Questions couvertes par les comités et accords de l'OMC
ENVIRONNEMENT: PUBLICATIONS

Rapport de l'OMC: nécessité de la coopération en matière d'environnement

Le quatrième numéro de la série de publications de l'OMC "Dossiers spéciaux" s'intitule Commerce et environnement et a pour auteur Håkan Nordström, économiste au Secrétariat de l'OMC, et Scott Vaughan de la Commission de coopération environnement de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui a travaillé auparavant pour le Secrétariat de l'OMC et pour le programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).

Voici le texte d'un communiqué de presse publié le 8 octobre 1999 qui en résume les conclusions. Il comporte une introduction, une liste des conclusions principales et une annexe un peu plus étoffée en 22 points importants tirés de cette étude.

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L'étude en 22 points:

La dégradation de l'environnement est due à des défaillances du marché et à de mauvaises politiques

Il est clair que si des politiques environnementales rationnelles étaient en place, le commerce augmenterait le bien-être

Les obstacles au commerce pallient les insuffisances des politiques environnementales

Les normes environnementales ne doivent pas nécessairement être harmonisées

Les effets du commerce sur l'environnement sont théoriquement ambigus

Les gains tirés du commerce sont suffisants pour couvrir les coûts de dépollution additionnels

Les effets des déréglementations environnementales sur la compétitivité sont faibles

Les industries qui sont des leaders dans le domaine de l'environnement ne sont pas les moins rentables

Les industries polluantes ne migrent pas des pays développés vers les pays en développement pour réduire les coûts liés à la réglementation environnementale

Les sociétés multinationales tendent à adopter les mêmes technologies dans toutes leurs usines de production, dans le monde entier

Cependant, les considérations environnementales doivent parfois céder le pas à des préoccupations relatives à la compétitivité

S'agit-il d'un problème grave?

La croissance économique, tirée par le commerce, est-elle un élément du problème ou de sa solution?

Quelle est la place du commerce dans le débat sur la croissance et l'environnement?

La croissance économique peut être un élément de solution, mais principalement pour ce qui est de la pollution locale

La croissance économique ne suffit pas à infléchir la courbe de la dégradation de l'environnement

L'obligation de rendre des comptes au public et la bonne gestion des affaires publiques sont indispensables

La bonne gestion des affaires publiques est également nécessaire au niveau international

La dégradation de l'environnement prendra fin lorsque les conditions politiques favorables seront réunies

Tous les types de croissance ne sont pas sans danger pour l'environnement

Le commerce pourrait jouer un rôle positif

La coopération environnementale multilatérale est la solution d'avenir

COMMUNIQUÉ DE PRESSE
8 octobre 1999

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La libéralisation du commerce rend d'autant plus nécessaire la coopération en matière d'environnement 

Selon un nouveau rapport du Secrétariat de l'OMC, l'intégration et la croissance économiques internationales rendent d'autant plus nécessaire l'adoption de politiques environnementales rationnelles aux niveaux national et international. La coopération internationale est particulièrement importante pour s'attaquer aux problèmes environnementaux transfrontières et mondiaux auxquels les nations ne peuvent faire face seules. Cela serait vrai même si les nations ne commerçaient pas les unes avec les autres.

Le rapport du Secrétariat de l'OMC sur le commerce et l'environnement, qui doit être publié le 14 octobre 1999, analyse les dimensions économiques et politiques de l'interface entre commerce et environnement. Il y est dit que les généralisations hâtives que l'on entend souvent dans les débats publics, selon lesquelles le commerce est soit "bon pour l'environnement", soit "mauvais pour l'environnement", ne sont pas fondées. En réalité, il y a un peu de vrai dans chacune de ces affirmations et la mise en œuvre de politiques commerciales et environnementales bien conçues peut permettre de gagner sur les deux tableaux.

Selon le Directeur général de l'OMC, Mike Moore, "tous les gouvernements des pays Membres de l'OMC sont favorables à l'ouverture des échanges car celle-ci permet d'accroître le niveau de vie des familles de travailleurs, ce qui contribue à un environnement plus propre; le rapport souligne que commerce et environnement ne sont pas forcément contradictoires mais peuvent en fait être complémentaires".
Le rapport vise notamment à répondre aux questions suivantes: l'intégration économique est-elle une menace pour l'environnement? Le commerce compromet-il les efforts que les gouvernements font en matière de réglementation pour lutter contre la pollution et la dégradation des ressources? Comment pouvons-nous assurer qu'une croissance économique tirée par le commerce nous aide à promouvoir une utilisation durable des ressources naturelles de la planète?

