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LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE: OMS-OMPI-OMC

Chapitre 4: Technologies médicales: problématique de l'accès

Le chapitre III a expliqué le rôle de la propriété intellectuelle et d'autres mesures de politique publique dans l'innovation en santé; le présent chapitre examine en détail la problématique de l'accès aux technologies médicales, les notions qui la sous tendent et les approches statistiques et méthodologiques. Il donne en outre un aperçu des principaux déterminants de l'accès liés aux systèmes de santé, à la propriété intellectuelle et à la politique commerciale.

A. Accès aux technologies médicales: contexte

Principaux points

 

  • L'accès aux médicaments et autres technologies médicales s'inscrit dans la problématique plus large de l'accès aux soins de santé, qui nécessite un système national de santé fonctionnant bien.
  • L'amélioration de l'accès aux médicaments ne sera bénéfique pour la santé publique que si les médicaments disponibles sont de bonne qualité.
  • Les Listes de médicaments essentiels de l'OMS peuvent guider le choix rationnel des médicaments.
  • Le prix est un déterminant essentiel de l'accès aux médicaments, surtout dans les pays où le secteur de la santé publique est peu développé et où les malades doivent acheter les traitements sur le marché privé et les payer de leur poche.
  • En général, les produits génériques sont meilleur marché que les produits princeps, mais même les médicaments génériques peu coûteux sont souvent inabordables pour une grande partie de la population de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
  • Depuis 2001, l'accroissement significatif du financement international pour les médicaments essentiels, notamment pour le VIH/SIDA, le paludisme, la tuberculose et les vaccins, a considérablement amélioré l'accès à ces produits dans de nombreux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
  • Pour que le système de santé fonctionne bien, il faut que les pouvoirs publics s'engagent à le financer convenablement et de manière durable et qu'ils assurent un approvisionnement fiable en médicaments essentiels.
  • La fourniture d'antirétroviraux bon marché a considérablement augmenté le nombre de patients recevant un traitement contre le VIH/SIDA. Bon nombre des anciens traitements sont disponibles sous une forme générique, mais les ARV plus récents restent protégés par des brevets dans de nombreux pays.
  • Avec l'introduction des brevets de produits en Inde, les versions génériques des nouveaux traitements brevetés ne seront disponibles qu'à l'expiration des brevets, à moins qu'ils ne soient produits en Inde dans le cadre de licences volontaires ou obligatoires.
  • La Déclaration politique de l'ONU sur le VIH/SIDA engage les États membres à éliminer les obstacles qui limitent la capacité des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire d'assurer la prévention et le traitement efficaces du VIH à un coût abordable, notamment en utilisant les flexibilités de l'Accord sur les ADPIC, en encourageant la concurrence des génériques et en recourant à l'échelonnement des prix, au partage de brevets et aux communautés de brevets.
  • Dans nombre de pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire, l'offre de médicaments contre les maladies chroniques, dans le secteur public comme dans le secteur privé, est inférieure à l'offre de médicaments contre les pathologies aiguës, bien que les médicaments essentiels soient disponibles à bas prix.
  • Des formulations pédiatriques doivent encore être mises au point pour de nombreux médicaments; des incitations supplémentaires sont nécessaires à cette fin.
  • Les programmes nationaux de vaccination sont des outils de santé publique très efficaces pour prévenir les maladies et empêcher la propagation des maladies infectieuses.

Ce chapitre donne un aperçu des principaux déterminants de l'accès liés au système de santé, à la propriété intellectuelle et à la politique commerciale. Beaucoup d'autres facteurs socioéconomiques très importants entrent également en jeu – tels que le financement de la santé, la qualification des personnels de santé, la pauvreté et les facteurs culturels – et il est rare qu'un seul soit en cause, mais ces autres facteurs ne sont pas examinés ici car ils ne font pas partie de l'interface entre la santé, la propriété intellectuelle et le commerce.

De multiples facteurs doivent interagir pour permettre un accès durable aux technologies médicales. Le cas de la pneumonie, première cause de décès chez l'enfant dans le monde, illustre la complexité du problème. Chaque année, cette maladie tue près de 1,3 million d'enfants de moins de cinq ans, ce qui représente 18% des décès dans cette tranche d'âge à l'échelle mondiale – plus que le SIDA, le paludisme et la tuberculose réunis (UNICEF, 2012; OMS 2012c). Les enfants peuvent être protégés contre la pneumonie; il existe des mesures de prévention simples et des traitements peu coûteux.1Le fait que des médicaments de base bon marché soient encore inaccessibles montre clairement que les obstacles à l'accès sont plus complexes que la simple question du prix.

Le manque d'accès est généralement interprété comme l'absence de possibilités de traitement pour le malade. Le traitement approprié doit être physiquement disponible, à un prix abordable.

Dans les pays à revenu élevé, une grande partie des dépenses consacrées aux technologies médicales est financée par des fonds publics ou remboursée par les systèmes d'assurance maladie; mais, dans les autres pays, la plupart des dépenses de santé sont à la charge des patients eux‑mêmes.

Les technologies médicales sont des produits complexes qui ne peuvent être efficaces qu'en association avec l'avis de spécialistes et d'autres services de santé. L'accès aux médicaments n'est qu'un aspect du problème plus large de l'accès aux soins de santé. Pour assurer l'accès, il faut disposer d'un système national de santé qui fonctionne bien. La fourniture des médicaments nécessaires n'est qu'une composante de ce système.

L'OMS a défini l'"accès" aux médicaments comme étant l'offre équitable de médicaments essentiels à un prix abordable au cours du processus d'acquisition de médicaments (OMS, 2003b; 2004c). Pour préciser les conditions requises, l'OMS a élaboré un cadre pour l'accès aux médicaments essentiels.

1. Cadre de l'OMS pour l'accès aux médicaments essentiels

Le cadre de l'OMS pour l'accès aux médicaments essentiels prévoit quatre conditions qui doivent être remplies simultanément (OMS, 2004c):

  • sélection et utilisation rationnelles des médicaments
  • prix abordable
  • financement durable
  • systèmes de santé et d'approvisionnement fiables.

L'amélioration de l'accès aux médicaments ne sera bénéfique pour la santé publique que si elle implique aussi un meilleur accès à des produits de qualité. Le contrôle et la réglementation stricts de la qualité des produits incombent aux fabricants, aux fournisseurs et aux autorités nationales. Le cadre de l'OMS part du principe que la qualité et la réglementation font partie intégrante de l'accès aux médicaments.

