DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE ANGELA ELLARD

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Je remercie la Global Trade Academy, de l'Institut de droit économique international de la faculté de droit de Georgetown, pour son invitation.  Je me réjouis de voir combien cet événement a pris de l'ampleur au fil des ans, depuis la première fois où j'y ai participé.  C'est un véritable plaisir d'être parmi vous aujourd'hui, et d'autant plus en personne, après ces quelques années d'événements virtuels.

Que vous vient-il à l'esprit quand vous pensez au commerce international? Est-ce que ce sont les rouages concrets du commerce, comme les grands porte-conteneurs dans les ports de Shanghai, de Los Angeles ou de Rotterdam? Ou alors les différends commerciaux, tels que les affaires États-Unis — Produits en acier et en aluminium, États-Unis — lave-linge, ou les litiges relatifs aux aéronefs civils gros porteurs, qui portent tous sur le commerce des marchandises?

Ou peut-être pensez-vous aux puces semi-conductrices, qui préoccupent de nombreux responsables politiques ces derniers temps?

Toutes sont des bonnes réponses. Cependant, le commerce international d'aujourd'hui concerne de plus en plus les biens incorporels — que l'on ne peut ni voir ni toucher, mais qui représentent une part importante du PIB de nombreux pays. Par exemple, en 2021, les services étaient à l'origine de près de 78% du PIB des États-Unis.  De même, environ la moitié du PIB de l'Inde et de la Chine provient de ce secteur.

En 2021, les exportations mondiales de services étaient évaluées à 6 000 milliards de dollars EU, ce qui représentait légèrement plus d'un cinquième du total du commerce mondial de marchandises et de services; d'après nos estimations, la part des services dans le commerce mondial pourrait atteindre un tiers d'ici à 2040.  Et encore, il ne s'agit là que d'une vue partielle de la situation, étant donné que tous les modes de fourniture de services ne sont pas pris en compte. Par exemple, le mode 3, à savoir la présence commerciale, n'est pas inclus dans ces estimations.

Une grande part de cette progression est due aux avancées technologiques, qui permettent désormais de fournir des services à distance. Il est maintenant habituel d'écouter de la musique sur Spotify, de suivre un cours de langue sur Babbel ou de se dépenser devant un cours de fitness dispensé par un entraîneur depuis l'étranger.  Les exportations de services fournis par voie numérique ont plus que triplé depuis 2005. Entre 2005 et 2019, ces services ont affiché un taux de croissance supérieur à 7% par an en moyenne. En revanche, les exportations des autres services ont seulement progressé de moins de 6% et celles de marchandises de moins de 5%.  Cette tendance s'est encore accélérée pendant la pandémie — en 2021, les exportations de services fournis par voie numérique ont fait un bond de 30% par rapport à 2019.

Nous entendons parler de la fin de la mondialisation (ou de démondialisation) depuis des années.  Toutefois, l'annonce de cette mort a été quelque peu exagérée, pour reprendre les mots de Samuel Clemens.  C'est plutôt la nature de la mondialisation qui évolue, et le commerce des biens incorporels, comme les services, joue un rôle de plus en plus important.  Le commerce des services continuera de croître à mesure que nous entrons dans l'ère de la “mondialisation immatérielle”, pour reprendre une expression qui nous vient de responsables norvégiens. Nous pensons également que la numérisation du commerce renferme un potentiel par l'intermédiaire d'innovations comme la finance numérique, les déclarations en douane électroniques et les outils de gestion de l'offre assistée par l'IA, qui peuvent entraîner une réduction de 6% des coûts totaux du commerce.

Cependant, pour tirer pleinement parti de ce potentiel du commerce numérique, ainsi que de la valeur et de la croissance qu'il génère, nous devons faire deux ou trois choses.  Premièrement, nous devons combler la fracture numérique entre les pays développés et les pays en développement — je reviendrai dessus dans un instant.  Deuxièmement, nous devons aussi remédier aux nombreuses entraves au commerce des services qui existent, comme les obstacles aux paiements et aux flux de données transfrontières, les prescriptions imposées en matière de présence commerciale pour la fourniture de services, et les restrictions à l'investissement étranger et aux possibilités dont disposent les personnes pour se rendre à l'étranger et y fournir des services. À cet égard, je note les importants travaux menés conjointement par l'OMC et la Banque mondiale en vue recenser et de quantifier les politiques relatives au commerce des services dans 130 pays environ, qui contiennent notamment des précisions sur tous ces types de politiques. Ces renseignements sont publiés sur le site Web de l'OMC.