 

Le rapport aboutit notamment aux conclusions suivantes: haut de page

  • la plupart des problèmes environnementaux sont causés par des processus de production polluants, certaines formes de consommation et l'élimination des déchets. En soi, le commerce est rarement la cause première de la dégradation environnementale, à l'exception toutefois de la pollution associée au transport des marchandises;
  • il y a dégradation de l'environnement parce qu'on ne demande pas toujours aux producteurs et aux consommateurs d'assumer les coûts de leurs actions;
  • la dégradation de l'environnement est parfois aggravée par de mauvaises politiques, comme celles qui consistent à subventionner les activités polluantes, ou qui entraînent une dégradation des ressources (telles que le subventionnement de l'agriculture, de la pêche et du secteur de l'énergie);
  • il est clair que si des politiques environnementales rationnelles étaient en place, le commerce augmenterait le bien-être;
  • en général, les obstacles au commerce pallient les insuffisances de la politique environnementale;
  • il n'est pas nécessaire d'harmoniser toutes les normes environnementales de tous les pays;
  • les effets des réglementations environnementales sur la compétitivité sont faibles dans la plupart des secteurs;
  • un bon profil environnemental est souvent pour une entreprise un atout plutôt qu'un handicap sur le marché international, en dépit du léger accroissement des coûts de production qu'il entraîne;
  • il existe peu de preuves à l'appui de l'affirmation selon laquelle les industries polluantes ont tendance à migrer des pays développés vers les pays en développement afin de réduire les coûts liés à la réglementation environnementale;
  • cependant les considérations environnementales doivent parfois céder le pas à des préoccupations relatives à la compétitivité, ce qui donne à penser qu'il est nécessaire d'améliorer la coopération internationale en matière d'environnement;
  • la croissance économique, tirée par le commerce, permet de remédier en partie à la dégradation environnementale, mais elle n'est pas suffisante en soi pour améliorer la qualité de l'environnement. L'augmentation des revenus doit s'accompagner d'un renforcement des normes environnementales.
  • tous les types de croissance ne sont pas sans danger pour l'environnement;
  • l'obligation de rendre des comptes au public et la bonne gestion des affaires publiques sont essentielles à la mise en œuvre d'une bonne politique environnementale, y compris au niveau international;
  • une coopération internationale efficace est indispensable pour assurer la protection de l'environnement, en particulier en ce qui concerne les problèmes environnementaux transfrontières et mondiaux;
  • le modèle de coopération de l'OMC, fondé sur des droits et obligations juridiques, pourrait servir de modèle pour une nouvelle architecture mondiale de la coopération dans le domaine de l'environnement.

En attendant, l'OMC pourrait, dans le cadre de son mandat actuel, prendre quelques mesures importantes en faveur de l'environnement. Elle pourrait bien sûr s'attaquer aux obstacles qui subsistent en matière d'échange de biens et de services environnementaux afin d'abaisser le coût de l'investissement dans des techniques de production propres et des systèmes de gestion environnementale. Elle pourrait aussi promouvoir une réduction des subventions publiques qui ont un effet nocif sur l'environnement, notamment dans les secteurs de l'énergie, de l'agriculture et de la pêche.

Un certain nombre de ces points sont brièvement développés dans l'annexe ci-jointe.

