Excellences, Mesdames et Messieurs, chers amis.
Je voudrais commencer par féliciter Pradeep
Mehta qui n'aurait pu choisir meilleur moment pour la tenue de cette
conférence — et je suis particulièrement reconnaissant à CUTS de son
invitation et de cette possibilité de venir en Inde dans les
circonstances actuelles.
Avant d'aborder le sujet du “Partenariat mondial pour le développement”,
je voudrais vous faire part de ce que les Membres de l'OMC nous ont dit
le mois dernier, deux jours après que les Ministres eurent échoué à
trouver un accord sur le pilier agricole et industriel des modalités du
Cycle de Doha: nous n'avons jamais été aussi proches d'un accord. Ce ne
sont pas de belles paroles. C'est la réalité de la situation actuelle:
ce que les Ministres et les hauts fonctionnaires sont parvenus à
réaliser durant la semaine qu'ils ont passée à Genève fin juillet est
absolument remarquable.
En fait, d'un point de vue purement technique, les questions sur
lesquelles s'est déjà entendu le groupe de Ministres avec lequel j'ai eu
les consultations les plus intensives — et dont les pays représentent
plus de 80 pour cent du commerce mondial — suffirait pour établir les
listes d'engagements concernant l'agriculture et l'AMNA.
La réalité politique, toutefois, est qu'il nous faut finaliser un petit
nombre de questions en suspens et parvenir à un consensus entre tous les
Membres avant de pouvoir entamer le processus d'établissement des
listes, qui aboutirait à la conclusion du Cycle.
Parmi ces quelques questions en suspens, la plus difficile est celle du
mécanisme de sauvegarde spéciale pour l'agriculture destiné aux pays en
développement. Deux avis s'opposent sur ce mécanisme, appelé MSS, qui se
sont révélés impossibles à concilier durant la réunion de juillet.
L'un est que les pays en développement ont besoin d'un filet de sécurité
en cas de poussée des importations de produits agricoles, afin de
pouvoir protéger leurs systèmes agricoles, et que cette sauvegarde
devrait être facile à utiliser.
L'autre avis est que, comme toutes les sauvegardes dans le cadre du GATT
et de l'OMC, le MSS devrait être soumis à certaines conditions et
limitations, pour assurer qu'il n'entrave pas les courants commerciaux
normaux et ne se prête pas à des abus.
Malgré ces divergences, ce que les Membres nous ont dit très clairement
durant les réunions plénières qui ont eu lieu à la fin des pourparlers
est qu'il ne faudrait pas abandonner les négociations à ce stade. De
l'avis de nos Membres, les résultats atteints jusqu'à présent sont trop
importants pour qu'on les laisse simplement de côté.
Si je dis cela, c'est parce que je demeure convaincu que le mandat de l'OMC
relatif à la suppression progressive des obstacles au commerce, associée
à des règles commerciales multilatérales, représente une contribution
essentielle au développement et à l'amélioration du bien-être collectif.
Le commerce est un outil de développement. En levant les obstacles au
commerce qui aujourd'hui pénalisent particulièrement les pays en
développement, une conclusion positive du Cycle peut doter les pays d'un
puissant instrument pour mener le combat du développement.
Permettez-moi de citer un chiffre: si le Cycle aboutit, le monde pourra
réduire de moitié le montant des droits d'importation payés
actuellement. Il y aurait des économies de l'ordre de 150 milliards de
dollars sur les droits de douane. Les pays en développement
contribueraient pour un tiers à ces économies et en bénéficieraient pour
les deux tiers. Les pays développés contribueraient pour les deux tiers
aux économies. Donc, en fin de compte, les pays en développement
bénéficieraient des deux tiers de l'accroissement de l'accès aux marchés
résultant du Cycle, et les pays développés d'un tiers. Il s'agit
véritablement d'un Cycle pour le développement.
Cet instantané de ce qui pourrait être économisé, ne nous dit rien de la
mesure dans laquelle le commerce s'accroîtrait grâce à la réduction des
obstacles. De nombreuses études ont été publiées, et leurs résultats
varient selon les hypothèses adoptées.
Cela ne nous dit pas non plus comment les gains tirés du commerce
seraient répartis dans chaque pays. Cet aspect relève de chaque
gouvernement et dépend essentiellement des politiques intérieures, qui
ne sont pas du ressort de l'OMC.
Permettez-moi de prendre un autre exemple: si le Cycle se conclut avec
succès, les subventions des États-Unis qui ont des effets de distorsion
des échanges pourraient être ramenées à 14,5 milliards de dollars.
Certes, c'est plus que ce que les États-Unis dépensent actuellement.