Le cadre de l'OMC qui régit actuellement le commerce des services et des technologies a été mis en place en 1995, soit il y a des années lumières dans le monde des technologies.  Les Membres de l'OMC s'emploient à améliorer les outils existants et à en élaborer de nouveaux pour tenir compte de la nature évolutive du commerce.

Permettez-moi de donner des précisions sur certains de ces travaux.

Moratoire sur le commerce électronique et programme de travail

Je commencerai par les travaux que mènent les Membres de l'OMC au niveau multilatéral.

Lors de notre douzième Conférence ministérielle (CM12) tenue en juin dernier, les Membres de l'OMC sont convenus par consensus de proroger, jusqu'à la prochaine Conférence ministérielle, le moratoire de longue date sur les droits de douane visant les transmissions électroniques, qui a été périodiquement reconduit depuis 1998.  Si cette question n'est pas au centre des préoccupations du grand public, elle est toutefois considérée comme étant de la plus haute importance par de nombreuses entreprises, dans le sens où ce moratoire préserve un cadre de politique commerciale favorable au commerce électronique d'une manière générale, pour ce qui est non seulement des droits de douane, mais aussi des obstacles non tarifaires et des formalités administratives.

Le principal point de désaccord entre ceux qui soutiennent la prorogation du moratoire et ceux qui s'y opposent concerne sa portée et ses éventuels effets économiques.  D'une part, certains pays en développement estiment que le moratoire fait obstacle à l'augmentation des recettes douanières.  D'après les estimations de certaines études, les pertes de recettes seraient comprises entre 280 millions de dollars et 10 milliards de dollars par an.  D'autre part, les pays développés et de nombreux pays en développement avancent que toute augmentation des recettes tarifaires serait annulée par les conséquences économiques négatives que les pays ressentiraient sous la forme d'une hausse des prix et d'une baisse de la consommation, qui entraîneraient un ralentissement de la croissance du PIB et une contraction des recettes fiscales.

La prorogation du moratoire figurera parmi les questions que les Ministres du commerce devront traiter lors de notre treizième Conférence ministérielle qui se tiendra à Abou Dhabi en février prochain. Les discussions se poursuivront donc dans les prochains mois afin de rapprocher ces deux positions.  

À la CM12, les Ministres sont également convenus de redynamiser les travaux au titre du programme de travail sur le commerce électronique, un cadre établi de longue date pour faciliter les discussions des Membres sur toutes les questions liées au commerce qui concernent le commerce électronique mondial.  Les questions liées au développement occupent une large place dans ces travaux.  Plus particulièrement, les Membres examinent la question de la fracture numérique du point de vue des infrastructures numériques, de la connectivité, de l'accessibilité financière et du renforcement des capacités.

Les travaux de recherche que nous avons menés conjointement avec la Banque mondiale donnent à penser qu'un meilleur accès aux technologies serait particulièrement bénéfique pour les femmes et les MPME (dont 38% sont détenues par des femmes).  D'après l'Union internationale des télécommunications, en 2022, la part des femmes utilisant Internet était de seulement 19% dans les pays les moins avancés (PMA) et de 50% dans les pays en développement, contre 86% dans le monde développé. L'accès aux smartphones, à Internet et aux compétences numériques dans ce domaine peut aider les femmes à obtenir des financements, à créer une entreprise, à vendre des produits sur de nouveaux marchés, et à se procurer ou à fournir des services de santé et d'éducation, ce qui profite en retour à leurs familles et communautés. Un meilleur accès à Internet a un effet multiplicateur sur le développement, en particulier dans la mesure où il permet de sauter les étapes correspondant à d'autres technologies déjà en passe d'être obsolètes.

Initiatives plurilatérales

Des efforts visant à mettre à jour les règles de l'OMC relatives aux services et à l'économie numérique sont également déployés dans le cadre d'initiatives conjointes, parmi des groupes de Membres, ou “coalitions de bonnes volontés”, plutôt que par l'intermédiaire de négociations multilatérales.  Les négociateurs adoptent dans un premier temps cette approche plurilatérale car l'ampleur et l'étendue de la portée qu'ils visent se sont avérées difficile à atteindre au niveau multilatéral; cependant, les participants espèrent que tous les Membres finiront par se joindre au processus. 

