DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT ALAN WM. WOLFF

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L'objectif de la présente déclaration est de fournir un cadre de référence pour examiner les éléments clés de l'appel à la réforme de l'OMC et proposer quelques réponses possibles. Comme toujours, la conclusion que j'en tire est positive, car je ne doute pas de l'avenir, même si pour cette année et celles qui suivront immédiatement, tout dépend des mesures prises pour résoudre la crise de l'OMC.

Selon certains, l'OMC devrait obtenir davantage de résultats, et des améliorations pourraient et devraient y être apportées. De fait, la plupart des articles sur l'Organisation publiés ces dernières années se concentrent sur les appels en faveur de la “réforme de l'OMC”. En moins d'une demi-seconde sur Google, une recherche en ligne de cette expression génère 88 400 résultats.

Le terme “réforme” est intéressant. Comme dans les appels à une “réforme fiscale” et à une “réforme pénitentiaire”, il sous-entend que des efforts bien plus importants qu'une mise à jour des dispositions sont nécessaires. Il implique un changement profond. On ne saurait énumérer brièvement tous les problèmes que pourraient avoir à traiter les Membres souhaitant s'engager dans une réforme ni présenter un éventail complet de solutions potentielles à cet égard. L'examen que je propose est donc nécessairement sélectif(1)  et porte sur les éléments que j'estime être les plus urgents. Je commencerai par une question de perspectives: y a-t-il ou non des raisons de croire que le système commercial multilatéral perdurera et prospérera?

L'histoire de l'humanité est celle du progrès. Nous sommes les légataires d'un riche héritage transmis par une lignée de philosophes, parmi lesquels David Hume, Adam Smith et Emmanuel Kant, chacun d'entre eux ayant considéré le progrès humain comme un phénomène continu inéluctable, bien que fragile et marqué de temps à autre par des revers. Hugo Grotius et David Ricardo avaient ouvert la voie aux tenants d'un droit naturel reposant sur les avantages des échanges commerciaux internationaux. Ces précurseurs sont tout aussi importants pour le bien-être actuel des peuples du monde que l'est Euclide pour le monde physique des structures. Ils ont fourni le cadre théorique pour apporter davantage d'ordre à un monde qui a été caractérisé par le chaos pendant une grande partie de la première moitié du XXe siècle. Les institutions qui ont été créées pour se remettre de cet embrasement s'inscrivent dans une évolution permanente vers une plus grande coopération internationale pour le bien commun. Le système commercial multilatéral, incarné par l'OMC, joue un rôle essentiel dans cette histoire.

Bref historique de l'OMC

Il se trouve qu'il est récemment devenu plus facile de se pencher sur l'histoire de l'OMC. Si vous aviez la possibilité de venir aujourd'hui et de parcourir l'atrium du bâtiment de l'OMC, vous pourriez observer une série de photographies relatant les 25 années de l'Organisation. Les plus frappantes selon moi sont celles datant de la fin des années 1990. Cette époque était clairement marquée par de grandes attentes à l'égard du multilatéralisme. Il était alors évident pour tous que les solutions multilatérales étaient infiniment supérieures aux options de moindre envergure. En 1998, à l'occasion du 50ème anniversaire du GATT, diverses personnalités comme Bill et Hillary Clinton, Nelson Mandela, Fidel Castro et Tony Blair sont venues célébrer le système commercial. Au cours de cette même période, le Président de la Banque mondiale assistait régulièrement aux réunions ministérielles de l'OMC. Des photographies plus récentes des réunions ministérielles biennales illustrent bien trop souvent des moments de déception. Ces mésaventures apparentes sont peut-être partiellement dues à des attentes injustifiées. On s'attendait à ce que les réunions ministérielles produisent des résultats concrets. Cette cadence n'est pas celle du monde de l'OMC. Si les enfants naissent généralement après une période précise de gestation, les délais pour la conclusion d'accords commerciaux n'obéissent cependant pas à de telles règles.

Avant la création de l'OMC, pendant les années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, huit grands cycles de négociations commerciales ont été organisés sous les auspices du GATT. Ces négociations ont encore resserré les liens entre les économies des nations du monde. En 1993 a été atteint le point culminant avec la conclusion du Cycle d'Uruguay, le huitième, qui a conduit à la création de l'OMC deux années plus tard. Il s'est avéré que, prévu ou non, il n'y a plus eu depuis de grand cycle fructueux regroupant tous les acteurs pour aborder tous les sujets. Les négociations dans le cadre du Programme de Doha pour le développement, lancées en 2001, n'ont pas abouti, bien que certains éléments aient été repris et approfondis. L'OMC a toutefois accompli un certain nombre de réalisations majeures pendant sa courte existence d'un quart de siècle — un accord précoce en vue d'accorder la franchise de droits pour les produits pharmaceutiques, l'Accord sur les technologies de l'information et son élargissement, une interdiction de l'octroi de subventions aux exportations agricoles, l'Accord sur la facilitation des échanges et des documents de référence sur les télécommunications de base et les services financiers en 1996 et 1997. Les accessions de la Chine et de la Russie, respectivement en 2001 et 2012, ainsi que celles de 34 autres pays au cours des 20 premières années du quart de siècle de l'histoire de l'OMC, ont été accueillies comme le signe que le système commercial multilatéral fondé sur des règles avançait vers l'universalité.