 

Annexe haut de page

 
La dégradation de l'environnement est due à des défaillances du marché et à de mauvaises politiques.Si le commerce en soi est parfois associé à des problèmes environnementaux, tels que la pollution due au transport des marchandises, la plupart des problèmes sont liés aux opérations de production et de consommation, et/ou à l'élimination des déchets. Par l'institution de réglementations et de taxes appropriées il est possible d'assurer que les producteurs et les consommateurs prennent en compte les impacts environnementaux – c'est le principe du "pollueur-payeur". Dans certains cas cependant, non seulement les gouvernements ne prennent pas les mesures nécessaires pour corriger les défaillances du marché, mais encore ils aggravent les problèmes par l'octroi de subventions. haut de page

 
Il est clair que si des politiques environnementales rationnelles étaient en place, le commerce augmenterait le bien-être. En l'absence de politiques environnementales rationnelles, le commerce peut porter atteinte à la qualité de l'environnement. Par exemple, en l'absence d'un système de gestion adéquat, la demande mondiale peut encourager une exploitation forestière excessive. Dans d'autres cas, la libéralisation du commerce peut atténuer les distorsions. Par exemple, une diminution des subventions accordées à la pêche, qui atteignent environ 54 milliards de dollars par an, permettrait de réduire le surinvestissement dans ce secteur et de freiner la surpêche. haut de page

 
Les obstacles au commerce pallient les insuffisances des politiques environnementales. Il est préférable de s'attaquer aux problèmes environnementaux à la source, qu'il s'agisse de processus de production polluants ou de l'absence de droits de propriété sur les ressources naturelles. Cibler des éléments indirects, tels que des produits exportés ou importés, ne peut corriger que partiellement les défaillances du marché ou des politiques, et coûte plus cher à la société. Dans le même temps, les gouvernements ont jugé utile de recourir à des mesures commerciales dans certains cas pour encourager la participation et l'application d'accords environnementaux multilatéraux et dans d'autres pour tenter de modifier les comportements de gouvernements étrangers. Toutefois, l'utilisation de mesures commerciales à ces fins présente de nombreux risques pour le système commercial multilatéral si elle n'intervient pas dans le cadre de règles convenues par toutes les parties. haut de page

 
Les normes environnementales n'ont pas nécessairement besoin d'être harmonisées. Cette conclusion s'applique seulement aux problèmes de pollution locaux qu'il est préférable de corriger par des normes spécifiques, adaptées aux conditions locales. Les communautés ou pays, qu'ils soient riches ou pauvres, n'ont pas intérêt à adopter des normes "moyennes". Il n'en va pas de même pour les problèmes transfrontières et mondiaux, le seul remède efficace consistant alors sans doute à harmoniser les politiques et à gérer collectivement les ressources communes. haut de page

 
Les effets environnementaux du commerce sont théoriquement ambigus. Ils dépendent de trois facteurs qui sont liés entre eux: i) modifications dues au commerce de la structure industrielle, et donc de l'intensité polluante de la production nationale, ii) modifications de l'échelle globale de l'activité économique, et iii) modifications des techniques de production. Le résultat net est, à priori, indéterminé. Il faut donc rejeter les généralisations hâtives, positives ou négatives, sur les liens entre commerce et environnement.haut de page

 
Les gains tirés du commerce sont suffisants pour couvrir les coûts de dépollution additionnels. Les gains de revenus liés au commerce permettraient en principe de couvrir les coûts de dépollution nécessaires et même de dégager un surplus économique. C'est ce que montrent plusieurs simulations économiques. En d'autres termes, en associant commerce et réformes environnementales, il est possible de trouver les moyens d'accroître les revenus et la consommation sans mettre en danger le milieu naturel. En ce sens au moins, il n'y a pas d'opposition inhérente entre commerce et environnement. En général, les problèmes sont dus à l'incapacité des institutions politiques de s'attaquer aux problèmes environnementaux, en particulier ceux de dimension mondiale, dont la solution nécessite un effort concerté. haut de page

 
Les effets des réglementations environnementales sur la compétitivité sont faibles. Dans les pays de l'OCDE, le coût direct des mesures de lutte contre la pollution est faible, il ne représente que quelques points de pourcentage des coûts de production dans la plupart des secteurs. On ne dispose pas d'estimations correspondantes pour les pays en développement, mais à moins que le coût de la réglementation ne soit nul, les économies réalisées du fait de la délocalisation des industries sont inférieures au coût mentionné ci-dessus. En outre, certains observateurs ont relevé que ces chiffres sont de toute façon exagérés. Selon l'hypothèse de Porter, la pression exercée par la réglementation, comme celle qu'exerce la concurrence, encourage des innovations industrielles qui rendent la production à la fois plus efficace (utilisant moins d'énergie et de ressources) et plus propre, ce qui compense les coûts directement liés à la réglementation. Les données empiriques confirment en partie cette hypothèse, mais il serait erroné de conclure que les réglementations environnementales ont un coût nul. Elles ont bien un coût, mais elles apportent également des avantages considérables à la société et améliorent la qualité de la vie. haut de page