Avant de décrire ces initiatives, je dois indiquer que certains Membres de l'OMC ne soutiennent pas ces dispositifs, voire même ces négociations, car ils estiment que seules des initiatives multilatérales devraient être menées à l'OMC.  Les défenseurs de ce processus, à l'inverse, s'en remettent à nos documents fondateurs pour démontrer que les accords plurilatéraux font partie de l'architecture de l'OMC, qu'ils sont souvent le seul moyen de faire avancer certaines questions et qu'ils peuvent conduire ultérieurement à la conclusion d'accords multilatéraux, lorsque les autres Membres y sont disposés.

Trois initiatives conjointes sont menées à l'OMC en vue d'élaborer de nouvelles disciplines concernant les services, le commerce numérique et l'investissement.

Tout d'abord, en 2021, 70 Membres de l'OMC représentant 92,5% des échanges mondiaux de services ont conclu des négociations sur la réglementation intérieure dans le domaine des services, et ils mettent actuellement en œuvre cet accord. De nombreux secteurs de services sont à juste titre très réglementés et impliquent l'obtention, par les fournisseurs, de licences, de certificats ou de permis pour démontrer leurs capacités de fournir ces services conformément à la réglementation. Les services financiers en sont un exemple. Cependant, l'application de ces réglementations peut être complexe et dépourvue de transparence, et il peut donc être difficile pour les fournisseurs de services étrangers de s'y retrouver dans le paysage réglementaire.

L'objectif de cette initiative est de simplifier les processus d'autorisation, de réduire les formalités administratives, et d'accroître la transparence et la prévisibilité pour les fournisseurs de services, y compris les micro, petites et moyennes entreprises (MPME).  Ces nouvelles règles devraient contribuer à réduire les coûts du commerce mondial des services de plus de 150 milliards de dollars par an.

Il s'agit également de la première fois dans l'histoire de l'OMC qu'une disposition relative à l'égalité des genres figure dans le texte d'un résultat de l'Organisation.  En effet, les Membres se sont engagés à garantir la non-discrimination entre les hommes et les femmes dans leurs réglementations relatives aux services, ouvrant la voie à l'autonomisation économique des femmes par l'intermédiaire de la participation au commerce des services. Nous sommes particulièrement fiers de ce résultat.

Je note que la mise en œuvre de l'accord sur la réglementation intérieure a été freinée par l'objection de l'Inde et de l'Afrique du Sud à la présentation de listes de services mises à jour, qui a trait à la question de savoir si les initiatives plurilatérales sont appropriées dans le cadre des négociations menées à l'OMC, comme je l'ai mentionné précédemment.  Les Membres ont entamé des consultations, et nous espérons qu'elles se concluront rapidement.

Ensuite, l'initiative conjointe sur le commerce électronique actuellement menée au niveau plurilatéral est un autre domaine de travail de l'OMC qui a suscité une grande attention ces derniers temps.  Quatre-vingt-huit Membres de l'OMC, y compris de nombreux pays en développement et quelques PMA, participent à cette initiative pour élaborer des règles de base régissant l'économie numérique mondiale.  Les participants cherchent à établir des disciplines communes dans le but de faciliter les transactions à distance et de renforcer la confiance envers les marchés numériques. Les disciplines à l'examen portent à la fois sur des éléments qui facilitent les échanges, comme les signatures électroniques, la protection en ligne des consommateurs et le commerce sans papier, et sur des mesures restrictives pour le commerce dans le domaine numérique, liées par exemple aux flux de données transfrontières et à la localisation des données.  Les participants entendent conclure l'essentiel de ces négociations d'ici à la fin de l'année.

Il convient de noter que les Membres qui participent à l'initiative reconnaissent l'importance qu'il y à garantir l'inclusivité du commerce numérique et à éliminer les obstacles rencontrés par les pays en développement et les pays les moins avancés qui cherchent à bénéficier de l'économie numérique.  À cet égard, le “Cadre de renforcement des capacités en matière de commerce électronique” lancé par l'Australie, le Japon, Singapour et la Suisse est une étape essentielle pour renforcer l'inclusion numérique et contribuer à tirer parti des possibilités offertes par le commerce numérique.  Le Cadre offrira un large éventail d'activités d'assistance technique, de formation et de renforcement des capacités afin de soutenir la participation des pays en développement aux négociations sur le commerce électronique.

