DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT JEAN-MARIE PAUGAM

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Intervention du DGA Paugam faite à l'occasion du Sommet lors de la séance en petits groupes intitulée “De la technologie à la table: une approche systémique de l'innovation en faveur de systèmes alimentaires intelligents face au climat” organisée par Clim-Eat et le Ministère néerlandais de l'agriculture, de la nature et de la qualité des aliments:

Je suis très heureux de me joindre à vous aujourd'hui pour aborder cette discussion sous l'angle du commerce. A l'OMC, nous accordons beaucoup d'importance aux avis des experts agricoles, des autorités nationales et des organismes internationaux car ils constituent une source essentielle de connaissances et d'informations pour nos 164 Membres.

Nous travaillons en étroite collaboration avec un bon nombre d'entre eux qui assistent à ce sommet cette semaine, notamment la FAO, l'IFPRI et l'IICA.

L'un des principaux enseignements que nous avons tirés de cette collaboration est que l'innovation apportera les deux tiers des solutions nécessaires pour relever le double défi que constituent l'accroissement de la productivité et la mise en place d'une agriculture résiliente au climat. Nous savons que cela nécessitera des investissements, des technologies et des connaissances.

Maintenant comment le commerce et l'OMC peuvent-ils aider?

L'OMC offre un excellent cadre pour soutenir l'innovation dans l'agriculture durable. Nous gérons des instruments de politique commerciale qui peuvent servir à encourager l'innovation dans le monde entier.

Le premier instrument dont nous disposons vise à assurer et renforcer l'accès au marché mondial: C'est le plus classique de tous: les droits de douane. La diminution des droits de douane est directement pertinente pour améliorer l'accès aux technologies, accélérer la diffusion de l'innovation et parvenir à des économies d'échelle qui encourageraient l'investissement.

Cela n'est pas simplement théorique. Nous savons que nous avons à l'échelle mondiale un problème de déconnexion entre les droits de douane et le climat: plusieurs études montrent que les droits de douane favorisent les produits à forte intensité de carbone, ce qui veut dire qu'ils sont moins élevés pour les produits “bruns” et les technologies “brunes” que pour les produits “verts” et les technologies “vertes”. Prenez, par exemple, les produits de remplacement des plastiques: ils sont généralement frappés par des droits de douane plus élevés. Cela s'explique bien sûr par le fait qu'ils sont dérivés de produits agricoles qui sont eux-mêmes davantage taxés.

Par conséquent, la diminution des droits est la première solution à envisager lorsque l'on réfléchit à la façon dont le commerce peut aider.

Le deuxième instrument concerne le financement. En substance, le mandat et l'objectif de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC consistent à transformer de “mauvaises” subventions (celles qui ont une incidence sur les prix et les volumes et qui faussent la concurrence) en “bonnes” subventions. De manière assez symbolique, nous appelons ces subventions vertes des mesures “de la catégorie verte” parce qu'elles recouvrent toutes les subventions nécessaires pour encourager l'innovation, ce qui inclut à l'évidence l'innovation dans l'agriculture intelligente face au climat. Les infrastructures, la recherche, les services de vulgarisation et de consultation, l'éducation et le soutien aux revenus des agriculteurs relèvent tous de la catégorie verte. Cette catégorie comprend également le soutien au titre des programmes environnementaux eux-mêmes.

Le montant des fonds dont nous disposons pour le soutien à l'agriculture destiné aux producteurs s'élève à l'échelle mondiale à environ 600 milliards d'USD, dont près de 400 milliards d'USD ont de forts effets de distorsion des échanges. Nous devons donc de manière urgente réduire ce montant et l'affecter à de “bonnes” subventions. Certains de nos Membres parlent déjà de la nécessité de “réorienter” les subventions agricoles vers la lutte contre le changement climatique. Bien qu'il n'y ait actuellement pas de consensus sur ce point à l'OMC, j'aimerais que vous réfléchissiez à la question suivante: comment pouvons-nous utiliser cet argent pour encourager l'amélioration de la productivité et une agriculture intelligente face au climat?

Le troisième instrument a trait à la réglementation. A l'OMC, nous maintenons un cadre fondé sur des données scientifiques afin d'assurer la prévisibilité lorsque nos Membres appliquent des mesures sanitaires et phytosanitaires aux produits agricoles. Il permet d'encourager les discussions quotidiennes et les initiatives de coopération entre nos Membres. Là encore, des options pourraient être envisagées afin de mieux utiliser ce cadre réglementaire pour accroître le soutien à l'agriculture intelligente face au climat. D'autres éléments de notre cadre réglementaire pourraient aussi être utiles. Par exemple, notre accord sur la facilitation des échanges aide les pays à réduire les coûts de transaction pour les entreprises accédant à divers marchés internationaux.

Nous disposons donc de tous ces instruments. Je tiens à ajouter qu'ils offrent une grande flexibilité. Il n'y a pas de “camisole dorée” ni d'approche identique pour tous. Le cadre de l'OMC permet des arbitrages précis entre des préoccupations industrielles, environnementales ou sociales. Il donne une marge de manœuvre aux pays en développement, y compris les pays souffrant d'insécurité alimentaire, afin qu'ils puissent mettre en œuvre des politiques d'investissement dans le secteur agricole et adapter leur politique commerciale en fonction de leur situation particulière.

Maintenant utilisons-nous ce cadre efficacement afin d'encourager la coopération internationale en faveur de l'agriculture intelligente face au climat et de l'innovation?

Malheureusement, la réponse est pas tout à fait.  S'agissant de l'accès aux marchés et de la réforme des subventions, nos négociations sont à l'arrêt depuis près de trente ans. S'agissant de la réglementation dans le domaine SPS, nous avons fait bien plus de progrès car nous participons actuellement à des discussions utiles, y compris sur le changement climatique et la sécurité alimentaire.

Mais dans l'ensemble, nous n'avons pas de consensus sur toutes ces questions à l'OMC. Cela s'explique principalement par le fait que nous héritons de beaucoup de travaux inachevés, y compris sur les subventions internes ayant des effets de distorsion des échanges. Et cela a empêché nos Membres de traiter des questions essentielles affectant l'agriculture aujourd'hui et à l'avenir — comme le changement climatique et l'agriculture intelligente face au climat.

Actuellement, un sujet prend de l'importance et pourrait nous aider à combler cet écart, celui de la sécurité alimentaire: cette question est clairement au cœur du dilemme entre production, commerce et changement climatique. Les États-Unis, entre autres, ont présenté récemment une contribution intéressante à l'OMC sur ce sujet. J'espère donc que cela permettra de faire le lien nécessaire entre le passé et l'avenir.  Le message que j'adresse aujourd'hui aux Ministres de l'agriculture est le suivant: s'il vous plaît, agissez, avec vos homologues en charge du commerce, pour que l'OMC obtienne les résultats qu'elle est censée obtenir pour soutenir vos politiques agricoles intelligentes face au climat.

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