Les bonnes nouvelles de l'année 2020 en matière de commerce ne concernaient pas le système commercial multilatéral. Il était question du Brexit, sur le devant de la scène en raison des rebondissements dans les tentatives visant à éviter une sortie sans accord. L'actualité était également consacrée à l'Accord de partenariat économique régional global (RCEP), un arrangement commercial asiatique attendu depuis longtemps qui porte principalement sur l'élimination des droits de douane, et à la mise en œuvre prévue de l'Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine. Au milieu de l'année, l'ACEUM, accord succédant à l'ALENA, est entré en vigueur. Les gouvernements ont proclamé la réussite de ces accords sous-multilatéraux. Les observateurs arrivaient de plus en plus à la conclusion que l'OMC avait perdu de sa pertinence. Ce qui pourrait paraître comme un point technique a souvent été omis: ces accords régionaux reposent sur les règles de l'OMC et ne pourraient fonctionner sans elles.

Le rôle central de l'OMC

Il est utile de ne pas perdre de vue les accords sous-multilatéraux. La plupart d'entre eux — à l'exception particulièrement notable des dispositions relatives à l'application de règles uniformes à tous et à la neutralité concurrentielle de l'accord de Brexit — n'ouvrent pas la voie à la création de nouveaux types de règles commerciales. La lourde mission de l'invention revient le plus souvent à l'OMC, comme en témoignent les efforts pour réduire les subventions à la pêche, les Initiatives liées aux Déclarations conjointes sur le commerce électronique et la réglementation intérieure dans le domaine des services, les efforts visant à améliorer la participation des micro, petites et moyennes entreprises au commerce, l'accord recherché pour la facilitation de l'investissement international et l'examen de la meilleure façon de favoriser l'autonomisation des femmes par le commerce. Ces efforts menés à Genève n'ont cependant pas présenté d'intérêt pour les médias, pour la simple raison qu'ils n'ont pas abouti en 2020. 

La solidité de l'acquis de l'OMC en tant que fondement du commerce mondial, est peu remarqué mais pourtant remarquable. Les échanges commerciaux mondiaux s'effectuent en grande majorité (à hauteur de 75-80% selon des estimations prudentes) aux taux convenus de l'OMC (ou inférieurs), et 98% d'entre eux sont régis par les règles de l'Organisation(2). Les coûts du commerce transfrontières sont progressivement mais continuellement réduits, conformément à l'Accord de l'OMC sur la facilitation des échanges. Au cours de la pandémie, le commerce s'est avéré être un recours indispensable, comme c'est généralement le cas lorsque des désastres tels que les catastrophes naturelles s'abattent n'importe où. La fiabilité du système commercial mondial dans le contexte de la pandémie a été soutenue par un flux de données et des notes d'information publiées par le Secrétariat de l'OMC, qui ont permis aux gouvernements de prendre des décisions plus éclairées, consistant pour l'essentiel à s'abstenir de restreindre les exportations et à faciliter à la place les importations pour lutter contre la pandémie. 

La mission civilisatrice (de prévention des conflits) de l'OMC se poursuit. Là où ces règles sont efficaces, elles sont en général respectées. Parmi les exceptions de taille figurent certaines des mesures spectaculaires prises par les États-Unis et la Chine à l'encontre de leurs échanges respectifs. Cependant, les Membres cherchent généralement à justifier leurs mesures commerciales conformément aux règles de l'OMC, même si leurs arguments sont parfois jugés peu convaincants.(3)  Les écarts par rapport à ces règles n'enlèvent rien au fait que les grands principes de l'OMC sont en général respectés, non pas principalement sous la menace de poursuites, mais parce que les nations tiennent généralement leurs engagements. Si ce principe général est mis à mal par des comportements apparemment non conformes, les garde-fous n'ont pas cédé, et il y a des raisons de croire qu'ils tiendront, bien que la poursuite de ce non-respect apparent, en particulier de la part des grands acteurs, comporte le risque d'un affaiblissement plus général du respect volontaire des obligations découlant du système. Preuve que nous ne sommes pas passés du côté sombre de l'histoire de la coopération économique mondiale, le recours aux procédures des groupes spéciaux pour régler des différends reste fréquent. On peut citer en exemple la chorégraphie des mesures commerciales dans l'affaire Airbus-Boeing, peut-être imparfaite mais théoriquement conforme aux règles.

Le système commercial a non seulement tenu bon pendant cette terrible pandémie, mais il a en outre joué un rôle crucial pour répondre aux besoins mondiaux de fournitures médicales essentielles. Cette solidité en période de fortes tensions ne correspond pas à l'image que le public a retenue de l'Organisation mondiale du commerce. L'année 2020 a été celle où le chef de l'Organisation est parti prématurément pour un poste dans le secteur privé et où son successeur n'a pu être désigné immédiatement. Il est devenu évident cette année-là qu'il n'y aurait pas de solution convenue à la perte du mécanisme d'appel du système de règlement des différends de l'OMC, une demi-douzaine de constatations établies par des groupes spéciaux étant désormais reléguées aux limbes par les parties au moyen d'un artifice procédural dénommé appel “dans le vide” (c'est-à-dire un recours présenté devant un Organe d'appel qui n'existe plus que sur le papier). Le fait que la pandémie ait cette année eu raison de la Conférence ministérielle de l'Organisation ainsi que de son très apprécié Forum public n'a pas aidé. 

