Hong Kong, Chine - 2005

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L’OMC, HONG KONG 2005: NOTES D’INFORMATION

RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

La force de l'argument et non l'argument de la force

Le “Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends” (Mémorandum d'accord) établit les étapes et le calendrier détaillés de la procédure à suivre pour régler les différends opposant les gouvernements Membres.

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Généralités  

Il a été négocié pendant le Cycle d'Uruguay et constitue un accord juridiquement contraignant qui oblige les gouvernements Membres à régler leurs différends de manière ordonnée et dans un cadre multilatéral. C'est le premier mécanisme de ce type qui permet de régler les différends commerciaux entre gouvernements. Lorsque le Cycle d'Uruguay a pris fin en avril 1994 à la Conférence ministérielle de Marrakech, les Ministres sont convenus que leurs gouvernements procéderaient à un réexamen complet de ce nouveau système d'ici à janvier 1999 et décideraient s'il devait être maintenu, modifié ou supprimé. Au cours du réexamen, plusieurs Membres ont proposé des améliorations et des clarifications pouvant être apportées au Mémorandum d'accord. Toutefois, même après avoir repoussé l'échéance du réexamen à juillet 1999, les Membres ne sont pas parvenus à une conclusion convenue.

Tous les gouvernements Membres partagent la conviction que le système de règlement des différends a bien servi leurs intérêts depuis son entrée en vigueur en janvier 1995. Plus de 330 différends ont été portés devant l'OMC depuis lors, dont 130 environ ont fait l'objet d'un examen juridique complet. La plupart des autres ont été réglés à l'amiable, au bénéfice mutuel des parties en conflit. Tous ont été traités sans laisser trop d'animosité. C'est ce caractère quasi juridictionnel — mélange de flexibilité politique et d'intégrité juridique — qui fait de ce système un processus unique permettant de régler les différends internationaux pacifiquement grâce à la force de l'argument et non à l'argument de la force.

  

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Le mandat de Doha  

La Déclaration ministérielle de Doha prescrit des négociations sur les améliorations et clarifications à apporter au Mémorandum d'accord. Elle dispose que les négociations ne feront pas partie de l'engagement unique — autrement dit, elles ne seront pas subordonnées à la réussite ou à l'échec des autres négociations prescrites par la Déclaration. Le mandat de Doha fixait également une échéance mai 2003. En juillet 2003, le Conseil général a prolongé le délai jusqu'en mai 2004. Une nouvelle prolongation a été convenue par le Conseil général dans le cadre de l'“ensemble de résultats de juillet”, le 1er août 2004, sans qu'un nouveau délai ne soit fixé.

  

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Évolution entre Doha et mai 2004  

Les gouvernements Membres ont été plus nombreux à participer activement à ces négociations qu'ils ne l'ont été pour n'importe laquelle des autres négociations (à l'exception de l'agriculture) prescrites par la Déclaration de Doha, ce qui témoigne du rôle capital que joue le Mémorandum d'accord dans l'ensemble du système commercial multilatéral de l'OMC. Bien plus de 80 Membres ont souscrit à plus de 40 propositions, contenant chacune plusieurs modifications, qui concernaient pratiquement toutes les étapes de la procédure de règlement des différends.

Certaines des modifications proposées concernent des questions d'organisation interne, comme le traitement des affaires qui restent en suspens pendant plusieurs années sans que l'on sache si les parties plaignantes souhaitent y donner suite. Dans ces cas, les pays seraient censés retirer formellement leurs plaintes. D'autres propositions portent sur l'introduction de nouvelles étapes, comme la possibilité de renvoyer l'affaire au groupe spécial initial si une question de fait qui n'a pas été examinée par le groupe spécial est soulevée pendant l'appel. Plusieurs propositions suggèrent des moyens d'améliorer le traitement spécial et différencié accordé aux pays en développement et aux pays les moins avancés.

La question pour laquelle les Membres sont probablement le plus largement favorables à des modifications est la question procédurale de la “chronologie”. Elle est liée à un manque de clarté dans le texte du Mémorandum d'accord quant à l'ordre dans lequel deux étapes de la procédure devraient se dérouler lorsqu'un Membre estime qu'un autre ne s'est pas conformé pleinement aux décisions finales.

