DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT ALAN WM. WOLFF

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La dernière édition de la revue Foreign Affairs titre “How a Global Trading System Dies” (Comment se meurt un système commercial mondial). S'il est vrai que le système commercial multilatéral connaît actuellement de nombreuses difficultés qui ne manquent pas d'inquiéter, il n'en n'est pas pour autant sur le point de disparaître. Les pays et les peuples du monde entier en ont besoin, ce dont les 164 États Membres de l'OMC sont bien conscients. Il faut maintenant passer des paroles aux actes.

En fait, le niveau d'activité à l'OMC est aujourd'hui plus élevé qu'il ne l'a été au cours des dix dernières années.

  • Les négociations portant sur de nouveaux sujets importants tels que le commerce électronique progressent, tout comme les négociations sur la facilitation de l'investissement et la réglementation intérieure dans le domaine des services.
  • Les comités permanents de l'OMC font des progrès, notamment dans les domaines des normes relatives aux produits et des normes sanitaires et phytosanitaires. Ces travaux sont d'une importance capitale, car si les droits de douane peuvent ralentir les échanges, le non-respect des normes peut marquer leur arrêt complet.
  • L'OMC, de concert avec des institutions internationales partenaires, apporte une aide aux pays les plus pauvres aux fins par exemple d'améliorer le rendement du coton, secteur clef pour un certain nombre des pays les moins avancés.
  • L'OMC joue un rôle similaire en aidant les pays en développement à respecter les normes relatives aux produits.
  • Un grand nombre de Membres souhaitent trouver le moyen de modifier le système commercial pour qu'il profite davantage aux femmes et aux petites entreprises.
  • Dernier point mais non le moindre, d'importants efforts sont déployés pour réduire le recours aux subventions à la pêche qui sont accordées par certains pays au détriment de l'économie d'autres pays.

Dans le prolongement de la dynamique créée par les récentes réunions du G-20 et du G-7, la nécessité de moderniser et d'améliorer le fonctionnement des institutions de l'OMC doit être une priorité absolue.

La question n'est plus de savoir s'il y a lieu d'apporter des améliorations, mais comment le faire. Dans les initiatives conjointes, et dans une grande partie des travaux des comités permanents, on s'efforce, avec pragmatisme, de trouver des moyens d'aller de l'avant. Un consensus commence à se dégager quant à la nécessité de modifier le système de règlement des différends, en particulier au niveau du mécanisme d'appel.

La preuve la plus éloquente de la viabilité et de l'importance de l'OMC est le fait que 22 pays souhaitent devenir Membres de l'Organisation. Les accessions sont le moteur de la réforme. Les pays accédants doivent négocier avec les États qui sont déjà Membres de l'OMC. Ces derniers négocient en se fondant sur les préoccupations actuelles, et non sur une période de référence qui remonte aussi loin que le milieu des années 1990, lorsque le GATT devint l'OMC.

Malgré ces activités intenses, beaucoup pensent aujourd'hui que l'OMC est vouée à l'échec, mais pourquoi?

  • On ne saurait nier que l'OMC ne peut pas mettre un terme aux guerres commerciales;
  • si rien ne change, le système actuel de règlement des différends de l'OMC cessera d'exister sous sa forme actuelle dans deux mois;
  • l'OMC n'a pas été en mesure de conclure de nouveaux accords ces dernières années;
  • les Membres semblent manquer à leurs obligations avec trop de désinvolture;
  • enfin et surtout, le dirigeant du pays qui a été à l'origine du système commercial actuel est même allé jusqu'à remettre publiquement en question, à plusieurs reprises, le fait même de rester Membre de l'Organisation.

L'importance stratégique et économique mondiale du système commercial multilatéral, autrefois article de foi, a été oubliée par les pays qui étaient présents au moment de sa création. Aujourd'hui, face aux défis actuels, ces pays redécouvrent son importance, malgré la montée du populisme, mais aussi, dans une certaine mesure, à cause de ce phénomène.

Pourquoi l'OMC a-t-elle semblé être incapable de faire face aux défis actuels?

  • Selon certains, il n'était pas réaliste de s'attendre à ce qu'un accord international puisse mettre fin à une guerre commerciale, alors qu'aucun traité de quelque nature que ce soit n'a jamais permis d'empêcher une guerre lorsqu'une partie était résolue à en déclencher une.
  • Les entreprises faisaient des affaires dans le monde tel qu'elles l'avaient trouvé.
  • De nombreux gouvernements ont choisi les accords bilatéraux et régionaux comme solution de facilité.

