NOUVELLES: ALLOCUTIONS — DG PASCAL LAMY


POUR EN SAVOIR PLUS:
> Allocutions: Pascal Lamy

> Vidéo: Introduction de Pascal Lamy
> Vidéo: Exposé du Professeur Amartya Sen

Mesdames et Messieurs,

Je souhaite une chaleureuse bienvenue aux Ambassadeurs, au Directeur de l’Institut de hautes études, M. Philippe Burrin, et au Président du Conseil de fondation de l’Institut, M. Jacques Forster.

Je tiens aussi à saluer les professeurs, les étudiants et les délégués qui se sont joints à nous aujourd’hui.

Enfin, je souhaite tout particulièrement la bienvenue à notre invité d’honneur, le professeur Amartya Sen, lauréat du prix Nobel.

Je voudrais tout d’abord remercier l’Institut de hautes études d’avoir choisi l’OMC pour accueillir la conférence d’ouverture de cette année.  Le choix de ce lieu renforce les relations déjà étroites entre nos deux institutions.  En effet, les liens entre l’OMC et l’Institut de hautes études sont profonds.  Nous sommes voisins de longue date et nous partageons la chance d’être situés dans le cadre magnifique du Parc Barton, au bord du lac.

Mais nous partageons aussi en partie nos ressources humaines dans un échange réciproque très réussi.  Un certain nombre de fonctionnaires de l’OMC enseignent à l’Institut de hautes études, qui bénéficie ainsi de leur expérience et de leur expertise, et de nombreuses recrues de l’OMC sont d’anciens étudiants de votre institution, qui apportent à notre Organisation leur savoir propre.

Enfin, dernier point, mais non des moindres, l’OMC et l’Institut de hautes études ont la même approche intellectuelle des défis inhérents à la gouvernance mondiale et à l’ouverture du commerce, convergence de vues qui a fait de nos institutions des partenaires idéals dans de nombreuses initiatives.  Nous sommes donc très honorés d’accueillir cet événement.

C’est aussi un honneur et un privilège pour moi, à titre personnel, et pour l’OMC, d’accueillir parmi nous le Professeur Amartya Sen, dont les travaux en économie intéressent l’OMC au plus haut point.

Il n’est pas nécessaire de présenter longuement M. Sen.  Professeur d’économie et de philosophie à l’Université d’Harvard, il jouit d’une grande considération et ses travaux lui ont valu le prix Nobel en 1998 pour sa contribution à l’économie du bien-être.  Son nom est associé à de vastes recherches dans le domaine de l’économie du développement, consacrées notamment à la famine, à la théorie du développement humain, à la pauvreté et à l’inégalité hommes-femmes, pour ne citer que quelques thèmes.  En tant qu’économiste et philosophe, ses théories ont influencé et influencent toujours dans une large mesure la réflexion actuelle sur le développement.

De nombreux travaux d’Amartya Sen présentent un intérêt pour nous, qui travaillons dans la maison du commerce.

Dans son ouvrage intitulé Development as Freedom, M. Sen définit le développement comme un processus qui accroît la liberté humaine et élimine les “non-libertés”, qui limitent les choix et les possibilités des personnes.  Le commerce international est reconnu comme un instrument permettant de créer des possibilités de développement.  Dans le même esprit, l’OMC ne prône pas l’ouverture du commerce comme une fin en soi, mais comme un moyen d’assurer “le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective”.

Le commerce a été un facteur de prospérité dans de nombreuses régions du monde.  En favorisant la croissance économique et la hausse des revenus et en donnant accès à plus de produits, de services, de capitaux, de connaissances et de technologies, le commerce offre à tous de nouvelles opportunités plus diversifiées.

Cependant, la persistance d’une grande pauvreté dans de nombreuses régions du monde et des inégalités croissantes dans la plupart de nos sociétés nous rappellent crûment que les bienfaits de l’économie mondiale ne profitent pas à tous de manière égale.  La croissance économique est un outil nécessaire mais pas suffisant pour lutter contre la pauvreté.  La répartition asymétrique des revenus — au niveau international comme au niveau national — signifie que bien souvent, la croissance économique n’a pas de retombées sur les catégories les plus vulnérables dans nos sociétés et que, les pauvres n’ont pas accès aux possibilités liées à l’ouverture du commerce.

Ce que M. Sen nous apprend, c’est que, pour que l’ouverture du commerce profite aux pauvres, il faut que les réformes commerciales s’accompagnent de politiques qui garantissent une répartition équitable des gains du commerce.  La santé et l’éducation, les filets de protection sociale et l’accès au crédit font partie des stratégies de réduction de la pauvreté autant que la croissance économique elle-même.  Ces politiques complémentaires protègent les pauvres des effets potentiellement déstabilisateurs de l’ouverture du commerce, tout en faisant en sorte que le commerce crée des possibilités de revenus pour toutes les couches de la société.  Cela nécessite une coordination globale entre les institutions publiques et au niveau multilatéral dans tous les domaines de la coopération internationale.  En d’autres termes, cela nécessite un cadre national et international solide.  À de nombreux égards, nous avons tous grand besoin de renforcer les capacités institutionnelles.

Les travaux de M. Sen sont aussi pertinents dans le cadre du débat actuel sur la sécurité alimentaire et sur le choix entre l’autosuffisance et l’intégration alimentaire mondiale.  Son ouvrage intitulé Poverty and Famines a changé la façon dont on analyse les famines et dont on peut lutter contre elles en montrant pourquoi des milliers de personnes peuvent mourir de faim même quand il n’y a pas de pénurie alimentaire.  Trente ans plus tard, dans un monde qui souffre de crises alimentaires récurrentes et de la volatilité des prix des produits alimentaires, cet ouvrage reste tout à fait pertinent pour répondre aux préoccupations liées à la sécurité alimentaire.

Au Forum public de l’OMC, la semaine dernière, nous nous sommes demandé si le multilatéralisme était en crise.  En effet, le climat économique actuel, caractérisé par une faible croissance, la montée du chômage et la menace d’une hausse des prix des produits de base, a généré une instabilité et une incertitude générales et fait douter de la capacité des gouvernements à coopérer.  Cependant, qu’ils soient pessimistes ou prudemment optimistes quant à l’avenir, les intervenants ont tous reconnu qu’il n’y a pas de véritable alternative au multilatéralisme.  Nous devons tous être des “activistes”.  Si les outils dont nous disposons jusqu’à présent ne fonctionnent pas comme on l’espérait, il faut que nous trouvions collectivement des solutions innovantes et créatives pour relever les défis actuels.

Avec sa profonde expérience de la sagesse orientale et occidentale, ses efforts constants pour trouver des moyens d’améliorer le bien-être individuel et social, et ses idées pour lutter contre la pauvreté et les inégalités hommes-femmes, M. Sen et ses théories nous apportent cette réflexion créative dont nous avons tant besoin.

La conférence d’aujourd’hui pose la question:  “À quoi sert l’économie?”  Je vais laisser M. Sen répondre à cette question.  Mais avant cela, je tiens à vous souhaiter à tous un excellent début d’année universitaire.

Je vous remercie.

 

 

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