Qu'est-ce qui ne va pas à l'OMC?

Toute analyse des problèmes de l'Organisation devrait commencer par une meilleure compréhension de ce qu'est et n'est pas l'OMC. Il s'agit fondamentalement d'une assemblée de Membres assistée par un Secrétariat. Ce n'est pas une entité supranationale. Il est compréhensible que la presse fasse souvent des raccourcis en déclarant que “l'OMC” a fait ou non telle chose. Quand il est dit que “l'OMC juge une mesure commerciale incompatible avec les règles de l'Organisation”, il s'agit là de la décision d'un groupe spécial chargé du règlement d'un différend, ratifiée (bien que de façon automatique) par les Membres. Lorsque “l'OMC ne réussit pas à obtenir de résultat négocié”, ce sont ses Membres qui n'ont pas pu s'accorder. L'institution n'a rien fait d'autre que de fournir une plate-forme appuyée par des équipes dans chacun de ces cas.

L'existence de l'OMC en tant qu'entité indépendante est très limitée. Elle peut, entre autres choses, recruter du personnel et engager des poursuites ou être poursuivie — par exemple pour violation d'un contrat portant sur des biens ou services acquis à des fins d'utilisation par ses Membres ou fonctionnaires. Mais contrairement à une entreprise, elle ne dispose pas du droit de prendre la parole ou d'endosser des politiques publiques. Walmart, Apple ou Carrefour, par exemple, peuvent soutenir des politiques publiques en faveur de l'environnement. Si l'OMC agit pour rendre ses locaux plus écologiques, elle ne formule toutefois pas de propositions pour améliorer l'environnement mondial. Ses Membres en ont la possibilité et le feront sans doute collectivement.

L'OMC en tant qu'institution ne peut élargir ou réduire la portée des règles que ses Membres ont créées, et elle ne peut choisir de les appliquer ou non(4).  Il s'agit d'une enceinte où les Membres peuvent faire tout cela collectivement. L'Organisation ne dispose pas de fonctions exécutives comme en sont dotés les entreprises ou les gouvernements. Pour créer de nouvelles règles, les interpréter et les faire appliquer, l'OMC se résume à un lieu pourvu d'un personnel d'appui. Une crise d'inaction, lorsqu'elle survient, existe collectivement parmi ses Membres. Quand les dirigeants du G-20 souhaitent un changement à l'OMC, ils ne font que, sans le reconnaître, se lancer des appels à eux-mêmes, ou peut-être à l'ensemble des 164 Membres de l'Organisation. L'OMC est un lieu où ils peuvent réaliser tout ce qui est nécessaire ou choisir de ne pas le faire. De fait, quel que soit l'accord trouvé par les cinq ou six plus grands Membres, il aurait de bonnes chances d'être accepté par tous.

L'appel à réformer l'OMC

Les dirigeants des 20 plus grandes économies du monde, ainsi que leurs ministres du commerce, n'ont donné à titre collectif aucune indication sur la direction à prendre pour poursuivre la réforme de l'OMC. Il est facile d'imaginer que pour la plupart des membres du G-20, l'appel à la réforme a été déclenché lorsqu'ils ont assisté au démantèlement du système de règlement des différends contraignant par un grand Membre mécontent — lequel se trouve aussi être un fondateur primordial et garant historique non seulement de l'OMC, mais aussi du système commercial multilatéral dans le cadre des règles du GATT établies il y a plus de 70 ans. Le système de règlements des différends de l'OMC n'est toutefois pas le seul point figurant sur la liste pour le changement. L'examen ne peut s'arrêter là: il existe d'autres sources de préoccupation.

Prenons un exemple récent: il y a moins d'un mois, une réunion du Conseil général s'est tenue pendant plus de 15 heures (sur deux journées et demie), un récent record de durée. Cette réunion ne comptait à l'ordre du jour qu'un seul grand point de politique commerciale sur lequel il devait être statué, mais son examen n'a débouché sur aucun accord. La question était de savoir si les Membres accepteraient de renoncer à une petite part de la marge de manœuvre dont ils disposent actuellement en convenant de ne pas compromettre les achats réalisés par le Programme alimentaire mondial, lauréat du prix Nobel. On pourrait pardonner à un témoin du procédé d'y voir la dérive d'une organisation qui ne serait pas à la hauteur de son potentiel. À travers un prisme différent, il s'agissait seulement de volontés souveraines réaffirmant qu'aucune obligation ne pouvait être imposée sans leur consentement.