Dans le cadre de la troisième initiative menée à l'OMC, plus de 110 Membres (soit plus des deux tiers) travaillent sans relâche pour parvenir à un accord sur la facilitation de l'investissement pour le développement qui permettrait aux Membres, en particulier ceux en développement, d'améliorer le climat de l'investissement sur leur territoire et d'attirer, de retenir et d'accroître l'investissement étranger direct (IED). La pandémie et la guerre en Ukraine ont affaibli les flux mondiaux d'IED, et cet accord devrait aider les pays à attirer de nouveaux investissements, y compris dans les domaines des services et de l'économie numérique. Pour atteindre cet objectif, l'accord vise à renforcer la transparence et la prévisibilité des mesures prises en matière d'investissement; à accélérer et à simplifier les procédures d'autorisation dans ce domaine; à améliorer la coopération internationale et la partage de renseignements; et à promouvoir l'investissement durable. Cet accord comporte également un important volet développement. Par exemple, parallèlement aux négociations, les Membres participants travaillent à une évaluation des besoins pour aider les pays en développement et PMA Membres à déterminer leurs lacunes s'agissant de la mise en œuvre ainsi que leurs besoins en matière d'assistance technique et de renforcement des capacités en vue d'appliquer l'accord. De premières estimations montrent que l'accord sur la facilitation de l'investissement pour le développement pourrait accroître le bien-être au niveau mondial de 0,56% à 1,74%, selon la portée de l'éventuel accord, et que les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire connaîtraient la plus forte progression à cet égard. Nous pourrions parvenir assez rapidement à un accord sur le texte, étant donné que les Membres participants entendent conclure les négociations sur celui-ci à la mi-2023.

Outre ces trois initiatives, certaines associations professionnelles prônent l'élargissement du champ d'application de l'Accord de l'OMC sur les technologies de l'information (ATI), un ensemble composé de deux accords plurilatéraux qui réduisent fortement les droits de douane applicables aux produits des TI.  Pendant la pandémie, des dizaines de produits visés par l'ATI2, tels que les oxymètres de pouls, ont joué un rôle clé pour sauver des vies.  De plus, l'accès aux produits des TI et aux infrastructures liées à l'information et aux télécommunications est crucial pour la participation des petites entreprises au commerce électronique.  En d'autres termes, l'élargissement du champ d'application de l'ATI stimulerait également le commerce des services.

En plus de ces initiatives, les Membres de notre Organisation participent à des discussions concernant des questions liées aux technologies dans divers comités spécialisés.  Par exemple, ils notifient de plus en plus au Comité des obstacles techniques au commerce de l'OMC leurs mesures affectant les produits numériques, le commerce électronique et la cybersécurité.  Le niveau d'intérêt pour ces sujets est si élevé que, lors de sa prochaine réunion qui aura lieu en juin, le Comité tiendra des séances thématiques sur les défis actuels et les meilleures pratiques dans certains de ces domaines.

Technologies et transition verte

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur le rôle des technologies dans la transition verte. 

Il est souvent considéré que le commerce contribue au changement climatique en raison des émissions causées par la production et le transport de marchandises.  Mais cette vision est partielle: le commerce international — et l'OMC en tant que gardienne des règles commerciales multilatérales — peut faire partie de la solution pour contribuer à atteindre les objectifs climatiques.

Afin de passer à une économie sobre en carbone, les pays ont besoin d'un accès abordable à des technologies avancées.  Et un commerce ouvert contribue de manière essentielle à un tel accès. La réduction des obstacles au commerce des biens et services environnementaux faciliterait le transfert et le déploiement de technologies d’atténuation du changement climatique et d'adaptation à celui-ci. Les éoliennes, panneaux solaires, chauffe-eaux solaires, turbines hydroélectriques et équipements destinés à la production de biogaz doivent franchir les frontières aussi librement que possible si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques.

Une analyse que nous avons menée à l'OMC donne à penser que l'élimination des droits de douane et la réduction des mesures non tarifaires visant certains biens environnementaux liés à l'énergie et produits écologiquement préférables pourraient entraîner un accroissement des exportations mondiales de ces produits de 5% et de 14%, respectivement, d'ici à 2030.  Cet élan donné à l'utilisation des technologies respectueuses du climat pourrait conduire à une réduction des émissions nettes de carbone de 0,6%.

