long du processus et qui ont fait preuve d'une intégrité, d'une impartialité et d'une conviction remarquables.

 

2013: Plus loin et plus haut!

DL'activité de règlement des différends a pris un essor très rapide, à tous égards, au début de 2013. Au 28 février 2013, date de la fin de mon mandat, deux demandes de consultations avaient été reçues, trois groupes spéciaux (couvrant cinq différends) avaient été établis et six groupes spéciaux étaient en cours de composition. En outre, plusieurs groupes spéciaux et l'Organe d'appel travaillaient sur des questions dont ils avaient été saisis à la fin de l'année dernière ou au début de cette année. Nous avons aussi assisté à une audition ouverte.45Par ailleurs, M. Claus-Dieter Ehlermann, ancien membre de l'Organe d'appel, a été désigné le 28 février 2013 pour exercer les fonctions d'arbitre dans une procédure au titre de l'article 21:3 c) afin de déterminer le délai raisonnable pour la mise en conformité dans une affaire récente.46

J'ai le sentiment que, en ce qui concerne l'activité de règlement des différends de 2013, cela ne représente que la partie émergée de l'iceberg. Pendant mon mandat, j'ai observé une augmentation de la pression exercée sur les ressources des divisions des affaires juridiques et des règles, les Membres ayant de plus en plus recours au mécanisme de règlement des différends pour résoudre leurs différends.47J'ai aussi constaté qu'une lourde charge était imposée à l'Organe d'appel et à son secrétariat, ce qui influait sur le temps nécessaire pour mener à bien la procédure d'appel. J'espère qu'à l'avenir les ressources du Secrétariat seront renforcées.

 

Conclusion

Pour conclure, je souhaite, comme mes prédécesseurs, remercier les Membres pour l'appui que j'ai reçu pendant ma présidence de l'ORD. Le constant esprit de coopération et de collaboration entre les Membres a grandement facilité les travaux de l'ORD au cours d'une année qui a été stimulante, intéressante et gratifiante.

Enfin, je souhaite saluer ceux qui travaillent inlassablement pour faire en sorte que le système de règlement des différends fonctionne bien. Mes innombrables interactions avec le personnel du Secrétariat de l'OMC en ma capacité de Président de l'ORD ont renforcé ma conviction que notre véhicule conduit par les Membres dispose des meilleurs ingénieurs qui soient pour veiller à son bon fonctionnement. À cet égard, je tiens à souligner l'excellence des services assurés par la Division du Conseil et du Comité des négociations commerciales (CNC), qui m'a fourni, en tant que Président de l'ORD, des conseils et un appui inestimables. Je salue le travail du secrétariat de l'Organe d'appel et le soutien inappréciable qu'il apporte à cet organe. Je félicite la Division des affaires juridiques et la Division des règles pour le travail exceptionnel qu'elles ont accompli pour aider les groupes spéciaux et me prodiguer des conseils précieux pendant mon mandat. Et, finalement, je remercie le personnel chargé de la traduction et de la documentation pour avoir fait en sorte que tous les renseignements que l'ORD a communiqués par écrit aux Membres l'aient été en temps utile et avec efficacité.

 

Notes:

1. Les statistiques datent du 27 février 2013. retour au texte
2.Ce nombre comprend 15 procédures engagées à titre individuel seulement contre des États membres de l'UE, à savoir: Belgique — Mesures visant les services d’annuaire téléphonique commercial (DS80); Belgique — Certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu constituant des subventions (DS127); Belgique — Riz (DS210); Danemark — Mesures affectant les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle (DS83); France — Certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu constituant des subventions (DS131); France — Mesures relatives au développement d’un système de gestion de vol  (DS173); Grèce — Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle pour les films et les programmes de télévision (DS125); Grèce — Certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu constituant des subventions (DS129); Irlande — Classement tarifaire de certains matériels informatiques (DS68); Irlande — Mesures affectant la protection des droits des auteurs et des droits voisins (DS82); Irlande — Certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu constituant des subventions (DS130); Pays-Bas — Certaines mesures relatives à l'impôt sur le revenu constituant des subventions (DS128); Portugal — Protection conférée par un brevet prévue par la Loi sur la propriété industrielle (DS37); Royaume-Uni — Classement tarifaire de certains matériels informatiques (DS67); et Suède — Mesures affectant les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle (DS86). retour au texte
3. Les statistiques datent du 27 février 2013. retour au texte
4. Les statistiques datent du 27 février 2013. retour au texte
5. Les statistiques datent du 27 février 2013. retour au texte
6. Voir Australie — Emballage neutre du tabac (Ukraine) (WT/DS434). retour au texte
7. Voir le document WT/DSB/M/322, 23 novembre 2012, paragraphes 65-79. retour au texte
8. Ces différends sont entre autres les suivants: Canada — Énergie renouvelable (WT/DS412); Canada — Programme de tarifs de rachat garantis (WT/DS426); Chine — Mesures concernant l'équipement pour la production d'énergie éolienne (WT/DS419); et Union Européenne — Certaines mesures affectant le secteur de la production d'énergie renouvelable (WT/DS452). retour au texte
9. Canada — Énergie renouvelable (WT/DS412); Canada — Programme de tarifs de rachat garantis (WT/DS426). retour au texte
10. Inde — Certaines mesures relatives aux cellules solaires et aux modules solaires (WT/DS456). retour au texte
11. Chine — Matières premières (WT/DS394, WT/DS395, WT/DS398); et Chine — Terres rares (WT/DS431, WT/DS432 y WT/DS433). retour au texte
12. Voir États-Unis — Crevettes (WT/DS58). retour au texte
13. CE —Produits dérivés du phoque (WT/DS400, WT/DS401); et États-Unis — Thon II (Mexique) (WT/DS381). retour au texte
14. États-Unis — Cigarettes aux clous de girofle (WT/DS406). retour au texte
15. États-Unis — Thon II (Mexique) (WT/DS381). retour au texte
16. États-Unis — EPO (WT/DS384, WT/DS386). retour au texte
17. Voir l'article 2.2 de l'Accord OTC. retour au texte
18. Voir l'article 2.4 de l'Accord OTC. retour au texte
19. Voir l'article 2.9.2 de l'Accord OTC. retour au texte
20. Voir l'article 2.12 de l'Accord OTC. retour au texte
21. CE et certains États membres — Aéronefs civils gros porteurs (WT/DS316); et États-Unis — Aéronefs civils gros porteurs (2ème plainte) (WT/DS353). retour au texte
22. États-Unis — EPO (WT/DS384, WT/DS386). Le dernier arbitrage de ce type a été réalisé en 2009 dans le cadre de l'affaire Colombie — Bureaux d’entrée ; voir le document WT/DS366/13. retour au texte
23. Voir lse documents WT/DS384/24, WT/DS386/23. retour au texte
24. Canada — Énergie renouvelable (WT/DS412) et Canada — Programme de tarifs de rachat garantis (WT/DS426). retour au texte
25. États-Unis — EPO (WT/DS384, WT/DS386). retour au texte
26. Ces quatre groupes spéciaux examinaient les affaires suivantes: Canada — Exportations de blé et importations de grains (WT/DS276) (en 2003); Australie — Pommes (WT/DS367) (en 2008); Chine — Matières premières (WT/DS394, WT/DS395, WT/DS398) (en 2010); et Chine — Services de paiement électronique (WT/DS413) (en 2011). retour au texte
27. Canada — Programme de tarifs de rachat garantis (WT/DS426) et Canada — Énergie renouvelable (WT/DS412). Voir les documents WT/DS412/8 y WT/DS426/7, 25 mai 2012. retour au texte
28. CE —Produits dérivés du phoque (WT/DS400, WT/DS401) et États-Unis — Mesures compensatoires (Chine) (WT/DS437). Voir les documents WT/DS400/6, WT/DS401/7 et WT/DS437/4. retour au texte
29. Voir par exemple les décisions préliminaires rendues dans les affaires Canada — Programme de tarifs de rachat garantis et Canada — Énergie renouvelable: documents WT/DS412/8et WT/DS426/7, 25 mai 2012. retour au texte
30. États-Unis — Thon II (Mexique) (WT/DS381). retour au texte
31. Rapport de l’Organe d’appel , États-Unis — Thon II (Mexique),paragraphe 8 (WT/DS381/AB/R). retour au texte
32. Voir le document WT/DS27/98, 12 novembre 2012. retour au texte
33. Voir les documents WT/DS27/97, 7 janvier 2010; et WT/L/784, 15 décembre 2009. retour au texte
34. Il s'agit notamment des affaires suivantes: WT/DS16; WT/DS27 (à l'exception de la plainte formulée par les États-Unis); WT/DS105; WT/DS158; WT/DS361; WT/DS364; et les arbitrages au titre des dérogations accordées à Doha: WT/L/616 et WT/L/625. retour au texte
35. Voir le document WT/DSB/M/325, 15 février 2013. retour au texte
36. Voir les documents WT/DSB/M/318, 27 aôut 2012; et le document WT/DSB/M/327, 4 mars 2013. retour au texte
37. Voir le document WT/DSB/M/318, paragraphe 69. retour au texte
38. Voir l'article 8:7 du Mémorandum d'accord. retour au texte
39. Les statistiques datent du 27 février 2013. retour au texte
40. Document WT/DSB/M/315, 27 juin 2012. retour au texte
41. M. Seung-Wa Chang est la première personne originaire de Corée à exercer les fonctions de membre de l'Organe d'appel de l'OMC. retour au texte
42. Document WT/DSB/M/316, 20 juillet 2012. retour au texte
43. Document WT/L/509, 20 janvier 2003. retour au texte
44. Voir le document WT/L/509, paragraphe 17. retour au texte
45. À la demande des parties au différend, la première réunion de fond du Groupe spécial CE — Produits dérivés du phoque (WT/DS400, WT/DS401), tenue les 18 et 19 février 2013, a comporté des séances ouvertes au public. retour au texte
46. Chine — AMGO (WT/DS414). Voir le document WT/DS414/11. retour au texte
47. En 2012, l'ORD a adopté 11 rapports de groupes spéciaux (couvrant 18 différends) et 7 rapports de l'Organe d'appel (couvrant 11 différends). retour au texte