La tyrannie potentielle du veto

Au nom du multilatéralisme, l'OMC fonctionne depuis ses débuts sur la base du consensus. Pour dire les choses clairement, il ne s'agit pas d'une obligation d'unanimité. Aucun consensus intégral n'existe actuellement sur autre chose que la conclusion d'un processus de vingt ans qui tente d'établir des disciplines pour les subventions à la pêche (et dans ce cas, le consensus reste à former s'agissant de la portée finale du processus). Dans la pratique, le “consensus” veut dire qu'aucun Membre ne s'oppose à telle ou telle mesure proposée. Un problème se pose si le seuil pour invoquer ce droit est trop faible. Dans le cas d'un voyage en train, si l'on considère que tous les passagers, ou une grande majorité d'entre eux, sont susceptibles d'enclencher le système de freinage d'urgence, les chances d'avancer risquent d'être très minces.

Certains affirment que ce mode de fonctionnement n'est pas le vrai problème, lequel serait plus profond et résiderait dans les divergences politiques fondamentales entre les Membres. Il est vrai qu'il existe parmi les Membres certaines divisions, départagées le long de lignes Nord-Sud ou Est-Ouest dans certains cas. Au sein d'une organisation mondiale comptant 164 Membres, il existera assurément des divergences, dont certaines fondamentales. Le désaccord le plus fréquemment mentionné correspond aux effets d'un supposé piège de Thucydide — notion selon laquelle la probabilité d'un conflit entre une puissance émergente et la puissance dominante est présumée très élevée.(5) À ce jour, les rivalités géopolitiques ne sont toutefois pas au centre des problèmes rencontrés par l'Organisation. L'OMC n'échappe pas aux difficultés liées aux relations extérieures bilatérales, mais celles-ci ne l'ont pas submergée. S'agissant des pressions extérieures, l'OMC a été davantage touchée par le déplacement des activités manufacturières vers les pays à bas coût, les progrès technologiques qui ont secoué les marchés du travail et la montée du populisme qui en résulte.

Les inégalités de revenus sont devenues une préoccupation croissante dans de nombreuses régions du monde, à la fois dans et entre les pays. En raison de ce fait économique et politique, ainsi que des nouvelles attentes de l'opinion publique qui l'accompagnent, aucun Membre n'a appelé ces dernières années à tenir de nouvelles grandes négociations pour abaisser les droits de douane par secteur ou d'une façon plus générale — et ce, dans un système en partie fondé sur la libéralisation continue du commerce. La même résistance ne devrait pas se retrouver dans la négociation de nouvelles règles. Les Membres ne devraient pas être freinés dans leurs efforts visant à assurer l'équité, même lorsqu'ils font face à des pressions populistes. Mais on trouve là encore une certaine réticence.

Si l'on cherche à comprendre pourquoi il est si difficile d'avancer, un examen du fonctionnement de l'Organisation est nécessaire. Les procédures internes sont importantes. Aucun Membre ne devrait avoir le droit, par exemple, d'empêcher d'autres Membres d'entamer un dialogue sur le changement, quel qu'en soit l'objet. Cet obstacle a été franchi grâce aux Initiatives liées aux Déclarations conjointes créées à Buenos Aires en décembre 2017. Depuis cette Conférence ministérielle, le système de convoi indivisible a commencé à ouvrir la voie à des coalitions de bonnes volontés agissant dans le cadre de ces Initiatives liées aux Déclarations conjointes. Il reste à déterminer comment celles-ci s'articuleront avec le système commercial multilatéral et l'acquis de l'OMC. Des moyens d'y parvenir semblent exister.

Il est bien établi que les questions relevant d'intérêts nationaux fondamentaux peuvent être protégées par l'exercice d'un droit de veto. Mais qu'en est-il de la myriade de questions de moindre importance? Les dispositifs de sécurité, tels que les alarmes incendie ou les freins d'urgence, sont protégés au mieux par du plastique ou une fine couche de verre, pour réduire les chances qu'ils soient utilisés en dehors de toute nécessité. De même, le fonctionnement d'une institution où chaque membre dispose d'un droit veto requiert une modération volontaire dans son utilisation. Si l'on s'attend à ce qu'un Membre important s'oppose sans peine à une mesure largement soutenue, cela empêche non seulement d'aboutir à un résultat négocié, mais paralyse en outre la prise d'initiative de la part des Membres comme du Secrétariat. Il faut surmonter ce problème. Les Membres doivent jouer un rôle actif et braver l'opposition, par exemple en élaborant des règles commerciales pour faire face à la pandémie aujourd'hui et, plus tard, pour traiter d'autres difficultés évidentes comme le changement climatique.

Le remède peut consister à mieux comprendre quelles sont les limites appropriées s'agissant des situations dans lesquelles le consentement sur une question sera refusé. Cette question prêtera certes à controverse, mais une discussion devrait être engagée sur les limites adaptées pour l'invocation d'exceptions, comme la sécurité nationale ou les pénuries. Une règle de bon sens peut être énoncée, avec un large et profond respect des jugements nationaux.

Les accords de “libre-échange”

Certains des problèmes de l'OMC (et du GATT) étaient dès le départ prévisibles. La pierre angulaire de l'OMC, et avant cela du GATT, était le principe de la nation la plus favorisée, fondé sur la non-discrimination. La principale exception devait concerner les accords commerciaux régionaux et bilatéraux. Le moteur de ces arrangements commerciaux préférentiels devait être contrôlé par le principe selon lequel l'essentiel des échanges entre les participants à tout accord devait être visé. Une exigence qui n'a en réalité que peu restreint le recours à cette exception.