En des temps pas si lointains et moins difficiles, les gouvernements avaient cessé d'agir comme si le soutien au système commercial multilatéral était une priorité, un élément important de leurs intérêts nationaux. Bref, l'OMC était tenue pour acquise.

Mais le temps de la quiétude est révolu.

Comprendre le caractère central du système commercial multilatéral

Tous les accords bilatéraux et régionaux reposent sur les fondements du système multilatéral (1) En l'absence d'un tel système, ces accords sous-multilatéraux n'ont guère de sens. Les marchés uniques et les nations fondent leurs relations extérieures sur les droits et les règles de l'OMC. La majeure partie du commerce mondial, soit environ 98% des échanges (à l'exclusion des droits de douane imposés dans le cadre d'une guerre commerciale), continue de se faire conformément aux règles de l'OMC. 

Certains observateurs ont pensé que le monde se diviserait en deux sphères d'influence, en deux blocs commerciaux. Or, un tel scenario est impossible. Le monde ne peut pas être divisé en deux camps dirigés par les deux plus grandes économies nationales. Quoi qu'il arrive, il existe encore d'autres centres de pouvoir économique tels que l'Union européenne (UE) et l'Inde. La plupart des pays n'accepteraient pas la domination d'une grande nation commerçante. Quant aux pays en développement, ils ne veulent pas d'une nouvelle forme de colonialisme.

Le système commercial multilatéral perdurera car tous les pays y trouvent un intérêt économique fondamental. Pourquoi?

PREMIÈREMENT, rester en dehors du système entraînerait d'énormes coûts, même pour les économies les plus puissantes. Cette situation est comparable à celle, au Moyen-Âge, de quelqu'un qui se trouve en dehors de l'enceinte d'un château pendant une période de troubles (ceux qui ont regardé Game of Thrones comprendront qu'il est dangereux d'aller au-delà du mur). Hors du système commercial multilatéral, une économie ne pourrait pas se prémunir contre les déprédations en concluant des accords bilatéraux ou régionaux et devrait se contenter d'un niveau de sécurité inacceptablement bas. Si le système actuel n'est pas reproduit par un autre accord, les biens, les services et les idées des pays seront menacés. Peu importe le nombre de mesures d'autodéfense qu'elle adopte (également connue sous le nom de mesures commerciales de rétorsion), une économie, qu'elle soit grande ou petite, ne pourra pas se prémunir contre une discrimination à l'encontre de son commerce. Aucun système de défense antimissile ne protège pleinement contre les dommages très graves que peut causer un adversaire. Cette thèse a été éprouvée.

DEUXIÈMEMENT, il serait intolérable, tant pour l'économie mondiale que pour un grand pays, que l'on s'écarte du système commercial multilatéral.

Si l'on transpose à l'échelle mondiale la perte associée au Brexit calculée sur la base des estimations du Trésor britannique — c'est-à-dire le coût du passage d'un marché unique au commerce dans le cadre de l'OMC —, le fait de ne pas avoir de marché unique mondial coûterait au monde plus de 90 000 milliards de dollars d'ici à 2035 (en comparaison, le PIB de l'ensemble du continent africain s'élève à environ 3 000 milliards de dollars). Il n'existe aucun pays qui aspire à un marché mondial unique. Il est largement reconnu que chaque pays a besoin de l'OMC pour assurer sa prospérité économique. Si le système commercial multilatéral, qui existe depuis 72 ans, s'effondrait, les pertes seraient pratiquement incalculables. En termes de commerce et de croissance économique, cela équivaudrait à un hiver nucléaire et pourrait déboucher sur une nouvelle Grande Dépression. Cela n'arrivera pas. Les visions apocalyptiques sont injustifiées.

Au contraire, il y a fort à parier que les Membres de l'OMC sont sur le point d'améliorer le système (les Britanniques diraient peut-être que les chances sont “non négligeables”).

