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ADPIC: DEBAT DU CONSEIL SUR L'ACCES AUX MEDICAMENTS

Document de l'UE

Document communiqué par l'UE au Conseil des ADPIC à l'occasion du débat spécial sur la propriété intellectuelle et l'accès aux médicaments du 20 juin 2001.

 


IP/C/W/280
12 juin 2001
(01-2903)

Communication des Communautés Européennes et de leurs états membres

Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

Les Communautés européennes et leurs États membres ont fait parvenir au Secrétariat la communication ci-après, datée du 11 juin 2001, en demandant qu'elle soit distribuée aux Membres.

Relation entre les dispositions de l'accord sur les ADPIC et l'accès aux médicaments

Contexte

1. À la dernière session du Conseil des ADPIC (du 2 au 5 avril 2001), le Groupe des pays africains a proposé de réserver une journée de la session de juin afin de clarifier l'interprétation et/ou l'application de certaines dispositions de l'Accord sur les ADPIC. Le débat a pour objet d'examiner la relation entre la propriété intellectuelle et l'accès aux médicaments et il tentera de jeter un peu de lumière sur l'interprétation et l'application des dispositions de l'Accord qui donnent aux Membres la possibilité de répondre à des préoccupations de santé publique. Les Communautés européennes (CE) et leurs États membres, ainsi que la plupart des autres délégations, ont accueilli favorablement et appuyé cette initiative. C'est un événement important, puisque ce sera la première fois que le Conseil des ADPIC examinera des questions de propriété intellectuelle dans le contexte de la santé publique. 

2. Étant donné la nécessité impérative de lutter contre les maladies transmissibles, les CE et leurs États membres ont déjà pris un certain nombre d'initiatives dans le domaine de l'accès à des médicaments à des prix abordables pour les pays en développement. Le 14 mai 2001, le Conseil des ministres a approuvé le vaste programme d'action de la Commission qui a pour objet de lutter contre les principales maladies transmissibles. La Résolution du Conseil est axée sur trois grands objectifs: maximiser l'impact des interventions existantes, rendre les médicaments essentiels plus abordables et accroître les investissements dans la recherche et le développement de biens publics mondiaux spécifiques. 

3. Comme il est indiqué dans la communication COM (2000) 212 du 26 avril 2000, la politique de développement des CE a pour principal objectif de favoriser le développement durable afin de faire disparaître la pauvreté dans les pays en développement et d'intégrer ces pays dans l'économie mondiale. Il est désormais clair que certaines interventions stratégiques peuvent, si elles sont effectuées efficacement, réduire la maladie et la souffrance et promouvoir la prospérité, ce qui contribuera à créer un monde plus sûr pour tous. Toutefois, de grandes maladies transmissibles, comme le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose, continuent de freiner le développement humain. 

4. C'est pourquoi la Commission européenne a adopté en septembre 2000 une nouvelle politique générale qui est énoncée dans la communication intitulée: "Accélération de la lutte contre les principales maladies transmissibles dans le cadre de la réduction de la pauvreté" (COM (2000) 585 du 20 septembre 2000). Par la suite, une "table ronde de haut niveau" a été organisée à Bruxelles le 28 septembre 2000 (1) , et le Conseil a adopté le 10 novembre 2000 une résolution (document 13127/00, annexe II) dans laquelle il demandait à la Commission d'élaborer un plan d'action. 5. La Commission a mis au point un programme d'action concernant l'accélération de la lutte contre les principales maladies transmissibles dans le cadre de la réduction de la pauvreté, valable pour les cinq prochaines années. Le programme d'action (COM (2001) 96) a été adopté par la Commission le 21 février 2001 (voir le site Web à l'adresse http://www.cc.cec:8082/comm/development/sector/social/health_en.htm).

6. Les CE et leurs États membres reconnaissent que la pénurie de médicaments à des prix abordables est un grave problème dans de nombreux pays en développement, notamment pour les personnes les plus démunies.

 

Pertinence de la propriété intellectuelle haut de page

7. Les CE et leurs États membres estiment que les droits de propriété intellectuelle sont des stimulants essentiels de la créativité et de l'innovation. Ces droits doivent être protégés adéquatement afin d'encourager, par exemple, les investissements dans la recherche et la mise au point de nouveaux médicaments, notamment ceux destinés à lutter contre les principales maladies transmissibles. 