Les fondateurs du système commercial multilatéral ne pouvaient pas prévoir la prolifération des accords de libre-échange bilatéraux. On peut dire que l'accent mis sur les accords bilatéraux et régionaux a ponctionné l'énergie du système commercial multilatéral, les gouvernements consacrant une grande partie de leurs ressources à cet autre type d'arrangements commerciaux. À l'inverse, il est aussi vrai que certains de ces accords sont novateurs et renferment des précédents utiles pour alimenter les négociations internationales. Dans un premier temps, les discussions sur le commerce électronique au sein de l'OMC ont porté sur l'examen des clauses pertinentes issues d'accords bilatéraux et régionaux antérieurs, dans l'objectif de trouver des exemples de règles susceptibles d'être adoptées au niveau multilatéral. Le Partenariat transpacifique contenait un certain nombre d'innovations. Cependant, si peu d'accords bilatéraux contenaient suffisamment d'innovations favorisant l'émulation, tous incluent des avantages commerciaux spécifiques qui se limitent à leurs participants (ce qu'Alan Beattie, correspondant du Financial Times à Bruxelles, a appelé un “modèle de mercantilisme concurrentiel”).

On peut distinguer différents types d'accords sous-multilatéraux. L'intégration régionale peut largement être justifiée d'un point de vue économique — en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et maintenant en Afrique —, ce qui est moins le cas des accords dictés non par la géographie, mais par des objectifs commerciaux nationaux, souvent aux dépens des non-signataires.

Les accords bilatéraux qui ne sont pas motivés par l'intégration régionale peuvent finalement devenir des pierres d'achoppement plutôt que des pierres angulaires du système commercial mondial. L'accès préférentiel établit les bases pour le traitement préférentiel. Plutôt que de s'élever vers des résultats multilatéraux, ces accords peuvent créer une incitation pernicieuse à ne pas poursuivre la libéralisation. D'une certaine manière, l'expression même d'“accord de libre-échange” est trompeuse.

L'approbation de tout accord commercial préférentiel devrait être jugée à l'aune de sa contribution positive au monde, et non simplement de la satisfaction qu'en tirent les parties. L'ampleur et la durée de l'utilisation de cette exception à l'exigence de non-discrimination doivent être revues.

L'incapacité à légiférer

Les négociateurs commerciaux sont presque exclusivement jugés en fonction de leur capacité ou non à conclure des accords. Le renoncement à un accord loin d'être parfait n'est guère applaudi longtemps. C'est encore pire pour une organisation principalement créée dans l'objectif de faciliter les négociations.

Les freins à la réussite, mesurée selon le critère de la conclusion de nouveaux accords, sont faciles à énumérer. L'un des obstacles est la diversité des priorités des Membres. Cette vérité incontournable peut être dépassée grâce au leadership, sous réserve que les Membres aient des objectifs en commun. Le système commercial a été initialement créé grâce aux efforts d'une puissance hégémonique essentiellement bienveillante, assistée par ses alliés et accompagnée de temps à autre par un Directeur général de l'OMC compétent et entreprenant.

Le remède à la défaillance actuelle du leadership est précisément un leadership dans le cadre duquel les Membres noueraient de nouvelles alliances, qui pourraient varier d'une question à l'autre, pour œuvrer en faveur du bien commun. Il importe de compter à bord un nouveau Directeur général qui puisse s'associer aux Membres actifs pour assurer ce leadership. 

Le deuxième obstacle correspond au fait qu'il existe encore des vestiges de l'approche du convoi en tant que moyen, bien trop souvent inefficace, de chercher à obtenir des résultats négociés. Le convoi est devenu trop long, les capacités et les intérêts trop divers, pour envisager que tous puissent avancer de front et au même rythme pour adopter de nouvelles règles.  La conviction persistante selon laquelle les problèmes devraient être abordés par tous dès le départ ralentit l'élan de proposition et de poursuite d'initiatives. Les Initiatives liées aux Déclarations conjointes, ouvertes à tous et transparentes, ne sont pas une option de deuxième ordre dans un monde pragmatique: elles indiquent une voie à suivre.

Le troisième obstacle est l'effet dissuasif de l'éventuel droit de veto exercé par un seul Membre, comme indiqué précédemment. Une règle de bon sens doit être appliquée à l'exercice de ce droit de veto.

Le quatrième obstacle est, en dehors des négociations sur les subventions à la pêche et des Initiatives liées aux Déclarations conjointes, le manque de participation suffisamment active et de délibération entre les Membres.  La délibération est essentielle à tout organe législatif démocratique. Le pouvoir de mobilisation et la force morale d'un Directeur général entreprenant peuvent rétablir un dialogue susceptible d'aboutir à un plus vaste terrain d'entente.

Le problème du système de règlement des différends de l'OMC

Le système de règlement des différends contraignant était largement considéré comme la fierté de l'OMC. Dans l'ensemble, malgré ses graves déficiences (qui se sont avérées fatales) aux yeux d'au moins un Membre, rejoint plus tard par d'autres, il a assuré des services de grande qualité. Les procédures de groupe spécial et d'appel étaient quasi-judiciaires, mais non judiciaires, dans le sens où le dernier mot sur toute question était spécifiquement réservé à la décision des Membres réunis au sein de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, et ne revenait pas à l'Organe d'appel ou aux groupes spéciaux.