Relever les défis auquel le système est actuellement confronté

a. Les problèmes posés par la règle du consensus

Lorsqu'il s'agit de la capacité des Membres d'influer sur le cours des événements à l'OMC, on observe deux extrêmes: d'une part, le consensus positif nécessaire pour établir des règles et, d'autre part, la règle du consensus négatif appliquée à l'adoption des rapports de règlement des différends. Les résultats sont diamétralement opposés. Un seul Membre peut bloquer un point de l'ordre du jour et empêcher ainsi la conclusion d'une négociation multilatérale. Il exerce de fait le droit souverain de l'ensemble des 164 États Membres; chaque Membre est donc tenu de faire preuve de retenue pour éviter toute paralysie, y compris s'agissant de l'adoption d'un ordre du jour. À l'autre extrémité se trouve le consensus négatif, règle applicable à l'adoption des rapports de règlement des différends. En vertu de cette règle, un rapport est automatiquement adopté à moins que 100% des Membres ne s'y opposent. Un rapport de règlement des différends ne sera jamais rejeté, puisque, pour que la décision d'empêcher son adoption soit unanime, il faudrait que la partie gagnante dans une affaire se joigne à cette décision. Par conséquent, au sein de l'Organe de règlement des différends, aucun Membre n'a le moindre contrôle sur l'issue d'une affaire. 

De ce fait, les Membres ne peuvent pas modifier le résultat d'une affaire qu'ils jugent erroné, à moins que tous les Membres n'y consentent par l'élaboration d'une règle, ce qui est impossible dans la pratique. Le système de gouvernance sous sa forme actuelle n'a pas le pouvoir législatif de rétablir ou réviser des règles. Or dans tout système de gouvernance, l'absence de système de contrepoids peut être dangereuse. Ainsi, l'opposition au gouvernement des juges fut l'un des principaux catalyseurs de la Révolution française(2).  Les méthodes appliquées à l'époque se traduisirent par des flambées de violence, mais les infractions visées étaient plus graves. 

b.  Sauver le système de règlement des différends de l'OMC

L'une des principales caractéristiques de l'OMC est que ses règles ont force exécutoire. Bien que l'on s'attende à ce que les Membres respectent les obligations qui leur incombent (et tel est généralement le cas), lorsqu'ils ne le font pas, il est préférable de disposer de moyens convenus pour déterminer quelles règles s'appliquent, la manière dont elles s'appliquent aux circonstances en question et le niveau de rétorsion ou de compensation commerciale qui est garanti si une décision est prise à l'encontre d'une partie.

Les groupes spéciaux enquêtent sur les faits d'une affaire et fournissent une analyse juridique. Il est logique d'avoir un mécanisme d'appel opérationnel qui corrige, s'il y a lieu, les erreurs flagrantes et qui assure un certain degré de cohérence entre les décisions.

Comme chacun le sait, les États-Unis ont bloqué les nominations à l'Organe d'appel. Le mandat de deux des trois membres restants de l'Organe d'appel expire le 10 décembre. Puisqu'il faut trois membres pour rendre une décision, il ne sera plus possible, à partir de cette date, de réexaminer les décisions des groupes spéciaux en vertu des règles actuelles de l'OMC en matière de règlement des différends. Cette impasse résulte d'un désaccord concernant le rôle de l'Organe d'appel. Les États-Unis estiment que l'Organe d'appel a créé des droits et des obligations et que cela constitue un abus de pouvoir inadmissible. L'UE considère généralement l'Organe d'appel comme un tribunal et, contrairement aux États-Unis, ne pense pas qu'il comble les lacunes des règles en créant de nouveaux droits et de nouvelles obligations.

Des efforts sont déployés pour sortir de cette impasse. L'Ambassadeur David Walker (Nouvelle-Zélande) s'est engagé à trouver un consensus pour répondre aux préoccupations qui sont le plus clairement comprises et partagées par les Membres de l'OMC participant régulièrement à la procédure de règlement des différends de l'Organisation. 

Que se passera-t-il après le 10 décembre, lorsqu'il ne sera plus possible d'entendre de nouveaux appels? Plusieurs cas de figure sont possibles. Un Membre perdant une affaire devant un groupe spécial pourrait mettre à l'épreuve la théorie selon laquelle le dépôt d'un appel empêche l'adoption d'un rapport de groupe spécial, même si aucun appel ne peut être entendu. Si tous les Membres contournaient ainsi le système et que la nécessité d'entendre les appels demeurait une exigence du système, alors qu'en réalité le mécanisme d'appel initial n'existait plus, il pourrait s'ensuivre des mesures de rétorsion et de contre-rétorsion. Autrement dit, Armageddon(3).