 
Les industries qui sont des leaders dans le domaine de l'environnement ne sont pas les moins rentables. Des études comparant la rentabilité des entreprises du même secteur n'ont guère montré que les entreprises qui étaient des leaders en matière de lutte contre la pollution en payaient le prix par une baisse de rentabilité. Pour plusieurs raisons, ces entreprises peuvent souvent récupérer ces coûts sur le marché. Premièrement, un nombre croissant de consommateurs sont disposés à payer un supplément pour les labels écologiques. Deuxièmement, les entreprises qui respectent les normes de gestion environnementales établies par l'Organisation internationale de normalisation (ISO 14000) semblent bénéficier de certains avantages compétitifs, notamment d'un abaissement des coûts de l'assurance responsabilité, de contrôles administratifs moins fréquents, et d'un accès privilégié à certains clients (y compris dans le secteur public), soucieux de leur propre réputation dans le domaine de l'environnement. haut de page

 
Les industries polluantes ne migrent pas des pays développés vers les pays en développement afin de réduire les coûts liés à la réglementation environnementale, bien qu'il y ait évidemment des exceptions. S'il est exact que les pays en développement sont des bénéficiaires nets de l'investissement étranger direct, la composition des investissements qu'ils accueillent ne favorise pas les industries polluantes, mais plutôt les industries à forte intensité de main-d'œuvre qui polluent moins que la moyenne. Ce que les données indiquent c'est que dans la mesure où les pays développés exportent leurs industries polluantes ils le font vers d'autres pays développés, et non vers les pays moins développés. Cela donne à penser que dans les décisions d'investissement au niveau international, les réglementations environnementales ont tout au plus une importance secondaire.
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Les sociétés multinationales tendent à adopter les mêmes technologies dans toutes leurs usines de production, dans le monde entier. La raison en est simple. Il est moins coûteux d'appliquer les mêmes technologies que de modifier le processus de production dans chaque pays. Plus encore, le choix de la technologie ne se fonde pas seulement sur les normes actuelles mais aussi sur celles auxquelles on peut s'attendre à l'avenir. D'un point de vue commercial, il est plus avisé de mettre en place les équipements de pointe au moment de la réalisation de l'investissement plutôt que d'ajouter plus tard un équipement antipollution qui coûtera beaucoup plus cher. Enfin, les multinationales sont de plus en plus sensibles à leur réputation sur le marché, du moins celles qui sont basées dans des pays où la communauté environnementale est active. Le marché préfère souvent les bons résultats environnementaux aux politiques d'économies à tout prix, et les marchés financiers réagissent négativement en cas d'accident environnemental. Il n'en a pas toujours été ainsi, mais les choses ont changé ces dernières années. Ces progrès sont dus en grande partie à l'action incessante menée par les organisations non gouvernementales du monde entier qui ont réussi à sensibiliser les consommateurs à l'importance du profil environnemental des produits et des producteurs. En bref, quand les consommateurs se soucient de l'environnement, les producteurs s'en soucient également. haut de page

