La décision règle la question concernant la propriété intellectuelle et la santé qui était restée en suspens depuis la Conférence ministérielle de l'OMC tenue à Doha en novembre 2001.

“Il s'agit d'un accord historique pour l'OMC”, a dit le Directeur général, M. Supachai Panitchpakdi. “La dernière pièce du puzzle a trouvé sa place, permettant aux pays pauvres d'utiliser pleinement les flexibilités prévues par les règles de l'OMC concernant la propriété intellectuelle afin de lutter contre les maladies qui déciment leurs populations.

Cela montre une fois pour toutes que l'Organisation peut traiter les préoccupations tant humanitaires que commerciales”, a-t-il ajouté. “Cette question a été particulièrement délicate. Le fait que les Membres de l'OMC ont réussi à trouver un compromis sur une question aussi complexe témoigne de leur bonne volonté.

Cet accord donne également aux Membres de l'OMC un élan qu'ils pourront mettre à profit à la Conférence ministérielle de Cancún. J'espère sincèrement que les Ministres pourront œuvrer ensemble pour parvenir à un accord sur les autres questions en suspens qu'ils traiteront à Cancún”, a dit le Directeur général.

La décision permet aux pays de déroger à leurs obligations au titre d'une disposition de l'accord de l'OMC sur la propriété intellectuelle. L'article 31 f) de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) prévoit que la production dans le cadre de licences obligatoires doit être principalement destinée au marché intérieur. Cela limitait en fait la capacité des pays qui ne peuvent pas fabriquer des produits pharmaceutiques d'importer des génériques meilleur marché depuis des pays où les produits pharmaceutiques sont brevetés.

Dans la décision, les gouvernements Membres de l'OMC sont convenus que la dérogation s'appliquerait jusqu'à ce que l'article soit modifié.
  

Rappel des faits  haut de page

Des flexibilités comme les “licences obligatoires” sont prévues dans l'Accord sur les ADPIC – les gouvernements peuvent délivrer des licences obligatoires pour permettre à d'autres sociétés de fabriquer un produit breveté ou d'utiliser un procédé breveté sous licence sans le consentement du titulaire du brevet, mais uniquement à certaines conditions visant à sauvegarder les intérêts légitimes du détenteur du brevet.

Certains gouvernements ne voyaient toutefois pas très bien comment ces flexibilités seraient interprétées et dans quelle mesure leur droit d'y recourir serait respecté. Le Groupe africain (tous les Membres africains de l'OMC) faisait partie de ceux qui demandaient une clarification.

Cette question a été en grande partie réglée à la Conférence ministérielle de Doha en novembre 2001.

Dans la principale Déclaration ministérielle de Doha du 14 novembre 2001, les Ministres ont souligné qu'il était important de mettre en œuvre et d'interpréter l'Accord sur les ADPIC d'une manière favorable à la santé publique – en encourageant à la fois l'accès aux médicaments existants et la création de nouveaux médicaments.

Ils ont donc adopté une déclaration distincte sur les ADPIC et la santé publique. Ils sont convenus que l'Accord sur les ADPIC n'empêchait pas et ne devait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique.

Ils ont insisté sur la possibilité qu'avaient les Membres de recourir aux flexibilités prévues dans l'Accord sur les ADPIC, y compris les licences obligatoires et les importations parallèles.

Ils sont aussi convenus de proroger jusqu'en 2016 les exemptions accordées aux pays les moins avancés en ce qui concerne la protection conférée par un brevet aux produits pharmaceutiques. (Le Conseil des ADPIC a achevé le travail de rédaction juridique sur cette question au milieu de l'année 2002, voir le communiqué de presse 301.

Concernant une question en suspens, ils ont chargé le Conseil des ADPIC de mener des travaux supplémentaires – trouver la manière de ménager une flexibilité additionnelle qui permettrait aux pays qui ne sont pas en mesure de fabriquer des produits pharmaceutiques sur leur territoire d'importer des médicaments brevetés produits dans le cadre de licences obligatoires. (Cette question est aussi parfois appelée la question relative au “paragraphe 6” parce qu'elle est évoquée dans ce paragraphe de la déclaration distincte de Doha sur les ADPIC et la santé.)