D'autres cadres pour l'accès aux médicaments ont été formulés par les spécialistes de la politique de santé. L'un d'eux s'articule autour de cinq critères: disponibilité, accessibilité, abordabilité, adéquation et acceptabilité (Obrist et al., 2007).2Le cadre le plus récent met davantage l'accent sur les partenariats internationaux (Frost et Reich, 2010).

Les sections suivantes résument les quatre déterminants de l'accès identifiés dans le cadre de l'OMS pour l'accès aux médicaments essentiels.

(a) Sélection et utilisation rationnelles des médicaments

La sélection rationnelle des médicaments signifie qu'un pays doit déterminer, sur la base de critères bien définis, quels médicaments sont les plus importants pour faire face à la charge de morbidité nationale. Avec ses Listes modèles de médicaments essentiels (LME), l'OMS a aidé les pays à établir des listes nationales de médicaments essentiels (voir l'encadré 4.1).

Ces listes peuvent aider les pays à déterminer quels médicaments doivent être achetés et distribués en priorité, ce qui permet de réduire les coûts pour le système de santé. L'ajout d'un médicament sur la Liste de l'OMS incite les pays à l'ajouter aussi sur leur liste et dans leur registre national des médicaments. Certains pays limitent leurs importations aux médicaments qui figurent sur leur liste nationale. De même, plusieurs fondations et plusieurs grandes institutions caritatives se basent sur les listes de l'OMS pour leurs achats de médicaments. En 2003, 156 pays avaient établi une liste nationale de médicaments essentiels, et en 2009, l'OMS indiquait que 79% des pays avaient actualisé leurs listes nationales au cours des 5 années précédentes.3

L'utilisation rationnelle des médicaments est tout aussi importante que leur sélection rationnelle. Leur utilisation non rationnelle – inappropriée, inadéquate ou inadaptée – est un problème mondial majeur. Elle peut provoquer des réactions préjudiciables et accroître la résistance aux antimicrobiens (Holloway et van Dijk, 2011), sans compter qu'elle entraîne aussi le gaspillage de ressources limitées. On peut citer comme exemple l'utilisation des antibiotiques en Europe, où certains pays en consomment trois fois plus par habitant que d'autres pays ayant un profil de morbidité comparable (Holloway et van Dijk, 2011). On parle d'utilisation non rationnelle dans les cas suivants:

  • utilisation d'un trop grand nombre de médicaments par patient (polypharmacie)
  • utilisation de médicaments non nécessaires
  • utilisation d'un médicament inadapté à la pathologie
  • non‑prescription d'un médicament nécessaire.

L'utilisation non rationnelle comprend aussi les problèmes de formulation (orale ou pédiatrique, par exemple), d'automédication inappropriée et de non‑respect de la posologie par le prescripteur et par le patient. On estime que l'observance des traitements est de l'ordre de 50% au niveau mondial (Holloway et van Dijk, 2011), et que dans de nombreux cas, les instructions données au patient et l'étiquetage des produits prescrits sont inadéquats.

L'établissement de directives cliniques fondées sur des données factuelles est un moyen important de promouvoir la sélection et l'utilisation rationnelles des médicaments. Mais c'est une tâche difficile, surtout en ce qui concerne les maladies non transmissibles (MNT). L'industrie pharmaceutique est très engagée dans le domaine des MNT en raison du potentiel commercial à long terme des traitements contre les maladies chroniques, ce qui nécessite une analyse et une gestion attentives des risques de conflits d'intérêt entre l'industrie, les organisations de malades, les associations professionnelles, les assurances et les organismes publics.4

Encadré 1.1 Liste modèle des médicaments essentiels de l'OMS

Les médicaments essentiels sont "ceux qui satisfont aux besoins de la majorité de la population en matière de soins de santé; ils doivent donc être disponibles à tout moment, en quantité suffisante, sous la forme pharmaceutique appropriée, et à un prix accessible pour les individus et la communauté. Ce concept est par définition souple et adaptable à de nombreuses situations; c'est à chaque pays qu'il incombe de déterminer quels sont les médicaments qu'il considère comme essentiels" (OMS, 2002a).

La première LME a été publiée en 1977. Des critères de sélection ont été définis en termes de sécurité, de qualité, d'efficacité et de coût total (Mirza, 2008; Greene, 2010). La 17ème LME contient 445 médicaments et 358 molécules, à l'exclusion des copies (van den Ham et al., 2011), ainsi que des traitements contre le paludisme, le VIH/SIDA, la tuberculose, les problèmes de santé reproductive et les maladies non transmissibles, comme les maladies cardiovasculaires, le cancer, les affections respiratoires chroniques et le diabète, et elles s'appuient sur les meilleures données factuelles disponibles (OMS, 2011d). La première LME pour les maladies infantiles a été publiée en 2007 (OMS, 2011f).

La LME donne des conseils au sujet des médicaments recommandés pour le traitement des problèmes de santé courants. On y trouve généralement tous les produits recommandés dans les directives de traitement types, ainsi que d'autres médicaments nécessaires pour traiter la plupart des troubles cliniques à tel ou tel niveau de soin.

La LME indique la dénomination commune internationale (DCI), ou nom générique des médicaments, sans mentionner le fabricant. La liste est mise à jour tous les deux ans par le Comité OMS d'experts sur la sélection et l'utilisation des médicaments essentiels, suivant une procédure transparente fondée sur des données factuelles.

Avant 2002, les médicaments coûteux étaient souvent exclus de la LME car les critères de sélection donnaient la priorité aux produits bon marché. Aujourd'hui, le premier critère de sélection est l'efficacité. Le processus d'évaluation prend en compte des données sur le coût comparatif et le rapport coût‑efficacité (coût par cas évité ou coût par année de vie gagnée pondérée par la qualité, par exemple). Le coût peut être aussi un critère pertinent pour sélectionner, dans une même classe thérapeutique, les médicaments ayant le meilleur rapport coût‑efficacité, si l'efficacité est comparable (van den Ham et al., 2011). L'inscription sur la LME d'un médicament cher mais d'un bon rapport coût‑efficacité signifie que ce médicament doit devenir disponible à un prix abordable. Les antirétroviraux (ARV) de première intention, qui ont été inscrits dans la LME en 2002, sont le premier exemple de cette nouvelle approche. À l'époque, ils coûtaient plus de 10 000 dollars EU par patient et par an; depuis, leurs prix ont fortement baissé.