Les décisions de l'Organe de règlement des différends sont prises par consensus négatif. En ce sens, toutes les parties, y compris celle ayant eu gain de cause, doivent s'accorder pour rejeter une décision liée au règlement d'un différend, sans quoi celle-ci est réputée adoptée. Cela confère une automaticité à l'adoption des rapports des groupes spéciaux, ce qui est l'effet recherché. Dans le cas contraire, les résultats des groupes spéciaux ne seraient pas contraignants. Un problème se pose car, la fonction législative ayant largement cessé de fonctionner, il n'y a plus de contrepoids ni de contrôle pour ce qui devait seulement être un processus quasi-judiciaire. Le pouvoir d'établir des déterminations finales réservé aux Membres n'était que formel, étant donné que réunis en tant qu'Organe de règlement des différends, les Membres pouvaient de fait uniquement approuver les résultats quasi-judiciaires, et jamais les rejeter ni les modifier. Comme il a été relevé, cela aurait pu être corrigé par l'exercice du pouvoir législatif des Membres, mais en 25 ans, ceux-ci n'ont négocié aucun accord infirmant une décision quasi-judiciaire.

La possibilité d'interrompre toute initiative visant à établir des règles au moyen d'un veto et du recours au consensus négatif a débouché sur une paralysie lorsqu'un Membre clé a décidé de recourir à l'exigence de consensus général (la nécessaire absence d'objection pour désigner les membres de l'Organe d'appel) afin d'anéantir ce dernier (le caractère contraignant du règlement des différends par l'utilisation du consensus négatif), sans qu'il n'y ait d'examen final en appel.

La solution au problème du système de règlement des différends de l'OMC est liée à la responsabilité collective des procédures de groupe spécial et d'appel vis-à-vis des Membres. Aucune solution proposée n'a été approuvée par toutes les principales parties en litige. Cela ne signifie pas qu'un mécanisme indépendant et contraignant de règlement des différends à deux niveaux ne pourra jamais être établi. Ce problème pourrait probablement être résolu par un Directeur général qui réunirait les parties intéressées.  

La recherche d'un terrain d'entente — TSD et inégalités

Les défauts internes structurels sont exacerbés par la question grandissante de savoir si les Membres ont réellement des objectifs fondamentaux en commun. Ce n'est clairement pas le cas sur certains sujets. Quelques exemples se démarquent.

Les Membres sont partagés sur l'existence d'un droit général au traitement spécial et différencié (TSD). Les conséquences pratiques de cette divergence de vues font l'objet de débats au sein de l'OMC. Quelques Membres affirment qu'indépendamment de leurs capacités, ils attendent un laissez-passer général pour contracter des obligations d'un moindre niveau lors de toute future négociation (une exception pour laquelle il ne semble y avoir aucune divergence de vues — il n'y a pas d'objection pour convenir d'accorder à l'avance un traitement spécial aux pays les moins avancés).

Les inégalités irritent. De trop nombreux Membres se sentent lésés par le gel des relations depuis des décennies. Les Membres relevant de l'article XII (qui ont rejoint l'OMC après 1994 et donc après les Membres originels) ont vu leur cotisation à l'entrée dépasser progressivement celle des Membres originels, étant donné que l'accession est le produit de négociations et que les intérêts ont évolué. Les pays industrialisés déplorent que les pays en voie d'industrialisation n'assument pas un niveau croissant d'obligations au fil du temps (par la consolidation de leurs droits appliqués, par exemple). Un autre point de divergence apparent s'est révélé lors de la récente réunion des dirigeants du G-20 tenue le 23 novembre 2020, dans le cadre de la discussion relative à l'Initiative de Riyad sur l'avenir de l'OMC. Il s'agit de savoir si l'adhésion aux “politiques orientées vers le marché” constitue un principe de l'OMC. Par ce terme, on entend que les résultats des transactions commerciales devraient généralement être fondés sur les forces du marché et que ce sont les prix, la qualité et la prestation qui comptent, et non les décisions des pouvoirs publics.

Puisque tous les Membres affirment que le système commercial multilatéral est essentiel à leur bien-être, des solutions doivent être trouvées pour aplanir ces divergences. Des délibérations facilitées par le Directeur général seraient un début raisonnable.

Problèmes structurels

Une question qui n'est généralement pas abordée entre les Membres consiste à savoir si la gouvernance de l'Organisation empêche un fonctionnement plus efficace. 

Quelles sont les structures de gouvernance internes? Comment les Membres devraient-ils s'organiser? D'autres organisations internationales, dont les missions sont certes différentes, disposent de conseils de gouverneurs et de directeurs exécutifs. Les nations démocratiques ont choisi des formes de gouvernance représentatives. L'OMC ne dispose d'aucune de ces structures. Elle dépend des ambassadeurs pour la présidence des comités, qui ne dure souvent qu'un an. La continuité dépend des informations transmises par les représentants permanents sur le départ et les secrétaires des comités mis à disposition par le Secrétariat. Pour chaque négociation, des efforts doivent être fournis pour maintenir un niveau de connaissance et de confiance dans un organe caractérisé par le renouvellement permanent de ses membres. Les structures de gouvernance de l'OMC devraient faire l'objet d'un réexamen.

