AGRICULTURE

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Dans les remarques liminaires qu'elle a formulées lors de cette activité spéciale tenue sur une journée au siège de l'OMC, la Directrice générale a dit que, malgré certains faits nouveaux positifs, “trop souvent, les marchés de produits alimentaires et agricoles [continuaient] de mal fonctionner”.

“Il est de plus en plus clair que les règles de l'OMC n'ont pas suivi le rythme des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, ni de l'évolution des marchés mondiaux”, a-t-elle déclaré. 

Les Membres de l'Organisation “devront mettre à jour le corpus de règles de l'OMC si nous voulons répondre efficacement aux problèmes des marchés mondiaux et faire en sorte que les disciplines de l'Organisation nous aident à relever les défis actuels et futurs.”

Cette retraite a été organisée en réponse à l'appel lancé par la Directrice générale visant à ce que les Membres envisagent une nouvelle approche des négociations sur l'agriculture menées à l'OMC afin de surmonter les divergences profondes qui ont empêché les négociations de progresser.

La retraite comprenait deux séances plénières ouvertes à tous les Membres de l'OMC au cours desquelles d'éminents spécialistes du commerce des produits agricoles et de la sécurité alimentaire ont examiné les différents défis auxquels le secteur agricole était confronté et les réponses stratégiques possibles.

Les Membres ont également été répartis dans cinq séances en petits groupes pour échanger des vues et réfléchir à deux questions, à savoir les suivantes: comment l'OMC devrait-elle aborder l'agriculture et quelles devraient être les principales considérations pour l'avenir? et comment redynamiser les négociations sur l'agriculture menées à l'OMC pour obtenir d'éventuels résultats à la prochaine Conférence ministérielle?

La Directrice générale s'est ensuite félicitée de l'“esprit extrêmement constructif” des séances plénière et en petits groupes et a dit que l'objectif consistant à “faire sortir tout le monde de sa zone de confort” avait été atteint.

“Si nous pouvions mettre l'esprit d'aujourd'hui en bouteille et l'emporter avec nous, ce serait un bel enseignement à retenir”, a-t-elle dit aux Membres.  “Si nous y parvenons, alors j'ai bon espoir que nous avancions dans le domaine de l'agriculture.”

Les Membres de l'OMC participent aux négociations sur le commerce des produits agricoles depuis plus de deux décennies.  Ces discussions ont commencé au début de l'année 2000 dans le cadre du mandat initial énoncé dans l'Accord de l'OMC sur l'agriculture.

Le Directeur général adjoint Jean-Marie Paugam a signalé que, à l'exception de la Décision ministérielle de Nairobi de 2015 sur l'élimination des subventions à l'exportation, “très peu de résultats [avaient] été obtenus” dans les négociations à ce jour. 

“Nous espérons que cette retraite générera des idées qui nous permettront de sortir les négociations de l'impasse lorsqu'elles reprendront sérieusement”, a-t-il ajouté.

Dans ses remarques liminaires, la Directrice générale a souligné l'importance du commerce des produits agricoles pour la réalisation de nombreux objectifs communs, qui vont de l'élimination de la faim au soutien à l'agriculture durable. 

Elle a fait observer que le monde avait énormément changé au cours du dernier quart de siècle, le changement climatique et la croissance démographique rapide ayant contribué aux préoccupations en matière de sécurité alimentaire.  Parallèlement à ces difficultés, de nouvelles possibilités émergent, comme la numérisation dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture.

L'Accord sur l'agriculture, qui est entré en vigueur en 1995, a constitué un grand pas en avant dans les efforts déployés par les Membres pour œuvrer en faveur d'un système de commerce des produits agricoles équitable et axé sur le marché, a dit la Directrice générale.  La Décision ministérielle de Nairobi sur l'élimination des subventions à l'exportation, adoptée ultérieurement, a entraîné une forte baisse de ces subventions, qui sont tombées de près de 7 milliards d'USD en 1999 à moins de 12 millions d'USD en 2020.