 
Cependant, les considérations environnementales doivent parfois céder le pas à des préoccupations relatives à la compétitivité. On ne peut pas compter sur les seules forces du marché pour résoudre tous les problèmes. Les gouvernements doivent assumer leur rôle en réglementant comme il convient les activités polluantes et celles qui entraînent la dégradation des ressources naturelles. Cela crée parfois un dilemme politique difficile à résoudre. Si les responsables politiques et les électeurs estiment que l'industrie nationale ploie sous le poids des réglementations environnementales aux dépens de l'investissement et de l'emploi, il sera peut-être difficile de rallier le soutien politique nécessaire à l'adoption de nouvelles réglementations. Et le problème risque encore de s'aggraver lorsque l'on élimine les obstacles au commerce et à l'investissement dans la mesure où les industries deviennent plus mobiles et plus difficiles à réglementer. Certaines des données disponibles montrent bien que les entreprises invoquent souvent des considérations liées à la compétitivité pour lutter contre certaines réglementations environnementales, parfois avec succès.
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S'agit-il d'un problème grave ? Cela serait bien évidemment un problème grave si les considérations relatives à la compétitivité empêchaient l'établissement de normes environnementales adéquates, ou si les gouvernements se trouvaient obligés d'incorporer des éléments protectionnistes dans les réglementations environnementales afin de "compenser" les entreprises pour les effets prétendument négatifs de ces normes sur la compétitivité. Toutefois, les considérations liées à la compétitivité peuvent devenir un facteur positif si les gouvernements qui éprouvent des difficultés à agir seuls pour des raisons politiques recherchent des solutions concertées aux problèmes environnementaux. Le nombre croissant d'accords environnementaux multilatéraux (il en existe actuellement 216) est peut-être le signe d'une évolution dans ce sens. La persistance du "froid réglementaire" devient alors une question de procédure plutôt qu'une question de fond, à savoir que l'initiative devrait se déplacer du niveau national au niveau supranational, de la même façon qu'on a pu assister dans les années 70 à un transfert des fonctions de régulation des autorités locales aux autorités centrales dans les États fédéraux pour mettre fin aux résistances qui se manifestaient au niveau local à l'encontre des politiques environnementales. Il faut cependant reconnaître qu'il n'est pas facile d'instituer une coopération internationale sur ces questions si les gouvernements ne sont pas convaincus de son urgente nécessité. haut de page

 
La croissance économique, tirée par le commerce, est-elle un élément du problème ou de sa solution ? Les retards de nombreux pays en matière de protection environnementale s'expliquent en partie par leurs faibles revenus. Les pays qui vivent à la marge n'ont tout simplement pas les moyens d'affecter des ressources à la réduction de la pollution, et ils ne sont par ailleurs peut-être pas disposés à sacrifier leur croissance pour aider à résoudre des problèmes de pollution mondiaux qui sont dus en grande partie aux habitudes de consommation des pays les plus riches. Si la pauvreté se trouve au cœur du problème, la croissance économique contribuera à le résoudre dans la mesure où elle permet aux pays de s'abstraire de considérations immédiates pour s'intéresser à des problèmes de viabilité à long terme. Il est vrai que certaines données empiriques au moins donnent à penser que la pollution augmente au premier stade de développement, puis s'abaisse une fois qu'un certain niveau de revenu est atteint. Cette observation est connue dans les milieux universitaires sous le nom de courbe environnementale de Kuznets. haut de page

 
Quelle est la place du commerce dans le débat sur la croissance et l'environnement ? Le commerce a sa place dans ce débat pour plusieurs raisons. La plus évidente est que le commerce est l'un des cylindres qui propulse le moteur de la croissance. La deuxième raison est qu'il peut affecter la forme et la pertinence de la courbe environnementale de Kuznets. On peut en effet concevoir que le point d'inflexion qu'on a pu observer dans les pays développés pour certains polluants est dû en partie à la migration d'industries polluantes vers les pays en développement, bien que les données ne semblent pas confirmer cette affirmation. La troisième raison est liée à l'économie politique de l'élaboration de la politique environnementale. Des considérations liées à la compétitivité peuvent empêcher l'amélioration des normes environnementales qui pourraient infléchir la courbe de pollution. La croissance tirée par la libéralisation de l'économie mondiale peut mettre en échec les mécanismes qui devraient en principe produire une courbe environnementale de Kuznets. Comme nous l'avons déjà dit, certaines données indiquent qu'il y aurait un "froid réglementaire" qui révélerait la nécessité d'un renforcement de la coordination des politiques entre les gouvernements. haut de page