En revanche, la question sur laquelle les Membres sont probablement le plus fortement divisés est celle de la transparence externe — comment le public pourrait avoir accès aux procédures des groupes spéciaux ou comment il pourrait contribuer à ces procédures moyennant des mémoires d'amici curiae (voir l'explication ci dessous).

Le 16 mai 2003, le Président de l'organe chargé des négociations a distribué un projet de texte juridique sous sa propre responsabilité. Le texte reprenait les propositions des Membres sur un certain nombre de questions, y compris le renforcement des droits des tierces parties; l'introduction d'un réexamen intérimaire et d'une procédure de “renvoi” (consistant à renvoyer une affaire à un groupe spécial) au stade de l'appel; la clarification et l'amélioration de l'ordre des procédures pendant la phase de mise en œuvre; l'amélioration de la compensation; le renforcement des prescriptions en matière de notification pour les solutions convenues d'un commun accord; et le renforcement du traitement spécial et différencié pour les pays en développement aux différents stades de la procédure.

Le Président a indiqué qu'un certain nombre d'autres propositions de Membres n'avaient pas été incluses dans son texte faute d'un soutien suffisant. Ces propositions concernaient notamment les procédures accélérées pour certains différends; l'amélioration de la procédure de sélection des membres des groupes spéciaux; le renforcement du contrôle des Membres sur les rapports des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel; la clarification du traitement des mémoires d'amici curiae; et la modification des procédures de rétorsion, y compris la rétorsion collective ou le renforcement de la surveillance de la rétorsion.

Les Membres ont poursuivi leur examen du texte du Président jusqu'à la fin de mai 2003. Certains estimaient que ce texte contenait les éléments essentiels à un accord final; d'autres estimaient qu'il présentait de sérieuses lacunes. Toutefois, tous se sont dits disposés à poursuivre les travaux au delà du 31 mai 2003 afin de parvenir à un accord.

À sa réunion du 24 juillet 2003, le Conseil général est convenu de prolonger les négociations du 31 mai 2003 au 31 mai 2004.

  

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État actuel des négociations  

Bien que toutes les propositions restent à l'ordre du jour, les négociations elles-mêmes ont essentiellement porté, durant la dernière année, sur les questions suivantes:

Droits des tierces parties: Conformément aux règles actuelles du Mémorandum d'accord, les Membres peuvent, dans certaines conditions, participer à des consultations dans le cadre d'un différend dans lequel ils ne sont ni partie plaignante ni partie défenderesse, devenir tierces parties au stade du groupe spécial, et devenir participants tiers au stade de l'appel. Les Membres sont généralement favorables à des droits de tierce partie renforcés, à condition qu'un équilibre approprié entre les droits des principales parties et ceux des tierces parties soit maintenu.

Pouvoir de renvoi: À l'heure actuelle, la fonction de l'Organe d'appel est limitée à l'examen des questions de droit traitées par les groupes spéciaux et des interprétations du droit données par ceux-ci et il n'est pas habilité à faire des constatations de fait. Cela peut créer des difficultés si, au stade de l'appel, se pose une question de fait qui n'a pas été examinée par le groupe spécial. La question est donc de savoir si l'Organe d'appel devrait avoir la possibilité de renvoyer l'affaire devant le groupe spécial.

Chronologie: Le terme “chronologie” renvoie aux étapes procédurales et aux délais nécessaires pour remédier à la situation dans laquelle la partie plaignante allègue que la partie défenderesse n'a pas mis en œuvre les décisions.

  • L'article 21:5 dispose que, lorsque les deux parties sont en désaccord sur le point de savoir si les décisions ont été mises en œuvre ou non, un groupe spécial examine le différend et remet son rapport dans les 90 jours.
      
  • L'article 22:2 dispose que, si la partie défenderesse ne procède pas à la mise en œuvre, la partie plaignante peut demander à l'Organe de règlement des différends l'autorisation de prendre des mesures de rétorsion. L'article 22:6 dispose que, dans un délai de 30 jours à compter de l'expiration du délai raisonnable fixé pour la mise en œuvre, l'Organe de règlement des différends autorise la partie plaignante à prendre des mesures de rétorsion.