La DG a toutefois fait observer que les distorsions des échanges et les niveaux élevés de protection restaient un problème majeur.  Les sous-investissements persistants dans la recherche, les infrastructures et d'autres biens publics ont entraîné un niveau de productivité agricole faible et stagnant dans de nombreuses régions. 

En outre, le soutien total au secteur agricole a considérablement augmenté, celui-ci ayant atteint 817 milliards d'USD en 2019-2021, dont seulement 207 milliards d'USD ont pris la forme de dépenses budgétaires au titre des services généraux ou des versements aux consommateurs, a dit la Directrice générale.  Par ailleurs, les restrictions à l'exportation de produits alimentaires continuent d'exacerber l'effet des hausses de prix sur les consommateurs pauvres des pays importateurs de produits alimentaires.

Des questions telles que la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire, l'accès aux marchés, le coton, un mécanisme de sauvegarde spéciale proposé et l'amélioration de la transparence restent en suspens dans les négociations sur le commerce des produits agricoles, a-t-elle précisé.

“Nous devons nous appuyer sur les compétences de nos experts — et réfléchir à la manière dont leurs connaissances et leurs idées pourraient contribuer à la conception des futures règles de l'OMC”, a-t-elle déclaré. “L'OMC doit faire sa part pour faire progresser la réalisation des ODD (Objectifs de développement durable de l'ONU), en particulier l'ODD visant à éliminer la faim, à assurer la sécurité alimentaire, à améliorer la nutrition et à promouvoir l'agriculture durable.  Elle doit tenir compte des personnes dans ses accords et négociations.”

Les intervenants invités à la séance plénière du matin ont souligné qu'il était urgent de s'occuper d'un système alimentaire soumis à des pressions accrues en raison de l'insécurité hydrique et de la sécheresse induites par le climat, de la dégradation de l'environnement, de la guerre en Ukraine et des effets persistants de la pandémie de COVID-19.  Ils ont également souligné l'insécurité alimentaire en Afrique et ses répercussions mondiales.

Máximo Torero, économiste en chef et Directeur général adjoint de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), a donné un aperçu de la situation actuelle en matière de sécurité alimentaire. Ces deux dernières années, la sous-alimentation chronique a touché 150 millions de personnes supplémentaires, tandis qu'environ 2,3 milliards de personnes dans le monde n'ont pas accès à une alimentation adéquate et la communauté internationale est loin d'atteindre les objectifs mondiaux en matière de nutrition.

“Les chiffres ne sont pas bons et il s'agit-là d'une réalité mondiale”, a dit M. Torero, ajoutant que le commerce dans le cadre d'un système multilatéral universel, ouvert et non discriminatoire n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui pour assurer la sécurité alimentaire et le développement, ainsi que pour promouvoir la durabilité environnementale.

Trudi Hartzenberg, Directrice exécutive du Centre de droit commercial pour l'Afrique australe (TRALAC), a dit que l'Afrique était confrontée à une “vulnérabilité fondamentale du système alimentaire qui comporte de nombreuses dimensions”. … “Les préoccupations augmentent en ce qui concerne non seulement l'immédiateté de la crise, mais aussi la tendance à la détérioration de la sécurité alimentaire, au moins au cours de la dernière décennie.”

“Nous avons besoin d'un effort concerté, de nouvelles approches et d'approches innovantes pour remédier à l'insécurité alimentaire en Afrique dans le contexte de notre propre programme sur le commerce, tout comme nous avons besoin de nouvelles approches, de nouvelles idées et de nouvelles solutions au niveau multilatéral”, a-t-elle dit.

Johan Rockström, Directeur de l'Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique, a noté un appel scientifique grandissant en faveur d'une transformation du système actuel de production alimentaire afin que celui-ci garantisse non seulement la résilience et la durabilité en matière de santé, mais aussi la stabilité du commerce mondial.

“Cela est urgent”, a-t-il déclaré.  “Une grande attention est requise, notamment de la part d'une OMC qui peut assurer la résilience globale du système alimentaire dans le monde pour l'avenir.”