Mais, si ce plafond n'est pas fixé, ils pourront dépenser beaucoup plus
en subventions ayant des effets de distorsion des échanges dès que les
prix des produits alimentaires baisseront. Ils l'ont d'ailleurs fait
durant huit des dix dernières années. Il est vrai aussi que ce chiffre
reste élevé et que bon nombre d'entre vous pensent sans doute qu'il
serait de zéro. Mais laissez-moi être clair: sans le Cycle, il pourrait
atteindre 48 milliards de dollars.
Pour en revenir à l'OMC, la philosophie fondamentale partagée par tous
les Membres est que l'ouverture progressive des marchés est une bonne
chose. Mais nous savons aussi qu'elle ne suffit pas en soi pour créer et
assurer le développement. Je ne saurais trop insister sur ce point:
l'ouverture des échanges ne se traduira par de réels avantages que si
elle s'accompagne d'autres politiques permettant la flexibilité et la
sécurité de l'emploi: politique de l'éducation, politique de l'emploi,
politique de la recherche et de l'innovation, pour n'en citer que
quelques-unes.
Certaines d'entre elles doivent être menées au niveau national alors que
d'autres ne sont efficaces que si elles sont appliquées au niveau
international, grâce à l'action conjuguée des organisations
spécialisées. Et c'est là qu'intervient le débat sur le Partenariat
mondial.
Il est absolument indispensable d'assurer une cohérence entre les
diverses politiques publiques internationales, qui sont éminemment
complémentaires.
Maîtriser la mondialisation et assurer des partenariats mondiaux pour le
développement présuppose une coopération internationale équilibrée dans
tous les domaines. La meilleure politique commerciale ne peut à elle
seule promouvoir la croissance et le développement. À des politiques
macro-économiques saines doivent s'ajouter des politiques structurelles.
L'OMC est favorable à l'ouverture des échanges comme élément jouant un
rôle vital dans la croissance et le développement des Membres. Mais,
comme je l'ai dit, ce n'est qu'une partie du travail. Une économie
ouverte n'est pas la panacée face à tous les problèmes liés au
développement; cette ouverture n'est pas non plus nécessairement facile
à réaliser et, dans de nombreux cas, elle ne peut être efficace que si
elle s'inscrit dans un contexte économique, social et politique
favorable et dans le cadre d'une politique pluridimensionnelle
cohérente, y compris au niveau international.
Pour employer une expression créée par notre Organe d'appel, l'OMC ne
vit pas dans un “isolement clinique”. Les problèmes mondiaux appellent
des réponses mondiales — et l'OMC doit faire partie du processus
d'élaboration de ces réponses.
Prenons l'exemple de la crise des prix des produits alimentaires. Les
négociations à l'OMC sur les subventions à l'agriculture et l'accès aux
marchés font partie de la solution à moyen et long termes à la pénurie
alimentaire. Nous savons que nous devons augmenter la production
agricole dans les pays en développement; or, parmi les facteurs qui ont
découragé la production et les exportations de ces pays, figurent les
subventions ayant des effets de distorsion des échanges et le niveau
élevé des tarifs douaniers dans les pays riches. Le commerce peut
contribuer à améliorer le rapport entre l'offre et la demande, et ce aux
plans local, régional et mondial.
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, l'OMC entretient un
dialogue permanent avec les autres organisations internationales et
confère en fait un poids juridique aux normes qu'elles élaborent, comme
l'ont démontré en de nombreuses occasions les décisions rendues au titre
du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends.
Concrètement, des échanges quotidiens ont lieu entre les secrétariats
des organisations internationales — CNUCED, FAO, PNUE, Banque mondiale,
FMI, banques régionales de développement, Organisation mondiale des
douanes, OCDE, etc. La coopération dans l'élaboration des politiques
économiques au niveau mondial va bien au-delà des dispositifs formels et
spécifiques de l'OMC.
La recherche de solutions grâce à des partenariats mondiaux aide aussi à
renforcer encore la gouvernance mondiale, qui est nécessaire selon moi
si nous voulons que le monde dans lequel nous vivons devienne moins
violent, que ce soit au plan social, politique, économique ou
environnemental, et plus pacifique, riche et prospère. Des règles
commerciales stables et actualisées et une OMC forte, étoffée par une
conclusion positive du PDD, constitueraient un pas décisif dans ce sens.
Je sais que CUTS partage cette vision et agit, grâce à ses divers
programmes, comme interface entre la société civile, les pouvoirs
publics et les organisations internationales, et c'est pourquoi nous
sommes très heureux de voir sa présence renforcée par l'ouverture d'un
nouveau bureau à Genève.
Dans ces temps troublés, à un moment où le multilatéralisme et la coopération internationale sont contestés sur de nombreux fronts, nous avons besoin de plus d'organisations comme CUTS pour nous aider tous à établir les passerelles nécessaires.
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