 
La croissance économique peut être un élément de solution, mais principalement pour ce qui est de la pollution locale. Les données empiriques étayant l'hypothèse de la courbe environnementale de Kuznets ne font pas apparaître de tendance nette. Elles indiquent que l'hypothèse de Kuznets peut se vérifier pour certains types d'indicateurs environnementaux, mais pas pour d'autres indicateurs importants. Les indicateurs qui semblent confirmer certaines des caractéristiques d'une courbe de pollution en U inversé concernent certains types de pollution locale, principalement la pollution de l'air dans les zones urbaines, et dans une moindre mesure, certains types de polluants des eaux douces. En revanche, pour les polluants ayant un effet plus global, l'hypothèse de Kuznets ne semble pas se vérifier, notamment en ce qui concerne les émissions de dioxyde de carbone. Pour l'essentiel, les pays semblent davantage disposés à prendre des mesures pour lutter contre les polluants qui les affectent directement qu'à agir contre les polluants qui affectent l'environnement mondial. On assiste cependant actuellement à une évolution encourageante dans ce domaine ainsi qu'en témoignent les réductions des substances détruisant l'ozone qui ont été rendues possibles par la coopération internationale instituée dans le cadre du Protocole de Montréal. haut de page

 
La croissance économique n'est pas suffisante pour infléchir la courbe de dégradation environnementale. Il convient également de souligner que rien dans la littérature consacrée à la courbe environnementale de Kuznets ne donne à penser que la courbe de dégradation environnementale s'infléchira, sous l'effet d'une nécessité impérieuse, au fur et à mesure de l'augmentation des revenus. Si les incitations économiques offertes aux producteurs et aux consommateurs n'évoluent pas avec l'accroissement des revenus, la pollution continuera à progresser parallèlement à la croissance de l'activité économique. En d'autres termes, la croissance des revenus est sans doute une condition nécessaire pour que les pays puissent s'abstraire de leurs préoccupations économiques et sociales les plus immédiates pour s'intéresser aux problèmes environnementaux à long terme, mais elle ne peut à elle seule infléchir le cours de la dégradation environnementale. Il faut l'accompagner de politiques environnementales. haut de page

 
L'obligation de rendre des comptes au public et la bonne gestion des affaires publiques sont indispensables. On ne saurait sous-estimer à cet égard l'importance d'un processus politique démocratique. Les gouvernements qui ne sont pas tenus de justifier leurs actions, ou plutôt leur inaction, en l'occurrence, risquent de ne pas renforcer leurs politiques environnementales comme il le faudrait. Si l'on compare des pays de même niveau de revenu, la pollution est en général plus forte dans ceux qui ont une distribution des revenus asymétriques, un taux d'analphabétisme élevé et où la population n'a que peu de libertés civiles et politiques. En outre, ces variables relatives à "l'accès à la décision politique" affaiblissent considérablement la relation entre le revenu par habitant et la qualité de l'environnement. Cela suggère que la courbe environnementale de Kuznets ne dépend pas tant des niveaux de revenus en soit que des réformes institutionnelles et démocratiques qui vont généralement de pair avec l'augmentation des revenus et qui sont nécessaires pour que les citoyens ordinaires puissent exprimer leurs préférences pour la qualité de l'environnement et influencer la prise de décisions politiques. haut de page

 
La bonne gestion des affaires publiques est également nécessaire au niveau international. L'une des conclusions les plus troublantes de la littérature empirique est que pour les problèmes environnementaux mondiaux, tels que le réchauffement planétaire dû aux émissions de gaz carbonique et d'autres gaz à effet de serre, le point d'inflexion de la courbe de Kuznets se situe, selon les estimations, à des niveaux de revenus bien supérieurs à ceux que l'on observe dans le cas de problèmes de pollution plus localisés. On peut en déduire que les gens ne se soucient guère du réchauffement de la planète et des modifications climatiques. Ils préfèrent en accepter (au nom de leurs enfants et de leurs petits-enfants) les conséquences plutôt que d'avoir à payer le coût de la réduction des émissions. Une autre explication possible de ces hésitations politiques est que les gouvernements, dans un contexte où les institutions politiques et les mécanismes d'exécution restent peu efficaces au niveau international, cherchent à éviter de payer leur part des dépenses encourues. De fait, une des raisons pour lesquelles l'OMC est devenue la principale instance de règlement des différends environnementaux est qu'elle dispose d'un mécanisme d'arbitrage intégré qui s'appuie sur le recours, en dernier ressort, à des sanctions commerciales pour faire respecter les règles. haut de page