S'agissant des risques associés à la rareté de l'eau et à l'incidence actuelle et future de celle-ci sur la sécurité alimentaire, M. Quentin Grafton, de l'Université nationale australienne, a souligné que les importations nettes de produits alimentaires augmenteraient au cours des prochaines décennies du fait de l'aggravation des situations de stress hydrique, “qui ne sont pas près de disparaître”. En fait, il a souligné que la pénurie d'eau s'aggraverait avec le changement climatique et la croissance démographique.

“À moins que nous n'agissions différemment, à moins que nous ne changions nos habitudes en ce qui concerne non seulement les émissions de CO2, de méthane et de gaz à effet de serre, mais aussi les trajectoires actuelles dans l'agriculture et l'extraction d'eau, nous allons au-devant de graves ennuis”, a dit M. Grafton. “Et ceux qui souffriront le plus seront les personnes pauvres et vulnérables, en particulier dans les pays pauvres et les pays important beaucoup de produits alimentaires.”

À la séance plénière de l'après-midi, les intervenants ont examiné la question de l'insécurité alimentaire et du renforcement de la résilience du système alimentaire africain, le paysage actuel du soutien à l'agriculture et la réforme des règles de l'OMC relatives au commerce des produits agricoles à la lumière des défis actuels.

David Laborde, chercheur principal à l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, a dit que la sécurité alimentaire était “une question d'inégalités” et que le fait d'ouvrir les marchés sans réfléchir au transfert de technologie ne réglerait pas les problèmes de durabilité auxquels les Membres de l'OMC étaient confrontés.

Il a également exhorté les Membres à garder à l'esprit les difficultés spécifiques des petites économies qui étaient susceptibles de s'aggraver dans l'avenir et à étudier non seulement les réponses aux problèmes actuels concernant le commerce des produits agricoles, mais aussi les réponses aux problèmes qui se poseront peut-être au cours des décennies à venir.

M. Simplice Nouala Fonkou, de la Commission de l'Union africaine, a communiqué aux Membres des renseignements sur le Programme détaillé pour le développement de l'agriculture africaine (PDDAA), une initiative qui vise à aider les pays africains à éliminer la faim et à réduire la pauvreté en augmentant la croissance économique grâce à un développement tiré par l'agriculture. 

Compte tenu des contraintes en matière de ressources naturelles, du changement climatique et de divers autres chocs, l'accélération de la mise en œuvre du PDDAA était essentielle pour améliorer la résilience des systèmes alimentaires africains et la sécurité alimentaire sur le continent, a-t-il dit.

Marion Jansen, directrice de la Direction des échanges et de l'agriculture de l'OCDE, a fait part de certaines conclusions du rapport annuel de suivi et d'évaluation des politiques agricoles établi par l'OCDE et publié en juin 2022.

“Ce rapport contient des renseignements sur 54 pays de l'OCDE et de l'UE et 11 économies émergentes”, a-t-elle indiqué. “Il contient des renseignements qualitatifs sur l'évolution des politiques dans ces pays, mais aussi des renseignements quantitatifs qui montrent comment le soutien à l'agriculture est fourni aux différents producteurs — souvent d'une manière qui fausse les marchés et les échanges.”

Vangelis Vitalis, Secrétaire adjoint au Ministère néo-zélandais des affaires étrangères et du commerce extérieur et ancien président des négociations sur l'agriculture à l'OMC, a dit qu'il était urgent que les Membres se réunissent et relèvent les défis auxquels ils étaient confrontés.

“En ce moment, une guerre affecte le commerce des produits agricoles”, a-t-il dit.  “Il y a la COVID. Il y a un risque d'insécurité alimentaire et de famine. Et bien sûr, nous sommes en proie à une crise climatique. Si l'on regarde le monde actuel, il est clair que les règles sont fragmentées et plus difficiles à appliquer qu'auparavant.”

“Chers collègues, nous pouvons trouver un terrain d'entente et il est urgent que nous y parvenions.”

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