8. Cependant, on a parfois critiqué l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), issu des négociations du Cycle d'Uruguay, en disant qu'il limitait les options politiques à l'égard des préoccupations de santé publique. De l'avis des CE et de leurs États membres, les objectifs, les principes et le but de l'Accord (qui sont énoncés aux articles 7 et 8), les dispositions transitoires spéciales et d'autres dispositions donnent à ces pays une marge d'appréciation suffisamment grande pour mettre en œuvre cet accord. Cette marge leur permet de mettre en place un régime de propriété intellectuelle qui satisfait à leurs nécessités politiques et qui est en mesure de répondre aux préoccupations de santé publique. Les CE et leurs États membres ont déclaré - notamment dans le programme d'action - qu'ils étaient disposés à encourager la tenue de débats au sein de l'OMC, de l'OMPI et de l'OMS, concernant le lien entre l'Accord et les questions de protection de la santé publique. La présente communication se veut un résumé des vues des CE et de leurs États membres sur quelques-unes des dispositions pertinentes de l'Accord.

 

Licences obligatoires haut de page

9. On peut dire que dans un certain nombre de domaines l'Accord sur les ADPIC laisse aux Membres une certaine marge d'appréciation dans la façon dont ils le mettent en œuvre. Les licences obligatoires (ou "autres utilisations sans autorisation du détenteur du droit") constituent l'un de ces domaines. 

10. Comme l'article 31 de l'Accord ne précise pas les motifs pour lesquels des licences obligatoires peuvent être concédées, un certain nombre de raisons, entre autres des raisons de santé publique, peuvent légitimement être invoquées. Dans cet article, sont simplement énoncées certaines garanties de forme qui doivent être respectées lorsque ce genre de licences est délivré: par exemple, il faut qu'une licence volontaire ait été demandée avant qu'une licence obligatoire ne soit délivrée et que le détenteur du droit reçoive une rémunération adéquate. Il importe de noter toutefois qu'il peut être dérogé à l'exigence de chercher d'abord à obtenir une licence volontaire dans les cas suivants: i) dans des situations d'urgence nationale ou d'autres circonstances d'extrême urgence; ii) lorsque l'objet du brevet est requis pour une utilisation publique à des fins non commerciales. 

11. Néanmoins, certains ont prétendu que l'article 31 était entouré d'un trop grand nombre de restrictions de forme pour pouvoir être utile aux pays en développement qui pouvaient souhaiter recourir à des licences obligatoires afin d'avoir accès à des médicaments brevetés à des prix abordables. 

Les CE et leurs États membres estiment que des garanties de forme sont importantes pour assurer la sécurité juridique. L'article 31 laisse néanmoins une certaine marge de manœuvre dans les situations d'urgence nationale et dans d'autres circonstances d'extrême urgence, ou lorsque l'objet du brevet est requis pour une utilisation publique à des fins non commerciales. Bien que l'article 31 à proprement parler ne renferme pas de solutions sur mesure qui permettraient de répondre aux problèmes particuliers soulevés dans le cadre du débat sur l'accès aux soins de santé, il laisse aux Membres de l'OMC la faculté de déterminer les raisons justifiant la concession de licences obligatoires, à condition que les termes de l'article et d'autres dispositions de l'Accord soient respectés, et il permet d'agir rapidement dans des situations d'urgence ou d'extrême urgence. 

12. On dit que les pays hésitent à invoquer cet article parce qu'il n'y est pas fait expressément mention de la santé publique et qu'ils craignent de susciter des procès coûteux. Cela a conduit à demander au Conseil général de faire une déclaration ou d'adopter éventuellement une recommandation pour préciser la façon dont des expressions telles que "urgence nationale" et "utilisation publique à des fins non commerciales" peuvent être interprétées. Quant aux proportions qu'auraient atteintes le SIDA et l'infection à VIH dans certains pays en développement, il semble y avoir de très bonnes raisons de les qualifier d'"urgence nationale" ou de "circonstances d'extrême urgence". 