À l'exception de certains médicaments contre le VIH/SIDA, la grande majorité des produits figurant sur la LME ne sont plus protégés par un brevet et leurs versions génériques sont largement disponibles; ils comprennent des médicaments contre les principales maladies non transmissibles (Attaran, 2004; Mackey et Liang, 2012).

(b) Prix abordables

Le prix est un autre déterminant important de l'accès aux médicaments. Il faut qu'il soit abordable, ce qui dépend de plusieurs facteurs, notamment du remboursement et du caractère récurrent ou non de la dépense. Pour déterminer si le prix d'un médicament est abordable, il faut le rapporter ensuite aux ressources disponibles.

Le prix des médicaments est un facteur essentiel, en particulier dans les pays où le secteur de la santé publique est peu développé et où les personnes pauvres doivent acheter les médicaments sur le marché privé, avec leurs maigres ressources. Dans certains pays en développement, jusqu'à 80% à 90% des médicaments sont payés directement par les patients et ne sont pas remboursés par un système national d'assurance maladie ou une assurance privée (OMS, 2004c). Les patients pauvres sont prêts à payer plus pour les médicaments que pour d'autres biens de consommation, mais ils peuvent quand même être confrontés à des prix prohibitifs. C'est pour cette raison importante que de nombreux gouvernements réglementent les prix des médicaments (voir plus loin dans le présent chapitre).

On a peu de données sur la disponibilité et les prix des médicaments dans la plupart des pays en développement, mais des enquêtes à ce sujet ont été menées au cours des dernières années par Health Action International (HAI) et l'OMS (OMS/HAI, 2008). Ces enquêtes indiquent généralement les prix médians en monnaie locale et les ratios des prix médians (RPM), comparant les prix locaux aux prix de référence internationaux (PRI) communiqués par Management Sciences for Health.5Le RPM est un moyen simple d'exprimer la différence entre le prix médian local et le PRI. Ce dernier représente le prix d'achat effectif offert aux pays à revenu faible ou intermédiaire par des fournisseurs à but non lucratif, et en règle générale, il ne comprend pas les frais de transport (Cameron et al., 2009). Un RPM de 2, par exemple, signifie que le prix local du médicament est le double du PRI, tandis qu'un RPM inférieur à 1 signifie que le prix local est inférieur au PRI.

L'OMS mesure l'"abordabilité" sur la base du rapport entre le salaire journalier minimum d'un employé non qualifié du secteur public et le coût d'un traitement donné contre une affection aiguë ou chronique (OMS/HAI, 2008).

Le montant total des dépenses de santé d'un ménage peut être considéré comme "catastrophique" s'il dépasse 10% du total de ses ressources ou 40% de ses dépenses non alimentaires (Wagner et al., 2011).

Une autre mesure consiste à évaluer la proportion de la population qui se retrouverait en deçà des seuils de pauvreté internationaux de 1,25 dollar EU ou de 2 dollars EU par jour à cause de l'achat de médicaments ou de soins médicaux. Une étude portant sur 16 pays à revenu faible ou intermédiaire montre qu'une grande partie de la population de ces pays se retrouverait au‑dessous du seuil de pauvreté après l'achat de quatre médicaments courants, et qu'une proportion plus grande encore serait dans cette situation après l'achat de produits princeps (Niëns et al., 2010). Pour une analyse plus détaillée de la disponibilité et des prix des génériques, voir la section B.1 du présent chapitre.

La protection de la propriété intellectuelle a une influence sur le prix des technologies médicales. En moyenne, les génériques sont moins chers que les produits princeps, ce qui tient en partie à la concurrence entre les fabricants au niveau des prix. L'OMS a analysé la disponibilité et l'abordabilité des médicaments essentiels dans les secteurs public et privé dans 46 pays à revenu faible ou intermédiaire entre 2001 et 2009. La "disponibilité" était définie comme le pourcentage de points de vente où un médicament donné pouvait être trouvé le jour de l'enquête (OMS/HAI, 2008). Ces études concernant certains médicaments génériques indiquent que la disponibilité médiane moyenne globale de ces produits est inférieure à 42% dans le secteur public (OMS, 2012c). En général, la disponibilité des génériques est plus élevée dans le secteur privé – près de 72% d'après les mêmes études – bien que dans de nombreuses parties du monde, le secteur privé préfère stocker des produits princeps. Même pour les médicaments génériques, les prix ont tendance à être plus élevés dans le secteur privé, où les prix des génériques les moins chers étaient 9 à 25 fois plus élevés que le prix de référence international (PRI) dans la plupart des régions de l'OMS, à parité de pouvoir d'achat. Pour les produits princeps, les prix du secteur privé étaient au moins 20 fois supérieurs au PRI dans l'ensemble des régions de l'OMS (Cameron et al., 2009). Pour des données non ajustées sur les prix et la disponibilité des génériques par pays, voir OMS (2012c) et ONU (2011b; 2012).

Selon les estimations, le coût pour le patient pourrait être inférieur de 60% dans le secteur privé si les génériques étaient stockés de préférence aux produits princeps (Cameron et Laing, 2010). Il se peut, cependant, que les personnes les plus pauvres ne puissent même pas acheter les génériques les moins chers, en particulier si ceux‑ci ne sont disponibles que sur le marché privé où les prix sont plus élevés (Niëns et al., 2010). On estime que, dans les 89 pays pour lesquels on dispose de données, jusqu'à 10% de la population subit chaque année une catastrophe financière et un appauvrissement en raison du paiement direct des soins de santé (OMS, 2012c). L'accès universel aux médicaments dépend donc de leur disponibilité gratuite ou à bas prix dans le système de santé public et c'est là une responsabilité essentielle des gouvernements.

(c) Financement durable

Le financement durable des systèmes de santé est une condition préalable de l'offre régulière de médicaments et d'autres technologies médicales. Les dépenses de santé par habitant sont généralement peu élevées dans les pays à faible revenu, bien qu'elles soient destinées en grande partie à l'achat de médicaments – entre 20% et 60% du budget récurrent de la santé.6La Commission macroéconomie et santé a recommandé que les pays en développement portent leurs dépenses publiques de santé à 2% de leur produit national brut d'ici à 2015 pour assurer un accès universel aux services de santé essentiels. Elle a également recommandé que les pays donateurs engagent des ressources financières et des investissements conséquents dans la recherche‑développement en santé en coordonnant leur action avec les organisations internationales et intergouvernementales et en obtenant d'elles des ressources additionnelles (OMS, 2001a). Les responsables politiques devraient avoir pour objectifs, entre autres, d'accroître le financement public de la santé, notamment pour les médicaments essentiels; de réduire les dépenses à la charge des patients, en particulier des pauvres; et d'élargir la couverture de l'assurance maladie (OMS, 2004c).