L'autre possibilité consiste à faire preuve de pragmatisme. Les Membres ont diverses options, dont les suivantes: (1) deux parties à un différend pourraient convenir de ne pas interjeter appel (le Viet Nam et l'Indonésie ont déjà accepté de le faire dans une affaire en cours); (2) les parties pourraient convenir, au cas par cas, d'avoir recours à une forme d'arbitrage en vertu des règles actuelles; (3) elles pourraient convenir à l'avance, bilatéralement ou plurilatéralement, d'une autre approche applicable à tous les appels. L'UE et le Canada sont convenus de recréer aussi fidèlement que possible le système actuel de l'OMC en cherchant à reproduire le même caractère contraignant, toujours conformément aux règles d'arbitrage du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends de l'OMC.

À mon avis, on connaîtra un retour au bon sens plutôt qu'une nouvelle vague de mesures de rétorsion et de contre-rétorsion.

Peut-on sortir de l'impasse concernant la nomination des membres de l'Organe d'appel? Cela ne fait aucun doute. Le système a été construit sur la base de négociations et peut être sauvé par de nouvelles négociations. Tous les Membres affirment qu'ils veulent parvenir à un accord et que le mécanisme de règlement des différends est essentiel à l'OMC. C'est peut-être le “joyau de la couronne”, mais c'est la couronne elle-même, c'est-à-dire le système commercial multilatéral incarné par l'OMC, qu'il faut impérativement sauver. À force de se focaliser trop sur ce joyau en faisant abstraction du contexte, on a oublié qu'une réforme systémique plus large s'imposait.

Pour sortir de cette impasse, il faudrait éventuellement que les Membres de l'OMC parviennent à s'entendre sur la nature du problème et s'accordent à dire que celui-ci ne devrait pas se reproduire. Il ne serait ainsi pas nécessaire de revenir sur d'anciennes affaires ni de s'évertuer à mener des réformes structurelles.

En attendant, les Membres de l'OMC continuent de déposer des plaintes, confiants (probablement à juste titre) que l'OMC trouvera une solution pour résoudre ces désaccords. Lorsque des restrictions commerciales sont imposées, elles peuvent être contestées et le sont conformément aux dispositions relatives au règlement des différends en vertu desquelles, à mon avis, des décisions continueront d'être rendues.

c.  Revitaliser la fonction de négociation de l'OMC

La fonction de négociation de l'OMC a été redynamisée par des initiatives plurilatérales ouvertes, également appelées initiatives conjointes, et par les travaux des comités permanents. La création d'initiatives conjointes n'est pas une tendance bien accueillie par tous les Membres, mais un grand nombre de Membres, développés et en développement, y ont adhéré, et ceux qui l'ont fait représentent au moins les trois quarts du PIB mondial et du commerce international. La rigidité de la règle du consensus (qui revient en fin de compte à l'unanimité), lorsqu'elle s'applique tant à l'élaboration des règles qu'au règlement des différends, a évidemment provoqué l'effondrement de ces deux principaux instruments du système commercial multilatéral. Comme lorsqu'on examine un barrage qui semble sur le point de céder, les Membres ont clairement compris qu'un changement s'imposait. C'est pourquoi les pays du G-7 et du G-20 ont exigé une réforme de l'OMC.

d.  Plusieurs événements malheureux: guerres commerciales, dénonciation d'accords, mesures commerciales restrictives unilatérales, maintien d'une marge de manœuvre inutile

L'OMC a-t-elle des réponses à apporter face aux défis qui caractérisent le monde dans lequel nous vivons?

L'OMC n'empêche pas les guerres commerciales d'éclater, mais elle peut faire partie de la solution. Certains Membres considèrent que l'Organisation peut contribuer à régler le conflit majeur actuel et ont déclaré qu'ils présenteraient des propositions qui pourraient être soit un moyen de parvenir à une solution soit le reflet de solutions trouvées bilatéralement. Un groupe trilatéral composé des États-Unis, de l'UE et du Japon a accepté d'aborder bon nombre de ces questions dans des propositions, dont la première, concernant la transparence au moyen des notifications, a été déposée. Des propositions concernant les subventions industrielles, la surcapacité, les entreprises d'État et le transfert forcé de technologie devraient aussi être présentées.