Une déficience surprenante pour ceux qui connaissent bien d'autres institutions est l'absence de juriste principal pour les accords. L'OMC devrait disposer d'un conseiller juridique doté d'un mandat élargi pour assister les Membres en particulier sur les questions de procédure. 

Il manque également une fonction de planification des politiques, caractéristique des départements et ministères militaires et parfois civils au sein des gouvernements de la plupart des grands pays, si ce n'est de tous. À l'OMC, des activités de prospective stratégique visant à identifier les défis à venir commencent tout juste à être lancées. Lors du discours prononcé pour la fin de son mandat de trois ans en tant que Directeur général de l'OMC, notre cher Mike Moore avait déclaré:

Lorsqu'il lui a été demandé quelles qualités devait avoir un homme politique — et j'ajoute un Directeur général — Winston Churchill a répondu: “La capacité de prévoir ce qui va se passer demain, la semaine prochaine, le mois prochain et l'année prochaine. Et avoir ensuite la capacité d'expliquer pourquoi cela ne s'est pas passé.” 

Il serait souhaitable d'essayer de se préparer et d'échouer, plutôt que de ne pas avoir essayé du tout.

La préparation face aux besoins les plus évidents devrait être une fonction partagée entre les Membres et le Secrétariat. Les exemples n'exigent pas une trop grande clairvoyance: lorsque les principaux Membres et les chefs de secrétariat d'institutions internationales appellent de leurs vœux une taxe sur le carbone qui pourrait avoir des conséquences profondes et de grande envergure sur le commerce, une étude interne devrait être immédiatement entreprise et des discussions sérieuses sur le sujet devraient se tenir entre les Membres. Traverser une pandémie sans améliorer les moyens d'ajuster le système commercial pour remédier à ses difficultés serait impardonnable.  

Il conviendrait d'examiner en premier lieu le rôle du Directeur général et des présidents des comités de l'OMC. Dans une organisation où certains Membres se tiennent prêts à appuyer sur le frein, et où la coordination entre 164 Membres (ou l'absence d'objection) est nécessaire pour accélérer, il est difficile de parvenir à une vitesse de croisière sur une quelconque question. Des animateurs sont nécessaires. Dans le cas de l'Initiative liée à la Déclaration conjointe sur le commerce électronique, par exemple, trois Membres ont fait un pas en avant et lancé un processus auquel s'est jointe une majorité de Membres, représentant un pourcentage élevé du commerce mondial.  Les présidents des comités doivent être impartiaux à l'égard des divergences de vues exprimées lors des discussions qu'ils président, mais ils ne doivent pas l'être lorsqu'il s'agit de déterminer l'existence de résultats positifs. De même, le Directeur général de l'OMC doit s'impliquer pour faciliter activement le lancement de négociations, la recherche de solutions et l'obtention de résultats. Dans une organisation chargée de négocier, le Directeur général et les présidents de comités doivent s'employer activement et constamment à lancer des négociations, à les faire avancer et, dans la mesure du possible, à veiller à ce que des résultats recueillant l'approbation de tous ou de la majorité soient obtenus. 

Le Directeur général dispose d'importants pouvoirs de mobilisation pour favoriser la participation et les négociations. Il conviendrait d'ajouter à cela la capacité de formuler des propositions. La Directrice générale du FMI et la Présidente de la BCE ont toutes deux décidé qu'une plus grande attention devrait être accordée à la promotion de politiques pertinentes en matière d'environnement. Elles ne peuvent élaborer de politiques pour leurs institutions, mais elles peuvent donner des idées aux membres pour les inciter à agir.

L'OMC n'existerait même pas sans les efforts du courageux Directeur général du GATT Arthur Dunkel. Je peux vous assurer que cette organisation connaissait alors de grandes fractures. M. Dunkel a dû les surmonter, ce qui a eu un coût. Une célèbre citation du Président des États-Unis Théodore Roosevelt est ici tout à fait appropriée: “Le crédit revient à [celui ou celle] qui se trouve réellement dans l'arène … qui s'évertue véritablement à remplir ses fonctions; qui connaît les grands enthousiasmes, les grands dévouements; qui s'use pour une cause digne; qui, au mieux, remporte à la fin le triomphe des grandes prouesses et, au pire, en cas de défaite, échoue au moins à l'issue d'une courageuse bataille, de sorte que sa place ne sera jamais parmi les âmes froides et timorées qui ne connaissent ni victoire ni défaite.”

Les présidents doivent être choisis pour l'intérêt qu'ils portent au sujet et pour leurs aptitudes, et ils doivent pouvoir rester suffisamment longtemps en poste pour accomplir les tâches que l'on attend d'eux. Le personnel du Secrétariat devrait être évalué en fonction de l'aide apportée pour éclairer la voie à suivre et pour s'acquitter du plus grand nombre de tâches possible. Les ambassadeurs devront toujours, en tant que présidents, gérer en même temps d'autres responsabilités, pour leurs propres équipes au sein des Missions, pour toutes les autres questions abordées à l'OMC, souvent pour toutes les autres organisations internationales et, parfois, pour leurs relations avec Bern ou d'autres capitales européennes.  Tout doit être mis en œuvre pour garantir que les Membres disposent du champ d'action et du soutien dont ils ont besoin auprès du Secrétariat, lequel doit être dynamique et compter sur les ressources appropriées pour s'assurer que le travail soit fait. 