Les CE et leurs États membres estiment que le fait qu'il n'est pas fait expressément mention de la santé publique à l'article 31 n'empêche pas les Membres de l'OMC d'invoquer des préoccupations de santé publique. Il est dit à l'article 7 ("Objectifs") que le "bien-être social et économique" est un objectif de l'Accord, tandis que l'article 8 ("Principes") permet aux Membres de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé publique, à condition que ces mesures soient compatibles avec les dispositions de l'Accord. Bien que les articles 7 et 8 n'aient pas été conçus comme des exceptions générales, ils sont importants lorsqu'il s'agit d'interpréter d'autres dispositions de l'Accord, y compris lorsque les Membres prennent des mesures pour atteindre des objectifs en matière de santé. 

13. Par ailleurs, l'article 31 a donné lieu à des critiques parce qu'il exige que les marchandises fabriquées au titre d'une licence obligatoire soient "principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur du Membre qui a autorisé cette utilisation". On a parfois dit que cette disposition empêche les petits pays qui n'ont pas leurs propres installations de production d'obtenir de l'étranger des médicaments bon marché au titre d'une licence obligatoire. C'est un argument important car l'Accord ne semble offrir aucune certitude juridique sur ce point. Ce que l'on peut dire, c'est qu'un Membre de l'OMC est libre de concéder une licence obligatoire pour l'importation de marchandises qui sont brevetées sur son propre territoire, dès lors que les marchandises importées ont été produites dans un pays où elles ne sont pas brevetées ou que le brevet y est tombé en déchéance. Quoi qu'il en soit, les CE et leurs États membres attirent également l'attention sur une autre interprétation possible de l'Accord (voir le site Web de la Direction générale du commerce à l'adresse http://www.cc.cec:8082/comm/trade/pdf/med_lic.pdf) selon laquelle un Membre pourrait délivrer une licence obligatoire à un fabricant dans un autre pays, à condition que le gouvernement de cet autre pays ait reconnu la licence (ce qu'il n'est pas tenu de faire aux termes de l'Accord), et que toutes les marchandises fabriquées au titre de la licence soient exportées vers le pays qui l'a concédée. Il convient de noter, toutefois, qu'il est loin d'être certain qu'une interprétation aussi "permissive" de l'Accord résisterait à l'examen d'un groupe spécial ou de l'Organe d'appel. 

Les CE et leurs États membres sont disposés à examiner cette question afin que tous les Membres de l'OMC puissent parvenir à un consensus sur ce point.

 

Exceptions aux droits de brevet haut de page

14. L'article 30 de l'Accord sur les ADPIC ("Exceptions aux droits conférés") laisse aussi une certaine marge d'appréciation aux Membres de l'OMC en ce qui concerne la mise en œuvre de l'Accord. Il prévoit des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet, à condition qu'elles soient: 1) limitées; 2) justifiées; et 3) qu'elles ne causent pas un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire du brevet ni à ceux des tiers. 

Les CE et leurs États membres estiment que l'article 30 revient à admettre qu'il peut être nécessaire d'aménager les droits de brevet énoncés à l'article 28 ("Droits conférés") dans certaines circonstances. Les dispositions de l'article 30 devraient être respectées intégralement et interprétées à la lumière des articles 7 et 8 (mentionnés plus haut). Elles ne devraient pas être interprétées de façon à autoriser une réduction substantielle ou injustifiée des droits de brevet. Néanmoins, les CE et leurs États membres ne s'opposent pas en principe à ce que des exceptions soient apportées, aux fins de la recherche, par exemple, pourvu que ces exceptions soient de nature non discriminatoire.

 

Protection des renseignements non divulgués haut de page

15. Il pourrait également être utile de clarifier davantage l'article 39:3 dans le cadre du débat sur l'accès aux médicaments. Cette disposition oblige les Membres de l'OMC à protéger les données non divulguées résultant d'essais ou d'autres données non divulguées contre l'exploitation déloyale dans le commerce, lorsqu'ils subordonnent l'approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques à la communication de ces données, dont l'établissement demande un effort considérable. 