 
La dégradation environnementale prendra fin lorsque les conditions politiques favorables seront réunies. Il convient de ne pas exagérer les obstacles politiques à la mise en œuvre de politiques environnementales rationnelles. Les points d'inflexion de la courbe de Kuznets qui ont été estimés pour différentes sortes de polluants se trouvent généralement à l'intérieur de la fourchette des revenus des grandes nations observée à l'époque où des problèmes spécifiques ont commencé à faire l'objet d'un vif débat sur la place publique. Par exemple, le point d'inflexion pour les émissions de chlorofluorocarbone se trouve dans la tranche des revenus de 12 000 à 18 000 dollars, qui correspond justement à la fourchette des revenus des grandes nations (qui sont aussi celles qui se sont engagées à réduire progressivement leurs émissions le plus rapidement) à l'époque de la signature du Protocole de Montréal en 1987. En ce qui concerne les émissions de gaz carbonique, bien que les estimations donnent un point d'inflexion correspondant à des revenus allant jusqu'à plusieurs centaines de milliers de dollars par habitant, il est possible, étant donné que la question du réchauffement planétaire a maintenant été portée sur le devant de la scène publique, que l'on commence plus tôt à réduire les émissions. Il faudra cependant pour cela que les pays passent de la parole aux actes et honorent les engagements qu'ils ont pris dans le cadre de l'Accord de Kyoto. Au bout du compte, il est possible que la courbe environnementale de Kuznets n'ait pas de point d'inflexion "naturel" et qu'elle s'infléchisse au moment où les conditions politiques favorables seront réunies pour la mise en place des politiques nécessaires pour lutter efficacement contre la dégradation de l'environnement, notamment par le biais de transferts de ressources et de technologies permettant aux pays en développement de moderniser leurs méthodes de production. haut de page

 
Tous les types de croissance ne sont pas sans danger pour l'environnement. Il est clair qu'une croissance économique qui utilise toujours plus de ressources naturelles comme intrants sera plus nocive pour l'environnement qu'une croissance économique tirée par le progrès technologique, qui permet d'économiser les intrants et de réduire les émissions par unité produite. Ce type de croissance n'émergera pas forcément de façon spontanée, mais exigera peut-être des incitations économiques qui orientent le développement dans une direction viable. haut de page

 
Le commerce pourrait jouer un rôle positif. Le commerce pourrait jouer un rôle positif dans ce processus en facilitant la diffusion internationale de technologies respectueuses de l'environnement. Il faudrait bien sûr pour cela que les pays soient prêts à éliminer les obstacles au commerce qui concernent les technologies modernes et les fournisseurs de services environnementaux afin de réduire le coût des investissements dans des technologies propres et des systèmes de gestion environnementale. Le nouveau cycle de négociations sur la libéralisation des échanges pourrait permettre des progrès dans ce sens. Ces négociations pourraient également traiter la question des subventions qui ont un effet nocif sur l'environnement, y compris les subventions accordées dans les secteurs de l'énergie, de l'agriculture et de la pêche. Cela bénéficierait à la fois à l'environnement et à l'économie mondiale. haut de page

 
La coopération environnementale multilatérale est la solution d'avenir. Nous conclurons ici par une observation citée par Long (1995), qui résume l'essentiel du débat sur le commerce et l'environnement. À une réunion des Ministres de l'environnement de l'OCDE, un ministre a relevé que son pays, comme la plupart des autres, s'était engagé en 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio, à poursuivre l'objectif du développement durable. Or, chaque fois qu'il essaie de promouvoir les modifications comportementales et technologiques qui sont nécessaires pour atteindre cet objectif, c'est-à-dire quand il essaie d'internaliser les coûts de la pollution environnementale et de la dégradation des ressources, il se fait traiter de "protectionniste vert" en dehors de son pays et de "destructeur de la compétitivité nationale" dans son pays. En somme, le problème qui se pose n'est ni celui du commerce, ni celui de la croissance économique. Il s'agit de réinventer les politiques environnementales dans une économie mondiale toujours plus intégrée de façon à assurer le respect des limites écologiques. Pour cela, le meilleur moyen, nous semble-t-il, consiste à renforcer les mécanismes et les institutions de coopération multilatérale dans le domaine de l'environnement, de la même façon qu'il y a 50 ans, les pays ont décidé qu'il était dans leur intérêt de coopérer dans le domaine du commerce. haut de page

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Nordström et Vaughan, Secrétariat de l'OMC: "Commerce et environnement"

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