Il y a donc deux étapes fondamentales assorties de leurs propres délais: un groupe spécial a 90 jours pour examiner si une décision a été mise en œuvre; et l'Organe de règlement des différends a 30 jours pour autoriser la rétorsion. Le texte du Mémorandum d'accord ne précise pas si ces étapes doivent se dérouler l'une après l'autre. Par conséquent, suivant le texte actuel, il apparaît que le délai de 30 jours ménagé à l'Organe de règlement des différends pour autoriser la rétorsion expire avant que le Groupe spécial ait examiné si la partie défenderesse avait procédé ou non à la mise en œuvre.

Procédure faisant suite à l'autorisation de rétorsion: La question se pose du fait que le Mémorandum d'accord ne prévoit pas de procédure spécifique pour la suppression d'une autorisation de rétorsion, une fois que le Membre concerné s'est conformé, ou allègue s'être conformé, aux décisions.

Composition des groupes spéciaux: Le Mémorandum d'accord prévoit actuellement que les différends seront examinés par des membres de groupes spéciaux sélectionnés sur une base ad hoc pour chaque affaire, en consultation avec les parties. Ce processus provoque souvent des retards. Les négociateurs envisagent la possibilité d'une liste permanente de personnes, s'acquittant de leur tâche à plein temps, à partir de laquelle les membres des groupes spéciaux seraient choisis pour chaque affaire afin d'accélérer le processus et de renforcer l'indépendance des groupes spéciaux et la qualité de leurs rapports.

Gains de temps: Certains négociateurs ont proposé des façons de rationaliser les procédures mais d'autres craignent au contraire que les procédures imposent déjà un calendrier serré et que tout raccourcissement des délais nuirait à la capacité des pays en développement de défendre effectivement leurs droits.

Indications additionnelles aux organes juridictionnels de l'OMC: Des propositions ont été présentées concernant la façon dont l'Organe d'appel et les groupes spéciaux s'acquittent de leurs fonctions, qui visent à relever le niveau de contrôle exercé par les Membres sur le contenu des décisions de ces organes.

Transparence: Les procédures de règlement des différends sont confidentielles et seules y participent les principales parties et, le cas échéant, les tierces parties à un différend. La transparence signifie ouvrir le processus de règlement des différends au public (transparence externe) ou aux Membres de l'OMC autres que ceux qui sont déjà parties au différend (transparence interne). Certains pays développés ont proposé d'ouvrir le processus de règlement des différends mais plusieurs pays en développement se sont opposés à ces propositions.

  

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Quelques termes fréquemment utilisés dans les négociations sur le Mémorandum d'accord  

Mise en œuvre (articles 21 et 22 du Mémorandum d'accord): Une fois que l'Organe de règlement des différends a adopté les décisions finales dans une affaire donnée, la partie défenderesse doit les mettre en œuvre en modifiant ou en supprimant totalement la mesure commerciale qui a été jugée illicite.

Délai raisonnable (article 21:3 du Mémorandum d'accord): Si la partie défenderesse ne peut se conformer aux décisions immédiatement, un “délai raisonnable” lui est ménagé pour les mettre en œuvre. Ce délai est mutuellement convenu par les deux parties ou, en l'absence d'un tel accord, est déterminé par arbitrage. L'article 21:3 c) dispose que l'arbitre devrait partir du principe que le délai raisonnable “ne devrait pas dépasser 15 mois à compter de la date d'adoption du rapport”.

Détermination de la conformité (article 21:5 du Mémorandum d'accord): L'article 21:5 traite de la situation dans laquelle les deux parties sont en désaccord sur le point de savoir si les décisions ont été mises en œuvre ou non. Il prévoit qu'un tel différend “sera réglé suivant les présentes procédures de règlement des différends, y compris, dans tous les cas où cela sera possible, avec recours au groupe spécial initial”, qui dispose de 90 jours pour faire part de ses constatations. Le groupe spécial est appelé “groupe spécial de la mise en conformité” puisqu'il examine si la partie défenderesse s'est conformée aux décisions.