En 2009, dans 36 des 89 pays pour lesquels on dispose de données, les dépenses de santé à la charge des patients ont représenté plus de la moitié du budget total de la santé (OMS, 2012c).

Depuis 2001, le financement international a considérablement augmenté pour l'achat de médicaments essentiels contre certaines maladies, de vaccins et d'autres produits médicaux tels que des moustiquaires imprégnées destinées aux pays pauvres, notamment par le biais de mécanismes comme le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial), l'UNITAID, l'Alliance GAVI, le Plan d'urgence du Président des États‑Unis pour la lutte contre le SIDA (PEPFAR) et l'Initiative Clinton pour l'accès la santé (CHAI). L'accès à ces produits s'en est trouvé grandement amélioré dans de nombreux pays. L'aide des donateurs et les prêts au développement peuvent aider à financer le secteur de la santé, mais ils doivent être accordés sur une base durable.

L'engagement des pouvoirs publics de financer le système de santé national de façon adéquate et durable est la condition essentielle pour parvenir à une couverture universelle (dans le domaine de la santé), qui permettrait à la population tout entière d'avoir accès à des services de santé appropriés.

(d) Fiabilité des systèmes de santé et d'approvisionnement

Pour assurer l'accès aux médicaments, il faut aussi que le système de santé fonctionne bien et soit capable de fournir à temps aux patients des technologies médicales de qualité; il doit aussi être capable d'anticiper les besoins, d'acheter, entreposer, transporter et inventorier les médicaments et les dispositifs médicaux et de les distribuer convenablement. Les systèmes d'approvisionnement sont faibles et fragmentés dans de nombreux pays en développement, comme le montre la figure 4.1, qui reflète la complexité de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique en Tanzanie. La première rangée de cases correspond aux catégories de produits désignées par une couleur spécifique. La rangée suivante représente les partenaires qui financent les différentes catégories de produits dans quatre grands groupes de donateurs (gouvernements, donateurs bilatéraux, donateurs multilatéraux et ONG ou donateurs privés). La troisième rangée correspond aux intervenants qui achètent les produits pour le compte des bailleurs de fonds. Les trois dernières rangées sauf une représentent les différents niveaux d'entreposage avant que les produits arrivent jusqu'aux patients.

Les produits médicaux considérés sont financés par 22 donateurs; ils sont achetés de diverses façons par 19 agents; ils sont entreposés à 2 niveaux par 14 entités différentes et ils arrivent finalement aux patients via 6 points de distribution différents. Le graphique illustre la difficulté de gérer et coordonner une chaîne d'approvisionnement comportant cinq niveaux, avec de nouveaux acteurs à chaque étape, et montre que certains produits comme les ARV sont financés par un plus grand nombre de donateurs que d'autres, comme les contraceptifs et les médicaments contre la tuberculose, qui n'ont que deux donateurs chacun (Ministère de la santé et de la protection sociale, 2008). Cette fragmentation de la chaîne d'approvisionnement se retrouve dans beaucoup d'autres pays.

Sans une amélioration, l'accès aux médicaments et aux autres technologies médicales restera une formidable gageure. Les pays doivent aussi avoir une capacité réglementaire adéquate pour assurer l'accès à des médicaments sûrs et efficaces, qu'ils soient importés ou fabriqués localement.

Pour être fiable, le système de santé a besoin aussi de personnel qualifié. On trouvera des données à jour sur les personnels de santé dans l'Atlas mondial des personnels de santé, établi par l'OMS.7

Pour les responsables politiques, les enjeux sont les suivants: mieux intégrer les médicaments dans le développement du secteur de la santé; créer des partenariats plus efficaces entre le secteur public, le secteur privé et les ONG pour l'approvisionnement en médicaments; mettre en place un système de contrôle réglementaire garantissant la qualité des médicaments; étudier des systèmes d'achat novateurs; et inclure les médicaments traditionnels dans les soins de santé (OMS, 2004c). Des recherches plus poussées sont nécessaires dans ce domaine. L'Alliance for Health Policy and Systems Research s'intéresse à l'accès aux médicaments du point de vue des systèmes de santé (voir l'encadré 4.2).

Encadré 4.2. Alliance for Health Policy and Systems Research: accès aux médicaments

 

Depuis 2010, l'Alliance for Health Policy and Systems Research est à la tête d'un projet de recherche sur les politiques d'accès aux médicaments dans l'optique des systèmes de santé. Ce projet reconnaît que les approches verticales et fragmentées, axées le plus souvent sur l'approvisionnement en médicaments et non sur la question plus large de l'accès aux services et interventions de santé, ne permettent pas d'assurer efficacement l'accès des populations aux médicaments.

Le projet a abouti à un appel à des propositions s'articulant autour des trois questions suivantes:

  • Dans les systèmes de protection contre les risques, quelles sont les innovations et les politiques qui pourraient assurer l'accès équitable aux médicaments et leur utilisation appropriée, la viabilité du système d'assurance maladie et l'impact financier sur les assurés?
  • Comment les interventions sur le marché privé (informations, subventions, contrôle des prix, dons, mécanismes réglementaires, pratiques promotionnelles, etc.) influent‑elles sur l'accès aux médicaments et sur leur utilisation appropriée?
  • Comment les parties prenantes peuvent‑elles utiliser les informations disponibles (concernant par exemple les prix, la disponibilité, la qualité, l'utilisation, l'enregistrement et l'achat) d'une manière transparente afin d'améliorer l'accès aux médicaments et leur utilisation?8 

2. Accès aux médicaments pour certaines maladies

Bien que l'accès aux médicaments reste un problème pour toutes les maladies, la présente section s'intéresse plus particulièrement à certaines d'entre elles (VIH/SIDA, maladies non transmissibles, et maladies infantiles) en raison de leur spécificité et de leur importance.