Tous les Membres semblent s'accorder à dire qu'au moins certains autres Membres disposent d'une trop grande marge de manœuvre. Par exemple, deux grands pays en développement Membres ont présenté une proposition visant à limiter la marge de manœuvre des deux principales économies commerçantes du monde (souplesse pour subventionner les produits agricoles de base). En fin de compte, les diverses difficultés que rencontre l'OMC seront résolues par des négociations. C'est tout le but des négociations commerciales depuis que les accords commerciaux commencèrent à être négociés il y a des siècles, voire des millénaires.

Conclusion

Je suis résolument optimiste quant à l'avenir du système commercial multilatéral, en partie parce que le pessimisme n'a jamais rien apporté de positif. Toutefois mes attentes sont bien ancrées dans la réalité. Il y a, et il continuera d'y avoir, des problèmes difficiles à gérer et des périodes de tension. L'existence d'un système commercial multilatéral est dans l'intérêt fondamental de tous les pays, et ce système non seulement perdurera, mais sera aussi amélioré.

Mon optimisme tient en grande partie à mon expérience quotidienne au sein du Secrétariat de l'OMC. Le Secrétariat se compose d'un groupe de professionnels hautement dévoués et compétents qui servent les Membres de l'Organisation. En fin de compte, la réforme de l'OMC portera sur la manière d'utiliser au mieux cette ressource. Les organisations internationales sœurs jouent un rôle plus large et plus approfondi tant dans la fourniture d'analyses que dans la supervision et l'élaboration d'initiatives. Il n'est pas possible de s'en tenir au statu quo. L'adaptation est inévitable, que ce soit pour répondre aux besoins des Membres, à l'évolution rapide de la technologie, aux changements climatiques extrêmes et aux catastrophes naturelles ou pour favoriser l'intégration économique, en particulier celle des pays en développement.

Enfin, mon optimisme repose sur ma participation au processus d'accession à l'OMC. Comme je l'ai indiqué plus haut, le processus d'accession est le moteur de la réforme de l'Organisation dans son ensemble. Les réformes économiques internes sont l'un des principaux avantages pour les pays qui cherchent à devenir Membres de l'Organisation. De nombreux pays souhaitant accéder à l'OMC sont touchés par des conflits ou fragiles. Dans le processus d'accession, ils cherchent la stabilité par l'intégration dans l'économie mondiale afin d'élever le niveau de vie de leur population et d'augmenter leurs chances de parvenir à une paix durable.

Les représentants du Soudan et du Soudan du Sud ainsi que le premier Président du Timor-Leste ont tous dit la même chose: le commerce amène la paix. Le commerce et la paix sont interdépendants, et bien que la présence de l'un ne garantisse pas la présence de l'autre, il est clair qu'ils se renforcent mutuellement. Le commerce ne garantit pas la paix, mais les deux sont étroitement liés.

La relation entre le commerce et la paix est une partie oubliée de l'histoire du système commercial multilatéral. Elle était très présente lors de la fondation du système. La recherche de la paix par la création de possibilités commerciales égales était la préoccupation principale de Woodrow Wilson lorsqu'il a tenté, en vain, de trouver une solution pour empêcher le déclenchement d'une nouvelle guerre à la fin de la Première Guerre mondiale. Franklin Roosevelt et Winston Churchill ont repris cette cause et en ont fait l'objectif principal de leur projet de maintenir la paix durement gagnée après la Seconde Guerre mondiale.

La corrélation entre l'ouverture du commerce et la paix a depuis été étudiée et calculée (4). Elle est forte, en particulier dans les pays touchés par des conflits(5)  S(voir l'Indice mondial de la paix créé par l'Institute for Economics and Peace(6)).  Sur les 163 pays classés en fonction du degré de paix, la République d'Irlande figure à la 12ème place. De fait, conserver cette place est devenu l'élément central des négociations entre le Royaume-Uni et l'UE concernant le Brexit.  

À une époque où les pressions populistes se généralisent, il est capital que chacun comprenne mieux l'incidence que le système commercial multilatéral a sur la vie quotidienne des gens. Et ce ne sont pas des arguments tirés de la macroéconomie ou des enseignements de David Riccardo qui vont y contribuer. Chaque travailleur, agriculteur ou entreprise doit comprendre que l'OMC est fondée sur l'équité. 

Il serait imprudent de dire que le système commercial multilatéral a touché le fond. Il se pourrait que des moments plus difficiles nous attendent encore. 

S'il y a une chose dont je suis sûr, c'est que le système commercial multilatéral finira par survivre et s'améliorer.

 

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