L'environnement extérieur

Nul ne devrait accepter l'idée selon laquelle l'OMC devrait succomber à la paralysie en raison des fortes tensions qui existent dans les relations internationales. Aucun problème entre les nations tel qu'il se traduit à l'OMC n'est insoluble. Pendant la guerre froide, la Russie et les États-Unis ont trouvé des domaines d'intérêt mutuel. Cela est tout aussi valable pour les rivaux et concurrents d'aujourd'hui. L'OMC ne peut éviter complètement de porter la marque des désaccords qui se jouent sur la scène mondiale, mais ce n'est pas une excuse pour sombrer dans l'indolence.

De nombreux observateurs voient dans la période actuelle une “crise de l'ordre international libéral” et, pire encore, la fin du néolibéralisme, soumis à des forces entraînant une véritable désintégration mondiale. De trop nombreux lieux se dégage un relent d'instabilité à la Weimar qui pèse sur les institutions démocratiques. Il y a plus d'un an, le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, mettait en garde contre ce qu'il a appelé une “grande fracture” provoquée par “la montée des tensions géopolitiques, la crise climatique, les technologies dangereuses et la méfiance grandissante”. Cette déclaration du Secrétaire général a été prononcée avant la pandémie, qui a sans aucun doute ajouté ses propres pressions, et avant les événements du 6 janvier 2021 à Washington.

Malgré tous les aspects négatifs de la pandémie, des problèmes nationaux et des rivalités internationales, il y a aussi des raisons d'être optimiste. Les nations se sont finalement (et de fait plutôt rapidement) réunies pour s'aider mutuellement à faire face au défi posé par la pandémie. Le commerce a joué son rôle. Les systèmes ont prouvé leur résilience.

Les Membres de l'OMC et le Secrétariat devront gérer un certain nombre de problèmes extérieurs parce qu'il n'y a pas d'autre choix. La divergence des systèmes économiques compromet-elle les conditions négociées du commerce? L'OMC de demain devra-t-elle reposer sur la convergence plutôt que sur la coexistence? Comment les Membres résoudront-ils les problèmes qui ont une forte incidence sur le commerce? Comment les négociations sur le commerce électronique traiteront-elles en définitive les avantages et les risques découlant des technologies de l'information en matière de commerce? Les règles de l'OMC peuvent-elles contribuer davantage à la lutte contre les inégalités de revenus? Les défis ne manquent pas, mais tous comportent des occasions à saisir.

Conclusion

Toutes ces forces, internes et externes, et les réponses apportées, finiront par façonner l'avenir du système commercial mondial. Le statu quo n'est pas viable si l'on souhaite relever tous les défis. La dérive n'est pas une solution acceptable. Le système commercial mondial dont nous disposons n'est pas parfait, mais il est de grande qualité, et il vaut mieux que tout autre substitut connu. Il doit être amélioré, ce qui est assurément possible. On ne peut plus supposer que ce que nous tenions pour acquis puisse se perpétuer éternellement. Des mesures correctives doivent être prises, et il me semble qu'elles le seront.

Notes:

  1. Il conviendrait d'étudier si seuls les plus grands Membres de l'OMC se sentent plus libres de ne pas suivre ou de contourner les règles et normes de l'OMC, ou s'ils trouvent simplement davantage d'échos dans la presse et parmi les observateurs.  retour au texte
  2. Depuis mon arrivée au Secrétariat de l'OMC, officiellement le 1er octobre 2017, j'ai prononcé une trentaine de discours sur la réforme de l'OMC. Tous peuvent être consultés en cherchant mon nom sur le site WTO.org. L'idée ici n'est aucunement de fournir une liste exhaustive de suggestions de modifications que les Membres et le Secrétariat de l'OMC devraient examiner. Les Membres participent de plus en plus à des activités susceptibles de conduire à la réforme, dans le cadre du Groupe d'Ottawa, d'une configuration trilatérale (États-Unis, Japon, Union européenne) et autres. Ce processus va probablement prendre de l'ampleur. Il pourrait être envisagé de lui donner ou non une forme plus régulière, comme celle d'un groupe de travail. Certains diront que les probabilités de changement seront amoindries si plusieurs propositions étaient regroupées d'une quelconque façon plutôt que d'être élaborées individuellement. Selon le contre-argument des négociateurs commerciaux, il doit y avoir suffisamment d'éléments sur la table pour former un accord en vue d'une adoption formelle de modifications. Ces deux approches ne sont pas entièrement inconciliables. retour au texte
  3. Cela ne signifie pas que le niveau de conformité soit intégral, ce dont aucun système juridique ne pourrait se targuer. retour au texte
  4. Le Secrétariat pourrait toutefois porter à l'attention des Membres les domaines susceptibles de ne pas être respectés. retour au texte
  5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pi%C3%A8ge_de_Thucydide. retour au texte

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