(a) VIH/SIDA

L'accès aux thérapies antirétrovirales dans les pays à revenu faible ou intermédiaire s'est considérablement amélioré au cours des dernières années, avec une couverture passant de seulement 400 000 personnes vivant avec le VIH en 2003 à plus de 8 millions à la fin de 2011. Le nombre de décès dus au SIDA a diminué de 24% dans le monde rien qu'entre 2005 et 2011 (ONUSIDA, 2012).

Ce progrès s'explique principalement par l'engagement des donateurs et par la baisse du prix des ARV. Depuis l'année 2000, le prix des ARV de première intention d'usage courant a fortement baissé. Le coût annuel des dix ARV de première intention les plus largement utilisés dans les pays à faible revenu est passé de plus de 692 dollars EU par personne en 2000 à 121 dollars EU par personne (prix médian pondéré) en 2010, soit une diminution de plus de 98% (OMS/ONUSIDA/UNICEF, 2011). Pour les ARV de deuxième intention les plus courants, les prix sont beaucoup plus élevés, allant de 554 dollars EU dans les pays à faible revenu à 692 dollars EU dans les pays à revenu intermédiaire.9Ces baisses sont dues notamment aux facteurs suivants:

  • accroissement du financement des thérapies antirétrovirales et émergence d'un marché des ARV génériques permettant des économies d'échelle
  • volonté politique, aux niveaux national et international, de fournir des traitements sous la pression des activistes contre le VIH/SIDA
  • élaboration et utilisation des directives de traitement standard de l'OMS
  • utilisation de licences obligatoires et utilisation par les pouvoirs publics
  • rejet des demandes de brevet dans les grands pays producteurs, ce qui permet aux fabricants de génériques d'entrer en concurrence
  • baisse des prix des produits princeps et accords de licence volontaire avec clauses de non‑poursuite
  • négociation des prix, y compris pour les achats en gros
  • renforcement de la transparence des prix des ARV grâce à leur publication et à des bases de données.10

La nécessité de disposer d'ARV à un prix abordable s'est trouvée renforcée par deux faits nouveaux:

  • l'adoption des nouvelles directives de traitement du VIH de l'OMS, qui recommandent de débuter le traitement plus tôt afin de réduire la mortalité liée au VIH et de prévenir les infections opportunistes telles que la tuberculose
  • l'accumulation de données attestant que la thérapie ARV est efficace pour la prévention du VIH, ce qui a conduit l'OMS à adopter de nouvelles directives sur l'utilisation des ARV à des fins de prévention dans les couples dits "sérodiscordants". Il faudrait envisager aussi de recourir aux ARV pour la prévention du VIH dans d'autres populations (OMS, 2012b).


Source: Ministère de la santé et de la protection sociale (2008).

La baisse du prix des ARV est essentielle pour que les gouvernements et les organismes donateurs puissent atteindre l'objectif fixé dans la Déclaration politique de l'ONU sur le VIH et le SIDA de 2011, qui est d'assurer un traitement antirétroviral à 15 millions de personnes vivant avec le VIH d'ici à 2015. Elle l'est aussi pour permettre aux gouvernements et aux donateurs de respecter leur engagement de faire en sorte que les malades puissent bénéficier d'une thérapie ARV tout au long de leur vie (ONU, 2011a).

Le VIH/SIDA est souvent pris comme exemple pour illustrer l'impact des brevets sur l'accès aux médicaments. L'accès aux ARV a représenté un défi exceptionnel car les tout premiers traitements efficaces n'ont été disponibles qu'à la fin des années 1980. Aujourd'hui, les traitements plus anciens sont disponibles auprès de fabricants de génériques, mais les ARV plus récents restent protégés par un brevet dans de nombreux pays.11

La figure 4.2 montre l'augmentation des ventes d'ARV génériques entre 2003 et 2011. Les données proviennent du Mécanisme mondial d'information sur les prix de l'OMS pour le VIH, la tuberculose et le paludisme. Il s'agit d'une base de données qui enregistre les transactions internationales liées à l'achat de produits contre le VIH, la tuberculose et le paludisme dans le cadre des programmes nationaux dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. La figure 4.3 indique l'augmentation des quantités d'ARV génériques vendus pendant la même période.

Source: Global Price Reporting Mechanism for HIV, tuberculosis and malaria at www.who.int/hiv/amds/gprm/en/ and Transaction Prices for Antiretroviral Medicines and HIV Diagnostics from 2008 to July 2011 at www.who.int/hiv/pub/amds/gprm_report_oct11/ en/index.html.

Source: Global Price Reporting Mechanism for HIV, tuberculosis and malaria at www.who.int/hiv/amds/gprm/en/ and Transaction Prices for Antiretroviral Medicines and HIV Diagnostics from 2008 to July 2011 at www.who.int/hiv/pub/amds/gprm_report_oct11/ en/index.html.

Les ARV génériques utilisés dans le monde sont fournis principalement par des entreprises indiennes, dont la part est bien supérieure à celle des fabricants non indiens de génériques ou de princeps. Depuis 2006, les ARV génériques en provenance de l'Inde représentent plus de 80% du marché des pays en développement financé par des donateurs (Waning et al., 2010). Le rôle important de l'Inde sur le marché des ARV génériques est dû à un certain nombre de facteurs, notamment au fait que le pays n'avait pas jusqu'en 2005 de régime de brevet pour les produits pharmaceutiques, ce qui permettait aux firmes établies en Inde de produire des versions génériques d'ARV qui étaient encore protégés dans d'autres juridictions. Avec l'introduction en 2005 du régime de brevet de produit, les produits pharmaceutiques sont protégés en Inde, de sorte que les versions génériques des nouveaux traitements ne sont disponibles qu'à l'expiration des brevets. Déjà, certains ARV nouvellement recommandés par l'OMS sont beaucoup plus chers que les anciens, et sont plus largement brevetés, y compris en Inde et dans d'autres grands pays producteurs de génériques.12

La Déclaration politique sur le VIH et le SIDA de 2011 engage les États membres de l'ONU à éliminer d'ici à 2015, dans toute la mesure possible, les obstacles qui empêchent les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de disposer des moyens nécessaires à la prévention et au traitement efficaces et bon marché du VIH, et à réduire les coûts associés à la prise en charge de soins continus en utilisant les possibilités offertes par l'Accord sur les aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC)13, et en favorisant la concurrence des génériques. La Déclaration encourage aussi l'utilisation volontaire de nouveaux mécanismes tels que les prix gradués, le partage des brevets et les pools de brevets, notamment par le biais d'entités comme la fondation Medicines Patent Pool, de façon à réduire le coût des traitements et à encourager la mise au point de nouveaux traitements contre le VIH (ONU, 2011a).