L'article 31 f) de l'Accord sur les ADPIC prévoit que les produits fabriqués dans le cadre de licences obligatoires doivent être utilisés “principalement pour l'approvisionnement du marché intérieur”. Cette disposition s'applique directement aux pays qui peuvent fabriquer des médicaments – elle limite le volume qu'ils sont en droit d'exporter lorsque le médicament est produit dans le cadre d'une licence obligatoire. Elle a une incidence indirecte sur les pays qui ne sont pas en mesure de fabriquer des médicaments et veulent donc importer des produits génériques. Il leur serait en effet difficile de trouver des pays qui pourraient les approvisionner en médicaments produits dans le cadre de licences obligatoires.

Les Membres se trouvaient dans l'impasse quant à la façon de régler cette question et le délai initial fixé au 31 décembre 2002 n'a pas été respecté.
  

La décision  haut de page

Cet accord du 30 août 2003 permet à tout pays Membre d'exporter des produits pharmaceutiques fabriqués dans le cadre de licences obligatoires aux conditions énoncées dans la décision (texte ci après). Tous les pays Membres de l'OMC sont admis à effectuer des importations en vertu de cette décision, mais 23 pays développés sont énumérés dans la décision comme ayant annoncé à titre volontaire qu'ils n'utiliseraient pas le système en tant qu'importateurs.

Une déclaration distincte du Président du Conseil général, M. Carlos Pérez del Castillo, Ambassadeur d'Uruguay, est destinée à rassurer ceux qui craignaient que la décision puisse être utilisée de manière abusive et compromettre la protection conférée par les brevets. La déclaration (voir ci après) expose les “points convenus” par les Membres au sujet de la manière dont la décision sera interprétée et mise en œuvre. Elle indique que la décision sera utilisée de bonne foi pour traiter des problèmes de santé publique et non pour atteindre des objectifs de la politique industrielle ou commerciale, et que des questions comme le souci d'éviter que les médicaments ne tombent entre de mauvaises mains sont importantes.

Plusieurs autres pays ont annoncé séparément que s'ils utilisaient le système ils le feraient uniquement dans des situations d'urgence ou d'extrême urgence. Ces pays sont les suivants: Corée; Émirats arabes unis; Hong Kong, Chine; Israël; Koweït; Macao, Chine; Mexique; Qatar; Singapour; Taipei chinois et Turquie.

La décision vise les produits brevetés ou produits fabriqués au moyen de procédés brevetés dans le secteur pharmaceutique, y compris les principes actifs et les kits de diagnostic.

Elle est destinée à traiter les problèmes de santé publique reconnus au paragraphe 1 de la Déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique, qui indique que les Ministres de l'OMC “reconnaiss[ent] la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et pays les moins avancés, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies”.

La décision prend la forme d'une dérogation provisoire, qui permet aux pays fabriquant des copies génériques de produits brevetés dans le cadre de licences obligatoires d'exporter les produits vers les pays importateurs admissibles. La dérogation serait applicable jusqu'à ce que l'accord de l'OMC sur la propriété intellectuelle soit modifié.

Les négociations sur la décision ont été menées par les Présidents du Conseil des ADPIC: M. Eduardo Pérez Motta, Ambassadeur du Mexique (2002) et M. Vanu Gopala Menon, Ambassadeur de Singapour (2003).

Le texte de la décision et de la déclaration du Président du Conseil général est reproduit ci après.

> La décision
> Déclaration du Président du Conseil général

 

Des renseignements supplémentaires figurent sur le site Web de l'OMC:
> Déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique
> La Déclaration de Doha expliquée
> ADPIC — Brevets et produits pharmaceutiques