En effet, un nouveau médicament doit normalement subir une série d'épreuves d'innocuité avant de pouvoir être commercialisé. Se pose alors la question de savoir si les autorités chargées de la réglementation peuvent, des années plus tard, s'appuyer sur des données résultant d'essais lorsqu'elles examinent une demande d'homologation pour une version générique du médicament, ce qui éviterait au demandeur d'avoir à communiquer de nouvelles données et accélérerait la commercialisation du médicament générique dans les pays en développement, par exemple. 

Les CE et leurs États membres estiment que l'Accord comporte effectivement l'obligation de protéger les données résultant d'essais contre "l'exploitation déloyale dans le commerce" et que le moyen le plus efficace d'y parvenir est de refuser aux autorités chargées de la réglementation la possibilité de s'appuyer sur ces données pendant une période de temps raisonnable. En outre, les données devraient pouvoir être protégées indépendamment de la question de savoir si le produit soumis à l'approbation des autorités chargées de la réglementation est breveté ou non, puisque la protection des données est une question tout à fait différente de la protection des brevets. 

16. Des préoccupations ont été exprimées dans certains milieux, au motif que cette interprétation pourrait rendre inefficaces les licences obligatoires, parce qu'elle obligerait le titulaire de licence à produire ses propres données d'essai afin d'obtenir une homologation distincte, ce qui retarderait l'arrivée des produits sur le marché. 

Les CE et leurs États membres estiment cependant que l'article 39:3 n'oblige pas les Membres à disposer d'une procédure d'approbation de la commercialisation pas plus qu'il ne prescrit ce que devrait être cette procédure. La disposition ne devrait certainement pas être interprétée de façon à affaiblir ou à annuler les droits qui résultent pour les Membres d'autres articles de l'Accord, comme la procédure accélérée prévue à l'article 31 b) dans des situations d'urgence, qui admet la nécessité que les licences obligatoires déploient immédiatement leurs effets dans certaines circonstances.

 

Conclusion haut de page

17. L'Accord sur les ADPIC incarne un équilibre délicat entre les intérêts des détenteurs de droits et ceux des consommateurs. Les CE et leurs États membres sont disposés à contribuer de manière constructive à un débat concernant l'interprétation des dispositions de cet accord. 

18. Par ailleurs, l'aggravation de la crise sanitaire dans les pays en développement souligne la nécessité d'agir rapidement. L'Accord sur les ADPIC est de plus en plus critiqué parce qu'il ferait obstacle aux efforts déployés par les pays en développement pour appliquer une politique efficace de santé publique. Les CE et leurs États membres prennent ces critiques au sérieux et sont disposés à engager un débat constructif pouvant aboutir, lorsqu'il y a lieu, à la clarification de certaines des dispositions de l'Accord. Le présent document traite principalement des articles 7, 8, 30, 31 et 39, mais les Membres souhaiteront peut-être examiner d'autres dispositions qu'ils jugent pertinentes. Les CE et leurs États membres sont également disposés à examiner la mesure suivant laquelle l'assistance technique peut prendre en compte les préoccupations sanitaires. 

19. Améliorer la santé tout en luttant contre la pauvreté exige un ensemble de politiques et pratiques sociales, économiques et sanitaires qui soient complémentaires. Les progrès sanitaires dépendent dans une large mesure de l'utilisation des ressources disponibles de façon productive et efficace, comme le montrent les grandes avancées opérées par des pays à moyen ou à faible revenu. Les droits de propriété intellectuelle jouent un rôle en ce qui concerne l'accès aux médicaments. Toutefois, l'Accord sur les ADPIC ne peut être tenu responsable de la crise sanitaire dans les pays en développement, pas plus qu'il ne doit pas faire obstacle aux initiatives visant à lutter contre la crise. Les CE et leurs États membres continueront de prendre part de manière constructive et positive aux efforts grandissants qui sont déployés dans le monde pour donner une réponse cohérente et efficace aux problèmes sanitaires des pays en développement.


Note
(1)La table ronde a été convoquée par la Commission européenne, sous l'égide de la Présidence française de l'Union européenne, et était coparrainée par l'OMS et l'ONUSIDA. Les actes peuvent être consultés sur le site http://europa.eu.int/comm/
development
/sector/social/health_en.htm
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