(b) Maladies non transmissibles

Jusqu'à une date récente, l'accent a été mis principalement sur l'"accès" aux médicaments contre les maladies infectieuses et contagieuses. Mais aujourd'hui, l'évolution démographique et épidémiologique exige que l'on mette davantage l'accent sur l'accès aux technologies médicales qui sont nécessaires pour traiter les maladies non transmissibles (MNT). Selon le Rapport de l'OMS sur la situation mondiale des maladies non transmissibles, sur les 57 millions de décès enregistrés dans le monde en 2008, 36 millions (soit 63,2%) étaient dus aux MNT – en particulier aux maladies cardiovasculaires, au diabète, au cancer et aux affections respiratoires chroniques (OMS, 2010b). Près de 80% de ces décès surviennent dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, où vit 85% de la population mondiale.14Les MNT sont la première cause de décès dans la plupart des pays, sauf en Afrique.15Bien que la prévention des MNT soit un objectif majeur, il faut assurer l'accès aux médicaments essentiels pour traiter les maladies cardiovasculaires, le diabète, les maladies pulmonaires obstructives chroniques (dont l'asthme), de nombreux cancers (y compris les soins palliatifs contre la douleur) et la dépression. Or, le traitement des maladies chroniques grève lourdement le budget des ménages, et nécessite souvent des dépenses catastrophiques qui précipitent les familles au‑dessous du seuil de pauvreté (Niëns et al., 2010).

En ce qui concerne le traitement des MNT, un parallèle peut être établi avec le VIH/SIDA, qui est généralement traité aujourd'hui comme une maladie chronique. Il y a cependant une différence importante concernant le rôle de la propriété intellectuelle; alors que les traitements contre le VIH/SIDA ont été mis au point assez récemment et sont donc encore largement protégés par des brevets, la quasi‑totalité des traitements contre les MNT qui figurent sur la LME de l'OMS ne sont plus protégés et la plupart des médicaments essentiels pour traiter ces maladies sont bon marché (NCD Alliance, 2011; Mackey et Liang, 2012). Les brevets ont une influence sur les prix des médicaments récents. Mais il faut analyser attentivement les avantages des nouveaux traitements du point de vue de la santé publique. De nombreux nouveaux traitements coûteux contre les MNT ne sont que marginalement plus efficaces que les traitements plus anciens existants.16

Il subsiste actuellement des lacunes importantes dans l'accès aux médicaments génériques et princeps contre les maladies chroniques (Mendis et al., 2007). Une étude comparant la disponibilité moyenne de 30 médicaments contre des affections chroniques et aiguës dans 40 pays en développement a montré que la disponibilité des médicaments était plus faible pour les maladies chroniques que pour les affections aiguës tant dans le secteur public que dans le secteur privé (Cameron et al., 2011). La faible disponibilité des médicaments essentiels dans le secteur public est souvent due au manque de ressources publiques ou à une sous‑budgétisation, à une prévision inexacte de la demande et à des systèmes d'achat et de distribution inefficaces.17

Les nouvelles stratégies visant à fournir des médicaments de qualité à un prix abordable pour les maladies chroniques exigeront des efforts analogues à ceux qui ont été faits pour traiter les malades atteints du VIH/SIDA. La Déclaration politique de la Réunion de haut niveau de l'Assemblée générale sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles de 201118engage les États membres à améliorer l'accès à des médicaments de qualité sûrs, abordables et efficaces et aux technologies pour diagnostiquer et traiter ces maladies. Le Plan d'action mondial 2013‑2020 pour la lutte contre les MNT vise à faciliter la mise en œuvre de cet engagement par le renforcement des systèmes de santé et le suivi des progrès accomplis pour atteindre les cibles volontaires fixées à l'échelle mondiale, qui comprennent l'accès aux technologies de base et aux médicaments essentiels pour le traitement des MNT.

(c) Médicaments pédiatriques

En 2006, un rapport établi conjointement par l'OMS et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a mis en lumière la nécessité d'établir une liste de médicaments essentiels pour les enfants (OMS/UNICEF, 2006). La première Liste modèle OMS des médicaments essentiels destinés à l'enfant a été publiée en octobre 2007 (OMS, 2011f).19

De nombreux pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire manquent de médicaments pédiatriques. Une étude a montré que dans 14 pays africains, un médicament pédiatrique donné était disponible dans 28 à 48% des centres de soins de santé primaires. La disponibilité était de 38 à 63% chez les détaillants ou dans les pharmacies privées (Robertson et al., 2009).

Pour de nombreux médicaments, il n'existe pas encore de formulations pédiatriques.20L'OMS a estimé que les produits pour la prévention et le traitement de la tuberculose, notamment chez les enfants séropositifs, et les produits destinés aux nouveau‑nés, figuraient parmi les priorités les plus urgentes de la recherche pharmaceutique dans le domaine des médicaments pour enfants.21

Plusieurs facteurs expliquent l'insuffisance de la recherche sur les médicaments pédiatriques. Le marché pour ces produits est plus fragmenté que celui des formulations pour adultes, notamment parce que les doses sont nécessairement déterminées en fonction du poids corporel. De plus, les médicaments pédiatriques doivent être disponibles sous différentes formes galéniques, ils doivent avoir un goût agréable et ils doivent être faciles à avaler.22En outre, il est plus coûteux d'effectuer des essais cliniques sur les enfants.23Afin d'encourager davantage les laboratoires pharmaceutiques à mettre au point de nouveaux produits à usage pédiatrique, certaines régions, comme l'Europe et les États‑Unis, ont pris des dispositions pour prolonger la durée des brevets ou la période d'exclusivité sur le marché pour ce type de produits.

Étant donné que les médicaments pédiatriques constituent un marché de niche qui peut ne pas être économiquement attractif, l'amélioration de l'accès à ces produits exige une étroite collaboration entre le secteur public et le secteur privé. Au niveau international, UNITAID s'efforce d'améliorer l'accès aux ARV destinés aux enfants. En coopération avec la Fondation Clinton, UNITAID assure un financement prévisible pour l'achat d'ARV pédiatriques à grande échelle, afin d'encourager la production de ces médicaments.24Ces initiatives ont entraîné une augmentation du nombre des fournisseurs et une baisse du prix des médicaments de qualité contre le SIDA pour les enfants (UNITAID, 2009; UNITAID, 2011).