Hormis la référence aux “présentes procédures de règlement des différends” et à une procédure de 90 jours pour les groupes spéciaux, l'article 21:5 ne prescrit aucun autre élément ou délai pour déterminer la conformité. Toutefois, les procédures normales établies par le Mémorandum d'accord prévoient également une période de 60 jours pour tenir des consultations, la possibilité de n'établir le groupe spécial qu'à la deuxième réunion de l'Organe de règlement des différends à laquelle la demande est présentée, la possibilité de faire appel des constatations du groupe spécial, et une procédure d'appel durant deux à trois mois, ce qui représente au total plus de 90 jours.

Compensation (articles 3:7, 22:1 et 22:2 du Mémorandum d'accord): Une compensation peut être négociée entre les deux parties à un différend si le défendeur ne se conforme pas aux décisions dans le délai raisonnable fixé pour la mise en œuvre. Toutefois, les articles 3:7 et 22:1 disposent que la compensation est une mesure temporaire en attendant la mise en œuvre pleine et entière. L'article 22:2 fixe un délai de 20 jours à compter de la fin du délai de mise en œuvre pour achever les négociations. Si ces négociations n'aboutissent pas, le plaignant peut demander à l'Organe de règlement des différends l'autorisation de prendre des mesures de rétorsion.

Suspension de concessions ou d'autres obligations (articles 3:7 et 22 du Mémorandum d'accord): Elle est communément désignée par les termes “rétorsion” ou “sanctions”. Une concession est, par exemple, l'engagement juridique pris par un pays importateur de ne pas relever le droit de douane qu'il applique à un produit importé donné au dessus d'un taux de droit déterminé convenu. La suspension de cette concession signifie que le pays importateur relève le droit de douane. Une obligation est, par exemple, la responsabilité juridique qui incombe à un pays de protéger les droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets et le droit d'auteur, etc. La suspension de cette obligation signifie que le pays n'est plus juridiquement tenu d'accorder cette protection. Conformément au Mémorandum d'accord, la partie plaignante ne devrait recourir à la suspension de concessions ou d'autres obligations qu'en dernier ressort, sous réserve évidemment que l'Organe de règlement des différends l'y autorise (article 3:7), et cette suspension est une mesure temporaire en attendant la mise en œuvre pleine et entière (article 22:1).

Rétorsion croisée (article 22:3 du Mémorandum d'accord): L'expression “rétorsion croisée” n'apparaît pas dans le Mémorandum d'accord mais elle est utilisée pour décrire la situation dans laquelle la partie plaignante prend des mesures de rétorsion (c'est à dire suspend des concessions ou d'autres obligations) dans un secteur ou au titre d'un accord concernant lesquels la partie défenderesse n'a commis aucune infraction. Les circonstances dans lesquelles la rétorsion croisée peut être autorisée sont exposées à l'article 22:3 du Mémorandum d'accord. Lorsqu'elle se prépare à demander à l'Organe de règlement des différends l'autorisation de suspendre des concessions ou d'autres obligations (c'est à dire de prendre des mesures de rétorsion), la partie plaignante devrait d'abord chercher à prendre ces mesures dans le secteur visé par l'infraction. Si cela n'est pas possible ou efficace, elle peut chercher à prendre des mesures de rétorsion dans un autre secteur mais au titre de l'accord qui a été enfreint. Si cela n'est pas non plus possible ou efficace, elle peut chercher à prendre des mesures de rétorsion au titre d'un autre accord.

Carrousel: En ce qui concerne les procédures et disciplines régissant la rétorsion, le Mémorandum d'accord n'impose pas au pays prenant les mesures de rétorsion de communiquer une liste des produits visés. Il n'indique pas non plus si le pays peut modifier cette liste. Le terme “carrousel” fait référence à la possibilité pour le pays de modifier la liste des produits visés quand et comme il le souhaite, tant qu'il ne dépasse pas le niveau de rétorsion autorisé.

Mémoires d'amici curiae: Amicus curiae signifie “ami de la cour” ou “conseiller désintéressé”.