Le commerce des biens environnementaux va de pair avec celui des services environnementaux. L'installation et l'exploitation de technologies propres sont souvent complexes et nécessitent des compétences spécifiques qui peuvent être difficiles à trouver sur le marché national. L'élimination des obstacles aux services environnementaux, tels que les activités de conseil et d'ingénierie spécialisés ou les services de conservation des sols, peut aussi contribuer à réduire les coûts des projets qui réduisent les émissions.

L'ouverture des marchés dans ces secteurs peut aussi être un outil puissant au service du développement économique en stimulant la croissance économique et l'emploi.  Par exemple, les coûts d'installation de modules photovoltaïques sur les toits représentent environ 60% du coût total — nous créons ainsi une vaste gamme d'emplois grâce à la libéralisation tarifaire.  De plus en plus d'emplois se créent, notamment en Afrique, dans les énergies renouvelables décentralisées hors réseau, ce qui stimule aussi l'emploi dans d'autres secteurs, comme l'agroalimentaire, les soins de santé, les communications et le commerce local.

Compte tenu de la diversité des Membres de l'OMC, qui réunit des pays ayant des systèmes politiques et des niveaux de développement différents, nous offrons un cadre unique pour les discussions sur la réduction des obstacles aux biens et services environnementaux et sur la facilitation de la coopération internationale, un élément essentiel de la transition verte.

Mais tout n'est pas rose dans le monde du commerce et des technologies.  De fait, mon dernier point concerne le fait que la technologie est également la source de nombreuses tensions commerciales aujourd'hui.  Dans de nombreux pays, elle est au cœur de la politique étrangère, de la sécurité nationale et économique, et de frictions géopolitiques, et ces tensions s'approfondissent de plus en plus. 

Ces deux dernières années, nous avons assisté à des tentatives de “relocalisation”, de “délocalisation proche” ou de “délocalisation vers des alliés” des chaînes d'approvisionnement de technologies sensibles, ce qui a alimenté le récit de la démondialisation.  Compte tenu des pressions exercées sur les chaînes d'approvisionnement mondiales, d'abord par la pandémie, puis par la guerre en Ukraine, la tentative de commercer uniquement avec des “alliés” (quelle que soit leur définition) est compréhensible, même si par la suite les coûts augmentent un peu — voire beaucoup.  Mais aller trop loin dans ce sens aura des conséquences contre-productives — moins de résilience, plus de vulnérabilité et une plus grande exposition aux chocs.  Cela est d'autant plus vrai que les catastrophes naturelles et causées par l'homme gagnent en fréquence et en intensité — notamment les phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique, les pandémies et les conflits armés.

Le fait est qu'il est impossible pour un seul pays, ou même quelques pays, de produire tout — ou même la plupart des choses — au niveau local.  La clef, pour la résilience des chaînes d'approvisionnement, n'est donc pas moins, pas plus de coopération internationale et de diversification dans les chaînes d'approvisionnement.

De plus, prenez en considération les autres conséquences imprévues de l'isolationnisme: nos recherches à l'OMC montrent que le découplage de l'économie mondiale en deux blocs, par opposition à la poursuite de la libéralisation, amputerait le revenu réel au niveau mondial d'en moyenne 8,7%.  Et ce chiffre serait encore plus élevé dans les pays en développement et les PMA —  10,1% et 11,3%, respectivement.  Le coût élevé de la fragmentation montre que l'élan en faveur de la mondialisation ne peut pas et ne devrait pas être ignoré, malgré les pressions incitant à plus d'isolationnisme et d'autosuffisance, en particulier dans le domaine des technologies.

Pour conclure, permettez-moi de réaffirmer que l'avenir de la mondialisation sera déterminé par les services et la numérisation, et que l'accroissement arithmétique dans le secteur des technologies deviendra exponentiel.  Pour nous assurer de tirer parti des avantages qu'offre cette deuxième vague de mondialisation, nous devons veiller à disposer de règles adaptées en matière de réglementation des services et de l'économie numérique au niveau mondial.  Et c'est là que l'OMC entre en jeu.

Je vous remercie de votre attention.

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