(d) Vaccins

Les programmes nationaux de vaccination sont un outil de santé publique très efficace pour prévenir les maladies et empêcher la propagation des maladies infectieuses; ils ont presque toujours un bon rapport coût‑efficacité du point de vue de la santé publique (OMS, 2011c).

L'OMS, l'UNICEF et la Banque mondiale estiment que le coût de la vaccination d'un enfant dans les pays en développement est d'environ 18 dollars EU par naissance vivante (OMS/UNICEF/Banque mondiale, 2009). La protection d'un plus grand nombre d'enfants au moyen des vaccins existants et l'introduction de nouveaux produits dans le cadre des programmes de vaccination contribuera à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment de l'objectif 4, cible 4A: "réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans". L'utilisation de nouveaux vaccins, dont ceux contre le pneumocoque et le rotavirus, aideront les pays à atteindre les OMD, mais entraînera une augmentation des coûts, à environ 30 dollars EU par naissance vivante (OMS/UNICEF/Banque mondiale, 2009). L'arrivée de nouveaux fabricants sur le marché dans les trois à sept prochaines années contribuera ensuite à la baisse des prix.

L'accès aux vaccins varie en fonction de la maladie. La couverture vaccinale des enfants au niveau mondial est de près de 80% pour les six vaccins inclus dans le Programme élargi de vaccination (vaccins contre la diphtérie, la coqueluche, le tétanos, la poliomyélite, la rougeole et la tuberculose) (OMS, 2011c). L'action de la GAVI a grandement contribué à la vaccination des enfants dans les pays en développement (voir l'encadré 4.3). Si les pays portaient à 90% la couverture vaccinale mondiale contre les maladies infantiles d'ici à 2015, deux millions de décès d'enfants de plus seraient évités chaque année. Cela aurait un impact considérable pour la réalisation de l'OMD 4 (OMS/UNICEF/Banque mondiale, 2009). Le principal obstacle à cet égard n'est pas le prix des vaccins; c'est plutôt la difficulté d'atteindre les populations des régions reculées, la faiblesse des systèmes de santé et de soutien logistique, la non‑compréhension de l'importance de la vaccination et, parfois, les préjugés sur la sécurité des vaccins, notamment dans les populations les plus déshéritées (OMS/UNICEF/Banque mondiale, 2009).

Encadré 4.3. L'Alliance GAVI 

L'Alliance GAVI (Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination) est un partenariat public‑privé qui finance l'achat de vaccins nouveaux ou encore peu utilisés pour les enfants des 70 pays les plus pauvres de la planète. À la fin de 2011, la GAVI avait contribué à la vaccination d'environ 326 millions d'enfants dans le monde, évitant ainsi plus de 5,5 millions de décès.

Depuis sa création en 2000, la GAVI a engagé 7,2 milliards de dollars EU, dont 80% destinés à l'achat de vaccins. La GAVI aide à renforcer les systèmes de santé nationaux et les organisations de la société civile afin d'améliorer la fourniture de vaccins aux pays en développement (en 2011, 57 pays ayant un revenu national brut par habitant égal ou inférieur à 1 520 dollars EU pouvaient bénéficier d'un financement de la GAVI).25 

En ce qui concerne l'accès aux nouveaux vaccins (contre le papillomavirus humain (HPV), le rotavirus et le pneumocoque, par exemple), il existe d'énormes inégalités entre les pays développés et les pays en développement. Deux des maladies qui causent le plus de décès chez l'enfant dans les pays en développement – la pneumonie et les maladies diarrhéiques – peuvent être évitées avec les nouveaux vaccins, mais ceux‑ci ne sont généralement pas disponibles dans ces pays (OMS, 2011c). En 2008, seuls 31 pays (essentiellement des pays développés) avaient introduit le vaccin contre le pneumocoque (OMS/UNICEF/Banque mondiale, 2009). Mais ces vaccins restent relativement coûteux en raison du petit nombre de fabricants (Oxfam/MSF, 2010). Plusieurs fabricants indiens, brésiliens et chinois envisagent de produire prochainement des vaccins contre le HPV, le pneumocoque et le rotavirus, ce qui pourrait faire baisser leurs prix et améliorer l'accès.

Si, dans le domaine des médicaments, les produits nouveaux et innovants sont souvent protégés par des brevets, dans le domaine des vaccins, c'est souvent le manque de compétences techniques et de savoir‑faire qui limite le nombre de fabricants. La fabrication de vaccins nécessite du personnel très qualifié ainsi qu'une expérience et des connaissances techniques étendues qui peuvent être spécifiques à un vaccin particulier. Par exemple, le nombre limité de fabricants de vaccins contre la grippe pandémique (qui a créé des difficultés lors de l'épidémie de grippe H1N1 en 2009‑2010) s'explique par le manque de savoir‑faire et par l'étroitesse du marché des vaccins contre la grippe saisonnière dans les pays en développement.26

3. Accès aux dispositifs médicaux

Les dispositifs médicaux jouent un rôle crucial dans la prévention, le diagnostic, le traitement et la gestion des maladies. Pour qu'ils soient bénéfiques, il faut que le système de santé fonctionne bien et dispose des ressources humaines nécessaires pour utiliser des dispositifs complexes. Il faut aussi disposer d'un système de financement pour le remboursement et d'infrastructures. Par exemple, une pompe à perfusion utilisée pour injecter des médicaments ou des nutriments dans le système circulatoire d'un patient ne résoudra pas à elle seule le problème du patient; elle ne lui sera utile que si le système de santé fournit les médicaments et les nutriments nécessaires et assure les services complémentaires d'examen, de diagnostic, de traitement et de réhabilitation. D'où la nécessité d'un modèle de soins de santé intégrés dans lequel les dispositifs médicaux ne sont que l'un des éléments du système de santé.

 

Le développement du concept de médicaments "essentiels" a amené à discuter de son application à d'autres technologies médicales. Les discussions sur les dispositifs médicaux "essentiels" n'en sont qu'à leurs débuts. Il est clair que certains dispositifs sont indispensables pour dispenser un traitement adéquat, mais il n'y a pas de consensus sur ce que pourraient être les dispositifs médicaux essentiels. Cela tient à ce que l'efficacité de ces dispositifs peut dépendre du niveau de soin, de l'infrastructure et de l'épidémiologie dans la région concernée.

La question de l'accès aux dispositifs médicaux n'a guère été étudiée. Des recherches opérationnelles sont nécessaires pour évaluer la situation et élaborer des documents de référence, des directives, des normes et des textes législatifs (OMS, 2010a). Il faut déterminer si les dispositifs médicaux actuellement disponibles sur le marché mondial répondent convenablement aux besoins des prestataires de soins de santé et des patients dans le monde et, si ce n'est pas le cas, il faut proposer des mesures pour y remédier. En 2010, un rapport de l'OMS sur les dispositifs médicaux prioritaires a identifié des lacunes dans la fourniture de dispositifs médicaux et a indiqué ce qui empêche leur pleine utilisation en tant qu'outils de santé publique (OMS, 2010a). À la lumière de ces observations, l'OMS a élaboré une méthode pour identifier les principaux problèmes sanitaires au niveau mondial – en utilisant le cadre de la charge de morbidité mondiale de l'OMS et ses estimations des facteurs de risque de maladie. Des directives cliniques ont été utilisées pour déterminer comment gérer au mieux les problèmes sanitaires les plus importants, en faisant une place particulière aux dispositifs médicaux. Mais ces directives ne précisent malheureusement pas quels dispositifs doivent être utilisés pour telle ou telle procédure et, de ce fait, leur application est assez compliquée si les décideurs ne savent pas quels dispositifs sélectionner, acheter et utiliser. La troisième et dernière étape a consisté à associer les deux premières pour établir, sous la forme d'une matrice de disponibilité, la liste des dispositifs médicaux essentiels pour prendre en charge les maladies à forte charge de morbidité, à un niveau de soin donné et dans un contexte donné (OMS, 2010a). En somme, la nécessité d'avoir des dispositifs médicaux appropriés, abordables, accessibles et sûrs pose un problème majeur dans de nombreuses parties du monde, à la fois pour les systèmes de santé et pour l'industrie des dispositifs médicaux.


1. Voir http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs331/fr/index.htmlretour au texte

2. La disponibilité est le degré d'adéquation entre les services existants et les besoins des clients (par exemple médicaments et thérapies disponibles pour faire face à la charge de morbidité actuelle; personnel capable de diagnostiquer et de traiter les maladies). L'accessibilité désigne la mesure dans laquelle l'implantation géographique des services de santé correspond à celle des patients et la possibilité pour eux d'accéder physiquement à ces services (compte tenu, par exemple, de la distance et des moyens de transport disponibles). L'abordabilité désigne la mesure dans laquelle le prix des services de santé correspond à la capacité de paiement des patients (par exemple, les patients peuvent payer les honoraires de leur poche sans avoir à vendre des biens importants; ils peuvent payer grâce à l'assurance maladie; ou les services sont gratuits). L'adéquation est la mesure dans laquelle l'organisation et la logistique des services de santé répondent aux attentes et aux besoins des patients (par exemple, les horaires d'ouverture des services correspondent à l'emploi du temps des clients et sont acceptables aussi pour le personnel de santé). L'acceptabilité correspond à la qualité de la relation entre le prestataire et le client (par exemple, façon dont le prestataire communique avec le client durant la consultation; degré de satisfaction du client vis‑à‑vis de la qualité des soins). retour au texte

3. Stratégies pharmaceutiques de l'OMS pour 2004‑2007 et 2008‑2013. Voir: http://whqlibdoc.who.int/hq/2004/WHO_ EDM_2004.5.pdf et www.who.int/medicines/publications/ medstrategy08_13/en/index.htmlretour au texte

4. Voir www.who.int/medicines/areas/policy/access_noncommunicable/NCDbriefingdocument.pdfretour au texte

5. Voir http://erc.msh.org/dmpguide/pdf/ DrugPriceGuide_2010_en.pdfretour au texte

6. Voir http://apps.who.int/medicinedocs/documents/ s18767en/s18767en.pdfretour au texte

7. Voir www.who.int/globalatlas/autologin/hrh_login.asp.  retour au texte

8.Voir www.who.int/alliance-hpsr/projects/medicines/en/ index.html.  retour au texte

9. Voir http://whqlibdoc.who.int/ publications/2011/9789241502986_eng.pdfretour au texte

10.Voir, par exemple, le mécanisme mondial d'information sur les prix de l'OMS, à l'adresse suivante www.who.int/hiv/amds/gprm/en/. Voir aussi http://utw.msfaccess.org/retour au texte

11. Voir http://utw.msfaccess.org/retour au texte

12. Pour plus de renseignements à ce sujet, voir http://utw.msfaccess.org/retour au texte

13. Voir la section B.1 g) du chapitre II retour au texte

14. Voir www.worldbank.org/depweb/english/modules/social/ pgr/retour au texte

15.Voir la section C.2 b) du chapitre I.retour au texte

16. "L'année 2011 du médicament: un sursaut en France en faveur des patients après Mediator dans un contexte de surplace général"; Revue Prescrire, 2012, tome 32, n° 340, pages 134 à 140. retour au texte

17. Voir www.who.int/medicines/areas/policy/access_noncommunicable/NCDbriefingdocument.pdfretour au texte

18. Document de l'ONU A/RES/66/2. retour au texte

19. Voir http://whqlibdoc.who.int/hq/2007/a95078_eng.pdfretour au texte

20. Voir http://whqlibdoc.who.int/hq/2004/ WHO_EDM_PAR_2004.7.pdfretour au texte

21. Voir www.who.int/childmedicines/prioritymedicines/en/ index.htmlretour au texte

22. Voir annexe 5, Forty‑Sixth Report of the WHO Expert Committee on Specifications for Pharmaceutical Preparations (quarante‑sixième rapport du Comité OMS d'experts des spécifications relatives aux préparations pharmaceutiques), à l'adresse suivante:www.who.int/medicines/areas/quality_safety/quality_assurance/expert_committee/TRS-970-pdf1.pdfretour au texte

23. Voir www.biomedcentral.com/content/pdf/1471-2431-10­74.pdfretour au texte

24. Ibid. retour au texte

25. Voir www.gavialliance.orgretour au texte

26. Voir http://apps.who.int/gb/pip/pdf_files/OEWG3/A_PIP_ OEWG_3_2-en.pdfretour au texte